Derrière les mythes du libre-échange
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Derrière les mythes du libre-échange
Mondialisation, gagnants et perdants Derrière les mythes du 0 0,2 0,4 0,6 0,8 1 1,2 1,4 Autriche Malaisie Suisse Suède Australie Thaïlande Inde Arabie saoudite 1,6 Russie 2 1,8 Taïwan Singapour Irlande Pologne Brésil Turquie Danemark Rép. tchèque Emirats arabes unis Norvège Indonésie Hongrie Finlande Afrique du Sud Portugal Philippines Israël Iran Grèce Ukraine Slovaquie Chili Argentine Vietnam Roumanie Algérie Venezuela Nigeria Nouvelle-Zélande Koweït Irak Luxembourg Slovénie Colombie Kazakhstan Pakistan Biélorussie Maroc Libye Croatie Bulgarie Pérou Tunisie Oman Lituanie Qatar Egypte Angola Bangladesh Serbie-et-Monténégro Equateur Estonie Costa Rica Bahreïn Sri Lanka Rép. dominicaine Jordanie Trinité-et-Tobago Syrie Liban Lettonie Guatemala Côte d'Ivoire Salvador Yémen Soudan Bosnie-Herzégovine Ouzbékistan Cuba Kenya Turkménistan Azerbaïdjan Ghana Botswana Guinée-Equatoriale Chypre Islande Macao (Chine) Malte Uruguay Brunei Cambodge Congo Honduras Jamaïque Birmanie Cameroun Maurice Gabon Macédoine Panamá Paraguay Namibie Sénégal Papouasie-Nouvelle-Guinée Antilles néerlandaises Zimbabwe Bolivie Swaziland Tanzanie Zambie Ethiopie Mozambique Rép. dém. du Congo 56 autres pays représentent Tchad chacun moins de 0,01 % Nicaragua Albanie du commerce mondial. Polarisation du commerce 112 3 Espagne Mexique 4 Canada Belgique Hongkong (Chine) Corée du Sud Italie Pays-Bas 25 pays sur 186 monopolisent 80% du commerce mondial Bien des dirigeants libéraux estiment que les succès économiques doivent être attribués au libreéchange, dont le non-respect expliquerait échecs et retards. C’est là un mythe qui a pris naissance au XVIIIe siècle et qui a accompagné la première comme l’actuelle phase de mondialisation… e refus du libre-échange est souvent supposé signifier repli autarcique protégeant des productions trop coûteuses. A l’inverse, les « ouvertures » au commerce international et le décollage économique de la Corée du Sud ou de la Chine sont présentés comme des applications du « libre-échange ». C’est occulter le sens des mots et des enjeux. Le libre-échange implique une compétition libre (donc entre égaux), non faussée par l’Etat. Et ce n’est pas tant l’autarcie qui lui est opposée que des échanges sous contrôle – ouvrant un débat sur ses critères. Un fort « taux d’ouverture » – pourcentage élevé d’exportations rapporté à un indicateur de production – peut être associé à un très fort interventionnisme d’Etat, comme en Corée du Sud et en Chine, dont la croissance a été « protégée »… C’est ce qu’ont choisi tous les pays aujourd’hui développés, fait occulté par les présentations dominantes de l’histoire du commerce mondial (voir p. 122). L 5 Royaume-Uni France 6 Japon Conseillée par David Ricardo, principal théoricien du « libre-échange », l’Angleterre du XIXe siècle abolit les corn laws – qui protégeaient jusqu’alors la production céréalière britannique. L’Angleterre, qui avait connu sa révolution industrielle capitaliste un siècle avant la France, menait jusque-là, comme les autres puissances commerçantes, une politique « mercantiliste ». C’est-à-dire une politique protectionniste dans le cadre d’une alliance entre Etats forts et grands marchands du commerce « au loin », appuyée sur les armées pour conquérir le « nouveau monde » et contrôler les grandes routes du commerce mondial. La révolution industrielle et l’expansion des échanges se sont réalisées – de l’Europe occidentale aux EtatsUnis et jusqu’au Japon – sur des bases protectionnistes. La thèse « libre-échangiste » fut formulée au cœur de la première puissance industrielle et colonialiste de l’époque en réponse à une crise majeure du profit. Et si elle est remise à l’ordre du jour, au tournant des années 1980, aux EtatsUnis, c’est pour les mêmes raisons. La tendance à la chute du profit fut analysée par Ricardo (avant d’être déve- Sur la Toile g Perry Anderson, Histoire et leçons du néolibéralisme (Page deux) : www.fastnet.ch/PAGE2/p2_neolib_ intro.html g Association pour la taxation des transactions financières pour l’aide aux citoyens (Attac) : www.france.attac.org/r66 g Là-bas si j’y suis, « Le chômage a une histoire » : www.la-bas.org/ article.php3?id_article=701 g Collectif Raisons d’agir : www.raisonsdagir.org/EN.htm libre-échange 8 12 % du commerce mondial en 2004 10 Etats-Unis Allemagne Chine loppée par Karl Marx) en constatant le rendement décroissant des terres. L’Angleterre sacrifia alors sa production de blé et chercha à importer des matières premières à coût plus faible, afin de restaurer ses profits… Mais la thèse du libre-échange fut présentée par ses promoteurs comme « universelle », chaque pays étant supposé y gagner en se spécialisant « librement » (sans le moindre rapport de domination...) dans les productions où il dispose d’un « avantage comparatif ». Les crédits ou investissements des pays riches devaient permettre aux pays pauvres d’acheter les biens des pays développés – le remboursement de ces dettes devant venir par l’exportation. Dès le XIXe siècle, cette thèse fut dénoncée comme hypocrite aux Etats-Unis comme en Allemagne. Ces puissances montantes rivales de l’Angleterre soulignaient que celle-ci préconisait la suppression des protections une fois sa po sition dominante acquise. Mais si les Echanges planétaires Etats-Unis, l’Allemagne ou le Japon se construisaient alors en se protégeant des premières puissances d’Europe occidentale, ils se lancèrent tous trois, comme le Royaume-Uni, dans une expansion impérialiste imposant aux pays dominés la suppression de leurs protections. Le double langage intitula « libre-échange » cette ouverture forcée des pays quand les métropoles continuaient, par un interventionnisme d’Etat, à contenir crises périodiques et explosions sociales. Les révolutions du XXe siècle dans les pays de la périphérie cherchèrent à rompre la dépendance porteuse de sousdéveloppement. La guerre froide entre systèmes facilita la décolonisation et la résistance aux dominations. Des politiques d’Etat interventionnistes subordonnèrent le commerce international à des choix autocentrés, dans le cadre de dictatures ou dans les « sociétés de consommation » – sans que, nulle part, les populations aient un réel contrôle des choix. Dans les années 1970, tous ces modèles se confrontaient aux contradictions de ce type de croissance. Les Etats-Unis, en perte d’hégémonie et face à une crise des profits, remirent à l’ordre du jour la « libre concurrence ». Derrière ce discours contrastant avec un protectionnisme musclé des grandes puissances, un tiers du commerce mondial se déroule au sein des firmes multinationales : celles-ci délocalisent leurs ateliers selon les avantages comparés de fiscalité et de coûts salariaux dans un monde Europe de l’Est sans frontièet ex-Union Asie res pour soviétique 2 388 266 elles… ● Amérique du Nord 1 324 Europe occidentale 4 031 Etats du Golfe 390 Amérique du Sud 276 Voir aussi la carte p. 120. Afrique 232 Part des échanges intragroupes dans les échanges internationaux Japon : 50 % Union européenne : 42 % Amérique du Nord : 40 % Montant total du commerce de marchandises Milliards de dollars 4 000 2 000 1 000 500 250 Flux commerciaux interrégionaux Milliards de dollars Les flux de moins de 12 milliards de dollars ne sont pas représentés. 12 50 100 300 L’épaisseur des flèches est proportionnelle aux échanges. 500 Part des échanges commerciaux réalisés... à l’intérieur de la zone vers les autres régions Sources : Statistiques du commerce international 2005, Organisation mondiale du commerce (OMC) ; Commission des Nations unies pour le commerce et le développement (Cnuced), 2005. 113