Être ami avec ce monstre de bégaiement, clé de mon rétablissement

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Être ami avec ce monstre de bégaiement, clé de mon rétablissement
1 Me faire un ami de ce monstre de bégaiement, la clé de mon rétablissement.
ÊTRE AMI AVEC CE MONSTRE DE BÉGAIEMENT,
CLÉ DE MON RÉTABLISSEMENT
Par Anna Margolina1
Traduit par Richard Parent
Bien que, selon ma mère, j’ai commencé à bégayer vers l’âge de 4 ans, le bégaiement
a toujours été présent dans ma vie, et cela aussi loin que je puisse me rappeler. Même
lorsque, après bien des années de thérapies intensives, je devenais passablement fluide ou du moins en donnais-je l’impression aux inconnus - j’ai toujours eu cette sensation
qu’il était là, caché quelque part à l’arrière de mon cerveau, prêt à bondir à tout moment.
C’était mon "monstre", cette "chose" qui, depuis toujours, dominait ma vie, se moquant
de tout. J’avais beau y mettre tous les efforts pour le combattre, je n’ai jamais cru, dans
mon for intérieur, pouvoir un jour m’en débarrasser. Je n’aurais jamais pensé qu’un jour
je m’intéresserais à ce monstre, que j’apprendrais à le connaître, à m’en faire un ami et,
finalement, à me libérer de son emprise funeste.
Puis je découvris John Harrison qui m’apprit à apprivoiser mon monstre. C’est grâce
à son livre, Redéfinir le Bégaiement, que j’ai changé mon schème de pensées et que je
repris contrôle de ma vie et de mon élocution.
PREMIÈRES EXPÉRIENCES AVEC LA THÉRAPIE DU
BÉGAIEMENT
J'ai grandi en Union Soviétique sous le règne communiste. À quoi ressemblait à cette
époque une thérapie pour le bégaiement ? C’était très intense; et parce que les soins de
santé étaient gratuits pour tous, l’argent et le temps n’avaient aucune importance. Les
ressources étaient pratiquement illimitées. Tous les ans, on me retirait de l’école régulière
pour me placer en résidence dans un complexe qui combinait école et thérapie. À la fin
de mon secondaire, j’étais persuadée d’avoir essayé tout ce qui était disponible.
Thérapie de la parole. Le point de vue accepté de tous était alors qu’on ne pouvait
guérir le bégaiement; mais on pouvait le contrôler. Alors on m’enseigna à ne pas bloquer
en faisant appel à diverses techniques de fluence, parmi lesquelles précéder chaque mot
d’une légère expiration, attacher ensemble2 tous les mots d’une phrase en émettant un son
à peine audible et à prononcer les consonnes très légèrement, avec un minimum de
tension.
1
Anna est très active sur le site neurosemanticsofstuttering de Bob Bodenhamer. Pour vous y enregistrer
http://groups.yahoo.com/group/neurosemanticsofstuttering/.
2
Avoir un flux continu, faire couler la parole (comme un fluide).
2 Me faire un ami de ce monstre de bégaiement, la clé de mon rétablissement.
Bien que les techniques étaient assez efficaces pour contrôler les blocages, elles
avaient un désavantage : elles rendaient mon élocution "différente", "non naturelle" (ou
du moins le croyais-je). Et c’était justement ce que je craignais le plus. Pas étonnant donc
qu’après un certain temps, je finissais inévitablement par retrouver ma vieille et
"naturelle" façon de parler, avec laquelle revenait le bégaiement.
Exercices respiratoires. On croyait qu’une des causes du bégaiement était une
habitude respiratoire inappropriée. Alors on m’apprit à utiliser une profonde respiration
diaphragmatique et à maintenir de plus longues séquences de parole sur une seule
respiration (en lisant de longs poèmes ou en comptant). Je peux encore en dire
passablement sans avoir besoin de refaire le plein d’air.
Entraînement à l’affirmation de soi. J'ai eu la chance, au secondaire, de trouver un
centre thérapeutique qui s’adressait, entre autres éléments, aux composantes
psychologiques du bégaiement, telles que la timidité et autres difficultés à socialiser.
Travaillant en groupes, nous simulions diverses situations sociales tout en apprenant à
nous comporter avec confiance et à défendre nos positions. On m’incita, par exemple, à
ne jamais employer l’expression « Je ne peux pas », et à dire plutôt « C’est difficile ». On
m’expliqua que "je ne peux pas" décourageait le désir d’essayer alors que "difficile"
l’inspirait. Cette formation me fut très utile en plus d’avoir accompli un travail
remarquable en favorisant ma fluence et une plus grande confiance en moi.
Acupuncture. J'ai eu une ou deux sessions pendant lesquelles on m’a installé des
aiguilles un peu partout sur la tête. Mais je ne devais remarquer aucune différence par la
suite.
Hypnose. J’ai été "guérie" par l’hypnose deux fois. La première, par un hypno
thérapeute à la fin de plusieurs semaines d’un programme thérapeutique. La deuxième
fois, par un hypnotiseur de scène. Les deux fois, je parlais avec fluence aussi longtemps
que j’étais sous hypnose; mais je revenais au bégaiement une fois ramenée à l’état
conscient. J'ai aussi eu plusieurs séances avec un thérapeute qui m’amena dans un état de
profonde relaxation tout en prononçant diverses affirmations. Je ne devais pas noter de
différence dans mon élocution suite à cela.
Psychothérapie. J'ai passé plusieurs heures à parler à un psychothérapeute qui
s’efforça de découvrir la cause cachée de mon bégaiement et à me convaincre que ce
dernier n’était pas si mal que cela et qu’il n’y avait aucune raison d’en être honteuse.
Autant que je sache, il ne se produisit rien de particulier lors de mon enfance susceptible
d’avoir déclenché le bégaiement. Tant qu’à ne pas être honteuse de celui-ci, j’aurais bien
voulu changer de rôle avec ce médecin afin qu’il puisse vivre avec le bégaiement un
certain temps. Il aurait alors eu quelque chose de mieux à me dire que de ne pas m’en
faire avec cela.
Un jour, mon père m’amena voir une sage femme du village qui versa des gouttes de
cire sur ma tête en marmonnant quelque chose dans sa barbe pendant de longues minutes.
Je me rappelle marchant lentement aux côtés de mon père, espérant secrètement être
fluide lorsque j’allais ouvrir la bouche. Mais comme le premier mot que j’ai dit
s’accompagna de lutte, cette aventure resta sans effet.
3 Me faire un ami de ce monstre de bégaiement, la clé de mon rétablissement.
Et, enfin, on me prescrivit divers médicaments, dont des antidépresseurs, des
stimulants cervicaux et des calmants. J’avais l’impression à cette époque que les
médecins ne savaient trop quoi utiliser et qu’ils essayaient n’importe quoi. Certains
médicaments m’endormaient ou me rendaient léthargique. D’autres me rendaient instable
et fiévreuse; enfin, certains amélioraient, dans une certaine mesure, mon élocution. Ce
pouvoir des substances pharmacologiques sur le cerveau humain était plutôt surprenant et
inquiétant. Il semblait qu’en dosant la bonne combinaison de concoctions
pharmacologiques, on pouvait donner naissance à n’importe lequel genre de personnalité.
À l’âge de 18 ans, je pris la décision de cesser de prendre des médicaments car j’ignorais
quel serait leur effet à long terme sur ma santé.
Chaque fois que je complétais un traitement intensif, je devenais presque fluide.
Mais, inévitablement, le bégaiement revenait dans les mois qui suivirent. Avec le temps,
mon élocution s’améliora graduellement au point de pouvoir communiquer mes idées
avec assez peu de blocages. Arrivée à l’âge adulte, je bégayais toujours; mais j’avais
appris à vivre avec.
VIEUX COMBAT, NOUVEL ESPOIR
Puis en 2001, mon mari et moi immigrons aux États-Unis. En quelque mois, mon
élocution se détériora au point de ne plus pouvoir dire quelques mots sans bégayer
sévèrement. C’est que, voyez-vous, depuis mon enfance, je croyais fermement qu’une
élocution claire et grammaticalement correcte était le signe d’une intelligence et d’une
éducation supérieures. Tel était, en tout cas, l’axiome. Mais je parlais à ce moment-là
avec un fort accent russe; j’en étais très consciente et mal à l’aise. Je savais que mon
élocution n’était pas suffisamment intelligible ni correcte et que mes interlocuteurs
comprenaient à peine ce que je disais. Mais ce qui me fatiguait le plus, c’était que mon
élocution était DIFFÉRENTE, et donc inacceptable. Cela déclencha encore plus de
blocages, rendant ainsi mon élocution encore plus difficile à comprendre, ce qui
augmenta mon niveau de stress et contribua à perpétuer le problème. Ce processus était à
ce point dommageable pour l’estime que j’avais de moi, que ma confiance en prit un
coup ainsi que mon élocution déjà fragilisée.
J’étais décidée à trouver un moyen de m’en sortir. Je commençai par subir plusieurs
sessions d’hypnose; puis j’investis de l’argent dans une thérapie publicisée de la Handle
Institute de Seattle, où on m’enseigna plusieurs exercices afin d’améliorer la
communication entre mes deux hémisphères cérébraux3. Ces deux approches ne devaient
produire que des résultats mitigés. Enfin, en 2009, surprise de découvrir qu’elle était
couverte par mon assurance, j’entrepris une thérapie. Je dois préciser que la thérapie
améliora beaucoup mon anglais et me permit de réinstaurer ma confiance jusqu’à un
certain point. Quoique j’eusse toujours l’impression de paraître peu éduquée, les gens
pouvaient au moins me comprendre. En ce qui a trait à mon bégaiement, l’amélioration
fut modeste car mon orthophoniste se limitait aux techniques de fluence, et j’en avais
déjà eu bien assez.
3
Les hémisphères cérébraux ont fait l’objet d’une certaine littérature et de recherches relativement au
bégaiement. John en glisse d’ailleurs un mot dans sa préface. R.P.
4 Me faire un ami de ce monstre de bégaiement, la clé de mon rétablissement.
Lorsque je trouvai l’information sur le livre de John Harrison, Redéfinir le
Bégaiement4, je ne savais plus vers quoi me tourner - à moins d’être disposée à tenter un
de ces traitements de charlatans circulant sur Internet (souvent côte à côte avec ces
publicités sur les appareils et les pilules pour accroître la virilité). J’étais prête à laisser
tomber.
Comme vous vous l’imaginez sans doute, ayant atteint un tel degré de désespoir et
d’impuissance, le livre de John eut l’effet combiné d’un tremblement de terre et d’un
ouragan – mon monde en fut ébranlé et mon cerveau s’envola. Tout ce que je savais et
croyais sur le bégaiement me paraissait maintenant inadéquat, faux.
J'ai aussi réalisé que, pendant tout ce temps, j’avais tenté de résoudre le mauvais
problème.
L’HEXAGONE DU BÉGAIEMENT
Toute ma vie, j’avais combattu "mon bégaiement" - cette "chose" qui, depuis mon
enfance, était pour moi un véritable fardeau et qui pourtant faisait autant partie de moi
que mon nez sur mon visage. C’était une de mes caractéristiques personnelles, une partie
de l’image que je me faisais de moi, ce monstre qui faisait peur. Mais selon John
Harrison, le bégaiement pouvait être éliminé, éradiqué ou, comme il le dit, "dissout". Son
exemple personnel en est la meilleure preuve. Être vraiment libérée du bégaiement ? Il y
avait bien longtemps que j’avais enterré ce rêve. Mais le raisonnement de John faisait
tellement de sens que je commençai à me demander si je ne devais pas ressusciter mes
espoirs.
L’aspect le plus important que John avance dans son livre c’est que le bégaiement
n’est pas un phénomène pathologique solide et unidimensionnel – car il s’agit d’un
système, et on doit s’y adresser comme tel.
John explique que le comportement de blocage (ces composantes physiques du
bégaiement telles que le resserrement des cordes vocales ou l’accolement des dents)
apparaît suite aux influences entremêlées de nos croyances, nos perceptions, nos
émotions, nos intentions et nos réactions physiologiques (comme notre susceptibilité au
stress, notre excitation nerveuse, etc.). Ces six composantes – Actions Physiques5,
Croyances, Perceptions, Intentions, Émotions et Réactions Physiologiques – peuvent être
représentées sous la forme d’un Hexagone du Bégaiement dans lequel toutes ces
composantes interagissent de manière dynamique tout en se renforçant les unes les autres.
Il s’agissait d’un point de vue tout à fait révolutionnaire. Plutôt que de combattre le
bégaiement comme un simple phénomène unitaire, solide comme le roc, John suggérait
de démanteler le système du bégaiement, composante par composante. Autre idée
4
La version PDF (édition de décembre 2009), se trouve sur le site suivant :
http://www.mnsu.edu/comdis/kuster/Infostuttering/Harrison/redefiniriebegaimernt.pdf
5
Ce que John désigne "Behavior" (traduit par "actions physiques" après une discussion entre nous).
5 Me faire un ami de ce monstre de bégaiement, la clé de mon rétablissement.
révolutionnaire : le bégaiement comme tel n’était qu’une partie d’un problème plus vaste
de communication en relation avec les autres et avec mon environnement immédiat.
En un certain sens, je fus instantanément guérie du bégaiement, avant même d’avoir
appliqué les principes de John. Il en était ainsi parce que le problème que je devais
"dissoudre" n’était plus ce même bégaiement avec lequel j’avais tant composé
auparavant.
Bien que je le considérais toujours comme "mon monstre", je pouvais maintenant
voir qu’il se composait de divers sous-problèmes qu’on pouvait très bien gérer et pour
lesquels les solutions existaient déjà.
Bien sûr, dans la réalité, les choses n’étaient pas aussi simples qu’elles le
paraissaient. Mon bégaiement ayant pris racine très tôt dans mon enfance, ce désordre
emmêlé d’habitudes sociales contre-productives (évitement de situations d’élocution), de
peurs (peur des personnes en autorité, peur de parler au téléphone, peur de parler en
public), de croyances limitatives (« Tout le monde pense que je suis stupide », « Mon
élocution est tellement déplaisante à entendre » etc.) et nos intentions opposées (parler ou
ne pas parler ?), sans parler de cette sensibilité émotive à fleur de peau, tout cela était
devenu tellement difficile à démêler pour une personne de plus de quarante ans.
MON CHEMINEMENT VERS LA SORTIE DU BÉGAIEMENT
Franchement, je ne sais vraiment pas comment j’y serais arrivée toute seule. Un
jour, succombant à une impulsion insensée, j’envoyai un courriel à John pour lui
exprimer ma profonde admiration pour son livre. Puis s’en suivit une conversation. À un
moment donné, il accepta d’être mon entraineur personnel sur Skype. Je n’avais aucune
attente. J’étais indifférente à savoir s’il pouvait ou non me "guérir". Je me sentais comme
cet explorateur qui met les voiles à la recherche d’un continent inconnu, disposé à
accepter ce qui se présentera à lui, même s’il trouve quelque chose de très différent de ce
à quoi il s’attendait.
Après m’être engagé avec un guide si expérimenté, je commençai mon exploration
personnelle. Je suis devenue membre d’un Club Toastmasters et je mis en pratique ces
techniques pour s’exprimer avec succès que John présente à la fin de la version française
de son livre6.
Je recommande très chaudement à quiconque entreprend de dissoudre son système
de bégaiement de trouver un endroit comme les Toastmasters afin de pratiquer les
techniques de John pour parler en public. Mon premier discours comportait de longues
pauses et un débit très lent. Lors de mon second discours, j’utilisai de larges gestes tout
en maintenant le contact visuel. Puis pour mon troisième discours, je m’employai à parler
d’une voix plus forte tout en variant l’intonation.
6
On retrouve ces techniques à partir de la page 383 de Redéfinir le Bégaiement (édition décembre 2009).
6 Me faire un ami de ce monstre de bégaiement, la clé de mon rétablissement.
S’il m’arrivait de rencontrer un blocage pendant ma présentation, j’évitais de forcer
la cadence pour en sortir rapidement (comme j’avais pris l’habitude de le faire). Je le
prolongeais intentionnellement, manière de dire à mon bégaiement : « Voyons voir, mon
ami, lequel de nous deux va abandonner le premier ». Cette technique, appelée
"bégaiement volontaire"7, produit un effet surprenant en libérant la tension et, plus
important encore, en permettant une libération émotive. Après toute une vie à vouloir
désespérément "me confondre à la masse" et être « acceptée », je m’accordais enfin cette
permission sans réserve de pouvoir être différente. Mon Dieu, quelle délivrance !
Les blocages sans issue furent les premiers à disparaitre. Il s’agissait d’une victoire
significative pour moi car ces épisodes de lutte silencieuse étaient les plus pénibles,
puisque je ne pouvais aucunement les contrôler et qu’elles s’accompagnaient de bizarres
contorsions faciales. Je crois bien que j’aurais abandonné les Toastmasters après une ou
deux présentations orales si j’avais continué à exhiber ce genre d’action physique car je
ne pouvais plus subir une telle humiliation.
Grâce au bégaiement volontaire et à une attitude générale de véritable intérêt pour le
phénomène du bégaiement, j’ai repris le contrôle sur mon élocution et réduit la durée et la
sévérité de mes blocages à un niveau me permettant de les gérer. En quatre mois, je
prononçai quatre discours et assumai plusieurs rôles lors des soirées. Non seulement
avais-je été capable de me tenir debout et de parler devant les membres du club; j’ai aussi
remporté certaines distinctions, parmi lesquelles trois Meilleure Oratrice, deux Meilleure
Meneuse des Improvisations et une Meilleure Évaluatrice.
Auparavant, je n’aurais rien pu faire de cela. Chaque discours et chaque rôle me
rendait plus à l’aise et je devenais de plus en plus fluide. Je suis devenue membre de la
National Stuttering Association et je commençai à participer aux réunions d’entraide.
Plutôt que de leur envoyer des courriels, je pris l’habitude de toujours appeler les gens au
téléphone. Je profitais également de chaque occasion pour initier une conversation sur la
rue ou dans les boutiques.
S’il m’arrivait d’avoir des situations d’élocution moins réussies, j’en discutais avec
John et, ensemble, on explorait où et comment mes intentions, mes croyances et mes
habitudes entraient en conflit avec mes réactions émotionnelles et physiologiques.
Mais le plus important, c’est que je cessai d’être frustrée par mes revers. Je cessai
d’avoir peur. En fait, je devins à ce point fascinée par mon monstre que je décidai de
m’en faire un ami. Depuis ce moment, toutes les actions que j’ai entreprises afin de
favoriser mon rétablissement l’ont été non seulement dans le but de vaincre le
bégaiement, mais aussi avec un réel intérêt scientifique et une véritable curiosité.
Mais ce qui fut peut-être le plus étonnant, c’est que, pour la première fois, la thérapie
que je venais d’entreprendre n’était ni ennuyeuse ni frustrante. En vérité, elle était même
source de plaisir.
7
Une des plus importantes, à mon avis. R.P.
7 Me faire un ami de ce monstre de bégaiement, la clé de mon rétablissement.
PNL 8 – LA TOUCHE FINALE
J’augmentais graduellement, au cours d’une conversation, mon niveau de contrôle et
de connexion avec le moment présent; j’appris à vivre mes émotions plutôt qu’à les
bloquer. Je développais aussi ma capacité à les déceler lorsque mes intentions étaient
divisées. J’ai lu la grande majorité des bouquins de la liste de références de John9 en plus
d’en ajouter quelques autres de mon propre cru afin d’approfondir ma connaissance des
règles et des mécanismes de la conversation humaine dont j’étais si ignorante.
Avec l’accroissement de mes connaissances et de mon expérience, ma fluence
s’améliorait. Je commençais aussi à me sentir de plus en plus en contrôle de mon
élocution. Je sentais pourtant qu’il y avait encore autre chose qui se cachait derrière mes
blocages. C’était quelque chose que je ne pouvais identifier avec précision, mais qui
s’accompagnait d’une sensation d’impuissance, de peur et d’infériorité, comme si je
régressais soudainement à un niveau inférieur de compétence. À ces moments-là, et sans
même savoir pourquoi, je me sentais petite et dépourvue de volonté. Dans ces momentslà, je perdais le goût de m’exprimer ou de connecter avec les autres. Je voulais me retirer
et me cacher.
La réponse vint avec le livre de Bob Bodenhamer, Mastering Blocking and
Stuttering. Grâce à ce livre, je fis une saisissante découverte. Il semblait que mon système
de croyances, système selon lequel je m’évaluais ainsi que mes relations avec les autres,
avait été édifié selon des hypothèses et des spéculations logiques émanant d’un enfant –
un moi beaucoup plus jeune, une fillette entre quatre et huit ans10.
Voilà pourquoi je me sentais si petite. Voilà pourquoi je me sentais si inférieure aux
autres "adultes". Et c’est la raison pour laquelle j’avais tant besoin de me confondre avec
la masse, d’être acceptée et approuvée.
C’était pour moi une véritable révélation.
Heureusement pour moi, il existait un outil à ma disposition pour régler ce problème.
Cette technique, c’est la Programmation Neurolinguistique, ou PNL, et on l’a utilisée
avec succès pour traiter toute une variété de conditions.
La PNL fournit aux individus la capacité de revisiter leur passé afin de le réévaluer
selon une perspective différente. Ce changement de perspective (désigné restructuration)
est ce qui aide l’individu à arriver à des conclusions différentes. C’est tout spécialement
utile lorsqu’on l’applique à une situation remontant à l’enfance, car on peut alors faire
intervenir notre cerveau d’adulte, nos connaissances d’adulte et notre expérience de vie
afin de redresser la logique défectueuse d’un enfant.
8
Programmation neurolinguistique.
9
Voir, à ce sujet, Quelques livres que vous trouverez utiles, page (à venir).
Cela n’est pas sans me rappeler quelque chose de similaire décrit par Linda Rounds, dans son article, Du
bégaiement vers la stabilité, à partir de la page 292 de Redéfinir le Bégaiement (édition décembre 2009).
R.P.
10
8 Me faire un ami de ce monstre de bégaiement, la clé de mon rétablissement.
Bob Bodenhamer fut le premier praticien à utiliser la PNL pour le bégaiement et il
semble qu’il ait été critiqué pour avoir fait cela.
Je savais que la PNL était ce dont j’avais besoin pour équilibrer mon Hexagone du
Bégaiement. Je contactai donc Bob et, pour mon plus grand plaisir, il accepta de travailler
avec moi. C’était la touche finale. Au bout de 5 ou 6 séances, on avait revisité mon
enfance, passé en revue la fondation de mon système de croyances et remplacé la
structure défectueuse (restructuré) par une plus saine et plus appropriée.
Voici mon père, passant des remarques méprisantes sur ma parole trop
empressée et inarticulée d’un enfant facilement excitable et précisant que si je
continuais à parler ainsi (claquant des dents comme un jeune singe) personne ne
m’écouterait. Selon mon cerveau d’enfant – IL ME REJETAIT.
Me voici, en train d’essayer désespérément de raconter une histoire à un groupe
d’enfants sans pouvoir y parvenir. QUELQUE CHOSE EST INADAPTÉ AVEC MA
FAÇON DE PARLER – QUELQUE CHOSE EST DÉFECTUEUX EN MOI.
Puis arrive la brute de l’école qui me retire d’un groupe d’enfants pour me faire
la vie dure. J’en déduis qu’il doit y avoir quelque chose de DIFFÉRENT ET
D’INADAPTÉ avec moi. JE DOIS M’HARMONISER AVEC LES AUTRES.
Puis je pris mes distances d’avec cette image de mon passé qui se dissipait pour
redevenir adulte. Je pose alors, avec mes yeux d’adultes, un regard sur ce monde
troublé d’une petite fille. Je constate maintenant que mon père, au lieu de me rejeter,
essayait de raffiner mon élocution. Je peux identifier plusieurs raisons pour lesquelles
j’échouais à raconter une histoire. Peut-être était-ce parce que je parlais trop vite.
Peut-être était-ce parce que j’utilisais de longs mots. Ou peut-être était-ce parce que
mon goût pour les histoires n’était pas le même que celui des autres enfants.
Je réalise maintenant qu’il n’est ni mal ni mauvais d’être différente; en fait, c’est
même souvent une bonne chose. Et je sais que, bégaiement ou pas, on n’a pas à se
sentir inférieure. J’ai changé. J'ai grandie. Je suis maintenant forte et compétente. Je
suis une adulte.
Je tiens à me faire bien comprendre. La PNL ne fait pas dans le blâme; je ne tiens ni
mon père ni personne d’autre responsable de mes problèmes. Il faisait de son mieux.
Aucun des épisodes que nous avons revisités et restructurés n’a pu, en soi ou en groupe,
causer le bégaiement. Mais ils avaient contribué à créer un certain paysage, un
environnement dans lequel ce monstre de bégaiement se sentait chez lui. La PNL me
permit de changer mon paysage mental dans un court laps de temps, m’épargnant ainsi
plusieurs mois, sinon des années d’efforts.
REMARQUES FINALES
Maintenant, étant donné que je m’exprime avec fluidité presque tout le temps, on me
demande souvent ce que j’ai fait pour atteindre, si rapidement, un tel niveau de fluence.
9 Me faire un ami de ce monstre de bégaiement, la clé de mon rétablissement.
Est-ce le bégaiement volontaire ? Est-ce ma volonté à m’immiscer dans des situations
d’élocution stressantes ? Ou peut-être est-ce la PNL qui fut le déclencheur ?
J’aimerais bien vous donner une réponse courte et satisfaisante. Mais les choses ne
sont pas aussi simples.
Vous vous rappelez lorsque vous avez appris à conduire une auto ? Au début, vous
aviez tendance à appuyer sur le frein trop souvent de telle sorte que la voiture alternait de
vitesse à ralenti. Qu’est-ce qui vous permit de devenir un conducteur "fluide" et confiant?
Il était certes important d’avoir le courage de s’aventurer sur une route et de
pratiquer autant que possible; mais il était encore plus important de connaître et de
comprendre les règles de Comment Ça Fonctionne.
À défaut de savoir ce qui rendait la voiture (ou votre parole) si disfluide, vous auriez
pu attribuer vos problèmes à un défaut de manufacture, ou à votre incapacité génétique à
conduire, et vous n’avez peut-être jamais revisité votre stratégie fautive à trop utiliser les
freins. Mais lorsque vous savez comment ça fonctionne, si vous comprenez ce que font
les bons conducteurs (et orateurs) pour être compétents – et que vous pouvez identifier la
cause de vos problèmes – alors vous saurez quoi faire et où aller et vous continuerez à
vous améliorer jusqu’à l’atteinte de la réussite.
Pour moi, le point tournant dans mon combat de toute une vie contre mon monstre
fut la lecture du livre de John. Après cette lecture, mon paradigme se modifia et je
considérais maintenant mon bégaiement sous une toute nouvelle perspective. Le reste
n’était que purement technique.
 J’utilisais le bégaiement volontaire pour faire échec à mon habitude de forcer ma
sortie d’un blocage, sachant pertinemment que de forcer physiquement pour
prononcer les mots ne faisait qu’augmenter les blocages.
 Je suis devenue intrépide et aventureuse en repoussant les limites de ma zone de
confort car je réalisais que d’éviter de parler, de fuir les occasions de parler ne
faisaient qu’accroître la peur.
 J’ai demandé à John de me guider dans mon cheminement car j’avais confiance
en ses connaissance et son expérience, m’évitant ainsi de perdre du temps en
cherchant ma direction à l’aveuglette.
 Je fis appel à la PNL pour modifier mon système de croyances car je savais à
quel point des croyances fautives contribuaient au comportement de blocage.
Aucun de ces éléments n’a constitué le laissez-passer en or vers la sortie du
bégaiement. D’autres personnes utiliseront des sentiers différents pour arriver à la même
destination. Mais ce qu’on doit bien comprendre, c’est que bien que ce cheminement ne
puisse se faire rapidement et qu’il exige pas mal de travail et d’efforts, vous réussirez en
autant que vous savez comment fonctionne l’Hexagone du Bégaiement.
Une fois acquises ces connaissances et cette compréhension, la liberté de parole et la
fluidité qui l’accompagne ne seront plus un rêve hors de portée. Il sera bien réel. Il est là.
Et il est à votre portée.
10 Me faire un ami de ce monstre de bégaiement, la clé de mon rétablissement.
Traduction de Befriending my stuttering monster was the key to recovery, par Anna Margolina,
du livre de John C. Harrison, Redefining Stuttering, What the struggle to speak is really all about;
troisième édition révisée, pages 562 à 570; traduit par Richard Parent, avril 2010.
La version française (édition décembre 2009) en PDF, de Redéfinir le Bégaiement, se trouve sur
le site suivant :
http://www.mnsu.edu/comdis/kuster/Infostuttering/Harrison/redefiniriebegaimernt.pdf
Si vous désirez télécharger la version anglaise complète du livre de John, en voici l’adresse :
www.mnsu.edu/comdis/kuster/Infostuttering/Harrison/redefining.html
La majorité des versions françaises des textes de John traduits jusqu’à présent sont disponibles,
sur le site suivant : http://www.mnsu.edu/comdis/kuster/whatsnew09.html (et voir What’s new
from 2008, 2009 et 2010 - http://www.mnsu.edu/comdis/kuster/whatsnew10.html )
Pour communiquer avec John ou Richard :
John : [email protected]
Richard : [email protected]