Être ami avec ce monstre de bégaiement, clé de mon rétablissement
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Être ami avec ce monstre de bégaiement, clé de mon rétablissement
1 Me faire un ami de ce monstre de bégaiement, la clé de mon rétablissement. ÊTRE AMI AVEC CE MONSTRE DE BÉGAIEMENT, CLÉ DE MON RÉTABLISSEMENT Par Anna Margolina1 Traduit par Richard Parent Bien que, selon ma mère, j’ai commencé à bégayer vers l’âge de 4 ans, le bégaiement a toujours été présent dans ma vie, et cela aussi loin que je puisse me rappeler. Même lorsque, après bien des années de thérapies intensives, je devenais passablement fluide ou du moins en donnais-je l’impression aux inconnus - j’ai toujours eu cette sensation qu’il était là, caché quelque part à l’arrière de mon cerveau, prêt à bondir à tout moment. C’était mon "monstre", cette "chose" qui, depuis toujours, dominait ma vie, se moquant de tout. J’avais beau y mettre tous les efforts pour le combattre, je n’ai jamais cru, dans mon for intérieur, pouvoir un jour m’en débarrasser. Je n’aurais jamais pensé qu’un jour je m’intéresserais à ce monstre, que j’apprendrais à le connaître, à m’en faire un ami et, finalement, à me libérer de son emprise funeste. Puis je découvris John Harrison qui m’apprit à apprivoiser mon monstre. C’est grâce à son livre, Redéfinir le Bégaiement, que j’ai changé mon schème de pensées et que je repris contrôle de ma vie et de mon élocution. PREMIÈRES EXPÉRIENCES AVEC LA THÉRAPIE DU BÉGAIEMENT J'ai grandi en Union Soviétique sous le règne communiste. À quoi ressemblait à cette époque une thérapie pour le bégaiement ? C’était très intense; et parce que les soins de santé étaient gratuits pour tous, l’argent et le temps n’avaient aucune importance. Les ressources étaient pratiquement illimitées. Tous les ans, on me retirait de l’école régulière pour me placer en résidence dans un complexe qui combinait école et thérapie. À la fin de mon secondaire, j’étais persuadée d’avoir essayé tout ce qui était disponible. Thérapie de la parole. Le point de vue accepté de tous était alors qu’on ne pouvait guérir le bégaiement; mais on pouvait le contrôler. Alors on m’enseigna à ne pas bloquer en faisant appel à diverses techniques de fluence, parmi lesquelles précéder chaque mot d’une légère expiration, attacher ensemble2 tous les mots d’une phrase en émettant un son à peine audible et à prononcer les consonnes très légèrement, avec un minimum de tension. 1 Anna est très active sur le site neurosemanticsofstuttering de Bob Bodenhamer. Pour vous y enregistrer http://groups.yahoo.com/group/neurosemanticsofstuttering/. 2 Avoir un flux continu, faire couler la parole (comme un fluide). 2 Me faire un ami de ce monstre de bégaiement, la clé de mon rétablissement. Bien que les techniques étaient assez efficaces pour contrôler les blocages, elles avaient un désavantage : elles rendaient mon élocution "différente", "non naturelle" (ou du moins le croyais-je). Et c’était justement ce que je craignais le plus. Pas étonnant donc qu’après un certain temps, je finissais inévitablement par retrouver ma vieille et "naturelle" façon de parler, avec laquelle revenait le bégaiement. Exercices respiratoires. On croyait qu’une des causes du bégaiement était une habitude respiratoire inappropriée. Alors on m’apprit à utiliser une profonde respiration diaphragmatique et à maintenir de plus longues séquences de parole sur une seule respiration (en lisant de longs poèmes ou en comptant). Je peux encore en dire passablement sans avoir besoin de refaire le plein d’air. Entraînement à l’affirmation de soi. J'ai eu la chance, au secondaire, de trouver un centre thérapeutique qui s’adressait, entre autres éléments, aux composantes psychologiques du bégaiement, telles que la timidité et autres difficultés à socialiser. Travaillant en groupes, nous simulions diverses situations sociales tout en apprenant à nous comporter avec confiance et à défendre nos positions. On m’incita, par exemple, à ne jamais employer l’expression « Je ne peux pas », et à dire plutôt « C’est difficile ». On m’expliqua que "je ne peux pas" décourageait le désir d’essayer alors que "difficile" l’inspirait. Cette formation me fut très utile en plus d’avoir accompli un travail remarquable en favorisant ma fluence et une plus grande confiance en moi. Acupuncture. J'ai eu une ou deux sessions pendant lesquelles on m’a installé des aiguilles un peu partout sur la tête. Mais je ne devais remarquer aucune différence par la suite. Hypnose. J’ai été "guérie" par l’hypnose deux fois. La première, par un hypno thérapeute à la fin de plusieurs semaines d’un programme thérapeutique. La deuxième fois, par un hypnotiseur de scène. Les deux fois, je parlais avec fluence aussi longtemps que j’étais sous hypnose; mais je revenais au bégaiement une fois ramenée à l’état conscient. J'ai aussi eu plusieurs séances avec un thérapeute qui m’amena dans un état de profonde relaxation tout en prononçant diverses affirmations. Je ne devais pas noter de différence dans mon élocution suite à cela. Psychothérapie. J'ai passé plusieurs heures à parler à un psychothérapeute qui s’efforça de découvrir la cause cachée de mon bégaiement et à me convaincre que ce dernier n’était pas si mal que cela et qu’il n’y avait aucune raison d’en être honteuse. Autant que je sache, il ne se produisit rien de particulier lors de mon enfance susceptible d’avoir déclenché le bégaiement. Tant qu’à ne pas être honteuse de celui-ci, j’aurais bien voulu changer de rôle avec ce médecin afin qu’il puisse vivre avec le bégaiement un certain temps. Il aurait alors eu quelque chose de mieux à me dire que de ne pas m’en faire avec cela. Un jour, mon père m’amena voir une sage femme du village qui versa des gouttes de cire sur ma tête en marmonnant quelque chose dans sa barbe pendant de longues minutes. Je me rappelle marchant lentement aux côtés de mon père, espérant secrètement être fluide lorsque j’allais ouvrir la bouche. Mais comme le premier mot que j’ai dit s’accompagna de lutte, cette aventure resta sans effet. 3 Me faire un ami de ce monstre de bégaiement, la clé de mon rétablissement. Et, enfin, on me prescrivit divers médicaments, dont des antidépresseurs, des stimulants cervicaux et des calmants. J’avais l’impression à cette époque que les médecins ne savaient trop quoi utiliser et qu’ils essayaient n’importe quoi. Certains médicaments m’endormaient ou me rendaient léthargique. D’autres me rendaient instable et fiévreuse; enfin, certains amélioraient, dans une certaine mesure, mon élocution. Ce pouvoir des substances pharmacologiques sur le cerveau humain était plutôt surprenant et inquiétant. Il semblait qu’en dosant la bonne combinaison de concoctions pharmacologiques, on pouvait donner naissance à n’importe lequel genre de personnalité. À l’âge de 18 ans, je pris la décision de cesser de prendre des médicaments car j’ignorais quel serait leur effet à long terme sur ma santé. Chaque fois que je complétais un traitement intensif, je devenais presque fluide. Mais, inévitablement, le bégaiement revenait dans les mois qui suivirent. Avec le temps, mon élocution s’améliora graduellement au point de pouvoir communiquer mes idées avec assez peu de blocages. Arrivée à l’âge adulte, je bégayais toujours; mais j’avais appris à vivre avec. VIEUX COMBAT, NOUVEL ESPOIR Puis en 2001, mon mari et moi immigrons aux États-Unis. En quelque mois, mon élocution se détériora au point de ne plus pouvoir dire quelques mots sans bégayer sévèrement. C’est que, voyez-vous, depuis mon enfance, je croyais fermement qu’une élocution claire et grammaticalement correcte était le signe d’une intelligence et d’une éducation supérieures. Tel était, en tout cas, l’axiome. Mais je parlais à ce moment-là avec un fort accent russe; j’en étais très consciente et mal à l’aise. Je savais que mon élocution n’était pas suffisamment intelligible ni correcte et que mes interlocuteurs comprenaient à peine ce que je disais. Mais ce qui me fatiguait le plus, c’était que mon élocution était DIFFÉRENTE, et donc inacceptable. Cela déclencha encore plus de blocages, rendant ainsi mon élocution encore plus difficile à comprendre, ce qui augmenta mon niveau de stress et contribua à perpétuer le problème. Ce processus était à ce point dommageable pour l’estime que j’avais de moi, que ma confiance en prit un coup ainsi que mon élocution déjà fragilisée. J’étais décidée à trouver un moyen de m’en sortir. Je commençai par subir plusieurs sessions d’hypnose; puis j’investis de l’argent dans une thérapie publicisée de la Handle Institute de Seattle, où on m’enseigna plusieurs exercices afin d’améliorer la communication entre mes deux hémisphères cérébraux3. Ces deux approches ne devaient produire que des résultats mitigés. Enfin, en 2009, surprise de découvrir qu’elle était couverte par mon assurance, j’entrepris une thérapie. Je dois préciser que la thérapie améliora beaucoup mon anglais et me permit de réinstaurer ma confiance jusqu’à un certain point. Quoique j’eusse toujours l’impression de paraître peu éduquée, les gens pouvaient au moins me comprendre. En ce qui a trait à mon bégaiement, l’amélioration fut modeste car mon orthophoniste se limitait aux techniques de fluence, et j’en avais déjà eu bien assez. 3 Les hémisphères cérébraux ont fait l’objet d’une certaine littérature et de recherches relativement au bégaiement. John en glisse d’ailleurs un mot dans sa préface. R.P. 4 Me faire un ami de ce monstre de bégaiement, la clé de mon rétablissement. Lorsque je trouvai l’information sur le livre de John Harrison, Redéfinir le Bégaiement4, je ne savais plus vers quoi me tourner - à moins d’être disposée à tenter un de ces traitements de charlatans circulant sur Internet (souvent côte à côte avec ces publicités sur les appareils et les pilules pour accroître la virilité). J’étais prête à laisser tomber. Comme vous vous l’imaginez sans doute, ayant atteint un tel degré de désespoir et d’impuissance, le livre de John eut l’effet combiné d’un tremblement de terre et d’un ouragan – mon monde en fut ébranlé et mon cerveau s’envola. Tout ce que je savais et croyais sur le bégaiement me paraissait maintenant inadéquat, faux. J'ai aussi réalisé que, pendant tout ce temps, j’avais tenté de résoudre le mauvais problème. L’HEXAGONE DU BÉGAIEMENT Toute ma vie, j’avais combattu "mon bégaiement" - cette "chose" qui, depuis mon enfance, était pour moi un véritable fardeau et qui pourtant faisait autant partie de moi que mon nez sur mon visage. C’était une de mes caractéristiques personnelles, une partie de l’image que je me faisais de moi, ce monstre qui faisait peur. Mais selon John Harrison, le bégaiement pouvait être éliminé, éradiqué ou, comme il le dit, "dissout". Son exemple personnel en est la meilleure preuve. Être vraiment libérée du bégaiement ? Il y avait bien longtemps que j’avais enterré ce rêve. Mais le raisonnement de John faisait tellement de sens que je commençai à me demander si je ne devais pas ressusciter mes espoirs. L’aspect le plus important que John avance dans son livre c’est que le bégaiement n’est pas un phénomène pathologique solide et unidimensionnel – car il s’agit d’un système, et on doit s’y adresser comme tel. John explique que le comportement de blocage (ces composantes physiques du bégaiement telles que le resserrement des cordes vocales ou l’accolement des dents) apparaît suite aux influences entremêlées de nos croyances, nos perceptions, nos émotions, nos intentions et nos réactions physiologiques (comme notre susceptibilité au stress, notre excitation nerveuse, etc.). Ces six composantes – Actions Physiques5, Croyances, Perceptions, Intentions, Émotions et Réactions Physiologiques – peuvent être représentées sous la forme d’un Hexagone du Bégaiement dans lequel toutes ces composantes interagissent de manière dynamique tout en se renforçant les unes les autres. Il s’agissait d’un point de vue tout à fait révolutionnaire. Plutôt que de combattre le bégaiement comme un simple phénomène unitaire, solide comme le roc, John suggérait de démanteler le système du bégaiement, composante par composante. Autre idée 4 La version PDF (édition de décembre 2009), se trouve sur le site suivant : http://www.mnsu.edu/comdis/kuster/Infostuttering/Harrison/redefiniriebegaimernt.pdf 5 Ce que John désigne "Behavior" (traduit par "actions physiques" après une discussion entre nous). 5 Me faire un ami de ce monstre de bégaiement, la clé de mon rétablissement. révolutionnaire : le bégaiement comme tel n’était qu’une partie d’un problème plus vaste de communication en relation avec les autres et avec mon environnement immédiat. En un certain sens, je fus instantanément guérie du bégaiement, avant même d’avoir appliqué les principes de John. Il en était ainsi parce que le problème que je devais "dissoudre" n’était plus ce même bégaiement avec lequel j’avais tant composé auparavant. Bien que je le considérais toujours comme "mon monstre", je pouvais maintenant voir qu’il se composait de divers sous-problèmes qu’on pouvait très bien gérer et pour lesquels les solutions existaient déjà. Bien sûr, dans la réalité, les choses n’étaient pas aussi simples qu’elles le paraissaient. Mon bégaiement ayant pris racine très tôt dans mon enfance, ce désordre emmêlé d’habitudes sociales contre-productives (évitement de situations d’élocution), de peurs (peur des personnes en autorité, peur de parler au téléphone, peur de parler en public), de croyances limitatives (« Tout le monde pense que je suis stupide », « Mon élocution est tellement déplaisante à entendre » etc.) et nos intentions opposées (parler ou ne pas parler ?), sans parler de cette sensibilité émotive à fleur de peau, tout cela était devenu tellement difficile à démêler pour une personne de plus de quarante ans. MON CHEMINEMENT VERS LA SORTIE DU BÉGAIEMENT Franchement, je ne sais vraiment pas comment j’y serais arrivée toute seule. Un jour, succombant à une impulsion insensée, j’envoyai un courriel à John pour lui exprimer ma profonde admiration pour son livre. Puis s’en suivit une conversation. À un moment donné, il accepta d’être mon entraineur personnel sur Skype. Je n’avais aucune attente. J’étais indifférente à savoir s’il pouvait ou non me "guérir". Je me sentais comme cet explorateur qui met les voiles à la recherche d’un continent inconnu, disposé à accepter ce qui se présentera à lui, même s’il trouve quelque chose de très différent de ce à quoi il s’attendait. Après m’être engagé avec un guide si expérimenté, je commençai mon exploration personnelle. Je suis devenue membre d’un Club Toastmasters et je mis en pratique ces techniques pour s’exprimer avec succès que John présente à la fin de la version française de son livre6. Je recommande très chaudement à quiconque entreprend de dissoudre son système de bégaiement de trouver un endroit comme les Toastmasters afin de pratiquer les techniques de John pour parler en public. Mon premier discours comportait de longues pauses et un débit très lent. Lors de mon second discours, j’utilisai de larges gestes tout en maintenant le contact visuel. Puis pour mon troisième discours, je m’employai à parler d’une voix plus forte tout en variant l’intonation. 6 On retrouve ces techniques à partir de la page 383 de Redéfinir le Bégaiement (édition décembre 2009). 6 Me faire un ami de ce monstre de bégaiement, la clé de mon rétablissement. S’il m’arrivait de rencontrer un blocage pendant ma présentation, j’évitais de forcer la cadence pour en sortir rapidement (comme j’avais pris l’habitude de le faire). Je le prolongeais intentionnellement, manière de dire à mon bégaiement : « Voyons voir, mon ami, lequel de nous deux va abandonner le premier ». Cette technique, appelée "bégaiement volontaire"7, produit un effet surprenant en libérant la tension et, plus important encore, en permettant une libération émotive. Après toute une vie à vouloir désespérément "me confondre à la masse" et être « acceptée », je m’accordais enfin cette permission sans réserve de pouvoir être différente. Mon Dieu, quelle délivrance ! Les blocages sans issue furent les premiers à disparaitre. Il s’agissait d’une victoire significative pour moi car ces épisodes de lutte silencieuse étaient les plus pénibles, puisque je ne pouvais aucunement les contrôler et qu’elles s’accompagnaient de bizarres contorsions faciales. Je crois bien que j’aurais abandonné les Toastmasters après une ou deux présentations orales si j’avais continué à exhiber ce genre d’action physique car je ne pouvais plus subir une telle humiliation. Grâce au bégaiement volontaire et à une attitude générale de véritable intérêt pour le phénomène du bégaiement, j’ai repris le contrôle sur mon élocution et réduit la durée et la sévérité de mes blocages à un niveau me permettant de les gérer. En quatre mois, je prononçai quatre discours et assumai plusieurs rôles lors des soirées. Non seulement avais-je été capable de me tenir debout et de parler devant les membres du club; j’ai aussi remporté certaines distinctions, parmi lesquelles trois Meilleure Oratrice, deux Meilleure Meneuse des Improvisations et une Meilleure Évaluatrice. Auparavant, je n’aurais rien pu faire de cela. Chaque discours et chaque rôle me rendait plus à l’aise et je devenais de plus en plus fluide. Je suis devenue membre de la National Stuttering Association et je commençai à participer aux réunions d’entraide. Plutôt que de leur envoyer des courriels, je pris l’habitude de toujours appeler les gens au téléphone. Je profitais également de chaque occasion pour initier une conversation sur la rue ou dans les boutiques. S’il m’arrivait d’avoir des situations d’élocution moins réussies, j’en discutais avec John et, ensemble, on explorait où et comment mes intentions, mes croyances et mes habitudes entraient en conflit avec mes réactions émotionnelles et physiologiques. Mais le plus important, c’est que je cessai d’être frustrée par mes revers. Je cessai d’avoir peur. En fait, je devins à ce point fascinée par mon monstre que je décidai de m’en faire un ami. Depuis ce moment, toutes les actions que j’ai entreprises afin de favoriser mon rétablissement l’ont été non seulement dans le but de vaincre le bégaiement, mais aussi avec un réel intérêt scientifique et une véritable curiosité. Mais ce qui fut peut-être le plus étonnant, c’est que, pour la première fois, la thérapie que je venais d’entreprendre n’était ni ennuyeuse ni frustrante. En vérité, elle était même source de plaisir. 7 Une des plus importantes, à mon avis. R.P. 7 Me faire un ami de ce monstre de bégaiement, la clé de mon rétablissement. PNL 8 – LA TOUCHE FINALE J’augmentais graduellement, au cours d’une conversation, mon niveau de contrôle et de connexion avec le moment présent; j’appris à vivre mes émotions plutôt qu’à les bloquer. Je développais aussi ma capacité à les déceler lorsque mes intentions étaient divisées. J’ai lu la grande majorité des bouquins de la liste de références de John9 en plus d’en ajouter quelques autres de mon propre cru afin d’approfondir ma connaissance des règles et des mécanismes de la conversation humaine dont j’étais si ignorante. Avec l’accroissement de mes connaissances et de mon expérience, ma fluence s’améliorait. Je commençais aussi à me sentir de plus en plus en contrôle de mon élocution. Je sentais pourtant qu’il y avait encore autre chose qui se cachait derrière mes blocages. C’était quelque chose que je ne pouvais identifier avec précision, mais qui s’accompagnait d’une sensation d’impuissance, de peur et d’infériorité, comme si je régressais soudainement à un niveau inférieur de compétence. À ces moments-là, et sans même savoir pourquoi, je me sentais petite et dépourvue de volonté. Dans ces momentslà, je perdais le goût de m’exprimer ou de connecter avec les autres. Je voulais me retirer et me cacher. La réponse vint avec le livre de Bob Bodenhamer, Mastering Blocking and Stuttering. Grâce à ce livre, je fis une saisissante découverte. Il semblait que mon système de croyances, système selon lequel je m’évaluais ainsi que mes relations avec les autres, avait été édifié selon des hypothèses et des spéculations logiques émanant d’un enfant – un moi beaucoup plus jeune, une fillette entre quatre et huit ans10. Voilà pourquoi je me sentais si petite. Voilà pourquoi je me sentais si inférieure aux autres "adultes". Et c’est la raison pour laquelle j’avais tant besoin de me confondre avec la masse, d’être acceptée et approuvée. C’était pour moi une véritable révélation. Heureusement pour moi, il existait un outil à ma disposition pour régler ce problème. Cette technique, c’est la Programmation Neurolinguistique, ou PNL, et on l’a utilisée avec succès pour traiter toute une variété de conditions. La PNL fournit aux individus la capacité de revisiter leur passé afin de le réévaluer selon une perspective différente. Ce changement de perspective (désigné restructuration) est ce qui aide l’individu à arriver à des conclusions différentes. C’est tout spécialement utile lorsqu’on l’applique à une situation remontant à l’enfance, car on peut alors faire intervenir notre cerveau d’adulte, nos connaissances d’adulte et notre expérience de vie afin de redresser la logique défectueuse d’un enfant. 8 Programmation neurolinguistique. 9 Voir, à ce sujet, Quelques livres que vous trouverez utiles, page (à venir). Cela n’est pas sans me rappeler quelque chose de similaire décrit par Linda Rounds, dans son article, Du bégaiement vers la stabilité, à partir de la page 292 de Redéfinir le Bégaiement (édition décembre 2009). R.P. 10 8 Me faire un ami de ce monstre de bégaiement, la clé de mon rétablissement. Bob Bodenhamer fut le premier praticien à utiliser la PNL pour le bégaiement et il semble qu’il ait été critiqué pour avoir fait cela. Je savais que la PNL était ce dont j’avais besoin pour équilibrer mon Hexagone du Bégaiement. Je contactai donc Bob et, pour mon plus grand plaisir, il accepta de travailler avec moi. C’était la touche finale. Au bout de 5 ou 6 séances, on avait revisité mon enfance, passé en revue la fondation de mon système de croyances et remplacé la structure défectueuse (restructuré) par une plus saine et plus appropriée. Voici mon père, passant des remarques méprisantes sur ma parole trop empressée et inarticulée d’un enfant facilement excitable et précisant que si je continuais à parler ainsi (claquant des dents comme un jeune singe) personne ne m’écouterait. Selon mon cerveau d’enfant – IL ME REJETAIT. Me voici, en train d’essayer désespérément de raconter une histoire à un groupe d’enfants sans pouvoir y parvenir. QUELQUE CHOSE EST INADAPTÉ AVEC MA FAÇON DE PARLER – QUELQUE CHOSE EST DÉFECTUEUX EN MOI. Puis arrive la brute de l’école qui me retire d’un groupe d’enfants pour me faire la vie dure. J’en déduis qu’il doit y avoir quelque chose de DIFFÉRENT ET D’INADAPTÉ avec moi. JE DOIS M’HARMONISER AVEC LES AUTRES. Puis je pris mes distances d’avec cette image de mon passé qui se dissipait pour redevenir adulte. Je pose alors, avec mes yeux d’adultes, un regard sur ce monde troublé d’une petite fille. Je constate maintenant que mon père, au lieu de me rejeter, essayait de raffiner mon élocution. Je peux identifier plusieurs raisons pour lesquelles j’échouais à raconter une histoire. Peut-être était-ce parce que je parlais trop vite. Peut-être était-ce parce que j’utilisais de longs mots. Ou peut-être était-ce parce que mon goût pour les histoires n’était pas le même que celui des autres enfants. Je réalise maintenant qu’il n’est ni mal ni mauvais d’être différente; en fait, c’est même souvent une bonne chose. Et je sais que, bégaiement ou pas, on n’a pas à se sentir inférieure. J’ai changé. J'ai grandie. Je suis maintenant forte et compétente. Je suis une adulte. Je tiens à me faire bien comprendre. La PNL ne fait pas dans le blâme; je ne tiens ni mon père ni personne d’autre responsable de mes problèmes. Il faisait de son mieux. Aucun des épisodes que nous avons revisités et restructurés n’a pu, en soi ou en groupe, causer le bégaiement. Mais ils avaient contribué à créer un certain paysage, un environnement dans lequel ce monstre de bégaiement se sentait chez lui. La PNL me permit de changer mon paysage mental dans un court laps de temps, m’épargnant ainsi plusieurs mois, sinon des années d’efforts. REMARQUES FINALES Maintenant, étant donné que je m’exprime avec fluidité presque tout le temps, on me demande souvent ce que j’ai fait pour atteindre, si rapidement, un tel niveau de fluence. 9 Me faire un ami de ce monstre de bégaiement, la clé de mon rétablissement. Est-ce le bégaiement volontaire ? Est-ce ma volonté à m’immiscer dans des situations d’élocution stressantes ? Ou peut-être est-ce la PNL qui fut le déclencheur ? J’aimerais bien vous donner une réponse courte et satisfaisante. Mais les choses ne sont pas aussi simples. Vous vous rappelez lorsque vous avez appris à conduire une auto ? Au début, vous aviez tendance à appuyer sur le frein trop souvent de telle sorte que la voiture alternait de vitesse à ralenti. Qu’est-ce qui vous permit de devenir un conducteur "fluide" et confiant? Il était certes important d’avoir le courage de s’aventurer sur une route et de pratiquer autant que possible; mais il était encore plus important de connaître et de comprendre les règles de Comment Ça Fonctionne. À défaut de savoir ce qui rendait la voiture (ou votre parole) si disfluide, vous auriez pu attribuer vos problèmes à un défaut de manufacture, ou à votre incapacité génétique à conduire, et vous n’avez peut-être jamais revisité votre stratégie fautive à trop utiliser les freins. Mais lorsque vous savez comment ça fonctionne, si vous comprenez ce que font les bons conducteurs (et orateurs) pour être compétents – et que vous pouvez identifier la cause de vos problèmes – alors vous saurez quoi faire et où aller et vous continuerez à vous améliorer jusqu’à l’atteinte de la réussite. Pour moi, le point tournant dans mon combat de toute une vie contre mon monstre fut la lecture du livre de John. Après cette lecture, mon paradigme se modifia et je considérais maintenant mon bégaiement sous une toute nouvelle perspective. Le reste n’était que purement technique. J’utilisais le bégaiement volontaire pour faire échec à mon habitude de forcer ma sortie d’un blocage, sachant pertinemment que de forcer physiquement pour prononcer les mots ne faisait qu’augmenter les blocages. Je suis devenue intrépide et aventureuse en repoussant les limites de ma zone de confort car je réalisais que d’éviter de parler, de fuir les occasions de parler ne faisaient qu’accroître la peur. J’ai demandé à John de me guider dans mon cheminement car j’avais confiance en ses connaissance et son expérience, m’évitant ainsi de perdre du temps en cherchant ma direction à l’aveuglette. Je fis appel à la PNL pour modifier mon système de croyances car je savais à quel point des croyances fautives contribuaient au comportement de blocage. Aucun de ces éléments n’a constitué le laissez-passer en or vers la sortie du bégaiement. D’autres personnes utiliseront des sentiers différents pour arriver à la même destination. Mais ce qu’on doit bien comprendre, c’est que bien que ce cheminement ne puisse se faire rapidement et qu’il exige pas mal de travail et d’efforts, vous réussirez en autant que vous savez comment fonctionne l’Hexagone du Bégaiement. Une fois acquises ces connaissances et cette compréhension, la liberté de parole et la fluidité qui l’accompagne ne seront plus un rêve hors de portée. Il sera bien réel. Il est là. Et il est à votre portée. 10 Me faire un ami de ce monstre de bégaiement, la clé de mon rétablissement. Traduction de Befriending my stuttering monster was the key to recovery, par Anna Margolina, du livre de John C. Harrison, Redefining Stuttering, What the struggle to speak is really all about; troisième édition révisée, pages 562 à 570; traduit par Richard Parent, avril 2010. La version française (édition décembre 2009) en PDF, de Redéfinir le Bégaiement, se trouve sur le site suivant : http://www.mnsu.edu/comdis/kuster/Infostuttering/Harrison/redefiniriebegaimernt.pdf Si vous désirez télécharger la version anglaise complète du livre de John, en voici l’adresse : www.mnsu.edu/comdis/kuster/Infostuttering/Harrison/redefining.html La majorité des versions françaises des textes de John traduits jusqu’à présent sont disponibles, sur le site suivant : http://www.mnsu.edu/comdis/kuster/whatsnew09.html (et voir What’s new from 2008, 2009 et 2010 - http://www.mnsu.edu/comdis/kuster/whatsnew10.html ) Pour communiquer avec John ou Richard : John : [email protected] Richard : [email protected]