L`innovation et l`apprentissage dans les chaînes de valeur
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L`innovation et l`apprentissage dans les chaînes de valeur
6 L’innovation et l’apprentissage dans les chaînes de valeur mondiales chaîne (augmentation plus rapide des stocks, diminution des rebuts) qu’entre eux (livraisons plus fréquentes, plus réduites et plus ponctuelles). L ES CHAÎNES DE VALEUR MONDIALES, QUI REGROUPENT FONCTIONS, procédés et pays, constituent pour les entreprises et les pays un moyen d’accélérer leur développement et offrent des ouvertures que les entreprises de ces pays peuvent exploiter pour renforcer leurs capacités. Pour elles, ou pour les groupes locaux d’entreprises, l’important est de s’intégrer à des réseaux plus larges. Il faut pour cela faire preuve de discipline afin d’atteindre le niveau des normes mondiales. Cela exige également une base initiale de capacités technologiques constituées grâce à une innovation délibérée et à l’apprentissage. Mais le jeu doit en valoir la chandelle, car c’est ainsi que l’on peut avoir accès aux marchés et connaître les acteurs sur la scène économique mondiale. ● L’innovation dans les produits, qui se traduit par des produits de meilleure qualité, moins chers et plus différenciés ainsi que par un lancement plus rapide des nouveaux produits. ● L’innovation fonctionnelle, qui consiste à assumer la responsabilité de nouvelles activités à l’intérieur de la chaîne de valeur mondiale, par exemple en les élargissant de la fabrication sous traitance à la conception et à la commercialisation ou en intégrant la logistique aux activités sous-traitées. L’avantage des chaînes de valeur mondiales est que les entreprises peuvent s’y intégrer à leur niveau de compétences technologiques. Au Mexique, les fabricants d’habillement étaient intégrés verticalement au sein de réseaux de fournisseurs qui n’offraient guère de possibilités d’innovation ou de perfectionnement des compétences. Avec l’entrée en vigueur de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), cependant, des groupes d’acheteurs américains ont commencé à créer d’autres chaînes de valeur mondiales offrant aux entreprises de beaucoup plus grandes possibilités d’élargir leurs responsabilités fonctionnelles (d’un simple assemblage à la conception et à la fabrication). Tel avait également été le cas, quelques dizaines d’années plus tôt, lorsque les entreprises travaillant sous contrat pour fabriquer des articles électroniques et des vêtements, dans l’est de l’Asie, ont grimpé l’échelle des capacités pour atteindre des niveaux toujours plus élevés dans les chaînes de valeur mondiales. ● L’innovation à l’intérieur de la chaîne, consistant à passer à des chaînes nouvelles et plus rentables. C’est ainsi que les entreprises de la province chinoise de Taiwan sont passées de la fabrication de radios à transistors à celle de calculatrices, de télévisions, d’écrans d’ordinateur, d’ordinateurs portables et maintenant de téléphones WAP. Quelques entreprises s’intègrent même à plusieurs chaînes de valeur mondiales, ce qui leur offre des possibilités encore meilleures d’établir des liens avec les entreprises locales qui en font partie (encadré 6.1). Ces entreprises — et celles auxquelles elles sont liées dans les chaînes d’approvisionnement — peuvent ainsi atteindre des niveaux toujours plus élevés de performance et de qualité donnant ainsi un élan constamment renouvelé au développement collectif de l’industrie. L’intégration à une chaîne de valeur mondiale peut constituer la base de l’innovation industrielle et de l’apprentissage dont il est question au chapitre 5. Pour y parvenir, on peut suivre plusieurs voies: L’apprentissage industriel est un processus lent et ardu et ne comporte pas de raccourci ni de solution magique. Les chaînes de valeur mondiales offrent une possibilité commode de le mener à bien, mais elles ne sont en réalité qu’un point de départ pour l’effort technologique de l’entreprise. ● L’innovation dans les procédés, qui améliore l’efficience avec laquelle les intrants sont transformés en produits. Les procédés internes s’améliorent beaucoup plus que ceux des concurrents, aussi bien à l’intérieur des maillons de la 119 Encadré 6.1 Passer en tête ... des chaînes de valeur mondiales Figure 6.1 Élimination et recyclage Le groupe Ammar et Sarah, fondé en 1982, est devenu en 1988 le premier groupe pakistanais de bonneterie industrielle grâce aux rapports noués avec un acheteur mondial — et une chaîne mondiale de valeur dirigée par des producteurs — et à sa volonté de rester à la pointe des technologies de fabrication et de gestion. Sa gamme de produits comprend aujourd’hui des vêtements tricotés en coton, avec et sans Lycra, dans des finitions très diverses, pour hommes, femmes, garçonnets et fillettes. Pour Ammar et Sarah, la clef du succès a été l’utilisation des technologies assistées par ordinateur les plus avancées, qui lui ont permis d’obtenir des contrats d’acheteurs et de fabricants de réputation internationale. Ces technologies, qu’il s’agisse de lavage, de teinture, de coupe, de tricotage ou de couture, lui donnent une très grande flexibilité et lui permettent de remplir les commandes dans un délai de 45 à 75 jours (contre une saison tout entière pour les entreprises traditionnelles). Les principaux clients de l’entreprise sont tous des acheteurs au niveau mondial (Target, Arrow, Nautica, Haggar, Eddie Bauer, Vantage, Timberland, Alexander Julian Colors, Land Rover, Tommy Hilfiger, Nike et Damani Dada) ou des fabricant, d’envergure mondiale comme Levi Strauss et Sarah Lee. Quel est l’attrait d’Ammar et Sarah? L’entreprise peut exploiter de faibles coûts de main-d’œuvre et d’infrastructure (aussi longtemps que la situation durera) et peut acheter le matériel techniquement le plus avancé pour pouvoir ainsi fournir des services de fabrication souples et de haute qualité. En outre, l’esprit d’entreprise de ses fondateurs, enrichi par des études d’administration des affaires à l’Université de Harvard et au Massachusetts Institute of Technology (MIT), accélère le progrès. À la différence des entreprises existantes, l’entreprise n’a pas à traîner le boulet de technologies et pratiques héritées d’époques révolues. Les perspectives pour Ammar et Sarah — entreprise qui est disposée à s’intégrer à d’autres chaînes internationales de valeur, à investir dans le matériel plus moderne et à être compétitive sur le plan de la qualité et de la rapidité du service plutôt que du coût — sont extrêmement prometteuses. Source: Brochure commerciale d’Ammar et Sarah (2000). Les maillons de la chaîne L’image de la chaîne de valeur mondiale reflète les liens qui existent entre les entreprises situées dans différentes régions du monde (figure 6.1). Ces entreprises réalisent une série d’activités successives et interdépendantes pour mener à terme l’idée d’un produit ou d’un service, des différentes phases de la production jusqu’à sa fourniture à l’utilisateur final et à son élimination après utilisation. Cette image est maintenant accompagnée par celle des réseaux de valeur d’entreprises spécialisées, qui se présentent comme des rayons d’une roue plutôt que comme les maillons d’une chaîne. 120 Rapport sur le développement industriel 2002/2003 Chaîne de valeur simple Commercialisation et ventes Fabrication Conception et mise au point des produits Source: ONUDI. Les chaînes de valeur mondiales ne sont pas seulement une masse amorphe d’entreprises complémentaires, mais plutôt une série structurée de réseaux interdépendants d’entreprises reliées les unes aux autres par des interactions et des relations multiples, c’est-à-dire un réseau mondial de relations interentreprises. L’aspect intéressant, en l’occurrence, n’est pas seulement les entreprises, mais aussi l’évolution constante des liens et des rapports contractuels entre elles. Les entreprises élargissent leurs gammes de produits et s’étendent au plan international en nouant des liens nouveaux avec les entreprises qui opèrent déjà sur les marchés mondiaux, qui sont dominés par toute une toile de chaînes de valeur englobant recherche-développement, production, logistique, commercialisation et échanges, tous les liens étant noués entre entreprises plutôt qu’entre pays. La chaîne de valeur mondiale est intéressante à deux égards: du point de vue de l’innovation et de l’apprentissage. Premièrement, la création de valeur n’est pas limitée à la production: les produits sont lancés sur le marché au moyen d’une combinaison d’activités, de sorte que l’innovation peut consister à améliorer les capacités de fabrication, à mettre en place des capacités nouvelles dans d’autres domaines (conception et commercialisation), à diversifier la clientèle et les débouchés, à développer les capacités de lancer de nouveaux produits sur le marché ou à imiter rapidement et avec succès les innovateurs les plus performants. En second lieu, il y a plus d’échanges internationaux entre entreprises indépendantes appartenant à des réseaux ou entre entreprises tout à fait indépendantes ou départements d’une seule et même entreprise. Les sociétés qui occupent les deux premiers rangs dans l’échelle de valeur mondiale jouent un rôle majeur dans l’organisation du commerce international: elles vont des fabricants transnationaux qui Figure 6.2 Encadré 6.2 Liens entre les fabricants locaux et les acheteurs mondiaux À la fin des années 80, le groupe d’industries de la chaussure de la Vallée de Sinos, dans le sud du Brésil, était constitué surtout de petites entreprises qui produisaient pour le marché intérieur. Avec l’arrivée d’acheteurs américains et sous l’effet de stimulation des initiatives locales et des incitations à l’exportation offertes par le Gouvernement brésilien, les caractéristiques du groupe ont commencé à changer. Les acheteurs cherchaient des produits standard en grande quantité et encourageaient les entreprises locales à s’agrandir rapidement. Ils aidaient également les fournisseurs à améliorer leurs normes et la qualité de leurs produits, tout en atténuant les risques considérables que suppose la pénétration des marchés d’exportation. Les acheteurs ont réalisé des études de marché, établi des modèles, défini des spécifications des produits, aidé à choisir les technologies et à organiser la production, inspecter la qualité sur place et établi des arrangements de transport et de paiement. Client mondial Gros détaillant disposant de multiples points de vente Avantages et inconvénients de l’intégration à une chaîne de valeur mondiale Petit détaillant Acheteur (y compris acheteurs spécialisés et sociétés transnationales) Les entreprises de la Vallée de Sinos s’occupent principalement de fabriquer et d’organiser leurs propres chaînes locales d’approvisionnement, tandis que les acheteurs étaient responsables de la définition des produits (et par conséquent de l’information sur les marchés), ainsi que de la logistique, ce qui a, d’un côté, considérablement réduit les investissements et les risques que représente l’implantation sur les marchés d’exportation mais a également confiné les entreprises de la Vallée dans une gamme assez étroite d’activités. Ayant acquis une grande compétence dans ces domaines, elles ont vu leurs exportations augmenter rapidement pendant les années 70 et 80, mais elles sont devenues tributaires des acheteurs, ce qui est apparu clairement lorsque des fabricants chinois ont, au début des années 90, lancé sur le marché américain des articles moins chers que les produits brésiliens. Frontière nationale Acheteur et agent d’exportation Clients locaux Gros fabricants ou fabricants à usines multiples Petits fabricants Petits fabricants Tel est l’un des dangers inhérents aux chaînes de valeur mondiales. Les acheteurs mondiaux recherchent activement de nouvelles sources d’approvisionnement et, pour les fournisseurs existants, il existe toujours la menace d’être remplacés. En fait, ce sont certains des mêmes acheteurs américains qui ont aidé les entreprises chinoises à renforcer leurs capacités d’exportation, de sorte que les fabricants brésiliens ont vu les prix de leurs produits baisser nettement en Amérique du Nord. Cependant, on réorganisant leur production et leurs chaînes locales d’approvisionnement, elles ont amélioré la qualité, réduit le volume des lots et accru la rapidité de la fabrication. En fait, les acheteurs les ont aidées à adopter de nouvelles modalités de production. Groupe local Source: Kaplinsky et Readman (2000). achètent leurs intrants à des fournisseurs de différentes régions du monde aux chaînes de détaillants qui ne fabriquent pas mais qui organisent la production dans différentes localités du globe. L’élan qui pousse à la création de ces chaînes de valeur mondiales provient des entreprises, acheteurs ou fabricants, des pays avancés. Mais c’est la nouvelle entreprise du pays en développement qui doit décider de s’intégrer à ces chaînes de valeur mondiales ou réseaux (figure 6.2). Les liens ne sont pas seulement entre entreprises. Selon les besoins spécifiques d’une entreprise, celle-ci pourra avoir intérêt à établir des Néanmoins, les progrès accomplis dans le domaine de la fabrication ne sont pas allés de pair avec une amélioration de la commercialisation, malgré les efforts déployés dans ce sens par les entreprises. Les fabricants ont élaboré une stratégie collective afin de rehausser l’image des produits brésiliens sur les marchés mondiaux de la chaussure, ont renforcé leurs capacités de design et ont exposé dans un grand nombre des principales foires commerciales mondiales. Mais la stratégie proposée n’a pas été mise en pratique, essentiellement parce qu’un petit nombre d’exportateurs très influents ne l’ont pas appuyée, craignant que se lancer dans le design et la commercialisation ne compromette leurs relations avec leurs principaux acheteurs étrangers, qui absorbaient plus de 80 % de leur production et près de 40 % de celle du groupe dans son ensemble. Source: Schmitz (1995, 1999b). relations avec des universités ou des institutions sans rapport avec le marché. Les liens peuvent également être verticaux (en amont avec des fournisseurs ou en aval avec des clients) ou horizontaux (au sein de consortiums). L’innovation et l’apprentissage dans les chaînes de valeur mondiales 121 Les principaux éléments à prendre en considération pour s’intégrer à la chaîne mondiale d’approvisionnement ne sont pas seulement des réalités comme le prix, la qualité et la ponctualité, mais aussi la mesure dans laquelle l’entreprise est disposée à apprendre et à assimiler les conseils donnés par les entreprises de premier plan. Ainsi, les chaînes de valeur mondiales peuvent libérer, mais aussi limiter, la créativité des entreprises (encadré 6.2). Dans une perspective stratégique, ces possibilités de liens et d’innovations apparaissent comme des opportunités pour les entreprises et pas comme des barrières à leur développement. Dans le secteur manufacturier en particulier, l’intégration des activités locales à des réseaux plus larges constitue pour les pays en développement une excellente occasion d’améliorer leurs capacités. Les types de chaînes de valeur mondiales dépendent de la rapidité du changement, des besoins d’apprentissage, des économies d’échelle, des coûts de transaction et de coordination, des ratios entre valeur et poids et de la logistique. Les technologies “faciles” peuvent donner lieu à des chaînes alimentées par les acheteurs, tandis que les technologies “difficiles” exigeant une étroite coordination, des technologies brevetées, etc., peuvent donner naissance à des chaînes mues par les fournisseurs et coordonnées par les sociétés transnationales. Certains analystes établissent une distinction entre les chaînes de valeur mondiales dirigées par les acheteurs et celles dirigées par les producteurs (tableau 6.1). Les chaînes de valeur mondiales peuvent également être régionales ou Tableau 6.1 Caractéristiques des chaînes de valeur mondiales mues par les producteurs et par les acheteurs Caractéristiques Moteur des chaînes mondiales Compétences de base Secteurs Industries types Propriété Principaux liens avec les réseaux Chaînes mues par les producteurs Capital industriel Chaînes mues par les acheteurs Capital commercial Recherchedéveloppement (R-D), production Biens de consommation, biens intermédiaires, biens d'équipement Automobiles, ordinateurs, aéronautique Sociétés transnationales Conception, commercialisation Basés sur les investissements Biens de consommation non durables Vêtements, chaussures, jouets Sociétés locales, principalement de pays en développement Basés sur le commerce Source: Gereffi (1999b). 122 Rapport sur le développement industriel 2002/2003 nationales et offrir à une nouvelle entreprise locale la possibilité de s’intégrer à un réseau plus large d’activités en offrant ses services à des entreprises extérieures à son environnement immédiat. Rester agile dans la tourmente des chaînes de valeur mondiales S’intégrer à une chaîne de valeur mondiale n’est pas une garantie de progression automatique sur l’échelle des capacités. Il s’agit souvent d’un moyen rapide d’acquérir des capacités de production mais remonter plus loin dans la chaîne peut susciter des conflits avec les clients existants1. Certaines entreprises ont même vu leurs capacités réduites après s’être intégrées à des chaînes de valeur mondiales. Aussi les nouvelles entreprises ont-elles intérêt à utiliser toutes les ressources qu’elles peuvent se procurer dans le monde avancé en contrepartie de services comme une fabrication à bon marché. Mais cet arbitrage ne peut être exploité par la nouvelle entreprise que s’il se présente une possibilité stratégique d’utiliser les liens ainsi noués pour acquérir du savoir, c’est-àdire pour apprendre. L’innovation, dans le contexte des chaînes de valeur mondiales, est fonction de deux types de stratégies d’optimisation: l’expansion des marchés et les capacités technologiques. La fabrication de matériel propre, qui est habituellement le secteur le plus rentable d’une chaîne de valeur mondiale, exige des compétences aussi bien technologique que de commercialisation (figure 6.3)2. La séquence A représente la trajectoire du nombre des activités liées à une fabrication de matériel d’origine, toutes, dans un premier temps, réalisées dans le pays même en même temps que les activités clefs, mais ensuite réinstallées dans les pays tiers, donnant ainsi lieu à une “fabrication triangulaire”. Le renforcement des capacités tend principalement à maîtriser l’ensemble complexe de fonctions logistiques à mener à bien pour acquérir et combiner des composantes provenant de localités et de producteurs différents. La séquence B, en revanche, est centrée sur un renforcement des capacités grâce à l’élargissement des responsabilités fonctionnelles, qui, après avoir englobé uniquement la fabrication de matériel d’origine, comprend certaines tâches de conception, ce qui conduit alors l’entreprise à vendre sous sa propre marque les produits qu’elle a elle-même mis au point. Les entreprises exploitent des créneaux en développant des capacités de production uniques, souvent de nature technologique. Mais le processus de développement de ces capacités crée de nouvelles possibilités de commercialisation dans la mesure où il est mis au point un produit nouveau qui répond mieux aux besoins de la clientèle. Ce processus interactif n’a pas de fin. Figure 6.3 gamme de produits conçus par l’entreprise et vendus sous sa propre marque. Séquences d’optimisation à deux dimensions Expansion des marchés Il y a enfin le passage — étape capitale — d’une chaîne de valeur mondiale à une autre. Il va de soi que l’intégration d’une entreprise ou d’un groupe local d’entreprises à une chaîne de valeur mondiale constitue une étape importante, mais ils n’ont pas à limiter leurs horizons: cherchant toujours à élargir leur participation à deux ou plusieurs chaînes de valeur mondiale, ils essaient d’élargir la gamme de leurs options et de leurs capacités afin de tirer le maximum de parti des compétences existantes, de renforcer leurs moyens et d’atténuer le risque que suppose la dépendance à l’égard d’une seule chaîne de valeur. Dans la province chinoise de Taiwan, les fabricants de postes de télévision ont utilisé des chaînes de valeur mondiales dirigées par des acheteurs américains comme J. C. Penney et Kmart pour exploiter leur expérience de la fabrication en grande série de postes de télévision. Ils ont ensuite exploité ces compétences pour fabriquer des écrans d’ordinateur pour des fabricants comme Hewlett Packard, IBM et Apple, chaînes de valeur mondiales très différentes. Cette intégration croisée offre une large gamme de possibilités et un tremplin qui permet à l’entreprise dynamique de parvenir à l’indépendance. A Sous-traitance logistique mondiale Fabrication sous marque propre B Fabrication de matériel d’origine Conception et fabrication propres Point de départ Capacités technologiques Source: Mathews et Cho (2000). L’intégration d’une entreprise locale à une chaîne de valeur mondiale — que ce soit sur l’initiative d’un acheteur ou d’un producteur — oblige l’entreprise à répondre à d’exigeantes normes de qualité, de fiabilité et de logistique. Mais l’acheteur ou le producteur peut aussi pouvoir ajuster rapidement ses produits (par exemple, si la demande des consommateurs change dans les magasins) de sorte que l’entreprise doit pouvoir changer rapidement et de façon fiable sa gamme de produits. Le point d’aboutissement de ce processus est une entreprise qui s’est dotée de capacités souples et agiles de production. Il y a ensuite l’étape capitale consistant à passer d’une spécialisation fonctionnelle à une autre. La transition de la production vers la conception semble être un pas modeste en soi, mais représente un bond énorme pour une nouvelle entreprise qui cherche à renforcer ses capacités. C’est le premier pas sur la voie de l’autonomie, c’est-à-dire d’une situation telle que l’entreprise n’est plus entièrement tributaire pour sa survie de la chaîne de valeur mondiale. L’initiative est parfois prise par l’entreprise elle-même, comme cela a été le cas des fabricants d’électronique des pays de l’est de l’Asie, qui sont passés de la fabrication de matériel d’origine, l’acheteur stipulant toutes les spécifications au sous-traitant, à la conception et à la fabrication propres, l’acheteur se bornant alors à indiquer les spécifications générales et permettant au soustraitant de combler les détails, puis à la fabrication d’une On examinera maintenant le cas des chaînes de valeur mondiales dans les secteurs de l’habillement et du mobilier en bois. Le premier cas illustre la dynamique à l’intérieur d’une chaîne de valeur mondiale, qui exige des entreprises et groupes d’entreprises locaux une agilité considérable. Le second montre ce qu’un groupe local d’entreprises doit faire pour s’intégrer à une chaîne de valeur mondiale. Secteur de l’habillement: confiance et triangles L’habillement est un secteur à forte intensité de maind’œuvre, les coûts salariaux représentant 60 % des prix de revient3. L’Asie est devenue la principale région de production. Cette tendance a commencé pendant les années 50 et 60, avec la réimplantation au Japon des industries européennes et américaines. Lors d’une deuxième étape, l’activité s’est déplacée du Japon vers la RAS de Hong Kong (Chine), la province chinoise de Taiwan et la République de Corée, qui ont joué un rôle prédominant pendant les années 70 et 80. Pendant les années 90, enfin, la production s’est réorientée vers la Chine et d’autres pays d’Asie ainsi que vers quelques pays d’Amérique latine. Dans le secteur de l’habillement, les principaux déterminants des exportations ont été les contingents et les droits de L’innovation et l’apprentissage dans les chaînes de valeur mondiales 123 douane préférentiels. Les contingents applicables à l’habillement et aux textiles continueront d’être réglementés par l’Arrangement multifibres (AMF) jusqu’à son expiration, en 2005. Les contingents, utilisés par les États-Unis d’Amérique, le Canada et plusieurs pays d’Europe depuis le début des années 70 pour imposer des limites quantitatives aux importations, visaient manifestement à protéger les entreprises des pays industrialisés contre une vague d’importations bon marché qui menaçaient de perturber les industries nationales. Avec le temps, le résultat a été précisément l’inverse. La protection dans les pays industrialisés a conduit les fabricants des pays en développement à améliorer leur compétitivité, et ils ont appris à fabriquer des produits sophistiqués plus rentables que des produits simples. Ces dernières années, l’Union européenne et l’ALENA ont accordé des droits de douane préférentiels au niveau de marchés régionaux, ce qui a modifié sur ces derniers la dynamique des approvisionnements mondiaux. Dans le secteur de l’habillement, la chaîne de valeur mondiale va du traitement des matières premières et de la production de textiles et de vêtements à la commercialisation et à la vente au détail (figure 6.4). Indépendamment des activités Figure 6.4 Chaîne de valeur dans le secteur de l’habillement Matières premières Machines Fibres naturelles et synthétiques Teinture/ blanchiment en amont, quatre étapes doivent être franchies pour remonter la chaîne4. 1. Assemblage de produits importés (habituellement dans des zones franches situées à proximité de grands ports). 2. Fabrication de matériel d’origine. Fabrication pour le compte de sociétés transnationales (les spécifications sont données par la société étrangère, qui est responsable de la commercialisation et de l’image de marque). Les fournisseurs n’exercent aucun contrôle sur la distribution. Une variante est la sous-traitance logistique mondiale. 3. Fabrication de produits de conception propre. Conception de produits vendus sous la marque de sociétés étrangères. 4. Fabrication de marque. Vente de produits fabriqués sous la marque de l’entreprise. Les difficultés d’implantation sur les marchés sont réduites pour la plupart des fabriques d’habillement, mais elles s’intensifient à mesure que l’on remonte en amont vers les textiles et les fibres. Trois acheteurs mondiaux Dans le secteur de l’habillement, il existe trois catégories d’acheteurs: détaillants, distributeurs de marque et fabricants de marque. Les détaillants représentent 50 % des importations, les distributeurs de marque et les fabricants de marque 20 % dans chaque cas et divers autres acheteurs le reste. DÉTAILLANT Fabricant de textile Logistique, conseils de qualité Acheteurs Comercialisation/ image de marque Conception Grossistes nationaux Détaillants nationaux Grossistes étrangers Détaillants étrangers Consommateurs Source: Appelbaum et Gereffi (1994). 124 Rapport sur le développement industriel 2002/2003 Des détaillants internationaux, comme Wal-Mart et Sears Roebuck, qui étaient jadis les principaux clients des fabricants d’habillement, sont maintenant leurs concurrents. Pendant les années 80, nombre de détaillants ont commencé à faire directement concurrence aux fabricants et distributeurs nationaux de marque en achetant davantage de produits sur lesquels ils imposent leur label, qui sont vendus meilleur marché que les marques nationales tout en étant plus rentables pour les détaillants, qui peuvent ainsi éliminer les intermédiaires. En 1993, les articles vendus sous label propre représentaient 25 % environ du marché de l’habillement aux États-Unis. Tandis que la vente au détail et la commercialisation se concentrent de plus en plus, la fabrication est un processus en voie d’éclatement. Une information fiable étant aujourd’hui un élément disponible, les détaillants peuvent suivre de beaucoup plus près les décisions d’achat des consommateurs, ce qui leur permet d’exiger davantage de leurs fournisseurs, de mieux gérer leurs stocks, de s’adapter plus rapidement et d’obtenir des livraisons plus fréquentes. Comme les divers types d’acheteurs d’habillement cherchent de plus en plus à s’approvisionner à l’étranger, la concurrence entre détaillants, distributeurs et fabricants s’est intensifiée, ce qui a estompé les distinctions traditionnelles entre ces entreprises et remanier les intérêts qui interviennent dans la chaîne de valeur. DISTRIBUTEUR DE MARQUE Des fabricants très connus sans usine — dans des secteurs comme la chaussure de sport (Nike, Adidas, Puma) et l’habillement de mode (The Gap, Liz Claiborne) — ne fabriquent rien et se bornent à concevoir et à commercialiser leurs produits. Ayant joué un rôle de pionniers dans l’approvisionnement sur le plan mondial, ces sociétés ont diffusé des connaissances qui ont par la suite permis aux fournisseurs étrangers de consolider leurs propres positions dans la chaîne de valeur. Pour faire face aux nouveaux concurrents, les distributeurs de marque renoncent à certaines fonctions auxiliaires (comme le choix des modèles et la fabrication d’échantillons) et les confient à des sous-traitants, auxquels ils indiquent où se procurer les composantes nécessaires, et réduisent d’eux-mêmes leurs propres activités d’achat et de distribution. Ils rétrécissent leurs chaînes d’approvisionnement et utilisent des fabricants moins nombreux mais plus capables, tout en adoptant des systèmes plus rigoureux d’homologation des fournisseurs pour améliorer les performances. En outre, il réorientent peu à peu leurs achats de l’Asie vers l’hémisphère occidental. Les distributeurs (et encore plus les détaillants) savent aujourd’hui que des fournisseurs à l’étranger peuvent gérer tous les aspects de la production, ce qui offre aux sous-traitants la possibilité, en nouant des relations nouvelles, de se lancer dans la conception et la fabrication d’articles vendus sous leur propre marque. FABRICANT DE MARQUE Les fabricants de vêtements, comme Levi Strauss, ont été mis dans une position difficile, car les fabricants étrangers peuvent souvent offrir la même quantité, la même qualité et le même service que les fabricants nationaux, mais à moindres frais. Aux États-Unis et en Europe, l’attitude, parmi de nombreux petits et moyens fabricants de vêtements, est que le mieux est de faire comme la concurrence. Considérant qu’ils ne peuvent pas soutenir la concurrence de produits étrangers bon marché, ils viennent grossir les rangs des importateurs. Pour nombre de gros fabricants, dans les pays industrialisés, la décision n’est plus de savoir s’il y a lieu de produire à l’étranger, mais plutôt comment organiser et gérer la production. Ces gros fabricants fournissent des apports intermédiaires (tissus coupés, fil, boutons et garnitures) à de vastes réseaux de fournisseurs étrangers, habituellement dans des pays voisins avec lesquels ont été conclus des accords commerciaux de réciprocité qui permettent aux vêtements assemblés à l’étranger d’être réimportés en ne payant de droits que sur la valeur ajoutée à l’étranger. Ce type de sous-traitance internationale existe dans toutes les régions du monde. Aux États-Unis, il s’appelle programme 807/9802 ou “fabrication partagée” (USITC 1997), les principaux fournisseurs des fabricants américains se trouvant au Mexique, en Amérique centrale et dans les Caraïbes, proches du marché où les salaires sont faibles. Les fabricants de marque ont tendance à mettre l’accent non plus tant sur la production mais plutôt sur la commercialisation en exploitant leur image de marque et leurs points de vente. Sara Lee Corporation, qui est l’un des plus gros fabricants de vêtements des États-Unis, a récemment annoncé qu’elle ne fabriquerait plus les produits qu’elle vend sous sa marque. Intégration à la chaîne de valeur mondiale Pour les fabricants d’habillement des pays en développement, il faut commencer par établir des liens avec les fabricants de marque. Pour y parvenir, le plus facile a été de fabriquer en sous-traitance dans le cadre du programme tarifaire américain 807/9802. Mais ces activités — souvent réalisées dans des zones franches — n’ont guère de valeur ajoutée. Les entreprises américaines qui se livrent à une fabrication partagée ont tout intérêt à réduire au minimum les achats locaux d’intrants étant donné que seules les composantes d’origine américaine sont exemptes de droits de douane lorsque le produit fini est réexpédié aux États-Unis (encadré 6.3). Il existe en Europe un système semblable, appelé système de traitement extérieur, les principaux fournisseurs se trouvant en Afrique du Nord et en Europe orientale. Il en va de même en Asie en général, où les fabricants implantés dans des pays où les salaires sont relativement élevés, comme la RAS de Hong Kong (Chine), font traiter et assembler leurs produits en Chine ou dans d’autres pays où les coûts salariaux sont moindres. L’étape suivante, après le traitement du produit destiné à l’exportation, consiste à établir des liens avec des détaillants mondiaux ou des distributeurs de marque dans le contexte d’une fabrication sous-traitée de matériel d’origine ou de produits complets. En comparaison du simple assemblage d’intrants importés, la fabrication intégrale transforme du tout au tout la relation entre acheteur et fournisseur dans une direction qui donne à ce dernier beaucoup plus d’autonomie et de bien plus grandes possibilités d’apprentissage et ainsi d’innovation. Cette fabrication intégrale est nécessaire, car les L’innovation et l’apprentissage dans les chaînes de valeur mondiales 125 Encadré 6.3 La course vers le bas La République dominicaine est particulièrement tributaire des opérations d’assemblage dans des zones franches sous le régime commercial 807/9802. La part des zones franches dans l’emploi manufacturier est passée de 23 % en 1981 à 56 % en 1989, date à laquelle ces zones produisaient plus de 20 % des recettes en devises. Les investissements américains représentent plus de la moitié (54 %) des sociétés qui opèrent dans ces zones, suivies par des entreprises dominicaines (22 %), coréennes (11 %) et taiwanaises (3 %). En rivalisant pour offrir aux sociétés transnationales les salaires les plus bas, les zones franches des pays voisins encouragent une “course à la dévaluation”, la dépréciation monétaire apparaissant comme un moyen d’améliorer la compétitivité sur les marchés internationaux. Ainsi, après une très forte dépréciation de la monnaie nationale par rapport au dollar des États-Unis, en 1985, les exportations des zones franches de la République dominicaine ont augmenté en flèche. De même, l’augmentation des exportations mexicaines a été facilitée par les dévaluations successives du peso, particulièrement en 1994/95. Les ouvriers de l’industrie du vêtement, au début des années 90, touchaient 1,08 dollar des États-Unis l’heure au Mexique, 0,88 dollar au Costa Rica, 0,64 dollar en République dominicaine et 0,48 dollar au Honduras, contre 8,13 dollars aux États-Unis. Un pays peut certes avoir intérêt à dévaluer sa monnaie pour attirer des employeurs de main-d’œuvre non qualifiée, mais les avantages que cela apporte se dissipent rapidement lorsque d’autres pays font de même, ce qui abaisse les niveaux de vie locaux sans aucunement contribuer à améliorer la productivité. Source: Kaplinsky (1993); OIT (1995). détaillants et distributeurs qui commandent les vêtements n’ont qu’une connaissance limitée de la façon dont ils sont fabriqués. La RAS de Hong Kong (Chine), la province chinoise de Taiwan, la République de Corée et la Chine ont utilisé cette stratégie pour promouvoir durablement un développement orienté vers l’exportation. Mais l’ALENA, ainsi que le déclin relatif de l’importance des exportations de vêtements de l’est de l’Asie vers les ÉtatsUnis ont maintenant créé des conditions favorables à l’extension de la fabrication intégrale à l’Amérique du Nord (encadré 6.4). Les principaux fournisseurs de vêtements à l’Europe, comme la Turquie et plusieurs pays d’Europe orientale, semblent également adopter peu à peu le modèle de fabrication intégrale. Les fabricants de ces pays doivent acquérir les compétences et les ressources nécessaires pour entreprendre les activités plus diversifiées que suppose ce type de production. Cet arrangement offre de nouvelles possibilités d’innovation et de transition vers la fabrication de produits vendus sous marque propre. Il permet à l’entreprise locale d’apprendre à connaître les préférences des acheteurs étrangers ainsi que les normes internationales concernant le prix, la qualité et la livraison des marchandises d’exportation. Il génère également de solides liens en amont au sein d’économies nationales, car 126 Rapport sur le développement industriel 2002/2003 Encadré 6.4 L’intégration au peloton de tête L’élément qui a le plus contribué à la transition de l’assemblage à la fabrication de matériel d’origine ou à la fabrication intégrale, au Mexique, a été l’ALENA, qui a commencé à éliminer les restrictions imposées par les États-Unis, qui avaient virtuellement enfermé le Mexique dans des opérations de montage. En effet, le système des maquiladoras subordonnait l’accès du Mexique au marché américain à l’utilisation d’intrants en provenance de ce pays. À l’heure actuelle, d’autres étapes de la fabrication de vêtements, comme la coupe, le lavage et la production de textile, sont réinstallées au Mexique à mesure que les restrictions imposées par les États-Unis à chacun de ces types d’activité sont éliminées. Mais l’ALENA ne garantit pas le succès du Mexique. Si les dévaluations massives du peso en 1994/95 ont rendu le Mexique très attrayant pour les fabricants américains de vêtements qui soustraitent leurs opérations à l’étranger, l’infrastructure et les industries auxiliaires nécessaires à une production intégrale ont toujours fait défaut. Les fabricants américains de textile et de vêtements ont accru leurs investissements au Mexique à un rythme de plus en plus rapide, de sorte que ce pays est aujourd’hui mieux placé pour fournir les intrants nécessaires, en quantité et de qualité suffisantes, pour la fabrication intégrale de vêtements standard comme bluejeans, polos, pantalons et sous-vêtements. Mais le Mexique est encore en retard dans le domaine du vêtement de mode pour femmes. La solution, pour mener à bien la transition vers la fabrication intégrale et exploiter de nouveaux créneaux de production et de commercialisation, consiste à nouer des liens avec les entreprises de premier plan qui peuvent fournir des technologies et des conseils. Le Mexique doit mieux s’intégrer à des réseaux internationaux s’il veut soutenir la concurrence des fournisseurs de l’est de l’Asie sur le marché américain du prêt-à-porter. Différentes entreprises américaines ont déjà annoncé leur intention de transférer au Mexique les éléments manquants de la chaîne d’approvisionnement. Il reste cependant à résoudre un problème très réel qui est de savoir qui contrôle les éléments critiques de la chaîne et comment peuvent être gérés les rapports de dépendance que cela implique. Jusqu’à présent, il est clair que ce sont les entreprises américaines qui contrôlent les segments conception et commercialisation de la chaîne du prêt-à-porter, tandis que les sociétés mexicaines sont bien placées pour coordonner et mener à bien les processus de fabrication. Cependant, les fabricants américains de textile et à un moindre degré les fabricants mexicains, s’emploient activement à intégrer une large gamme de services, ce qui accroîtrait leur pouvoir sur des sous-traitants de moindre envergure. Il est probable qu’il subsistera au Mexique une combinaison d’usines d’assemblage travaillant pour les fabricants de marque des États-Unis et d’une nouvelle série de fabrication intégrale reliée aux détaillants et distributeurs de marque. À mesure qu’il devient plus facile de se procurer au Mexique certains des intrants critiques, la proportion des intrants importés des États-Unis se réduira et les usines traditionnelles d’assemblage seront remplacées par des usines de fabrication intégrale ou des groupes d’entreprises interdépendantes qui opèrent par l’entremise de réseaux localisés, comme les fabricants de blue-jeans à Torreón (Méxique). Source: ONUDI. les fabricants de matériel d’origine doivent assurer des sources d’approvisionnement pour de nombreux intrants, y compris ceux qui doivent être importés. Le fournisseur peut beaucoup apprendre de l’acheteur quant à la nature des segments en amont et en aval de la chaîne de fabrication et de vente de vêtements, connaissance qui peut ultérieurement devenir un solide atout sur le plan de la concurrence. L’un des mécanismes qui facilitent le plus, pour les industries d’exportation parvenues à maturité, comme les fabricants de vêtements de l’est de l’Asie, le passage des activités à plus forte valeur ajoutée est le processus de “fabrication triangulaire” (sous-traitance logistique sur le plan mondial). Essentiellement, la fabrication triangulaire, lancée par les pays de l’est de l’Asie pendant les années 70 et 80, est un système selon lequel les acheteurs mondiaux passent commande aux fabricants avec qui ils ont travaillé par le passé, lesquels soustraitent tout ou partie de la production demandée à des filiales implantées dans des pays où les salaires sont peu élevés (Chine, Guatemala, Indonésie). Ces usines à l’étranger peuvent être définies comme des filiales à part entière, des coentreprises ou simplement des sous-traitants indépendants. Le triangle est complet lorsque les articles finis sont expédiés directement à l’acheteur étranger dans le cadre des contingents que les États-Unis ont accordés aux pays exportateurs. La fabrication triangulaire déplace ainsi la fabrication de matériel d’origine des fournisseurs établis des détaillants et concepteurs américains aux intermédiaires des chaînes d’achat qui peuvent englober jusqu’à une cinquantaine ou une soixantaine de pays exportateurs (encadré 6.5). Mobilier en bois: opportunité et initiative En 1998, l’industrie du meuble, représentant des échanges mondiaux de près de 45 milliards de dollars, était le plus vaste secteur traditionnel à faible intensité de technologie, dépassant aussi bien l’habillement (41 milliards de dollars) que la chaussure (34 milliards de dollars)5. Bien que le meuble soit un produit à forte intensité de ressources et de main-d’œuvre, nombre des principaux pays exportateurs de mobilier sont des pays industriellement avancés (tableau 6.2). L’Italie vient en tête, et de très loin, avec des exportations nettes de 7,8 milliards de dollars en 1998. Les pays en développement au nombre des dix plus gros exportateurs sont la Chine, le Mexique, la Malaisie, la Roumanie et l’Indonésie. La chaîne de valeur mondiale, pour le mobilier en bois, commence par la distribution d’intrants comme semences, produits chimiques, matériel et eau pour le secteur forestier (figure 6.5). Les arbres abattus passent à l’industrie des scieries, qui obtient ses principaux biens d’équipement de Encadré 6.5 La fabrication de produits de marque: de la confiance au triangle Les pays de l’est de l’Asie n’ont pas profité des dispositions relatives à la fabrication partagée prévue par le régime commercial américain 807/9802 pour l’industrie de l’habillement, car, du fait de leur éloignement considérable des États-Unis, les importations de textile en provenance de ce pays n’étaient pas rentables. En outre, les fabricants américains de textile n’avaient pas les capacités de production ni la mentalité nécessaire pour fournir la large gamme de tissus utilisés par les dessinateurs de mode, qui étaient devenus la spécialité des exportateurs des pays de l’est de l’Asie. L’un et l’autre de ces facteurs ont créé un créneau que les fabricants d’habillement des pays de l’est de l’Asie ont habilement exploité. Les exportateurs de textile et d’habillement de la RAS de Hong Kong (Chine), de la province chinoise de Taiwan et de la République de Corée (précédés par ceux du Japon, puis la Chine) sont passés d’une étape des exportations à l’autre, de l’assemblage à la fabrication d’articles d’origine puis à la fabrication de marque. Pendant les années 60 et 70, ils ont développé et perfectionné leurs capacités de fabrication en établissant d’étroites relations avec des détaillants et distributeurs américains puis en “apprenant sur le tas” en utilisant leurs partenaires étrangers comme modèles pour renforcer leurs capacités d’exportation. Grâce à la confiance créée par une longue série de transactions commerciales avec les acheteurs américains, les fournisseurs de l’est de l’Asie ont pu internationaliser leurs opérations en ayant recours à la fabrication triangulaire. Les fabricants de l’est de l’Asie sont ainsi devenus des intermédiaires entre les acheteurs américains et des centaines d’usines d’habillement d’Asie et d’autres régions en développement et ont pu ainsi exploiter des coûts salariaux plus réduits et des contingents favorables partout dans le monde. La création de ces réseaux mondiaux d’achats a aidé les pays de l’est de l’Asie à demeurer compétitifs sur le plan international alors même que la conjoncture économique nationale et les limitations imposées par les contingents menaçaient la viabilité de leurs relations bilatérales originelles de sous-traitance. Les pays de l’est de l’Asie sont allés, à bien des égards, au-delà de la sous-traitance: ils ont réorienté leurs activités vers des produits d’amont de plus forte valeur dans la chaîne de l’habillement (exportations de textile et de fibres plutôt que de vêtements) et, en aval, ont commencé à fabriquer des vêtements qui sont vendus sous leur propre marque. En outre, ils se sont employés activement à investir dans d’autres chaînes mondiales de produits. La République de Corée est le pays de l’est de l’Asie le plus avancé pour ce qui est de la fabrication de produits de marque, par exemple dans l’automobile (Hyundai), l’électronique (Samsung) et les appareils ménagers (Samsung et Goldstar), entre autres, vendus en Amérique du Nord, en Europe et au Japon. Des entreprises de la province chinoise de Taiwan ont commencé à fabriquer et à vendre sous leur propre marque des ordinateurs, des bicyclettes, des matériels de sport et des chaussures, mais pas des vêtements. Les entreprises de fabrication d’habillement de la RAS de Hong Kong (Chine) sont celles qui ont le mieux réussi à passer de la sous-traitance à la fabrication de produits vendus sous leur propre marque. La chaîne Episode, qui fabrique des vêtements pour femmes et qui est contrôlée par le groupe Fang Brothers de la RAS de Hong Kong (Chine), l’un des principaux fabricants pour Liz Claiborne pendant les années 70 et 80, a des magasins dans 26 pays, dont un tiers seulement sont en Asie. Giordano, qui est la marque de vêtements la plus réputée de la RAS de Hong Kong (Chine), a ajouté à sa base initiale d’usines 200 magasins dans la RAS de Hong Kong (Chine) et en Chine, plus 300 points de vente au détail répartis dans différents pays du sud-est de l’Asie et en République de Corée. Hang Ten, ligne de produits moins haut de gamme, a 200 magasins dans la province chinoise de Taiwan et est la plus importante franchise étrangère de l’île. Source: ONUDI; Granitsas (1998); Gereffi (1997, 2000). L’innovation et l’apprentissage dans les chaînes de valeur mondiales 127 Tableau 6.2 Commerce mondial de mobilier — les 10 plus gros exportateurs nets, 1994 et 1998 Valeur des exportations nettes (en millions de dollars) 1994 1998 6.105 7.831 1.381 2.725 32 1.804 1.412 1.323 259 1.190 698 1.052 251 741 254 494 375 382 754 339 Italie Chine Canada Danemark Mexique Malaisie Espagne Suède Roumanie Indonésie Source: http://www.intracen.org Figure 6.5 l’industrie mécanique. Le bois coupé passe ensuite aux fabricants de mobilier, lesquels, à leur tour, se procurent les intrants nécessaires dans les secteurs des industries mécaniques, des adhésifs, des peintures et autres et ont également recours aux services de conception et de commercialisation du secteur tertiaire. Selon le marché, le mobilier passe ensuite par diverses étapes intermédiaires jusqu’à revenir à l’utilisateur final, lequel, après utilisation, se débarrasse du mobilier pour recyclage. La chaîne est extrêmement hétérogène en raison de la multiplicité des marchés (mobilier de bureau, de cuisine, de chambre à coucher, de salle à manger ou de salon) et, à l’intérieur de ces segments, de la multiplicité des créneaux (grande série, prix économiques, mobilier design, mobilier de marque, etc.). Trois types d’acheteurs facilitent l’accès des fabricants de mobilier en bois au marché: Liens dans la chaîne de valeur du mobilier en bois ● Les grands détaillants multinationaux, qui ont à la fois des points de vente au détail et des fournisseurs dans de nombreux pays (IKEA, par exemple, achète à 2 000 fournisseurs de 52 pays et a plus de 300 points de vente sur trois continents). ● Les petits détaillants, qui achètent directement à un nombre limité de fournisseurs dans un nombre réduit de pays. Semences Produits chimiques Machines Foresterie Eau Machines Scieries Logistique, qualité, conseils Conception Fabricant de mobilier Machines Acheteurs Peinture, adhésifs Grossiste national Grossiste étranger Détaillant national Détaillant étranger Consommateurs ● Les acheteurs spécialisés de dimension moyenne, qui achètent à de nombreux pays et revendent à des détaillants, principalement dans un seul pays ou une seule région. Il n’est pas inhabituel pour ces acheteurs d’avoir plus de 1 500 fournisseurs dans de nombreux pays; même les petits acheteurs spécialisés achètent habituellement à plus d’une centaine de fournisseurs. D’une manière générale, les acheteurs desservent des segments différents des marchés. Souvent, ces segments sont très distinctifs, mais comme de plus en plus d’entreprises peuvent fabriquer des produits répondant aux normes mondiales, le choix à opérer entre les éléments pouvant contribuer au succès est moins difficile. Par exemple, les grandes chaînes de détaillants peuvent, de plus en plus, offrir des produits bon marché mais de haute qualité et très divers. Les fournisseurs, pour leur part, se heurtent à des contraintes beaucoup plus rigoureuses lorsqu’ils vendent à des chaînes mondiales de détaillants que lorsqu’ils vendent à de petits détaillants et à des acheteurs spécialisés. Non seulement presque tous les éléments indispensables au succès sont-ils considérés comme importants, mais encore ils sont tous rangés dans la catégorie des éléments primordiaux. Recyclage Le défi que représente l’innovation pour une partie de la chaîne mondiale de valeur dans le secteur sud-africain du 128 Rapport sur le développement industriel 2002/2003 mobilier est le symptôme d’un problème plus général auquel se heurtent d’autres pays exportateurs de meubles. En Afrique du Sud, la chaîne de valeur mondiale a suivi une trajectoire qui n’est pas optimale depuis que son mobilier en pin est exposé à une concurrence de plus en plus intense sur le plan des prix sur les marchés étrangers. Les prix unitaires de ses exportations, en dollars, ont diminué de 250 % entre 1992 et 1999. De plus, les produits sud-africains, bien que bon marché, sont considérés comme de piètre qualité et les livraisons sont peu fiables. De ce fait, IKEA, premier acheteur mondial, a décidé de ne plus acheter en Afrique du Sud mais plutôt en Europe orientale et dans l’est de l’Asie. Les entreprises sud-africaines de fabrication de mobilier en bois se sont ainsi trouvées devant un dilemme: après de longues études, il a été trouvé une solution dans le contexte de la tendance mondiale à la responsabilité environnementale. Il pousse en Afrique du Sud une espèce de bois semi-dur exploité commercialement qui s’appelle saligna, et des meubles en saligna ont offert une possibilité de fabriquer à peu de frais, et dans le respect de l’environnement, des meubles en un bois autre que des bois durs traditionnels, comme le teck et l’acajou, de plus en plus rares et chers. L’opportunité L’une des forces les plus dynamiques sur les marchés mondiaux des produits ligneux est l’orientation (surtout de la part des pays industrialisés) vers la responsabilité environnementale. Or cela menace les exportations de la plupart des pays en développement, car leurs industries du bois ont traditionnellement utilisé les forêts locales. L’Afrique du Sud, cependant, se trouve dans une position unique pour profiter de cette opportunité. La principale caractéristique du saligna (espèce d’eucalyptus) est qu’il constitue en Afrique du Sud un arbre exploité commercialement, ce qui le distingue des autres espèces provenant des forêts autochtones du monde en développement. Bien que le saligna ne soit pas un bois traditionnel, il prend bien la couleur et peut par conséquent être traité de façon à ressembler à n’importe quel bois, y compris les espèces menacées. Traditionnellement, le saligna était cultivé pour être utilisé comme pilier dans les mines locales, mais la généralisation des piliers en béton en a considérablement réduit la demande sur les marchés nationaux. Les consommateurs étant de plus en plus préoccupés par les considérations environnementales, l’existence de plantations de saligna, qui n’avaient précédemment qu’une priorité élevée et qui ne sont pas pleinement exploitées, offre un potentiel inattendu d’exportation de mobilier vers l’Europe et l’Amérique du Nord. C’est également une opportunité qui offre la possibilité pour les fabricants de mobilier d’exploiter de nouveaux créneaux où les prix unitaires sont plus élevés. Le défi de l’innovation Pour saisir cette opportunité, il fallait innover à l’intérieur de la chaîne de valeur et la réorienter d’exportations traditionnelles de mobilier en pin vers des exportations de plus en plus compétitives sur le plan des prix. Cela supposait un processus simultané et soigneusement coordonné d’innovation dans les domaines des produits et des fonctions. INNOVATION DANS LES PROCÉDÉS Le principal problème à résoudre était d’abord d’accroître la production de saligna clair à un prix abordable. Il y avait en effet des utilisations concurrentes (dans l’industrie du papier et de la pâte à papier) pour lesquelles la clarté n’a pas d’importance, et les scieries qui travaillaient pour les fabricants de meubles étaient équipées pour scier des bois tendres, comme le pin, plutôt que des bois durs comme le saligna. En outre, depuis de nombreuses années, les scieries pouvaient dicter leurs prix et se préoccupaient donc peu des besoins des fabricants, livrant à des intervalles imprévisibles des produits de qualité diverse et sur la base de spécifications “à prendre ou à laisser”. Un autre problème était que les fabricants devaient apprendre à travailler le saligna et, à cette fin, devaient collaborer étroitement avec les scieries (par exemple en ce qui concerne le respect des normes de densité du bois). L’élément sans doute le plus déterminant du coût du bois était la période de gestation des arbres. Traditionnellement, le saligna était abattu à l’âge de 23 ans, mais on pensait pouvoir réduire ce délai considérablement pour le ramener à 12 ans environ, ce qui, avec des taux d’intérêt réel dépassant 10 %, pouvait présenter un avantage financier considérable. Cela exigeait cependant une collaboration étroite entre les exploitants, les scieries et les fabricants. Ainsi, on ne pouvait innover en ce qui concerne les procédés de fabrication dans la chaîne mondiale de valeur de mobilier en saligna qu’en combinant des innovations au niveau des entreprises et une collaboration entre entreprises pour resserrer les relations à l’intérieur de la chaîne et résoudre d’importants problèmes à ce niveau. INNOVATION DANS LES PRODUITS En soi, l’innovation dans les procédés ne pouvait pas produire de gains suffisants. Le problème était que, du fait que le saligna était utilisé aussi pour la fabrication de papier et de L’innovation et l’apprentissage dans les chaînes de valeur mondiales 129 pâte à papier, le mobilier fabriqué devrait être écoulé sur des marchés relativement plus rémunérateurs que les exportations traditionnelles de mobilier en pin, faute de quoi, les fabricants ne pourraient pas produire de façon rentable avec une matière première aussi chère. Pour ce qui était des produits, il fallait également innover en ce sens que, du fait des propriétés spécifiques du saligna (en comparaison du pin), et surtout du bois jeune, ce produit ne pouvait pas toujours être utilisé pour fabriquer les mêmes modèles de meubles que ceux qui étaient faits en pin. Il fallait par conséquent revoir la conception des produits à fabriquer, de sorte que de nombreux fabricants de meubles ont dû se hasarder dans un terrain nouveau, ce qu’ils ne pouvaient faire qu’en collaboration avec les scieries. Enfin, l’une des propriétés du saligna était sa capacité d’absorber la teinture, de sorte que les fabricants ont dû collaborer étroitement avec des fournisseurs de laques et de peintures, d’autant que les mouvements écologistes européens imposaient de plus en plus des teintures à base d’eau (qui est l’un des principaux avantages compétitifs des fabricants italiens). INNOVATION FONCTIONNELLE S’il fallait lancer de nouveaux modèles de mobilier, qui assumerait la responsabilité de cette activité à forte valeur ajoutée? Les fabricants suivraient-ils l’exemple du mobilier en pin, les acheteurs mondiaux achetant des modèles aux fabricants ou bien ces derniers continuant à fabriquer des produits standard comme des bancs de jardin? Pourrait-on compter sur de nouvelles capacités nationales de design et, dans l’affirmative, celles-ci proviendraient-elles des acheteurs, des fabricants de mobilier ou de concepteurs spécialisés? Tout comme le mobilier en saligna représentait une transition du bois tendre vers le bois dur, existait-il aussi d’autres opportunités de passer du mobilier en saligna à d’autres produits à base de saligna comme des portes de garage (article très exporté), des produits industriels et des jouets? L’initiative Pour stimuler l’innovation, il a été organisé à la fin de 1998, dans le cadre d’un projet de recherche universitaire, un premier atelier sur l’utilisation du saligna, qui a rassemblé des représentants des services gouvernementaux, des fabricants, des négociants de bois, des spécialistes de l’industrie (chercheurs et consultants), des exploitants et des scieries, l’idée étant de réunir les parties prenantes, à tous les niveaux de la chaîne mondiale de valeur du saligna, pour promouvoir une solution concertée des problèmes. La participation à l’atelier d’un certain nombre d’entreprises concurrentes à divers niveaux de la chaîne de valeur mondiale a créé une 130 Rapport sur le développement industriel 2002/2003 situation telle qu’un refus de coopérer risquait d’éliminer les avantages dont pouvaient jouir les entreprises concurrentes. L’atelier a donné naissance au Saligna Global Value Chain Group (SVC Group), réseau national de coopération entre les parties prenantes à tous les niveaux de la chaîne de valeur mondiale. Des groupes techniques, dirigés par les scieries, ont travaillé sur différents problèmes pour améliorer les courants d’information. Un questionnaire a été adressé à tous les usagers de produits en bois pour essayer de déterminer les dimensions optimales et de dégager un consensus sur une gamme de dimensions jugées appropriées par les fabricants. Les scieries ont alors appliqué à titre expérimental plusieurs nouveaux systèmes de contrôle de la qualité pour voir si cela pourrait accroître la disponibilité totale de bois clair. Elles ont également commencé à rassembler des données plus exactes sur la demande globale afin de déterminer l’offre et la demande existantes et potentielles de saligna en Afrique du Sud. La chaîne de valeur mondiale du mobilier en saligna est encore en voie de développement, et il reste encore beaucoup à faire pour que se matérialisent les possibilités que laissent entrevoir les exportations de mobilier en saligna vers les marchés des pays industrialisés. Jusqu’à présent, les activités menées par le SVC Group ont donné les meilleurs résultats dans les domaines suivants: ● Génération d’informations dans les trois domaines de l’innovation: procédés, produits et fonctions. ● Amélioration notable des rapports entre entreprises et de l’efficacité des approvisionnements en scieries et fabricants. ● Mise au point de produits importants grâce aux études sur l’utilisation des jeunes arbres et sur la densité des bois. ● Processus d’innovation, essentiellement technologique, au niveau des entreprises. ● Modification de la composition des activités au niveau des entreprises et tout le long de la chaîne de valeur mondiale grâce à l’accent mis sur la conception, la finition et la commercialisation. La rénovation des procédés de fabrication des entreprises de la chaîne de valeur mondiale n’était pas l’un des buts explicites des activités du SVC Group, mais les efforts entrepris pour résoudre les nombreux problèmes qui se posaient entre les scieries et les fabricants au sujet des approvisionnements ont en fait eu un effet d’innovation sur les procédés internes de production des fabricants en remettant en question les paramètres techniques de ce qu’ils pouvaient produire. Un effort local pour un essor mondial Les entreprises font donc partie de la trame industrielle locale. En dépit de la mondialisation et de l’apparition des nouvelles technologies de communication, la proximité géographique et des sources locales de compétitivité demeurent importantes. Les avantages découlant des effets locaux de synergie ont été bien documentés dans de récentes études de groupes d’industries, qui font apparaître clairement les avantages aussi bien passifs qu’actifs qu’un regroupement peut apporter aux entreprises. Les avantages passifs découlent des économies d’agglomération et des avantages actifs de la coopération entre entreprises. Le succès ou l’échec des groupes d’industries dépend de la mesure dans laquelle ceux-ci réussissent à produire un effet dynamique de synergie et à rester agiles dans leurs interactions avec le monde extérieur. Cependant, il est difficile pour les pays en développement d’exploiter les avantages qu’apportent les regroupements d’entreprises. Il est difficile de lancer des entreprises, il est encore plus malaisé de lancer des groupes d’entreprises ou d’obtenir que les entreprises coopèrent localement, chacune étant à la fois cliente et fournisseur de l’autre, plutôt que de se faire concurrence à couteaux tirés. À terme, les groupes d’entreprises des pays en développement devront s’intégrer à des groupes plus larges — à une chaîne de valeur mondiale — s’ils veulent survivre à une concurrence mondiale de plus en plus intense. Notes Pour de plus amples détails sur les sources, les informations et les ouvrages concernant les sujets traités dans ce chapitre, voir les documents de référence. 1. Schmitz (1999b). 2. Des chercheurs de pays jadis en développement, comme la Corée, présentent des modèles d'innovation semblables (Kim 1998, 1999). 3. Cette section est tirée de Mathews (2001, document de référence). 4. Gereffi (1999b). 5. Cette section est tirée du site Web du Centre CNUCED-OMC du commerce international: http://www.intracen.org et Kaplinski (2001, document de référence). L’innovation et l’apprentissage dans les chaînes de valeur mondiales 131