APPORT DE LA TOMODENSITOMETRIE DANS LE DIAGNOSTIC

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APPORT DE LA TOMODENSITOMETRIE DANS LE DIAGNOSTIC
APPORT DE LA TOMODENSITOMETRIE DANS
LE DIAGNOSTIC DE LA NEUROCYSTICERCOSE
AVODE D.G.1, BOCO V..2, BOUTEILLE B..3-4, PREUX P.M..4, HOUINATO D..1, ZOHOUN TH..1, DUMAS M..4
RESUME
Les auteurs rapportent un cas de neur o c y s t i c e rc o s e
dont le diagnostic a pu être assuré par la tomodensitométrie (TDM). Ils ont montré que la TDM est une
méthode radiologique plus performante que la radiographie du crâne et qui permet de mettre en évidence
les cysticerques sous forme de petites zones hypoéchogènes au début de la maladie ; ces zones se transformant
ultérieurement en calcifications à la phase évoluée du
parasite. Après avoir passé en revue les indications
d’une telle investigation paraclinique, ils ont mis l’accent sur la nécessité pour les pays africains de se doter
p ro g ressivement de cet équipement malgré son coût
élevé.
sont bien tolérés jusqu’à leur dégénérescence en deux ou
trois ans, période après laquelle ils se calcifient.
L’examen tomodensitométrique est une méthode de diagnostique performante de la neuro-cysticercose. Plusieurs
pays africains parviennent à s’équiper progressivement de
ce type de matériel bien qu’il nécessite un investissement
financier très lourd.
Nous rapportons un cas dont le diagnostic a pu être assuré
par la tomodensitométrie.
OBSERVATION
Différentes études effectuées en milieu hospitalier à Cotonou et en zones rurales (1,2) depuis 1990 ont montré une
forte prévalence de la neurocysticercose au Bénin. Cette
parasitose cérébrale s’exprime cliniquement de façon très
polymorphe (1, 3, 6, 9) ce qui rend son diagnostic difficile ;
car elle est souvent confondue avec d’autres maladies comme le paludisme et l’épilepsie. La neurocysticercose est
due à l’infestation par des larves (cysticerques) de Taenia
solium. L’homme est l’hôte définitif du Taenia ; le porc est
l’hôte intermédiaire mais l’homme peut devenir accidentellement l’hôte intermédiaire en ingérant des œufs de taenia.
L’embryon est alors libéré dans le tube digestif et se dissémine par voie hématogène dans tous les tissus. Le tissu
nerveux est atteint de façon préférentielle. La rétine, le
coeur et les muscles sont également et fréquemment
atteints. La larve ou cysticerque peut se loger dans le cerveau ou les méninges et entraîner une réaction inflammatoire plus ou moins intense. En général, les cysticerques
F.B., homme d’affaire banquier béninois âgé de 33 ans,
consulte le 1er mars pour des céphalées temporo-occipitales gauches rebelles et des paresthésies diffuses depuis
1993. Ces céphalées sont aggravées par tout effort intellectuel. L’interrogatoire retrouve des épisodes de flou visuel
transitoire, des hallucinations visuelles et très souvent des
contractures cervicales bilatérales, évoquant une discrète
raideur de la nuque. Le signe de Kernig n’a pas été mis en
évidence au cours de l’examen. Le reste de l’examen clinique est strictement normal.
L’électroencéphalogramme montre des ondes delta disséminées, peu amples, peu synchrones mais à légère prédominance temporale gauche. La radiographie du crâne et des
parties molles ne montre pas de calcification. La sérologie
VIH est négative. Le test Elisa à la recherche des anticorps
anti-cysticerquiens est fortement positif (0,840 pour une
D.O. = 0,400). L’examen parasitologique des selles est
négatif. L’examen tomodensitométrique cérébral est pratiqué. Un examen est pratiqué dans le service de scanner de
la Polyclinique Internationale Sainte Anne-Marie (PISAM)
à Abidjan en Côte d’Ivoire. Il met en évidence plusieurs
calcifications arrondies, de petite taille, réparties sur la
tente du cervelet et occupant les régions sous-arachnoïdes.
On retrouve également des calcifications le long de la faux
du cerveau.
Le diagnostic de neurocysticercose arachnoïdienne est
1. Assistant de Neurologie, Service de Médecine Interne - CNHU Cotonou
BP 01-3511 - Tél. et fax : (229)31.29.28
2. Service de Radiologie CNHU - Cotonou.
3. Service de Parasitologie CHU Dupuytren - Limoges.
4. Institut d’Epidémiologie Neurologie et de Neurologie Tropicale (IENT)
Limoges.
Mots-clés : Neurocysticercose, tomodensitométrie
(TDM), Bénin.
INTRODUCTION
Médecine d'Afrique Noire : 1998, 45 (3)
AVODE D.G., BOCO V., BOUTEILLE B., PREUX P.M.,
HOUINATO D., ZOHOUN TH., DUMAS M.
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porté sur la base de la sérologie cysticerquienne positive et
des calcifications caractéristiques retrouvées au scanner
cérébral. Le patient est alors traité avec Albendazole
(Zentel®) à raison de 50 mg par jour, associé à un corticoïde pendant 8 jours. Une deuxième cure a été répétée trois
mois plus tard.
L’évolution a été marquée par la régression totale des
céphalées et des paresthésies au bout de deux mois et demi
après le début du traitement.
DISCUSSION
Sur le plan clinique, les signes révélateurs de la maladie
sont variables. Il peut s’agir de crises d’épilepsie dans 40 à
90 % des cas, d’une hypertension crânienne, d’une détérioration mentale (1, 6) ou d’un accident vasculaire cérébral
(9). Par contre, notre cas a été révélé par des céphalées et
des paresthésies associées à un syndrome méningé fruste.
Le bilan radiographique permet de localiser les parasites.
La radiographie du crâne est généralement normale. Elle
ne montre pas les formations parasitaires ordinaires mais
seulement les calcifications qui sont très fines (5). Au
début de la maladie, la TDM plus sensible, met en évidence les cysticerques sous forme de petites zones hypoéchogènes, sans réhaussement après injection de produit de
contraste. Plus tard, lorsque la maladie est évoluée et que le
parasite est mort, ces zones hypoéchogènes finissent par
prendre le contraste. Ultérieurement, les calcifications sont
bien vues au scanner (7). L’existence de deux calcifications
fines et espacées est considérée comme pathognomonique
(8). Ces calcifications peuvent être intraparenchymateuses,
souvent bien supportées, alors que les localisations intraventriculaires ou méningées peuvent entraîner des complications telles qu’une hydrocéphalie (8) ou un accident vasculaire cérébral (9).
Les céphalées et les accidents vasculaires cérébraux sont
fréquents dans les pays africains et sont le plus souvent
rapportés à l’hypertension artérielle. Les explorations
complémentaires telles que la TDM auraient permis de
mieux orienter le diagnostic étiologique. Celle-ci n’est pas
encore disponible au Bénin. La plupart des patients de
l’Afrique de l’Ouest ne peuvent en bénéficier qu’à Abidjan
ou à Dakar.
Au regard de nombreux travaux effectués dans les pays
d’Amérique Latine (8) où la neurocysticercose est endémique, il nous paraît indispensable désormais de pouvoir
pratiquer une TDM à tous les patients souffrant de cette
maladie. Toutefois, les cysticerques ne sont pas toujours
visibles à l’examen tomodensitométrique. Dans ces cas, le
recours à l’imagerie à résonance magnétique (IRM) est
nécessaire pour la mise en évidence du parasite et la surveillance du malade. Elle permet ainsi de suivre les différents stades d’évolution du parasite depuis le cysticerque
jusqu’à sa calcification (4). Mais cette technique et ce
matériel ne sont pas encore présents en Afrique de l’Ouest.
CONCLUSION
La TDM ne peut plus être considérée comme un examen
superflu chez les patients présentant des céphalées rebelles,
des crises épileptiques ou des troubles de la personnalité,
surtout si les signes sont associés ou frustes. Parmi les
nombreuses causes de ces perturbations l’infestation par les
larves de Taenia solium ou cysticerques semble particulièrement fréquent en Afrique et au Bénin.
La radiographie du crâne est presque toujours normale. Les
signes scannographiques sont soit des plages hypoéchogènes, soit des calcifications de petite taille qui peuvent
être groupées ou espacées, ce qui montre tout l’intérêt de
cette technique d’investigation bien que son accès soit difficile dans les pays en développement, notamment les pays
africains.
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