Introduction à la logique et à la sémantique formelle
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Introduction à la logique et à la sémantique formelle
Introduction à la logique et à la sémantique formelle D. Bonnay & M. Cozic DEC, ENS Ulm 20/9/06 CogMaster 2006-2007 D. Bonnay & M. Cozic (DEC, ENS Ulm) logique & sémantique 20/9/06 1 / 61 logique et sciences cognitives logique et raisonnement : psychologie du raisonnement, intelligence artificielle logique et modélisation : représentation des croyances, des changements de croyance, de la coordination sur la base des croyances logique et langage : syntaxe formelle, sémantique formelle D. Bonnay & M. Cozic (DEC, ENS Ulm) logique & sémantique 20/9/06 2 / 61 1. Qu’est-ce que la logique ? D. Bonnay & M. Cozic (DEC, ENS Ulm) logique & sémantique 20/9/06 3 / 61 la notion d’argument La logique s’intéresse aux arguments Un argument est la donnée d’une conclusion et d’un ensemble de prémisses censées la justifier : Si Marie boit, Pierre trinque Marie boit Pierre trinque Prémisses et conclusions sont des énoncés ; un énoncé est une expression susceptible d’être vraie ou fausse. La logique cherche à caractériser parmi les arguments ceux qui sont valides D. Bonnay & M. Cozic (DEC, ENS Ulm) logique & sémantique 20/9/06 4 / 61 quelques arguments Valides ou non ? Si Marie boit, Pierre trinque Marie boit Pierre trinque Tous les philosophes sont beaux Descartes est beau Descartes est philosophe Si Marie boit, Pierre trinque Pierre trinque Marie boit Tous les logiciens sont malins Proust est un logicien Proust est malin D. Bonnay & M. Cozic (DEC, ENS Ulm) logique & sémantique 20/9/06 5 / 61 la notion d’argument valide Aristote sur la validité : "...un syllogisme est un discours dans lequel, certaines choses étant posées, quelque chose d’autre que ces données en résulte nécessairement par le seul fait de ces données." Premiers Analytiques, 24b18, trad. Tricot, Vrin Un argument valide est un argument dont la vérité des prémisses entraîne celle de la conclusion. Un argument sain (sound) est un argument valide dont les prémisses sont vraies. D. Bonnay & M. Cozic (DEC, ENS Ulm) logique & sémantique 20/9/06 6 / 61 substitutions, 1 Si Marie boit, Pierre trinque Marie boit Pierre trinque Si Marie boit, Marc aboit Marie boit Marc aboit Si Marie boit, Marc aboit Marie boit Pierre trinque D. Bonnay & M. Cozic (DEC, ENS Ulm) Si Marie mord, Marc aboit Marie mord Marc aboit Ou bien Marie boit, ou bien Pierre trinque Marie boit Pierre trinque Si φ, ψ φ ψ logique & sémantique 20/9/06 7 / 61 substitutions, 2 Tous les logiciens sont malins Proust est un logicien Proust est malin Tous les logiciens sont tatoués Proust est un logicien Proust est tatoué Tous les logiciens sont tatoués Ludwig est un logicien Ludwig est un tatoué D. Bonnay & M. Cozic (DEC, ENS Ulm) Certains logiciens sont malins Proust est un logicien Proust est malin Tous les P sont Q a est P a est Q logique & sémantique 20/9/06 8 / 61 les constantes logiques 2 classes de constantes logiques : (i) les connecteurs propositionnels : "si..., alors...", "...et...", "...ou...", "il est faux que..." (ii) les quantificateurs : "tous...", "il existe...", "certains..." 2 logiques élémentaires : (i) la logique propositionnelle (LP) qui traite exclusivement des connecteurs propositionnels (ii) la logique du premier ordre (LPO) qui traite des connecteurs propositionnels et des quantificateurs Dans chaque cas, on verra (i) syntaxe : construction d’un langage formel (ii) sémantique : assignation d’une signification aux expressions du langage formel D. Bonnay & M. Cozic (DEC, ENS Ulm) logique & sémantique 20/9/06 9 / 61 logique propositionnelle 2. logique propositionnelle D. Bonnay & M. Cozic (DEC, ENS Ulm) logique & sémantique 20/9/06 10 / 61 logique propositionnelle introduction La LP traite des arguments dont la validité repose exclusivement sur les connecteurs propositionnels Dans ces arguments, seule importe la structure des énoncés complexes, pas la structure des énoncés atomiques La syntaxe de la LP considère donc les énoncés atomiques comme primitifs et s’intéresse aux combinaisons que l’on peut en faire avec les connecteurs La syntaxe de la LP construit la notion de formule qui est la contrepartie formelle de la notion d’énoncé (expression susceptible d’être vraie ou fausse) D. Bonnay & M. Cozic (DEC, ENS Ulm) logique & sémantique 20/9/06 11 / 61 logique propositionnelle syntaxe de LP syntaxe de LP L’alphabet du langage contient des formules atomiques p, q, r ... des symboles de connecteurs ∨, ∧, ¬, →, ↔ et des parenthèses ), ( Les formules sont définies ainsi: (i) les formules atomiques sont des formules (ii) si φ et ψ sont des formules, alors (φ ∨ ψ), (φ ∧ ψ), (φ → ψ), (φ ↔ ψ) et ¬φ sont des formules (iii) seules les expressions engendrées par un nombre fini d’application de (i)-(ii) sont des formules D. Bonnay & M. Cozic (DEC, ENS Ulm) logique & sémantique 20/9/06 12 / 61 logique propositionnelle syntaxe de LP arbre de formation Une formule se décompose de manière unique jusqu’aux formules atomiques qui la constituent. On peut le représenter via l’arbre de formation d’une formule. Exemple : (p → (q ∧ r )) (p → (q ∧ r )) p (q ∧ r ) q D. Bonnay & M. Cozic (DEC, ENS Ulm) r logique & sémantique 20/9/06 13 / 61 logique propositionnelle sémantique de LP La sémantique est la partie de la logique qui s’occupe de l’interprétation du langage formel Dans le cas propositionnel, on assigne aux formules du langage une valeur de vérité : le vrai (1) ou le faux (0) La logique classique obéit au principe de bivalence : toute formule a une et une seule valeur de vérité La valeur de vérité des formules atomiques est arbitraire ; en revanche, une fois ces valeurs fixées, la valeur de vérité des formules complexes dépend de la façon dont elles sont composées. D. Bonnay & M. Cozic (DEC, ENS Ulm) logique & sémantique 20/9/06 14 / 61 logique propositionnelle sémantique de LP la négation Supposons que V (p) = 1 ("il pleut" est vrai). Quelle est la valeur de vérité de ¬p ("il est faux qu’il pleuve") ? V (¬p) = 0 Inversement, si V (p) = 0, alors V (¬p) = 1 De manière générale, la négation est un opérateur qui inverse la valeur de vérité de la formule à laquelle elle s’applique V (φ) 1 0 D. Bonnay & M. Cozic (DEC, ENS Ulm) V (¬φ) 0 1 logique & sémantique 20/9/06 15 / 61 logique propositionnelle sémantique de LP la conjonction et la disjonction Une conjonction (φ ∧ ψ) est vraie uniquement quand les deux membres sont vrais Une disjonction (φ ∨ ψ) est vraie dès que l’un des membres est vrai (disjonction "inclusive") V (φ) 1 1 0 0 D. Bonnay & M. Cozic (DEC, ENS Ulm) V (ψ) 1 0 1 0 V ((φ ∧ ψ)) 1 0 0 0 logique & sémantique V ((φ ∨ ψ)) 1 1 1 0 20/9/06 16 / 61 logique propositionnelle sémantique de LP le conditionnel Le conditionnel reflète (plus ou moins) le "si..., alors..." de la langue naturelle. Un conditionnel (φ → ψ) n’est faux que lorsque l’antécédent est vrai et le conséquent faux. V (φ) 1 1 0 0 D. Bonnay & M. Cozic (DEC, ENS Ulm) V (ψ) 1 0 1 0 V ((φ → ψ)) 1 0 1 1 logique & sémantique 20/9/06 17 / 61 logique propositionnelle sémantique de LP valuation Une valuation atomique est une fonction qui assigne à chaque formule atomique une valeur de vérité. Une valuation est une fonction qui assigne à chaque formule une valeur de vérité conformément à l’interprétation des connecteurs. Il existe une et une seule valuation qui étend une valuation atomique donnée. Concrètement, si φ est une formule complexe qui contient les formules atomiques p, q, r , alors une fois que la valeur de vérité de p, q, r est fixée, celle de φ est déterminée. D. Bonnay & M. Cozic (DEC, ENS Ulm) logique & sémantique 20/9/06 18 / 61 logique propositionnelle sémantique de LP exemple Considérons la formule φ := ¬(p → ¬q) et supposons que V (p) = V (q) = 1. Quelle est la valeur de vérité de φ ? p 1 q 1 ¬q 0 (p → ¬q) 0 ¬(p → ¬q) 1 On peut représenter les valeurs de vérités de φ pour toute combinaison possible de valeurs de vérité de ses propositions atomiques en une table de vérité : p 1 1 0 0 D. Bonnay & M. Cozic (DEC, ENS Ulm) q 1 0 1 0 ¬q 0 1 0 1 (p → ¬q) 0 1 1 1 logique & sémantique ¬(p → ¬q) 1 0 0 0 20/9/06 19 / 61 logique propositionnelle sémantique de LP tautologies & antilogies Une formule est satisfiable s’il existe une valuation qui la rend vraie. Exemple : (p ∨ q) Une formule est tautologique ou valide si toute valuation la rend vraie. Exemple : (p ∨ ¬p) Une formule est antilogique ou contradictoire si aucune valuation ne la rend vraie. Exemple : (p ∧ ¬p) D. Bonnay & M. Cozic (DEC, ENS Ulm) logique & sémantique 20/9/06 20 / 61 logique propositionnelle sémantique de LP exemples Une tautologie : (p ∨ ¬p) p ¬p (p ∨ ¬p) 1 0 1 0 1 1 Une antilogie : (p ∧ ¬p) p ¬p (p ∧ ¬p) 1 0 0 0 1 0 D. Bonnay & M. Cozic (DEC, ENS Ulm) logique & sémantique 20/9/06 21 / 61 logique propositionnelle sémantique de LP conséquence logique Retour à l’intuition de départ : un argument est valide si la vérité des prémisses entraîne celle de la conclusion. On dit qu’une valuation satisfait un ensemble de formules Γ si elle satisfait toutes les formules de Γ. Γ a pour conséquence logique φ si toute valuation qui satisfait Γ satisfait φ D. Bonnay & M. Cozic (DEC, ENS Ulm) logique & sémantique 20/9/06 22 / 61 logique propositionnelle sémantique de LP exemple Γ = {p, (p → q)} et φ = q. Si Marie boit, Pierre trinque Marie boit Pierre trinque p 1 1 0 0 D. Bonnay & M. Cozic (DEC, ENS Ulm) q 1 0 1 0 (p → q) 1 0 1 1 logique & sémantique 20/9/06 23 / 61 logique du premier ordre 3. logique du premier ordre D. Bonnay & M. Cozic (DEC, ENS Ulm) logique & sémantique 20/9/06 24 / 61 logique du premier ordre limites de la LP Comment traiter l’argument suivant en LP ? Tous les logiciens sont malins Proust est un logicien Proust est malin Il faut associer à chaque énoncé une formule atomique - disons, respectivement, p, q, r . Mais r n’est pas conséquence logique de {p, q}. Il faut une analyse plus fine de la structure des énoncés. D. Bonnay & M. Cozic (DEC, ENS Ulm) logique & sémantique 20/9/06 25 / 61 logique du premier ordre prédication & quantification La prédication : "Rudolf est logicien" L(r ) "Rudolf est plus grand que Ludwig" G(r , l) ⇒ deux classes de symboles : - les symboles de constantes : a, b, c, ... - les symboles de prédicat P (1) , Q (1) , R (1) , ..., P (n) , Q (n) , R (n) , ... La quantification "Il existe un logicien" ∃xL(x) "Tout le monde est plus grand que Ludwig" ∀xG(x, l) "Tout le monde aime quelqu’un" ∀x∃yA(x, y) ⇒ deux classes de symboles : - symboles de variables x, y, z, ... - quantificateurs : ∀, ∃ D. Bonnay & M. Cozic (DEC, ENS Ulm) logique & sémantique 20/9/06 26 / 61 logique du premier ordre paraphrases, 1 Les propositions aristotéliciennes : A E I O Tout S est P Nul S n’est P Quelque S est P Quelque S n’est pas P Universelle affirmative Universelle négative Particulière affirmative Particulière négative Paraphrases : "Tous les philosophes viendront" "Quelque philosophe viendra" "Aucun philosophe ne viendra" "Quelque philosophe ne viendra pas" D. Bonnay & M. Cozic (DEC, ENS Ulm) logique & sémantique ∀x(Px ∃x(Px ∀x(Px ∃x(Px → Sx) ∧ Sx) → ¬Sx) ∧ ¬Sx) 20/9/06 27 / 61 logique du premier ordre paraphrases, 2 "Paul aime quelqu’un" "Paul est aimé de quelqu’un" "Tout le monde aime quelqu’un" "Tous ceux qui aiment Paul aiment Marie" "Paul n’aime personne" "Paul aime quelqu’un qui aime Marie" "Paul aime tous ceux qui aiment tout le monde" D. Bonnay & M. Cozic (DEC, ENS Ulm) logique & sémantique ∃xApx ∃xAxp ∀x∃yAxy ∀x(Axp → Axm) ∀x¬Apx ∃x(Apx ∧ Axm) ∀x(∀yAxy → Apx 20/9/06 28 / 61 logique du premier ordre syntaxe de LPO L’alphabet de LPO contient (i) (ii) (iii) (iv) (v) (vi) des symboles de constantes a, b, c... des symboles de prédicats P (1) , Q (1) , R (1) , ..., P (n) , Q (n) , R (n) , ... de variables x , y , z, ... les connecteurs propositionnels ∨, ∧, ¬, →, ↔ les quantificateurs ∀, ∃ des parenthèses Un langage du premier ordre est une spécification de (i)-(ii). (iii)-(vi) sont communs à tous les langages du premier ordre. D. Bonnay & M. Cozic (DEC, ENS Ulm) logique & sémantique 20/9/06 29 / 61 logique du premier ordre syntaxe de LPO, suite Un terme est une variable ou un symbole de constante. Les formules sont définies ainsi : (i) Si P (n) est un symbole de prédicat n-aire et t1 , ..., tn sont des termes, alors P(t1 , ..., tn ) est une formule (ii) Si φ et ψ sont des formules, alors ¬φ, (φ ∨ ψ), etc. sont des formules (iii) Si φ est une formule, alors ∀x φ et ∃x φ sont des formules (iv) Seules les expressions engendrées par un nombre fini d’applications de (i)-(iii) sont des formules. D. Bonnay & M. Cozic (DEC, ENS Ulm) logique & sémantique 20/9/06 30 / 61 logique du premier ordre variables libres vs. liées Différence importante entre les deux types de formules : ∀xB(x) ∀x∀yA(x, y) B(x) ∀xA(x, y) Les variables des formules de gauche sont toutes "sous la portée" d’un quantificateur ou liées. Certaines occurences de variables sont au contraire libres dans les formules de de droite. On appelle énoncé (parfois formule close) une formule où toutes les variables sont liées. Les énoncés en ce sens correspondent aux énoncés au sens informel i.e. ils sont susceptibles d’être vrai ou faux. D. Bonnay & M. Cozic (DEC, ENS Ulm) logique & sémantique 20/9/06 31 / 61 logique du premier ordre sémantique de LPO En LP, on ne traite que de valeurs de vérité : la valeur de vérité d’une formule est déterminée par celles des formules qui la composent. La sémantique de la LPO doit être enrichie car les parties d’une formule ne sont pas nécessairement des formules elles-mêmes ⇒ il faut interpréter les symboles de constantes et les symboles de prédicats 1ère idée fondamentale : on se donne un domaine de discours M - les symboles de constantes dénotent des éléments du domaine de de discours ; - les symboles de prédicats n-aires dénotent des relations n-aires sur M. Intuitivement : une formule Pa est vraie si l’élément du domaine dénoté par a appartient à l’ensemble d’éléments du domaines dénoté par P D. Bonnay & M. Cozic (DEC, ENS Ulm) logique & sémantique 20/9/06 32 / 61 logique du premier ordre sémantique de LPO L-structures Soit L un langage du premier ordre. Une L-structure M = (M, I M ) est une paire constituée (i) d’un domaine (non vide) d’individus M (ii) d’une fonction d’interprétation I M • si c est un symbole de constante, alors I M (c) = c M ∈ M • si P (n) est un symbole de prédicat, alors I M (P) = P M ⊆ M n D. Bonnay & M. Cozic (DEC, ENS Ulm) logique & sémantique 20/9/06 33 / 61 logique du premier ordre sémantique de LPO exemple 1 Soit le langage L = (H, F , P, p, j, m, a). M = ({Paul, Jacques, Marie, Anne}, I M ) où I M (H) = {Paul, Jacques} I M (F ) = {Marie, Anne} I M (P) = {Jacques, Anne} I M (p) = Paul, I N (j) = Jacques, I N (m) = Marie, I N (a) = Anne Intuitivement, M H(j), M 2 H(m) M ∀x(H(x) ∨ F (x)), M 2 ∀xP(x) D. Bonnay & M. Cozic (DEC, ENS Ulm) logique & sémantique 20/9/06 34 / 61 logique du premier ordre sémantique de LPO exemple 2 Soit le langage L = (O, E , c0 , c1 ). N = (N, I M ) où I N (E) = {0, 2, 4, 6...} I N (O) = {1, 3, 5, 7...} I N (c0 ) = 0 I N (c1 ) = 1 Intuitivement, N E (c0 ), N 2 E (c1 ) N ∀x(O(x) ∨ E (x)), N 2 ∀xE (x) D. Bonnay & M. Cozic (DEC, ENS Ulm) logique & sémantique 20/9/06 35 / 61 logique du premier ordre sémantique de LPO assignations Problème : si l’interprétation d’une formule est déterminée par l’interprétation de ses parties, comment construire l’interprétation d’une formule comme ∀xO(x) ? De manière générale, le problème est d’interpréter les formules comportant des variables libres. 2nde idée fondamentale : l’assignation : une assignation g(.) associe à chaque variable x un élément du domaine d’invididus g(x) ∈ M. On définit ensuite la notion de satisfaction d’une formule par une assignation. P(x) est par exemple satisfaite par toutes les assignations qui assignent à x l’un des élements de P I . D. Bonnay & M. Cozic (DEC, ENS Ulm) logique & sémantique 20/9/06 36 / 61 logique du premier ordre sémantique de LPO satisfaction Soit L un langage du premier ordre, M une L-structure et g une assignation. Pour une formule φ, on définit la satisfaction de φ par l’assignation g : (i) si φ := Rt1 ...tk pour un symbole de prédicat R d’arité k et des termes t1 , ..., tk , alors M, g φ ssi (t1M,g , ..., tkM,g ) ∈ R M (ii) si φ := ¬ψ, alors M, g φ ssi M, g 2 ψ (iv) φ := (ψ ∧ χ), alors M, g φ ssi M, g ψ et M, g χ (v) si φ := ∀xn ψ, alors M, g φ ssi pour tout a ∈ M, M, g[xn → a] ψ (vi) si φ := ∃xn ψ, alors M, g φ ssi il existe a ∈ M tq. M, g[xn → a] ψ D. Bonnay & M. Cozic (DEC, ENS Ulm) logique & sémantique 20/9/06 37 / 61 logique du premier ordre sémantique de LPO vérité et validité Si toutes les assignations satisfont φ, on dit que φ est vraie dans M ou que M est un modèle de φ. On le note Mφ φ est valide si elle est satisfaite par toute assignation dans toute L-structure. On le note φ D. Bonnay & M. Cozic (DEC, ENS Ulm) logique & sémantique 20/9/06 38 / 61 logique du premier ordre sémantique de LPO exemple Soit le langage L = (H, F , P, p, j, m, a). M = ({Paul, Jacques, Marie, Anne}, I M ) où I M (H) = {Paul, Jacques} I M (F ) = {Marie, Anne} I M (P) = {Jacques, Anne} I M (p) = Paul, I N (j) = Jacques, I N (m) = Marie, I N (a) = Anne g1 (x) = Paul M, g1 Fm, M, g1 2 Fj M, g1 2 Fx M, g1 2 (Fx ∨ Px) M, g1 Hx M, g1 ∃xFx M, g1 ∀x(Fx ∨ Hx) D. Bonnay & M. Cozic (DEC, ENS Ulm) g2 (x) = Anne M, g2 Fm, M, g2 2 Fj M, g2 Fx M, g2 2 (Fx ∧ Px) M, g2 2 Hx M, g2 ∃xFx M, g2 ∀x(Fx ∨ Hx) logique & sémantique 20/9/06 39 / 61 logique du premier ordre sémantique de LPO exemple Soit le langage L1 = (P (1) , R (2) , c0 , c1 ). On peut l’interpréter dans la L1 -structure N = (N, I N ) où • I N (P) = {0, 2, 4, 6...} • I N (R) => (l’ordre strict usuel sur les entiers) • I N (c0 ) = 0 • I N (c1 ) = 1 g1 (x1 ) = 5, g1 (x2 ) = 2 N , g1 2 Rc1 x1 N , g1 Rx1 x2 N , g1 ∀x1 ∃x2 Rx2 x1 N , g1 2 ∃x1 (Rx1 c0 ∧ Rc1 x1 ) D. Bonnay & M. Cozic (DEC, ENS Ulm) g2 (x1 ) = 0, g2 (x2 ) = 3 N , g2 Rc1 x1 N , g2 2 Rx1 x2 N , g2 ∀x1 ∃x2 Rx2 x1 N , g2 2 ∃x1 (Rx1 c0 ∧ Rc1 x1 ) logique & sémantique 20/9/06 40 / 61 logique du premier ordre sémantique de LPO exemple Soit le langage L2 = (H (1) , F (1) , A(2) , p, j, m, a). On peut l’interpréter dans la L2 -structure M = ({Paul, Jacques, Marie, Anne}, I M ) où I M (H) = {Paul, Jacques} I M (F ) = {Marie, Anne} I M (A) = {(Marie, Paul), (Paul, Anne), (Jacques, Jacques), (Anne, Marie)} I M (p) = Paul, I M (j) = Jacques, I M (m) = Marie, I M (a) = Anne g1 (x1 ) = Paul, g1 (x2 ) = Marie M, g1 2 Apx1 M, g1 ∃x1 Ajx1 M, g1 2 ∀x1 Ax1 x2 D. Bonnay & M. Cozic (DEC, ENS Ulm) g2 (x1 ) = Anne, g2(x2 ) = Paul M, g2 Apx1 , M, g2 ∃x1 Ajx1 M, g2 2 ∀x1 Ax1 x2 logique & sémantique 20/9/06 41 / 61 logique et langue naturelle 4. logique et langue naturelle D. Bonnay & M. Cozic (DEC, ENS Ulm) logique & sémantique 20/9/06 42 / 61 logique et langue naturelle Logique et langage On vient de voir un langage formel sa syntaxe sa sémantique Quel rapport avec le français ? on peut traduire les énoncés du français dans la logique du premier ordre. le projet de la linguistique formelle: voir le français comme une langue artificielle. D. Bonnay & M. Cozic (DEC, ENS Ulm) logique & sémantique 20/9/06 43 / 61 logique et langue naturelle La linguistique formelle Richard Montague : Il n’y a selon moi aucune différence théorique importante entre les langues naturelles et les langages artificiels des logiciens. Objectifs de la linguistique formelle : syntaxe formelle caractériser de manière systématique les énoncés grammaticaux d’une langue donnée. sémantique formelle sur la base de notre compréhension de la syntaxe, rendre compte de manière compositionnelle de la signification des phrases. pragmatique formelle sur la base de notre compréhension de la syntaxe et de la sémantique, expliquer comment sont utilisés les énoncés. D. Bonnay & M. Cozic (DEC, ENS Ulm) logique & sémantique 20/9/06 44 / 61 logique et langue naturelle Premier problème (1) Parallèle syntaxe / sémantique "Tous les philosophes viendront" "Certains philosophes viendront" ∀x(Px → Sx) ∃x(Px ∧ Sx) Des paraphrases différentes mais des constructions analogues : P → GN GV GN → Det N GV → VI D. Bonnay & M. Cozic (DEC, ENS Ulm) logique & sémantique 20/9/06 45 / 61 logique et langue naturelle Premier problème (2) on voudrait une analyse uniforme et compositionnelle Même comportement syntaxique → même catégorie syntaxique. Même catégorie syntaxique → même catégorie sémantique. Composition des significations des unités syntaxiques indépendantes. D. Bonnay & M. Cozic (DEC, ENS Ulm) logique & sémantique 20/9/06 46 / 61 logique et langue naturelle Deuxième problème L’expressivité des langues naturelles Trois philosophes viendront. Ok: ∃x, y, z (x 6= y ∧ x 6= z ∧ y 6= z) ∧ (Px ∧ Py ∧ Pz) ∧ (Vx ∧ Vy ∧ Vz) La plupart des philosophes viendront. ?? Impossible de paraphraser “la plupart” à l’aide de ∃, ∀, = ... D. Bonnay & M. Cozic (DEC, ENS Ulm) logique & sémantique 20/9/06 47 / 61 logique et langue naturelle Qu’est-ce qu’un quantificateur ? (1) M ∃x φ(x) σ ssi “il y a des objets du domaine qui satisfont φ(x)” ssi {a ∈ |M|/M φ(x) σ[x → a]} = 6 ∅ Première généralisation Quantificateur comme prédicat de prédicat : Q A, où A ⊆ M. D. Bonnay & M. Cozic (DEC, ENS Ulm) logique & sémantique 20/9/06 48 / 61 logique et langue naturelle Qu’est-ce qu’un quantificateur ? (2) Cette analyse marche pour certains déterminants : Certains philosophes viendront ssi L’ensemble des philosophes qui viendront est non vide. Mais elle ne marche pas pour tous : La plupart des philosophes viendront. L’ensemble des philosophes qui viendront ? contient la plupart des individus. D. Bonnay & M. Cozic (DEC, ENS Ulm) logique & sémantique 20/9/06 49 / 61 logique et langue naturelle Qu’est-ce qu’un quantificateur ? (3) Deuxième généralisation Quantificateur comme prédicat de relations : Q A B, où A, B ⊆ M. Exemples : Tous les A B. ssi A ⊆ B. ||Tous||M = {hA, Bi/A, B ⊆ M, A ⊆ B} Certains A B. ssi A ∩ B 6= ∅. ||Certains||M = {hA, Bi/A, B ⊆ M, A ∩ B 6= ∅} La plupart des A B. ssi card(A ∩ B) > card(A − B). ||La plupart||M = {hA, Bi/A, B ⊆ M, card(A ∩ B) > card(A − B)} (notation : Qla plupart) D. Bonnay & M. Cozic (DEC, ENS Ulm) logique & sémantique 20/9/06 50 / 61 logique et langue naturelle La solution à nos problèmes (1) Le problème de l’expressivité : “la plupart” est un quantificateur relationnel à part entière, qui n’est pas réductible à un quantificateur non relationnel. D. Bonnay & M. Cozic (DEC, ENS Ulm) logique & sémantique 20/9/06 51 / 61 logique et langue naturelle La solution à nos problèmes (2) Le problème d’une analyse compositionnelle fidèle à la syntaxe : La plupart des philosophes viendront. Analysé syntaxiquement comme : P GN GV Det N La plupart des philosophes D. Bonnay & M. Cozic (DEC, ENS Ulm) Viendront logique & sémantique 20/9/06 52 / 61 logique et langue naturelle La solution à nos problèmes (3) Les valeurs sémantiques ... ||[Det La plupart]|| = QLP ||[N des philosophes]|| = {a/a est un philosophe}=Phi ||[GN [Det La plupart][N des philosophes]]|| = {B/QLP Phi B} = QLP Phi ||[GV viendront]|| = {a/a viendra} = Vien ||[S [GN [Det La plupart][N des philosophes]][GV viendront]]|| = QLP Phi Vien D. Bonnay & M. Cozic (DEC, ENS Ulm) logique & sémantique 20/9/06 53 / 61 logique et langue naturelle La solution à nos problèmes (4) Le calcul des valeurs sémantiques est parallèle à la dérivation syntaxique ... P GN QLP Phi Det QLP D. Bonnay & M. Cozic (DEC, ENS Ulm) GV Vien N Phi logique & sémantique 20/9/06 54 / 61 logique et langue naturelle La solution à nos problèmes (4) Le calcul des valeurs sémantiques est parallèle à la dérivation syntaxique ... P QLP Phi Vien GN QLP Phi Det QLP D. Bonnay & M. Cozic (DEC, ENS Ulm) GV Vien N Phi logique & sémantique 20/9/06 55 / 61 logique et langue naturelle Et après ? Etudier les propriétés sémantiques des déterminants : Expliquer des phénomènes linguistiques particuliers. Identifier des universaux linguistiques. Isoler des classes de déterminants. Etudier le pouvoir expressif des langues naturelles. D. Bonnay & M. Cozic (DEC, ENS Ulm) logique & sémantique 20/9/06 56 / 61 logique et langue naturelle La monotonicité (1) Tous les philosophes viendront à l’heure. Tous les philosophes viendront. Certaines personnes sont bêtes et méchantes. Certaines personnes sont bêtes. Q est monotone croissant à droite ssi : Q A B et B ⊆ C implique Q A C. D. Bonnay & M. Cozic (DEC, ENS Ulm) logique & sémantique 20/9/06 57 / 61 logique et langue naturelle La monotonicité (2) Aucun soldat n’aime pleurer. Aucune soldat n’aime pleurer sans raison. Peu de gens aiment la langue de bœuf. Peu de gens aiment la langue de bœuf et les rognons. Q est monotone décroissant à droite ssi : Q A B et C ⊆ B implique Q A C. D. Bonnay & M. Cozic (DEC, ENS Ulm) logique & sémantique 20/9/06 58 / 61 logique et langue naturelle Applications (1) Expliquer des phénomènes linguistiques particuliers Exemples : items à polarité négative. Aucun policier n’a le moindre soupçon. Aucun policier qui a le moindre soupçon ne le libèrerait. ? Tous les policiers ont le moindre soupçon. ? Certains policiers ont le moindre soupçon. Les items à polarité négative sont permis dans les contextes monotones décroissants. D. Bonnay & M. Cozic (DEC, ENS Ulm) logique & sémantique 20/9/06 59 / 61 logique et langue naturelle Applications (2) Identifier des universaux linguistiques Tous Certains Beaucoup Cinq Deux ou quatre Un nombre pair de Contrainte de monotonicité : les déterminants lexicalisés dans les langues naturelles expriment des quantificateurs monotone ou des conjonctions de quantificateurs monotones. D. Bonnay & M. Cozic (DEC, ENS Ulm) logique & sémantique 20/9/06 60 / 61 logique et langue naturelle A suivre ... D. Bonnay & M. Cozic (DEC, ENS Ulm) logique & sémantique 20/9/06 61 / 61