Texte Intégral - sdrcc / crdsc

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NOTE IMPORTANTE : cette version est une traduction de la version
originale anglaise.
CENTRE DE RÈGLEMENT DES DIFFÉRENDS SPORTIFS DU CANADA (CRDSC)
SPORT DISPUTE RESOLUTION CENTRE OF CANADA (CRDSC)
No de dossier : SDRCC DT 15-0239
(Tribunal antidopage)
Entre :
CENTRE CANADIEN POUR L’ÉTHIQUE DANS LE SPORT (CCES)
SPORT INTERUNIVERSITAIRE CANADIEN (SIC)
– et –
JUSTIN MAHEU
Athlète
– et –
GOUVERNEMENT DU CANADA
AGENCE MONDIALE ANTIDOPAGE (AMA)
Observateurs
Tribunal : Patrice Brunet (unique arbitre)
Dates de l’audience : 7 et 12 avril 2016
Comparutions :
Pour le CCES: Annie Bourgeois et Yann Bernard (avocats), Kevin Bean, Jason Francis
Pour SIC : Tara Hahto (observatrice)
Pour l’athlète : Carlos Sayao (avocat)
Observateur : Robert Maheu (père de l’athlète)
MOTIFS DE DÉCISION
I.
INTRODUCTION
1. Le 25 octobre 2015, Justin Maheu (l’« athlète »), un joueur de soccer
interuniversitaire de 24 ans, a participé à un match opposant l’Université du
Cap-Breton (« CBU ») et l’Université Dalhousie. Le match a eu lieu à Halifax, en
Nouvelle-Écosse.
2. Le 11 décembre 2015, l’athlète a été informé d’un résultat d’analyse anormal
(RAA) conformément au règlement 7.3.1 du Programme canadien antidopage de
2015 (le « PCA »). L’avis indiquait qu’il avait commis une violation aux règles
antidopage selon l’échantillon fourni lors du match du 25 octobre 2015.
3. Le Centre canadien pour l’éthique dans le sport (le « CCES ») certifie que
l’analyse de l’échantillon fourni par l’athlète a révélé des concentrations
d’éphédrine de 20,2 μg/mL.
4. L’éphédrine est une substance spécifiée seulement lorsqu’elle est trouvée en
concentrations dépassant le seuil de 10 μg/mL.
5. L’athlète ne conteste pas le fait que l’analyse de l’échantillon a révélé une
concentration d’éphédrine dépassant le seuil permis et il a admis la violation le
11 décembre 2015. Avant cette admission, l’athlète avait accepté une suspension
provisoire le 17 novembre 2015.
6. Toutefois, il conteste la sanction de deux ans de suspension proposée par le CCES
et fait valoir que cette sanction est injuste et disproportionnée par rapport au degré
de sa faute.
7. En conséquence, il demande une réduction significative de la période de
suspension à laquelle il s’expose.
II.
LES PARTIES
8. Le CCES est un organisme indépendant, sans but lucratif, qui fait la promotion
d’un comportement éthique dans tous les aspects du sport. Le CCES maintient
également à jour et administre le programme canadien antidopage (PCA),
notamment en fournissant des services de contrôle du dopage aux organismes
nationaux de sport et à leurs membres. À titre de principal organisme antidopage
au Canada, le CCES se conforme au Code mondial antidopage (le Code) et à ses
standards internationaux obligatoires. Le CCES a mis en œuvre le Code let ses
standards internationaux obligatoires par l’entremise du PCA, les règles nationales
qui régissent cette procédure. Le Code et le PCA ont pour but de protéger le droit
des athlètes à une compétition équitable.
9. SIC est l’organisme national qui régit le sport interuniversitaire au Canada,
regroupant la majorité des universités qui décernent des diplômes au pays.
10. M. Justin Maheu est un joueur de soccer interuniversitaire de 24 ans. Il a
commencé à jouer à l’âge de quatre ans et le soccer joue un rôle central dans sa
vie depuis. M. Maheu est un athlète-étudiant de l’Université du Cap-Breton. En
2015, il a été nommé athlète masculin de l’année de SIC lors des Prix annuels BLG
et athlète masculin de l’année de CBU.
11. L’Agence mondiale antidopage (l’« AMA »), dont le siège se situe à Montréal, est
l’organisation internationale chargée de gérer le Programme mondial antidopage,
qui inclut le Code de l’AMA. L’AMA n’a pas participé à l’audience.
12. Le Gouvernement du Canada n’a pas assisté à l’audience non plus.
III.
CONTEXTE FACTUEL
13. L’athlète a expliqué qu’au cours de l’été de 2015, il éprouvé de plus en plus de
difficulté à respirer lorsqu’il s’entraînait et jouait au soccer, surtout par temps
froid ou humide.
14. Alors qu’il participait à un tournoi international de soccer en Corée, en juin
2015, l’athlète a consulté un médecin et lui a parlé de ses problèmes
respiratoires. D’après lui, le médecin lui a dit que cela pourrait être de l’asthme
et lui a conseillé de consulter son médecin.
15. Toutefois, a confirmé l’athlète, il n’a pas trouvé le temps de consulter son
médecin à son retour au Canada, principalement parce qu’il travaillait et
étudiait à temps plein.
16. À la place, l’athlète a acheté du Sudafed (pseudoéphédrine) dans une
pharmacie. D’après son fabricant, le Sudafed est un produit qui aide à soulager
la pression, la douleur et la congestion des sinus provoquées par le rhume
banal, les allergies et autres problèmes de sinus.
17. L’athlète a dit qu’il a consommé ce produit pendant une semaine ou deux, et
qu’il a suivi les indications sur l’emballage. Il s’est senti mieux, mais il a
continué à éprouver des problèmes respiratoires durant tout l’été.
18. Durant la saison d’automne à CBU, l’état de l’athlète s’est aggravé.
19. C’est dans ce contexte que l’athlète a acheté de l’éphédrine alors qu’il était
dans un magasin GNC1 à Sydney, en Nouvelle-Écosse.
20. Il a dit qu’il a demandé au vendeur quelque chose qui pourrait l’aider à mieux
respirer. Le vendeur lui a donné une boîte de comprimés « Kaizen éphédrine
hcl », qu’il a achetée pour 5 $.
General Nutrition Center. Ces magasins vendent au détail des produits de santé et de nutrition
(vitamines, aliments pour sportifs, compléments, produits énergétiques, etc.)
1
21. L’emballage de ce produit précisait qu’il doit être [traduction] « utilisé comme
décongestionnant/pour soulager la congestion nasale ». Il indiquait également
« Dose(s) : Adultes et adolescents de 12 et plus : prendre de 1 à 4 comprimés par
jour, sans dépasser un comprimé par dose unique ». La boîte contenait 50 comprimés.
Chaque comprimé contenait 8 mg d’éphédrine.
22. Lors de son témoignage, l’athlète a précisé qu’il avait en fait acheté ce produit
à deux occasions distinctes. La première fois le 1er septembre 2015 et la
deuxième fois le 7 octobre 2015.
23. Toutefois, il n’a commencé à consommer de l’éphédrine que le 20 octobre
2015.
24. Interrogé quant à l’intérêt d’acheter une deuxième boîte de cinquante (50)
comprimés, étant donné qu’il n’avait même pas ouvert la première, l’athlète a
dit qu’il avait acheté la deuxième boîte pour être sûr de ne pas manquer de ce
produit et parce qu’elle ne coûtait pas cher.
25. L’athlète a également précisé qu’il avait fait quelques recherches en ligne à
propos de l’éphédrine avant d’utiliser le produit. Il a notamment consulté le
site Internet DRO Global, cité dans les cours de formation en ligne du CCES,
qui donnait l’information suivante :
En compétition : Conditional (orange)
Hors compétition: Non interdit (vert)
Supplément d’information : l’éphédrine est interdite quand sa
concentration dans l’urine dépassent [sic] 10 microgrammes par
millilitre. Ce niveau seuil ne s’applique pas advenant la prise conjointe
d’un diurétique. Si vous prenez un diurétique, vous devez avoir une
Autorisation d’usage à des fins thérapeutiques pour pouvoir utiliser à la
fois un diurétique et de l’éphédrine.
26. L’athlète a conclu, a-t-il expliqué, qu’il était [traduction] « probablement okay
de prendre les compléments », tant qu’il suivait les instructions sur l’emballage les
jours de compétition, puisque la substance n’était interdite que lors des
compétitions dans certaines conditions.
27. L’athlète a dit également qu’il avait fait [traduction] « des recherches sur
Google pour se renseigner sur les substances interdites au-delà d’un certain seuil ».
Il a trouvé un article universitaire intitulé « Drug in sports », daté de 2004.
L’article portait sur l’éphédrine, mais ne donnait aucune précision sur un seuil
quelconque ou sur une interdiction de l’éphédrine dans certaines conditions.
L’article mentionnait également la caféine et donnait des lignes directrices
générales concernant la corrélation entre la quantité de caféine consommée et le
seuil.
28. L’athlète a expliqué que [traduction] « puisque l’éphédrine et la caféine sont
toutes les deux des stimulants, je me suis dit que les lignes directrices indiquées
ci-dessus pour la caféine s’appliquaient en gros à l’éphédrine ». Il a donc comparé
les deux seuils et estimé en gros la dose quotidienne maximale d’éphédrine qu’il
pouvait prendre sans dépasser le seuil établi à 10 μg/mL.
29. En ce qui a trait à sa consommation d’éphédrine, l’athlète a dit qu’il a pris des
compléments d’éphédrine pendant environ cinq (5) jours avant son test antidopage
du 25 octobre 2015. C’était la première fois qu’il utilisait ce produit et il a continué
à en prendre jusqu’à la fin de sa saison à CBU, le 14 novembre 2015.
30. Il a dit qu’il a commencé à consommer les compléments parce que son asthme
et ses sinus le faisaient beaucoup souffrir cette semaine-là, à cause du temps froid
et humide, qui avait aggravé ses problèmes respiratoires.
31. L’athlète a dit qu’il a suivi « généralement » les instructions sur l’emballage
du produit, qui disaient « jusqu’à quatre comprimés par jour, sans jamais prendre
plus d’un comprimé à la fois ».
32. Il s’est toutefois souvenu de quelques occasions, au cours des cinq jours
précédant son test antidopage, où il avait pris deux ou trois comprimés à la fois et
d’un jour en particulier où il avait pris six comprimés en une seule journée. À cette
dernière occasion, il s’était senti « nerveux » et s’était promis de ne pas reprendre
ce dosage.
33. Il a dit qu’il n’était pas inquiet de dépasser légèrement les instructions
thérapeutiques, parce que le dosage était bien en deçà de celui qui, pensait-il, le
maintiendrait sous la limite du seuil, selon ses recherches sur Internet.
34. Par prudence, a expliqué l’athlète, il suivait de façon précise les instructions
et la posologie le jour et la veille des matchs de soccer. En ce qui concerne le
25 octobre 2015, il a dit [traduction] : « Je ne me souviens pas à 100 %, mais je
pense que j’ai pris deux comprimés, un lorsque je me suis réveillé ce matin-là et
un autre avant le match ».
35. Après le match du 25 octobre 2015, on a demandé à l’athlète de passer un test
de contrôle antidopage.
36. Durant le test, on lui a également demandé de remplir un formulaire de
contrôle antidopage. Au lieu d’indiquer qu’il prenait de l’éphédrine, l’athlète a
écrit « comprimés de caféine ». Il ne prenait pas de comprimés de caféine à ce
moment-là et n’en avait jamais pris auparavant. Il a dit qu’il ne se souvenait pas
du nom des comprimés d’éphédrine et que c’est pour cette raison qu’il avait écrit
comprimés de caféine sur le formulaire.
37. Le 17 novembre 2015, l’athlète a reçu un courriel de M. John Ryan, le
directeur des sports de CBU, l’informant que l’analyse de son échantillon d’urine
prélevé le 25 octobre 2015 avait révélé un résultat positif à l’éphédrine.
38. Le certificat d’analyse de l’échantillon A de l’athlète indiquait :
[Traduction]
Éphédrine mesurée de 20.2 μg/mL, U= 0,9 μg/mL (k = 2) au seuil de 10 μg/mL.
Limite de décision : 11 μg/mL.
39. Dans la Liste des interdictions de l’Agence mondiale antidopage, le passage
qui porte sur cette substance indique ceci :
S6. STIMULANTS
Tous les stimulants, y compris tous leurs isomères optiques, par ex. d- et l s’il y a
lieu, sont interdits.
Les stimulants incluent :
[…]
b: Stimulants spécifiés (exemples):
Benzfétamine; cathine**; cathinone et ses analogues, par ex. méphédrone,
méthédrone et α- pyrrolidinovalerophénone; diméthylamphétamine;
éphédrine***; epinéphrine**** (adrénaline); […]
[…]
*** Éphédrine and methyléphédrine : interdites quand leurs concentrations
respectives dans l’urine dépassent 10 microgrammes par millilitre.
[C’est moi qui souligne.]
40. Le 17 novembre 2015, l’athlète a accepté une suspension provisoire.
41. Il a également consulté le Dr Reggie Sebastian du Centre de santé de CBU à
propos de ses problèmes respiratoires et congestion des sinus chronique.
42. Le 19 novembre 2015, l’athlète est allé passer un test de la fonction
pulmonaire et un test de provocation à la méthacholine au Glace Bay Healthcare
Facility.
43. Le 23 novembre 2015, il a reçu les résultats de ces tests, qui indiquaient une
« maladie pulmonaire obstructive modérée », qui est une forme d’asthme. Il
convient de noter également que le père de l’athlète a de longs antécédents
d’allergies et d’asthme, comme l’indique le dossier.
44. Le même jour, le Dr Sebastian a prescrit à l’athlète un inhalateur Ventolin
pour soigner son asthme. Le médecin a également rempli une demande
d’autorisation d’usage à des fins thérapeutiques (AUT).
45. D’après l’athlète, l’inhalateur Ventolin lui a permis de respirer beaucoup
mieux.
46. Le 30 novembre 2015, l’athlète a reçu un courriel de M. Kevin Bean,
gestionnaire de la conformité et des procédures du CCES. M. Bean lui a demandé
de donner certaines précisions. Il a notamment posé les questions suivantes à
l’athlète :
[Traduction]
Pouvez-vous confirmer que le produit a été utilisé (et combien). Par exemple,
avez-vous consommé le produit le jour de la compétition (le jour où vous
avez subi le test) ou était-ce un ou plusieurs jours avant le match?
47. L’athlète a répondu à la question par courriel, le 1er décembre 2015. Il a écrit
ceci :
[Traduction]
J’ai utilisé le produit pendant environ cinq jours avant le test. J’ai pris jusqu’à
quatre comprimés par jour (sans jamais dépasser un comprimé à la fois
conformément aux instructions) selon mes difficultés à respirer. Le jour de la
compétition, je ne me souviens pas à 100 % mais je crois que j’ai pris deux
comprimés, car mon asthme et mes sinus me faisaient beaucoup souffrir ce jourlà et cette semaine-là, à cause du temps froid et humide qui aggravait mes
problèmes respiratoires. J’ai pris ces comprimés comme décongestionnant.
48. Toutefois, cette réponse n’était pas tout à fait exacte et l’athlète l’a corrigée
dans une déclaration écrite datée du 27 janvier 2016. Bien qu’il se soit efforcé de
suivre les instructions sur l’emballage du produit de manière générale, l’athlète a
admis qu’il avait légèrement dépassé le dosage recommandé à quelques reprises.
Il a indiqué qu’au moment de sa réponse [traduction] « il était encore très stressé
et inquiet à cause de son test positif, et il ne comprenait pas tout à fait comment le
processus disciplinaire fonctionnait. Il n’avait pas retenu les services d’un
avocat ».
49. Le 11 décembre 2015, l’athlète a été informé du RAA conformément au
paragraphe 7.3.1 du PCA.
50. Le même jour, l’athlète a admis volontairement la violation des règles
antidopage attribuable à la présence d’une concentration d’éphédrine dépassant le
seuil permis.
IV.
CONTEXTE PROCÉDURAL
A. Étapes préliminaires
51. Le 11 décembre 2015, le CCES a émis une notification de violation des règles
antidopage conformément au paragraphe 7.3.1. du PCA. Aux paragraphes 1 et 2
de la notification, le CCES exposait les faits suivants :
[Traduction]
Le Centre canadien pour l’éthique dans le sport (CCES) allègue que
M. Justin Maheu, un l’athlète affilié à Sport interuniversitaire
canadien (SIC), a commis une violation des règles antidopage.
L’échantillon qui a donné lieu à un résultat d’analyse anormal a été
prélevé en compétition, le 25 octobre 2015, à Halifax (N.-É.),
conformément au PCA. Le CCES a reçu le résultat d’analyse anormal
du laboratoire accrédité de l’Agence mondiale antidopage (AMA) le
10 novembre 2015. Ci-joint une copie du certificat d’analyse, qui
indique la présence d’éphédrine, classée comme substance interdite
(stimulants) dans la Liste des interdictions de 2015 de l’Agence
mondiale antidopage (AMA). Cette substance est également classée
comme « substance spécifiée » selon le règlement 4.2.2., partie C du
PCA.
52. Le 23 décembre 2015, j’ai été désigné comme arbitre dans le présent dossier.
53. Le 13 janvier 2016, une réunion préliminaire a eu lieu par conférence téléphonique
entre les parties, le CRDSC et l’arbitre soussigné, afin de traiter de questions
préliminaires et planifier les prochaines étapes de la procédure.
54. Conformément aux directives données par le Tribunal, les parties ont été
informées du calendrier suivant :
- 1er février 2016, 16 h (HNE) :
Soumissions écrites par l’athlète;
- 4 mars 2016, 16 h (HNE) :
Soumissions écrites par le CCES;
- 11 mars 2016, 16 h (HNE) :
Réplique, le cas échéant, de l’athlète;
- 7 avril 2016, toute la journée :
Audience en personne à Ottawa, sous réserve
de la disponibilité des témoins experts, le cas
échéant. L’heure du début et le lieu seront
confirmés par le CRDSC à une date
ultérieure.
55. Le 1er février 2016, l’athlète et son conseiller juridique ont soumis leurs
observations par écrit, qui comprenaient notamment le rapport d’un expert,
Dr David M. Schwope (« Dr Schwope ») et une déclaration de l’athlète à titre de
témoin, signée le 27 janvier 2016.
56. Le 11 mars 2016, le CCES a déposé ses observations par écrit après avoir obtenu
une extension d’une semaine.
57. Le 17 mars 2016, l’avocat de l’athlète a demandé une extension jusqu’au 29 mars
2016 pour déposer ses observations en réplique. Compte tenu du fait que la
réponse de l’avocat ne devait pas être volumineuse et se limiter à traiter
d’arguments juridiques, j’ai accordé cette demande. J’ai également réservé le droit
du CCES de demander une remise de l’audience s’il le jugeait nécessaire.
58. Le 29 mars 2016, l’athlète a déposé sa réplique.
B. L’audience
59. Comme il a été convenu par les parties et confirmé par l’arbitre soussigné,
l’audience a eu lieu à Ottawa le 7 avril 2016.
60. Les personnes suivantes ont assisté en personne à la réunion :
-
M. Justin Maheu (l’athlète)
-
M. Robert Maheu (le père de l’athlète – observateur)
-
Me Carlos Sayao (conseiller juridique de l’athlète)
-
Dr David M. Schwope (témoin expert de l’athlète – par conférence téléphonique)
-
Me Annie Bourgeois (avocat du CCES)
-
Me Yann Bernard (avocat du CCES)
-
M. Kevin Bean (gestionnaire des procédures et de la conformité, CCES)
-
M. Jason Francis (coordonnateur des renseignements, CCES)
-
Pre Christiane Ayotte (témoin expert du CCES – par conférence téléphonique)
-
Mme Tara Hahto (pour SIC – à titre d’observatrice)
61. Il est important de noter qu’à un moment donné, au cours de son témoignage,
l’athlète a été contre-interrogé en détail par l’avocat du CCES sur la quantité de
café qu’il avait bu le matin du contrôle antidopage.
62. L’avocat de l’athlète s’est opposé à cette série de questions étant donné que
l’analyse scientifique de la caféine dans l’urine de l’athlète n’était pas en cause à
l’audience.
63. Après une brève pause, les deux avocats ont accepté de ne pas examiner davantage
le sujet. Je n’ai tiré aucune conclusion quant à la crédibilité de l’athlète en tant que
témoin à partir de cet échange limité.
64. À la fin de la journée, j’ai ajourné l’audience jusqu’au 12 avril 2016, pour entendre
les conclusions finales.
65. Le 12 avril 2016, l’audience s’est poursuivie par conférence téléphonique.
Chacune des parties a eu la possibilité de présenter entièrement ses conclusions
finales.
C. Décision courte
66. Le 18 avril 2016, j’ai rendu une décision courte par écrit, dans laquelle je concluais
notamment :
Il y a de nombreux facteurs aggravants que j’ai pris en considération, qui
établissent que le degré de la faute de Justin Maheu est significatif.
Toutefois, bien que le PCA et le Code de l’AMA imposent aux organismes
antidopage la responsabilité positive d’offrir une éducation antidopage,
j’estime qu’aucune information de base n’est fournie aux athlètes afin qu’ils
puissent comprendre une éventuelle posologie à suivre pour prendre de
l’éphédrine sans dépasser le seuil permis.
[…]
C’est pourquoi le degré de la faute de Justin Maheu, bien que significatif,
n’est pas suffisant pour entraîner la sanction maximale de 24 mois, mais
reste néanmoins dans la fourchette de 16 à 24 mois, comme l’indique la
décision Cilic.
EN CONSÉQUENCE, Justin Maheu est suspendu pour une période de dixhuit (18) mois, prenant effet rétroactivement le 25 octobre 2015 et se
terminant le 24 avril 2017 à minuit.
V.
COMPÉTENCE
67. Le Centre de règlement des différends sportifs du Canada (CRDSC) a été créé par
le Projet de loi fédéral C-12, le 19 mars 20032.
68. En vertu de cette Loi, le CRDSC a compétence exclusive pour fournir à la
communauté sportive, notamment, un service pancanadien de règlement
extrajudiciaire des différends sportifs.
69. En 2004, le CRDSC a assumé la responsabilité de tous les différends liés au
dopage au Canada.
70. Toutes les parties ont reconnu la compétence du CRDSC en l’espèce.
VI.
OBSERVATIONS
71. Cette partie résume les observations soumises de vive voix et par écrit par les
parties, dont les témoignages d’experts. Bien qu’il ne s’agisse pas d’un compterendu détaillé, j’ai examiné attentivement toutes les observations présentées par
2
La Loi favorisant l’activité sportive et le sport, L.C. 2003, ch. 2
les parties.
A. L’athlète
Observations de l’athlète
72. L’athlète fait valoir que la suspension de deux ans proposée par le CCES est
disproportionnée et injuste dans les circonstances. Il demande une suspension
considérablement réduite, qui soit juste et proportionnée, afin de pouvoir retourner
sur le terrain. Selon lui, une sanction appropriée en l’espèce serait une suspension
de deux (2) à trois (3) mois.
73. Il fait valoir également que toute suspension qui lui sera imposée devrait débuter
rétroactivement à la date du prélèvement de son échantillon, soit le 25 octobre
2015.
74. Selon lui, il a établi qu’il n’avait pas eu l’intention d’améliorer sa performance
sportive en prenant de l’éphédrine. En fait, il a consommé des comprimés
d’éphédrine pour soulager sa congestion et ses difficultés à respirer. Depuis, il a
reçu un diagnostic d’asthme. Il a donc consommé de l’éphédrine à des fins
thérapeutiques seulement.
75. L’athlète souligne en outre que l’éphédrine est une substance spécifiée qui n’est
interdite qu’en compétition, et encore, seulement quand elle dépasse le seuil de 10
μg/mL. L’éphédrine ne peut donc être comparée à des agents dopants « durs »
comme les stéroïdes anabolisants et autres substances plus évidentes (substances
interdites).
76. Il fait remarquer également qu’il a établi, selon la prépondérance des probabilités,
comment la substance a pénétré dans son organisme en décrivant en détail
l’historique de sa consommation dans sa déclaration de témoin datée du 27 janvier
2016. Il a toujours collaboré pleinement avec le CCES.
77. Selon lui, son témoignage a été corroboré par les deux témoins experts, le
Dr Schwope et la Pr Ayotte, qui étaient tous les deux d’accord sur les principales
questions scientifiques soulevées en l’espèce.
78. L’avocat de l’athlète a souligné le fait que la présente affaire est le premier cas, à
sa connaissance, qui prend en considération l’interaction du principe bien reconnu
de la proportionnalité par rapport au régime de la substance spécifiée, selon le
Code de l’AMA nouvellement adopté.
79. Selon lui, le PCA et le Code de l’AMA ne prévoient, à première vue, aucune
latitude dans l’établissement d’une sanction pour l’ingestion de substances
spécifiées à moins que l’athlète ne puisse satisfaire à la norme rigoureuse exigeant
qu’il établisse une Absence de faute ou une Absence de faute significative.
80. Il a dit qu’en comparaison, le Code canadien antidopage de 2009 [traduction]
« permettait expressément aux formations d’imposer des sanctions, dans des cas
comme celui de Justin impliquant une violation non intentionnelle attribuable à la
consommation d’une substance spécifiée, en fonction du degré de la faute
particulier de chaque athlète ».
81. À son avis, le PCA vise également à reconnaître que certains athlètes peuvent
obtenir des RAA alors qu’ils n’avaient pas l’intention de tricher, ce qui est le cas
de l’athlète. Qui plus est, dit-il, le Tribunal devrait veiller à s’assurer que le
principe de la proportionnalité, consacré depuis longtemps par la lex sportiva,
permet d’éviter de faire des victimes innocentes. Il soutient également que ce
principe de la proportionnalité peut être invoqué sous le régime du PCA afin de
réduire la sanction de l’athlète.
82. En appui à sa prétention, l’avocat de l’athlète a invoqué plusieurs cas impliquant
des substances spécifiées, qui avaient été tranchés sous le régime du Code
antidopage de 2009 et dans lesquels il avait été conclu que les athlètes avaient
commis une faute « considérable » ou « significative », mais avaient en fin de
compte fait l’objet de sanctions proportionnées correctement, bien inférieures à
deux ans (voir par exemple Kendrick c. ITF, CAS 2011/A/2518; Fauconnet c. ISU,
CAS 2011/A/2615; AMA c. FIVB & Gregory Berrios, CAS 2010/A/2229).
83. Selon l’athlète, ces précédents démontrent qu’une sanction de deux ans n’est pas
proportionnée en l’espèce.
84. Il fait valoir que sa sanction devrait en fait être réduite à trois (3) mois ou moins.
Selon lui, les faits de l’espèce analysés à la lumière de la jurisprudence pertinente
démontrent que le degré de sa faute se situe dans le bas de l’échelle (selon des cas
impliquant l’éphédrine tels que : H. c. FIM, CAS 2000/A/281; Sebastián Berti c.
International Rugby Board, Board Judicial Committee, 2006; Jacques Bouchard
c. CCES, SDRCC DT 07-0066).
85. L’athlète soutient en outre que si le Tribunal conclut qu’il n’est pas approprié de
se fonder sur le principe de la proportionnalité pour réduire sa sanction, il y a
absence de faute significative de sa part et il a droit à une sanction réduite en vertu
du règlement 10.5.1.1 du PCA de 2015.
86. D’après son avocat, nous n’avons pas affaire au cas d’un athlète qui a consommé
une substance aveuglément en se moquant manifestement de savoir si elle posait
un risque de violation des règles antidopage. Il s’agit plutôt du cas d’un athlète qui
a pris la peine de s’informer des risques qu’il prenait en consommant de
l’éphédrine, une substance qui n’est interdite que dans certaines conditions en
compétition.
87. L’avocat de l’athlète rappelle au Tribunal que l’athlète a fait des recherches sur
Internet au sujet de l’éphédrine pour déterminer : i) qu’il s’agit d’une substance
interdite en compétition dans certaines conditions et ii) qu’en suivant les
instructions thérapeutiques données sur l’emballage du produit il resterait bien en
deçà de la limite du seuil de concentration applicable.
88. Selon lui, le fait que l’athlète en soit arrivé à une mauvaise conclusion à propos du
dosage et du respect du seuil ne devrait pas vouloir dire que son évaluation était
déraisonnable ou imprudente. Il fait valoir en effet que les athlètes ne sont pas
obligés de prendre tous les moyens concevables pour satisfaire au critère de
l’absence de faute significative et avoir droit à une sanction réduite (voir Despres
c. CCES & BCS, CAS 2008/A/1489).
89. L’athlète soutient en outre que le Tribunal devrait prendre particulièrement soin
de s’assurer que le critère de l’absence de faute significative n’est pas fixé trop
haut dans les cas impliquant des substances spécifiées, en gardant à l’esprit le
principe de la proportionnalité si fondamental pour la lex sportiva. Selon lui,
l’interprétation du CCES place la barre (à savoir le fardeau de la preuve) beaucoup
trop haut.
90. Compte tenu de ces faits, l’athlète fait valoir qu’il a satisfait au critère à remplir
pour avoir droit à une sanction réduite et que sa faute dans l’ensemble des
circonstances n’était pas significative par rapport à l’infraction. Pour étayer sa
position, l’athlète porte Kutrovsky c. ITF, CAS 2012/A/2804 à l’attention du
Tribunal.
91. Rappelons que l’athlète et son conseiller juridique ont également soumis des
observations en réponse aux observations présentées par écrit par le CCES.
L’athlète et son avocat avancent notamment les arguments suivants :
-
Le CCES essaie d’appliquer le Code de l’AMA et le PCA de 2015 d’une
manière qui impose une exigence additionnelle significative concernant le
seuil, qui n’existait pas sous le régime du Code de l’AMA ou du PCA de 2009,
pour qu’un athlète qui a obtenu un test positif à une substance spécifiée puisse
avoir droit à une réduction de sa sanction;
-
La position du CCES marque une déviation importante par rapport à la manière
dont les athlètes étaient traités sous le régime du Code de l’AMA de 2009 et
claque la porte proverbiale de telle sorte que même si l’athlète n’avait aucune
intention de tricher, sa sanction ne peut pas être réduite;
-
Les sanctions fondées sur la responsabilité objective du régime antidopage
doivent dans tous les cas être proportionnelles à la conduite de l’athlète en
question, évaluée par rapport à l’ensemble des circonstances;
-
L’évaluation de la jurisprudence que fait le CCES est sélective, incohérente et
illogique.
-
La suggestion du CCES selon laquelle [traduction] « on ne peut pas
légitimement
prétendre
prendre
de
l’éphédrine
pour
des
raisons
thérapeutiques » doit être fermement rejetée. L’usage d’une substance à des
fins thérapeutiques n’a rien à voir avec le fait qu’elle soit vendue en pharmacie
ou approuvée par le gouvernement ou non, selon l’athlète. De plus, a-t-il fait
remarquer, il a fourni amplement la preuve qu’il souffrait de congestion des
sinus et d’asthme, et qu’il prenait de l’éphédrine pour contribuer à soigner ces
problèmes de santé.
-
L’argument du CCES selon lequel [traduction] « il est inconcevable qu’un
athlète qui ‘s’auto-médicamente’ puisse avoir droit à une réduction de sa
sanction à moins de deux ans » fixe la barre trop haut et pourrait compromettre
la proportionnalité des sanctions, particulièrement dans des cas impliquant des
substances interdites dans certaines conditions, comme l’éphédrine. Pour
illustrer sa position, il renvoie à l’affaire Robert Lea c. USADA, qu’il considère
très pertinente en l’occurrence.
-
La quantité d’éphédrine dans son échantillon qui dépassait le seuil établi à
10 μg/mL n’a aucune pertinence que ce soit pour l’analyse de sa faute.
-
Le fait qu’il n’ait pas déclaré l’éphédrine sur son formulaire de contrôle
antidopage devrait être relativisé. Divers cas jurisprudentiels concernent des
athlètes qui ont omis de déclarer, mais qui ont néanmoins reçu des sanctions
considérablement réduites.
-
La jurisprudence relative à l’éphédrine, qu’il a soumise initialement, est
cruciale pour l’évaluation de la sanction proportionnée. En conséquence, et
contrairement à ce que soutient le CCES, le Tribunal ne devrait pas écarter ces
cas pour le motif qu’ils sont soi-disant [traduction] « significativement
différents » et « peu utiles ».
-
L’argument du CCES voulant qu’en vertu du paragraphe 10.11.2 du PCA
[traduction] « au moins la moitié de la sanction doit être purgée après la date
de la décision » est, en tout respect, incorrect. Selon l’avocat de l’athlète,
l’interprétation de cette règle a été soigneusement examinée et tranchée
définitivement dans l’affaire CCES c. Kraayeveld et Taekwondo Canada,
SDRCC DT 12-0179, dans laquelle le juge Fraser a déclaré plutôt que le
décompte des 50 pour cent peut commencer le jour où l’athlète accepte une
sanction provisoire ou admet la violation des règles antidopage.
92. L’athlète a également dit que son éducation et son expérience en matière
antidopage ne sont pas du niveau des compétitions internationales et qu’il n’a
jamais fait partie du Groupe cible d’athlètes soumis aux contrôles du CCES. Il ne
faisait que partie du groupe cible de SIC.
93. L’éducation antidopage qu’il a reçue se limitait à trois (3) cours annuels en ligne
du CCES. Et les conditions dans lesquelles les cours ont été donnés étaient loin
d’être idéales et il était difficile de se concentrer. Les athlètes étaient rassemblés
dans une salle d’informatique à l’université, sans la supervision d’un entraîneur et
l’ambiance n’était pas très sérieuse.
94. Lors de ses conclusions finales, l’avocat de l’athlète a insisté sur le fait qu’il est
impossible de trouver des renseignements pour calculer l’effet de l’éphédrine par
rapport au seuil dans les documents provenant de l’AMA et du CCES. Autrement
dit, aucune indication n’est donnée sur la manière d’interpréter le seuil établi à
10 μg/mL.
95. À cet égard, la transcription des cours du CCES que l’athlète a suivis ne contient
aucune référence que ce soit à l’éphédrine.
96. Étant donné que le régime est fondé sur la responsabilité objective, les obligations
sont mutuelles. Ce n’est donc pas une obligation tellement lourde pour le CCES et
l’AMA de fournir des indications suffisantes sur la manière d’interpréter le seuil.
97. L’athlète s’est donc servi des ressources qui lui ont été présentées et qui étaient à
sa disposition, comme le site Internet DRO Global.
98. Enfin, l’athlète et son avocat ont réitéré le fait que sa crédibilité n’a pas été ternie
au cours de l’audience. Il a dit, par exemple, qu’il était normal qu’il ne se
souvienne pas de certains détails qui remontent à plusieurs mois, car la mémoire
s’estompe avec le temps. Il a en outre été très honnête durant la procédure,
notamment lorsqu’il a apporté une rectification dans sa déclaration de témoin
concernant le courriel partiellement inexact qu’il a envoyé à M. Bean le
1er décembre 2015.
99. Pour toutes les raisons exposées ci-dessus, l’athlète fait valoir que la sanction
appropriée devrait être limitée à une suspension de deux à trois mois.
Témoignage de l’expert de l’athlète, Dr David M. Schwope
100. Dr David M. Schwope est chercheur scientifique et gestionnaire de la société
Aegis Sciences Corporation, située à Nashville, Tennessee.
101. Aegis est un laboratoire de toxicologie spécialisé en services médicolégaux et
de santé, qui fournit des tests et conseils fondés sur la science à des clients. C’est
le plus grand laboratoire antidopage indépendant aux États-Unis, qui exerce ses
activités à partir du Wilma Rudolph Sports Testing Laboratory. Aegis compte
parmi ses clients l’Association des joueurs de la Ligue nationale de football,
l’Association des joueurs de la Ligue nationale de hockey et NASCAR.
102. Dr Schwope est titulaire d’un doctorat en toxicologie de l’Université du
Maryland (2011). Il a également obtenu une maîtrise en sciences judiciaires de
l’Université de l’Illinois en 2005. En 2003, il a obtenu un baccalauréat en chimie
(certifié ACS) de l’Université de Miami.
103. Au cours des trois dernières années, il a développé des capacités de
spectrométrie de masse de rapport isotopique (IRMS) des stéroïdes dans l’urine
chez Aegis, en plus de ses autres activités de recherche scientifique. Il a une
dizaine d’années d’expérience dans le domaine de la toxicologie, dont six étaient
axées sur les tests antidopage en sport dans des cas de dopage humain et équin.
104.
Durant son témoignage, Dr Schwope a confirmé qu’il connaissait bien la
Liste des interdictions de l’AMA ainsi que le site Internet DRO Global.
105.
Il a également indiqué que la majeure partie des documents scientifiques
qu’il a rédigés portaient sur les effets du cannabis. Il a publié un article sur le
contrôle antidopage chez le cheval, mais aucun chez l’humain. Il a rédigé deux
présentations sur le contrôle antidopage humain, l’une en octobre 2014 et l’autre
en février 2016.
106. Dr Schwope a confirmé qu’il était indépendant, qu’il n’avait aucun lien que ce
soit avec l’athlète et qu’il n’a reçu aucune compensation financière pour son
opinion et la préparation de son rapport.
107.
Lors de son témoignage à l’audience, Dr Schwope a réitéré le contenu de son
rapport d’expert, daté du 1er février 2016.
108. À son avis, le RAA de l’athlète est compatible avec son compte-rendu de
l’ingestion.
109. À son avis, la concentration de 20.2 μg/mL dans l’urine, mesurée le 25 octobre
2015, entre dans la fourchette de concentrations à laquelle on pouvait s’attendre
en fonction du compte-rendu de l’ingestion présenté par l’athlète [traduction]
« surtout compte tenu de la variation interindividuelle dans les profils d’excrétion
d’éphédrine constatée lors d’études après l’administration orale contrôlée d’une
dose simple et du fait que de multiples doses ont été consommées selon les
indications de la déclaration de témoin de M. Maheu ».
110. Il a ajouté que [traduction] « la gravité (mesurée par le laboratoire à 1,009) et le
pH (6,1) particuliers se situent tous les deux dans les limites normales et n’ont pas
d’incidence négative sur l’interprétation de la concentration de l’éphédrine dans
l’urine ».
111. Pour toutes ces raisons, conclut Dr Schwope, le RAA de l’athlète [traduction]
« est compatible avec la fourchette de concentrations à laquelle on peut s’attendre
après l’ingestion de comprimés d’éphédrine HCL de la manière décrite dans sa
déclaration de témoin ».
B. Le CCES
Observations du CCES
112. Le CCES fait valoir que l’athlète a commis une « faute ou négligence
significative » et qu’une suspension de deux (2) ans comme le prévoit le
paragraphe 10.2.2 du PCA de 2015 doit donc être imposée.
113. À titre subsidiaire, si le Tribunal en arrive à la conclusion que l’athlète n’a pas
commis de « faute ou négligence significative », le CCES soutient que la sanction
appropriée devrait se situer entre 16 et 24 mois de suspension étant donné que la
faute de l’athlète devrait être jugée comme étant « considérable ».
114. Le CCES fait valoir en outre que la sanction de l’athlète devrait commencer le
25 octobre 2015, soit la date à laquelle l’échantillon de l’athlète a été recueilli.
115. Enfin, le CCES soutient que, quelle que soit la durée de la sanction qui lui sera
imposée en fin de compte, la moitié de cette sanction devra être purgée après la
date de la décision, conformément au paragraphe 10.11.2 du PCA.
116. En appui à ces prétentions, le CCES affirme que sous le régime du PCA, le
critère en deux volets établi au paragraphe 10.5.1.1 du PCA donne suffisamment
de latitude au présent Tribunal pour imposer une sanction juste et proportionnée à
l’athlète et qu’il n’y a aucune lacune ou « manque » dans le PCA comme le prétend
l’athlète.
117. Le CCES fait également valoir que le cas de l’espèce doit être tranché sous le
régime du PCA de 2015 et non pas du Programme canadien antidopage de 2009.
De sorte que la jurisprudence invoquée par l’athlète n’a pas d’utilité directe pour
le Tribunal, car la plupart de ces décisions ont été rendues sous le régime du
Programme canadien antidopage de 2009 ou du Code mondial antidopage de 2009.
118. S’agissant de la faute de l’athlète, le CCES fait valoir que l’athlète ne s’est pas
conduit en prenant les plus grandes précautions et qu’il doit prouver, selon la
prépondérance des probabilités :
a. comment une concentration d’éphédrine dépassant le seuil limite s’est
retrouvée dans son échantillon d’urine daté du 25 octobre 2015; et
b. que sa faute (au sens de la définition de l’Annexe I du PCA) n’était pas
significative par rapport à la violation des règles antidopage commise.
119. En ce qui concerne la manière dont l’éphédrine a pénétré dans l’organisme de
l’athlète, à une concentration supérieure au seuil, le CCES affirme qu’il ne peut
pas confirmer, à la lumière du rapport d’expert de la Pr. Ayotte, que la
concentration d’éphédrine de 20,2 μg/mL est le résultat du compte-rendu de
l’ingestion présenté par l’athlète.
120. À propos du deuxième volet du critère du paragraphe 10.5.1.1 du PCA, le CCES
fait valoir que la faute de l’athlète était significative par rapport à la violation des
règles antidopage commise et qu’en conséquence il n’a pas prouvé une « absence
de faute ou négligence significative » de sa part. En appui à cette prétention, le
CCES insiste sur les éléments suivants, qui montrent que l’athlète n’a pas respecté
la norme de diligence attendue et que sa faute est considérable :
-
Il a pris sciemment des comprimés d’éphédrine, qui est une substance interdite
en compétition, le jour d’une compétition.
-
Il s’est fié aux conseils d’un vendeur d’un magasin GNC (General Nutrition
Center), qui est un détaillant connu de compléments alimentaires, au lieu de
s’adresser à une pharmacie ou une clinique, comme il serait normal de le faire,
pour soigner un problème de santé/médical légitime, comme une congestion
des sinus, du nez et des poumons. Le vendeur de GNC n’avait pas la
compétence requise pour le renseigner correctement sur l’utilisation
d’éphédrine.
-
L’athlète aurait pu consulter un médecin, un pharmacien ou même un
entraîneur. S’il a eu le temps d’aller au magasin GNC deux fois, il avait
également le temps de consulter un médecin.
-
L’athlète a essayé de gérer lui-même le seuil autorisé (sans instructions ou
conseils) pour son usage d’éphédrine en compétition en faisant une
comparaison avec la caféine, alors qu’il n’y avait aucune raison logique de le
faire.
-
L’athlète n’a pas pris de l’éphédrine pour des raisons thérapeutiques valables,
parce que : a) l’éphédrine n’est pas un médicament approuvé au Canada; b)
une AUT ne peut pas être accordée pour l’éphédrine, et c) il a admis ne pas
avoir suivi les instructions sur l’étiquette de l’éphédrine.
121. Pour prouver davantage que le degré de la faute de l’athlète est élevé et que sa
sanction devrait se situer entre 16 et 24 mois, le CCES invoque les faits
suivants :
o À 24 ans, l’athlète est un athlète expérimenté, qui joue au soccer depuis
plus de 20 ans. Il joue au niveau national et international depuis neuf
ans. En conséquence, la norme de diligence attendue d’un athlète qui a
la maturité et le niveau élite de Justin Maheu est élevée.
o Durant toute sa carrière sportive, l’athlète a reçu une éducation
antidopage suffisante et il avait bien assez de connaissances générales
en matière de contrôle antidopage pour être au courant des risques
auxquels il s’exposait en prenant une substance spécifiée interdite et de
toutes les mesures recommandées pour minimiser les risques et
dangers associés à l’usage d’une substance spécifiée interdite en
compétition au-dessus d’un certain seuil.
o Ainsi, l’athlète a pris trois cours d’apprentissage en ligne offerts par le
CCES au cours des trois dernières années, le plus récent étant « l’ABC
du sport sain », suivi le 4 septembre 2015.
o Il est regrettable que l’athlète n’ait pas pris ces cours plus au sérieux,
mais il ne peut s’en prendre qu’à lui-même.
o Il y avait et il y a toujours une grande quantité d’informations, diffusées
par le CCES et SIC, sur les substances interdites et l’athlète sait donc
ou aurait dû savoir qu’il prenait un grand risque en prenant une
substance spécifiée interdite comme l’éphédrine le jour d’un match.
o En effet, le CCES et SIC consacrent beaucoup de temps et d’énergie
pour prévenir les athlètes des risques associés à la prise de
médicaments et de compléments alimentaires en général.
o Depuis l’été 2015, l’athlète avait de la difficulté à respirer. On lui avait
dit à ce moment-là que cela pouvait être de l’asthme et qu’il devrait
consulter un médecin. Pourtant, l’athlète n’a consulté un médecin
qu’après avoir été informé de son RAA.
o Le fait que l’athlète n’ait pas consulté de professionnel de la santé entre
juin 2015 et novembre 2015 démontre qu’il n’a pas fait preuve de
diligence et sa conduite ne correspond pas à la norme de conduite
attendue des athlètes dans des situations similaires.
o Les recherches et vérifications effectuées par l’athlète avant de prendre
de l’éphédrine étaient insuffisantes/inadéquates et ne correspondent
pas le moindrement à la norme de conduite attendue d’un athlète dans
sa situation.
o Le Tribunal ne devrait pas considérer que les vérifications de l’athlète
sur Internet sont raisonnables et suffisantes. Le fait d’effectuer de
vagues recherches sur Internet, de parcourir des articles pour
finalement se fier à un article sur la caféine, comme équivalent de
l’éphédrine, est loin de la norme de conduite attendue.
o Le plus facile et le plus logique aurait été de faire une recherche
« Google » sur le produit de marque et le fabricant du produit.
o Une vérification générale sur Internet aurait permis à l’athlète de voir
que l’usage d’éphédrine de Kaizen fait l’objet de nombreuses mises en
garde. Le produit est souvent mentionné dans les sites Internet de
culturistes et il est considéré comme un puissant stimulant.
o Le fait que l’athlète ait oublié le nom de l’« éphédrine », le jour de son
test, montre et étaye le fait qu’il n’était pas attentif à ses devoirs en tant
qu’athlète même si ce n’était pas son premier test antidopage.
o Qui plus est, l’athlète savait qu’il n’avait pas pris de caféine, mais par
coïncidence il a remplacé le nom du produit interdit qu’il prenait par le
nom d’un produit qui n’était pas interdit (à savoir la caféine). Il était
illogique d’écrire « comprimés de caféine » sur son formulaire de
contrôle antidopage. Cela démontre qu’il ne prenait pas l’antidopage
au sérieux. Il s’agit d’un aspect crucial de ce cas, qui permet de
conclure à un degré de faute plus élevé.
o Enfin, le fait que le RAA de l’athlète dépassait le seuil de manière
significative est un autre élément à prendre en considération et prouve
que le degré de la faute de l’athlète est bien plus élevé.
122. Durant l’audience, l’avocat du CCES a mis en doute la crédibilité de l’athlète.
Il estime qu’il y avait des incohérences dans le témoignage de l’athlète. Il a
notamment mis en question la pertinence de prendre de l’éphédrine par mesure de
prévention, alors qu’il n’y avait pas de véritable urgence médicale. Il a dit que
l’athlète avait pris de l’éphédrine pour éviter toutes sortes de symptômes. Étant
donné que le soccer est toute sa vie, c’était un pari très risqué et il n’y avait aucune
raison de prendre de l’éphédrine, qui est une substance spécifiée.
123. Qui plus est, a-t-il fait remarquer, il était étrange que l’athlète décide d’acheter
une deuxième boîte d’éphédrine, alors qu’il n’avait pas commencé à utiliser la
première. L’athlète a dit également qu’il n’a pas suivi les instructions sur
l’emballage à plusieurs reprises. Pour toutes ces raisons, le CCES estime que la
crédibilité de l’athlète est éprouvée.
124. En ce qui a trait à l’argument de l’athlète selon lequel rien dans les
transcriptions des cours ou sur le site Internet ne porte sur l’éphédrine, le CCES
fait valoir que, suivant ce raisonnement, il lui faudrait traiter de toutes les
possibilités concernant toutes les substances dopantes, ce qui est tout simplement
illogique.
125. Enfin, le CCES fait valoir que les précédents impliquant de l’éphédrine
invoqués par l’athlète sont différents du cas de l’espèce et que par le passé les
tribunaux ont imposé de longues périodes de suspension dans des cas impliquant
des substances spécifiées (voir Flavia Oliveira c. United States Anti-Doping
Agency (USADA), CAS 2010/A/2107; Fauconnet c. International Skating Union
(ISU), CAS 2011/A/2615; CCES c. Chan, SDRCC DT 15-0217).
Témoignage de l’expert du CCES, Pre Christiane Ayotte
126. La Pre Ayotte est titulaire d’un doctorat en chimie organique de l’Université de
Montréal en 1983. Elle a fait des études postdoctorales en spectrométrie de masse.
127. Elle travaille actuellement à l’INRS-Institut Armand-Frappier en qualité de
professeure et directrice du Laboratoire de contrôle du dopage.
128. Le Laboratoire de contrôle du dopage de l’INRS est accrédité par l’Agence
mondiale antidopage (AMA).
129. L’INRS-Institut Armand-Frappier analyse quelque 25 000 échantillons chaque
année pour dépister la présence de centaines de substances et méthodes interdites.
130. La Pre Ayotte est également membre de plusieurs comités et groupes
scientifiques, dont le Comité international olympique (CIO) et l’AMA. La
Pre Ayotte a notamment été membre des groupes suivants de l’AMA : le Comité
Santé, médecine et recherche, le Groupe d’experts Laboratoires et le Groupe
d’experts Liste des interdictions, qui est responsable de fournir au Comité Santé,
médecine et recherches des conseils d’experts, des recommandations et une
direction en matière de gestion, de préparation et de publication annuelle du (Liste
des substances et méthodes interdites : https://www.wada-ama.org/fr/nosactivites/standards-internationaux).
131. Au cours de sa carrière, la Pre Ayotte a servi de témoin devant plusieurs
tribunaux, dont le Tribunal arbitral du sport (« TAS ») ainsi que des tribunaux
locaux.
132. Bien que le CCES soit un client de l’INRS, la Pre Ayotte a confirmé qu’elle est
un témoin indépendant et une employée du ministère de l’Éducation du Québec.
133. La Pre Ayotte défend parfois des athlètes (elle a par exemple défendu le nageur
australien Ian Thorpe parce qu’elle estimait que les résultats étaient indéfendables
du point de vue scientifique).
134. Au cours de sa carrière, elle a également publié des dizaines d’études
scientifiques sur le dopage, quoique aucune d’elles ne portait sur l’éphédrine.
135. À mon avis, la Pre Ayotte a une expérience considérable et une vaste expertise
dans le domaine du dopage, parmi les plus importantes au monde certainement. Il
n’y a aucune raison de douter de son opinion d’expert.
136. La Pre Ayotte a produit un rapport d’expert le 11 mars 2016. Lors de son
témoignage à l’audience, elle a présenté les grandes lignes de ce rapport.
137. La Pre Ayotte a expliqué que l’éphédrine est l’un des plus vieux stimulants
interdits aux athlètes et qu’il est extrait d’une plante, l’éphédra.
138. L’éphédrine augmente la pression sanguine et a pour effet de dilater les
vaisseaux. La personne qui en consomme est stimulée et sent moins la fatigue.
L’éphédrine est également connue pour soulager la congestion nasale. Elle est en
outre utilisée pour contrôler l’asthme, mais elle a été remplacée depuis par le
Ventolin et Salbutamol, qui ont moins d’effets secondaires.
139. La Pre Ayotte a expliqué que l’éphédrine a toujours été interdite en sport. En
1983, elle a été interdite lorsqu’elle était prise en combinaison avec de la caféine.
En 2004, la Food and Drug Administration (FDA) a interdit ce produit parce qu’il
provoque de l’hypertension et augmente la pression sanguine, ce qui peut entraîner
des accidents vasculaires cérébraux, des crises cardiaques et la mort. Toutefois,
l’éphédrine est autorisée comme décongestionnant nasal au Canada, à condition
de ne pas être combinée à de la caféine.
140. Elle a également dit que le seuil pour les besoins du dopage avait été établi
d’abord à 5 μg/mL. Il a été augmenté à 10 μg/mL à la fin des années 1990. Selon
elle, depuis que le seuil a été relevé, il y a beaucoup moins de tests positifs.
141. Lorsqu’il lui a été demandé pourquoi le seuil avait été établi à 10 μg/mL, elle a
expliqué que l’on avait ainsi voulu éviter des tests faussement positifs. En effet,
en Chine et en Europe, certains médicaments et préparations contiennent de
l’éphédrine, mais n’ont rien à voir avec le dopage sportif.
142. La Pre Ayotte a expliqué que l’éphédrine n’est pas vendue dans les pharmacies
au Canada, contrairement à l’Europe et l’Asie où l’on peut trouver ces produits en
pharmacie.
143. L’éphédrine est absorbée rapidement et excrétée dans les 36 heures.
144. Selon elle, la présence de 20,2 μg/mL d’éphédrine dans l’échantillon de l’athlète
indique qu’elle a été administrée récemment. Qui plus est, lorsque le résultat est
corrigé en fonction d’une gravité spécifique de 1,020, on obtient un niveau dans
l’urine de 44 μg/mL.
145. À son avis, ce n’est pas un résultat anormal et il est compatible avec d’autres
résultats comparables impliquant l’éphédrine. Ce résultat n’a donc rien
d’inhabituel.
146. Enfin, elle a dit qu’elle ne pouvait pas tirer de conclusions quant aux raisons pour
lesquelles l’athlète avait ingéré de l’éphédrine (que ce soit pour se
doper/augmenter sa performance ou pour soigner son asthme) et compte tenu de
la grande variabilité interindividuelle en ce qui concerne l’excrétion de
l’éphédrine, elle ne pouvait ni confirmer ni exclure que le niveau d’éphédrine
mesuré dans l’échantillon d’urine de l’athlète est le résultat de l’ingestion
d’éphédrine décrite par l’athlète.
VII.
RÈGLES APPLICABLES
Le Programme canadien antidopage (PCA)
147. Le PCA est largement fondé sur le Code de l’AMA.
148. En vertu du paragraphe 1.3 du PCA, les athlètes et les autres personnes
acceptent le PCA comme condition de leur participation dans leur sport et ils sont
assujettis aux règlements contenus dans le Code de l’AMA et le PCA.
149.
La qualité d’athlète est définie ainsi à l’Annexe 1 du PCA : Toute personne qui
dispute une compétition sportive au niveau international ou au niveau national. M.
Maheu est une personne qui correspond à cette description et il est donc assujetti
au PCA, ce qui n’a fait l’objet d’aucune objection.
150. Les dispositions suivantes des règlements antidopage du PCA sont
particulièrement pertinentes pour la présente procédure. Il y a lieu de noter que ces
dispositions sont répétées, presque mot pour mot, dans le Code de l’AMA :
2.1 Présence d’une substance interdite, de ses métabolites ou de ses marqueurs dans
un échantillon fourni par un athlète
2.1.1 Il incombe à chaque athlète de s’assurer qu’aucune substance interdite ne
pénètre dans son organisme. Les athlètes sont responsables de toute substance
interdite ou de ses métabolites ou marqueurs dont la présence est décelée dans
leurs échantillons. Par conséquent, il n’est pas nécessaire de faire la preuve de
l’intention, de la faute, de la négligence ou de l’usage conscient de la part de
l’athlète pour établir une violation des règles antidopage en vertu du règlement
2.1.
[…]
10.2.1 La durée de la suspension sera de quatre ans lorsque:
10.2.1.1 La violation des règles antidopage n’implique pas une substance
spécifiée, à moins que l’athlète ou l’autre personne ne puisse établir que cette
violation n’était pas intentionnelle.
10.2.1.2. La violation des règles antidopage implique une substance spécifiée et
le CCES peut établir que cette violation était intentionnelle.
10.2.2
Si le règlement 10.2.1 ne s’applique pas, la durée de la suspension sera
de deux ans.
[C’est moi qui souligne.]
[…]
10.5 Réduction de la période de suspension pour cause d’absence de faute ou de
négligence significative
10.5.1 Réduction des sanctions pour des substances spécifiées ou des produits
contaminés en cas de violation des règlements 2.1, 2.2 ou 2.6.
10.5.1.1 Substances spécifiées
Lorsque la violation des règles antidopage implique une substance spécifiée, et
que l’athlète ou l’autre personne peut établir l’absence de faute ou de négligence
significative, la suspension sera au minimum une réprimande sans suspension et
au maximum deux ans de suspension, en fonction du degré de la faute de l’athlète
ou de l’autre personne.
[C’est moi qui souligne.]
[…]
ANNEXE 1 DÉFINITIONS
Faute : Tout manquement à une obligation ou tout manque de diligence appropriée lié à
une situation particulière. Les facteurs à prendre en considération pour évaluer le degré
de la faute d’un athlète ou d’une autre personne incluent par exemple l’expérience de
l’athlète ou de l’autre personne, la question de savoir si l’athlète ou l’autre personne est
un mineur, des considérations spéciales telles que le handicap, le degré de risque qui
aurait dû être perçu par l’athlète ainsi que le degré de diligence exercé par l’athlète et
les recherches et les précautions prises par l’athlète en relation avec ce qui aurait dû être
le niveau de risque perçu. En évaluant le degré de la faute de l’athlète ou de l’autre
personne, les circonstances considérées doivent être spécifiques et pertinentes pour
expliquer le fait que l’athlète ou l’autre personne se soit écarté(e) du comportement
attendu. Ainsi, par exemple, le fait qu’un athlète perdrait l’occasion de gagner beaucoup
d’argent durant une période de suspension, ou le fait que l’athlète n’a plus qu’une
carrière résiduelle de courte durée, ou le moment du calendrier sportif, ne seraient pas
des facteurs pertinents à prendre en compte pour réduire la période de suspension au titre
des règlements 10.5.1 ou 10.5.2.
Absence de faute ou de négligence : Démonstration par l’athlète ou l’autre personne du
fait qu’il/elle ignorait, ne soupçonnait pas, ou n’aurait pas pu raisonnablement savoir ou
soupçonner, même en faisant preuve de la plus grande vigilance, qu’il/elle avait utilisé ou
s’était fait administrer une substance interdite ou une méthode interdite ou avait commis
d’une quelconque façon une violation des règles antidopage. Sauf dans le cas d’un
mineur, pour toute violation du règlement 2.1, l’athlète doit également établir de quelle
manière la substance interdite a pénétré dans son organisme.
Absence de faute ou de négligence significative : Démonstration par l’athlète ou l’autre
personne du fait qu’au regard de l’ensemble des circonstances, et compte tenu des critères
retenus pour l’absence de faute ou de négligence, sa faute ou sa négligence n’était pas
significative par rapport à la violation des règles antidopage commise. Sauf dans le cas
d’un mineur, pour toute violation du règlement 2.1, l’athlète doit également établir de
quelle manière la substance interdite a pénétré dans son organisme.
[C’est moi qui souligne.]
10.11.2 Admission sans délai
Si l’athlète ou l’autre personne avoue rapidement (ce qui signifie, dans tous les cas, avant
sa participation à une autre compétition) la violation des règles antidopage après avoir
été dûment informé de celle-ci par le CCES, la période de suspension pourra commencer
dès la date à laquelle l’échantillon a été recueilli ou la date de la dernière violation des
règles antidopage. Cependant, dans chaque cas où ce règlement sera appliqué, l’athlète
ou l’autre personne devra purger au moins la moitié de la période de suspension à
compter de la date à laquelle l’athlète ou l’autre personne aura accepté l’imposition
d’une sanction, de la date à laquelle une décision imposant une sanction aura été rendue
suite à une audience ou de la date à laquelle une sanction est autrement imposée. Ce
règlement ne s’applique pas lorsque la période de suspension a déjà été réduite en vertu
du règlement 10.6.3.
[C’est moi qui souligne.]
Le principe d’« éducation » dans le PCA
151. La Section 2 du PCA énonce ses principes généraux, qui incluent
l’« éducation » :
Section 2.0 Principes généraux
Les programmes antidopage visent à préserver la valeur intrinsèque du sport. Cette
valeur intrinsèque est souvent qualifiée d’« esprit sportif »; elle est l’essence même
de l’olympisme, la poursuite de l’excellence humaine par le perfectionnement des
talents naturels de chaque individu, et exhorte à jouer franc jeu. L’esprit sportif
valorise la pensée, le corps et l’esprit, et se traduit par des valeurs qui se dégagent
du sport et de sa pratique, notamment:
• l’éthique, le franc jeu et l’honnêteté
• la santé
• l’excellence dans la performance
• l’épanouissement de la personnalité et l’éducation
• le divertissement et la joie
• le travail d’équipe
• le dévouement et l’engagement
• le respect des règles et des lois
• le respect de soi-même et des autres participants
• le courage
• l’esprit de groupe et la solidarité
152. Ce « principe d’éducation » est réitéré constamment dans le reste du PCA. Les
paragraphes suivants sont largement fondés sur les articles 18 et 20.5 du Code de
l’AMA :
3.4 Chaque organisme de sport qui adopte le PCA bénéficie d’une « proposition
de valeur » identique rattachée à l’adoption du PCA. Cette proposition de valeur
est la suivante :
Tout organisme de sport qui adopte le PCA doit mettre en place un programme
antidopage conforme au Code qui est significatif et efficace. Le programme
antidopage sera administré par le CCES et sera spécifiquement conçu pour
protéger les athlètes désignés au sein de ce sport contre le risque de dopage. Le
programme antidopage englobera la prestation d’une éducation antidopage
pertinente.
[…]
5.3 Le contrat d’adoption portera à tout le moins sur les questions suivantes:
[…]
d) L’obligation de suivre annuellement un programme de prévention et
d’éducation antidopage pertinent. Plus précisément, l’organisme de sport devra
s’assurer de ce qui suit
(i) une formation en ligne sur l’antidopage pertinente est suivie par
tous les athlètes inclus dans le GNA;
(ii) une formation en ligne sur l’antidopage pertinente est suivie par le
personnel d’encadrement des athlètes désigné;
(iii) tout athlète et toute autre personne qui participe à ce sport et à qui
le PCA s’applique se sait assujetti au PCA et en est convenablement
informé
e) L’obligation pour l’organisme de sport de démontrer qu’il connaît, convient
d’utiliser et de mettre à la disposition de ses membres et de tous les participants
à son sport le menu complet des ressources éducatives sur l’antidopage du CCES.
[…]
7.2 Organismes de sport
7.2.1 Les organismes de sport devront, en coopération avec le CCES, assurer
des programmes d’éducation antidopage complets et éthiques à leurs athlètes,
au personnel d’encadrement des athlètes et aux autres participants. […]
7.3 Le Centre canadien pour l’éthique dans le sport
[…]
7.3.8 Le CCES planifie, met en œuvre et assure le suivi de programmes
d’information, d’éducation et de prévention en matière d’antidopage;
[…]
RÈGLEMENT 19
ÉDUCATION
Le CCES et l’organisme de sport planifieront, exécuteront, évalueront et contrôleront
les programmes d’information, d’éducation et de prévention pour un sport sans dopage
portant au moins sur les questions figurant à l’article 18.2 du Code, et soutiendront une
participation active de la part des athlètes et de leur personnel d’encadrement à de tels
programmes.
19.1 Programmes d’éducation
Les programmes d’éducation décrits dans le contrat d’adoption entre le CCES et
l’organisme de sport doivent offrir aux athlètes et aux autres personnes des
informations précises et actualisées au minimum sur les questions suivantes:
a) substances et méthodes inscrites sur la Liste des interdictions;
b) violations des règlements antidopage et conséquences;
c) conséquences du dopage pour la santé et conséquences sociales;
d) procédure de prélèvement des échantillons;
e) droits et responsabilités des athlètes;
f) droits et responsabilités des athlètes et de leur personnel d’encadrement;
g) AUT;
h) gestion des risques liés aux compléments alimentaires;
i) menace du dopage pour l’esprit sportif; et
j) exigences en vigueur se rapportant aux informations sur la localisation.
19.2 Esprit sportif
Les programmes d’éducation doivent faire la promotion de l’esprit sportif afin
de créer un environnement qui favorise fortement le sport sans dopage et qui
influe positivement et à long terme sur les choix faits par les athlètes et les
autres personnes. Les programmes de prévention doivent s’adresser en premier
lieu aux jeunes dans les écoles et les clubs sportifs, en étant adaptés à leur stade
de développement, ainsi qu’aux parents, aux athlètes adultes, aux officiels, aux
entraîneurs, au personnel médical et aux médias.
Le Code de l’AMA
153. Les articles 2.1, 10.2, 10.5, 10.11.2 ainsi que l’Annexe 1 du PCA sont largement
fondés sur les articles 2.1, 10.2, 10.5, 10.11.2 et l’Annexe 1 du Code de l’AMA.
154. Le Code de l’AMA est complété par les Standards internationaux, qui
comprennent la Liste des interdictions de l’AMA.
155. La Liste des interdictions de l’AMA de 2015 contient la disposition suivante au
sujet de l’éphédrine :
S6. STIMULANTS
Tous les stimulants, y compris tous leurs isomères optiques, par ex. d- et l s’il
y a lieu, sont interdits.
Les stimulants incluent :
[…]
b: Stimulants spécifiés (exemples):
Benzfétamine; cathine**; cathinone et ses analogues, par ex. méphédrone,
méthédrone et α- pyrrolidinovalerophénone; diméthylamphétamine;
éphédrine***; epinéphrine**** (adrénaline); […]
[…]
*** Éphédrine and methyléphédrine : interdites quand leurs concentrations
respectives dans l’urine dépassent 10 microgrammes par millilitre.
VIII. JURISPRUDENCE PERTINENTE
156. Les deux parties ont soumis plusieurs cas jurisprudentiels en appui à leurs
arguments. Par souci de brièveté, je vais me concentrer sur la jurisprudence
existante qui a le plus de pertinence pour la présente affaire.
Cilic c. International Tennis Federation, CAS 2013/A/3327
157. Bien qu’il ait été tranché avant l’adoption du Code de l’AMA de 2015, ce cas
est probablement le plus pertinent en l’espèce, car il établit les principes
applicables à la durée de la période de suspension pour des substances interdites
dans certaines circonstances.
158. Dans ce cas, M. Cilic, un joueur de tennis professionnel, avait subi un test
positif à la N-éthylnicotinamide, un méthabolite de la nikéthamide, qui est interdit
en compétition. Le Tribunal antidopage de l’ITF avait imposé une suspension de
neuf (9) mois. M. Cilic a porté en appel cette décision devant le Tribunal arbitral
du sport.
159. Dans son analyse, le Tribunal établit trois degrés de faute :
a. Degré de faute significatif ou faute considérable;
b. Degré de faute normal;
c. Degré de faute léger.
160. En appliquant ces trois degrés de faute à l’échelle des sanctions possibles de
0 à 24 mois, le tribunal en arrive aux échelles de sanction suivantes :
d. Degré de faute significatif ou faute considérable : 16 à 24 mois, une faute
significative « standard » entraînant une suspension de 20 mois;
e. Degré de faute normal : 8 à 16 mois, une faute normale « standard » entraînant
une suspension de 12 mois;
f.
Degré de faute léger : 0 à 8 mois, une faute légère « standard » entraînant une
suspension de 4 mois.
161. Les paragraphes suivants de la décision sont particulièrement pertinents en
l’espèce :
[Traduction]
71. Afin de déterminer dans quelle catégorie de faute il convient de placer un cas
particulier, il est utile de prendre en considération à la fois le niveau objectif et
subjectif de la faute. L’élément objectif désigne la norme de diligence à laquelle on
aurait pu s’attendre de la part d’une personne raisonnable dans la situation de
l’athlète. L’élément subjectif désigne ce que l’on aurait pu attendre de cet athlète en
particulier, compte tenu de ses capacités personnelles.
72. Le Tribunal estime que l’élément objectif devrait primer pour déterminer dans
laquelle des trois catégories pertinentes un cas particulier doit entrer.
73. L’élément subjectif peut ensuite être utilisé pour déplacer un athlète particulier
vers le haut ou vers le bas de cette catégorie.
74. Bien sûr, dans des cas exceptionnels, il peut arriver que les éléments subjectifs
soient si significatifs qu’ils justifient de déplacer un athlète particulier non seulement
jusqu’à l’extrémité d’une catégorie particulière, mais également dans une catégorie
carrément différente. Ce serait l’exception à la règle, toutefois.
aa) L’élément objectif du niveau de faute
Au départ, il est important de reconnaître qu’en théorie, presque toutes les
violations des règles antidopage liées à la prise d’un produit contenant une
substance interdite pourraient être évitées. L’athlète pourrait toujours (i) lire
l’étiquette du produit utilisé (ou vérifier les ingrédients d’une autre manière), (ii)
vérifier si chacun des ingrédients indiqués sur l’étiquette figure sur la liste des
substances interdites, (iii) faire une recherche sur Internet à propos du produit,
(iv) s’assurer que le produit provient d’une source fiable et (v) consulter des
experts appropriés de ces questions et les informer diligemment avant de prendre
le produit.
75. Toutefois, on ne peut pas raisonnablement s’attendre à ce qu’un athlète prenne
toutes les mesures ci-dessus dans toutes les circonstances. Ces mesures ne peuvent être
considérées comme raisonnables que dans certaines circonstances : […]
162. En fin de compte, le Tribunal a conclu qu’il s’agissait d’un cas de faute légère
« standard » et déterminé que la durée de suspension appropriée se situait au
milieu de l’échelle applicable de 0 à 8 mois, c’est-à-dire quatre (4) mois. M. Cilic
a donc été suspendu pour une période de quatre (4) mois.
163. L’affaire Despres a eu lieu en 2008, mais elle constitue toujours un précédent
important dans les cas de dopage (AMA c. Despres, CCES & Bobsleigh Canada,
CAS 2008/A/1489).
164. Dans ce cas-là, M. Despres avait subi un test positif à la nandrolone dont la
concentration dépassait le seuil de 2,0 ng/mL. Le CRDSC avait d’abord conclu
que M. Despres satisfaisait au critère de l’ « absence de faute ou de négligence
significative » et réduit la durée de sa suspension à vingt mois (au lieu de 24 mois).
Insatisfait de cette sanction, M. Despres avait rapidement interjeté appel de la
décision devant le TAS.
165. En examinant la notion d’« absence de faute ou de négligence significative »,
la Formation a déclaré :
[Traduction]
7.8
La Formation ne laisse pas entendre qu’un athlète doit avoir pris toutes
les mesures concevables afin de s’assurer de l’innocuité de compléments
alimentaires pour avoir droit à une réduction pour cause d’« absence de faute ou de
négligence significative ». Le Tribunal admet l’argument de M. Despres qui avance
qu’il devrait être suffisant de prendre des mesures raisonnables, étant donné que
l’« on peut toujours faire plus ». Dans Knauss, la Formation a suivi cette logique
lorsqu’il a conclu que même si M. Knauss aurait pu faire tester le complément
alimentaire pour en vérifier le contenu, ou simplement décider de ne pas en prendre
du tout, « ces omissions donnent lieu tout au plus à une faute ou négligence ordinaire,
mais n’entrent pas dans la catégorie de faute ou négligence “significative” ». La
Formation a également fait une distinction entre les mesures raisonnables que M.
Despres aurait dû prendre et toutes les mesures concevables qu’il aurait pu prendre.
Compte tenu des risques impliqués, la Formation conclut que M. Despres n’a pas
fait des efforts de bonne foi pour faire tout ce qu’il aurait raisonnablement pu faire
avant d’ingérer du HMB de Kaizen.
7.9
En plus de ne pas avoir contacté le fabricant directement, conclut la
Formation, il n’a pas pris les mesures raisonnables suivantes avant de prendre du
HMB de Kaizen et ces manquements empêchent de conclure que l’appelant a
exercé une norme de diligence qui mériterait une réduction pour cause d’« absence
de faute ou de négligence significative » de la suspension de deux ans prévue.
(a) M. Despres n’a pas consulté son médecin, le médecin de l’équipe ou
M. Berardi pour vérifier si Kaizen était une marque fiable de compléments
HMB. […]
(b) M. Despres aurait dû faire des recherches plus poussées. […]
(c) Même les recherches limitées qu’il a effectuées auraient dû le mettre en
garde. Toutefois, M. Despres n’a pas cherché à s’informer davantage et il a
pris du HMB de Kaizen en dépit du fait qu’il avait trouvé des informations
sur Internet qui auraient dû susciter une plus grande vigilance. […]
[C’est moi qui souligne.]
166. En fin de compte, la Formation a annulé la décision du CRDSC et imposé à
M. Despres une suspension de vingt-quatre (24) mois.
CCES c. Chan, SDRCC DT 15-0217
167. Dans cette affaire, l’analyse de l’échantillon de M. Chan a révélé la présence
de fentanyl et d’oxycodon, qui sont toutes deux des substances spécifiées. La seule
question à trancher par le Tribunal concernait le degré de la faute de M. Chan et
la sanction appropriée à imposer à la lumière de sa faute.
168. La Formation a appliqué les facteurs énumérés dans la décision Cilic et conclu
en fin de compte que le degré de la faute de M. Chan se situait au plus haut niveau.
Le Tribunal a donc imposé une sanction de 16 mois.
169. La Formation a notamment déclaré :
62. La Formation a en outre fait une distinction entre les substances interdites en
compétition, celles qui sont interdites hors compétition et les médicaments conçus
pour un usage thérapeutique. La Formation a fait remarquer que dans ce dernier
cas un degré de diligence plus élevé s’imposait, car il est connu que les produits
médicamenteux contiennent des substances interdites.
63. La Formation a indiqué que, bien que chaque cas dépende des faits qui lui sont
propres, les facteurs suivants peuvent être pris en considération pour déterminer le
niveau de faute subjective : l’âge et l’expérience de l’athlète, les problèmes liés à
la langue et à l’environnement, l’étendue de l’éducation antidopage de l’athlète et
toute autre « entrave personnelle », incluant lorsqu’un athlète vit un niveau élevé
de stress ou lorsque son niveau de discernement a été réduit à cause d’une erreur
due à la négligence ou autrement compréhensible.
64. En appliquant ces facteurs et en tenant compte des décisions Kendrick et
Fauconnet, je conclus que M. Chan a fait preuve d’un degré de faute élevé. À mon
avis, on pourrait et devrait attendre un niveau de diligence plus élevé d’une
personne raisonnable dans la situation de M. Chan […]
[C’est moi qui souligne.]
Flavia Oliveira c. United States Anti-Doping Agency (USADA), CAS 2010/A/2107
170. Dans cette affaire, l’athlète a subi un test qui s’est révélé positif à l’oxilofrine.
Après s’être vu imposer une sanction de deux ans par l’American Arbitration
Association (AAA), l’athlète a interjeté appel au TAS pour obtenir une réduction
de sa sanction.
171. En examinant le degré de la faute de l’athlète, la Formation a déclaré :
[Traduction]
39. Étant donné que les risques de mauvais étiquetage et/ou de contamination sont
généralement connus désormais ou du moins prévisibles, tous les athlètes doivent exercer
une diligence raisonnable pour s’assurer qu’un complément alimentaire ne contient pas
de substance interdite, qu’elle soit classée comme substance interdite ou spécifiée dans le
Code de l’AMA. […]
[…]
42. […] En déterminant la période de suspension d’Oliveira, le Tribunal doit imposer une
sanction appropriée qui réalise l’objectif de l’AMA, à savoir imposer des sanctions
proportionnées et cohérentes pour les infractions de dopage, selon le niveau de faute de
l’athlète et compte tenu de l’ensemble des circonstances […]
[…]
43. […] Toutefois, la question appropriée à examiner, estime le Tribunal, est le « degré
de la faute » de Mme Oliveira dans les circonstances, et non pas simplement si son défaut
de prendre certaines mesures pour s’assurer que l’Hyperdrive 3.0+ ne contenait aucune
substance interdite était raisonnable (ce qui n’était pas le cas). Pour résoudre cette
question, la Formation doit déterminer si la nature et le degré de sa conduite
déraisonnable dans les circonstances étaient tels qu’une suspension de deux ans est
proportionnée et cohérente par rapport à d’autres cas similaires.
[C’est moi qui souligne.]
172. En fin de compte, la Formation a annulé la suspension de deux ans imposée par
l’arbitre de l’AAA et l’a remplacée par une suspension de dix-huit (18) mois.
H. c. Fédération Internationale de Motocyclisme (FIM), CAS 2000/A/281
173. L’athlète, un des meilleurs pilotes de Superbike au monde à l’époque, avait subi
un test positif à l’éphédrine en avril 2000. La concentration d’éphédrine dans son
échantillon d’urine était de 12,4 μg/mL, ce qui dépassait le seuil de 10 μg/mL.
174. Dans son analyse, la Formation déclare notamment :
[Traduction]
Enfin, la Formation rejette encore une fois la prétention voulant que l’on ne puisse
pas établir que l’appelant a commis une infraction aux règles antidopage étant donné
qu’il ne savait pas qu’il utilisait une substance interdite. Dans les cas de
responsabilité objective, le fait que l’athlète savait ou non qu’il faisait usage d’une
substance qui figure sur la liste antidopage n’est pas pertinent. Le Tribunal prend
note du fait qu’il n’est pas de notoriété publique que le Ma Huang contient de
l’éphédrine. D’un autre côté, la Formation estime que les produits et substances
homéopathiques qui ne donnent pas le nom chimique des substances mais les noms
des substances végétales doivent être examinés avec beaucoup de précautions par
l’athlète. Il n’est de toute évidence pas suffisant que l’athlète ait posé des questions
à son préparateur physique à propos des substances contenues dans “Thermogen”.
Un préparateur physique n’est pas suffisamment qualifié, normalement, pour donner
des conseils dans le domaine de la pharmacologie.
[C’est moi qui souligne.]
175. En fin de compte, la Formation a annulé la décision initiale rendue par le
Tribunal d’appel international de la FIM et suspendu l’athlète pour une période de
trois (3) semaines.
176. Il y a lieu de noter que cette décision a été rendue en 2000, bien avant la décision
Cilic et l’adoption des Codes de l’AMA subséquents et mis à jour.
Sebastián Berti c. International Rugby Board, Board Judicial Committee, 2006
177. Dans cette affaire, M. Berti avait commis une violation des règles antidopage
car son échantillon d’urine avait révélé la présence d’éphédrine à une
concentration supérieur à 10 μg/mL (résultat de l’échantillon = 13 μg/mL).
178. Le Comité a déterminé que l’athlète n’avait pas fait usage d’éphédrine dans le
but d’améliorer sa performance sportive, mais il a également conclu que la
présence d’éphédrine dans son échantillon était néanmoins attribuable au fait qu’il
ne s’était pas acquitté de sa responsabilité personnelle en s’assurant qu’aucune
substance interdite ne pénètre dans son organisme.
179. Le Comité a notamment déclaré :
[Traduction]
59. Même si, ce qui est loin d’être certain, une équipe de physiothérapeutes a donné
au joueur un décongestionnant contenant de l’éphédrine, la preuve relative à l’usage
de complément par le joueur ne peut être ignorée. Tous les joueurs – que ce soient
des amateurs qui jouent dans des clubs ou des professionnels qui jouent au niveau
international – ont la responsabilité de s’assurer qu’aucune substance interdite ne
pénètre dans leur organisme. La norme applicable est celle de la responsabilité
objective. Les actions du joueur étaient loin de satisfaire à sa responsabilité
personnelle.
60. […] si la concentration de l’éphédrine dans l’urine du joueur ne dépassait que
légèrement le seuil de déclaration et si nous en avons tenu compte en concluant qu’il
n’avait pas eu pour but d’améliorer sa performance sportive, nous estimons
néanmoins que s’il avait exercé une diligence et une vigilance appropriées en
utilisant son complément, il n’y aurait sans doute pas eu de test positif.
61. Indépendamment de l’importance de l’éducation antidopage que le joueur avait
reçue, lui, et tous les joueurs devraient savoir que l’utilisation de compléments
comporte des risques, d’où les mises en garde de la nature de celles qui sont exposées
dans le premier paragraphe de ces motifs. […]
[C’est moi qui souligne.]
180. En fin de compte, le Comité a imposé une suspension de six semaines à
l’athlète. Je note toutefois que le Comité a tenu compte de l’incidence qu’une
période de suspension plus longue aurait eue, non seulement sur le gagne-pain de
l’athlète, mais aussi sur sa famille et la communauté qu’il servait. Il est précisé
spécialement dans les notes que ces facteurs ne doivent pas être pris en
considération selon le Code de 2015.
CCES et Jacques Bouchard, SDRCC DT 07-0066
181. Il s’agit d’un autre cas impliquant de l’éphédrine. En l’occurrence,
M. Bouchard, un athlète relevant d’Athlétisme Canada, a obtenu un résultat de test
positif à l’éphédrine à une concentration de 14 μg/mL, ce qui était supérieur au
seuil de 10 μg/mL.
182.
La décision du Tribunal comprend les passages suivants :
Le tribunal est d’avis que M. Bouchard aurait dû raisonnablement savoir ou présumer,
s’il avait fait preuve de la plus grande vigilance, qu’il utilisait une substance interdite.
[…] [page 16 de la décision]
[…] Il s’ensuit qu’il aurait pu raisonnablement présumer, même en faisant preuve
d’une vigilance tout simplement ordinaire (en lisant l’étiquette), et à plus forte raison
en faisant preuve de la plus grande vigilance, qu’il utilisait une substance interdite..
[…] [page 17 de la décision]
[…] L’athlète a invoqué d’autres facteurs qui ne correspondent pas aux critères des
circonstances exceptionnelles prévues au PCAD et, de toute manière, ne permettent
pas de le disculper ni même de réduire la gravité de la violation des règlements
antidopage [page 17 de la décision] […]
183. En dernier lieu, le tribunal a ordonné que la sanction de six mois de suspension
proposée par le CCES soit imposée à M. Bouchard.
Fauconnet c. International Skating Union (ISU), CAS 2011/A/2615
184. M. Fauconnet, un patineur sur courte piste de niveau international, a obtenu un
résultat de test positif au tuaminoheptane, classé comme substance spécifiée dans
la Liste des substances et méthodes interdites de 2010 de l’AMA.
185. La Commission de discipline de l’ISU avait imposé à M. Fauconnet une
sanction réduite de dix-huit mois. Insatisfait de cette décision, l’athlète avait
déposé un appel devant le TAS peu de temps après.
186. La Formation a conclu en particulier :
[Traduction]
112. Après avoir conclu que le degré de négligence de Fauconnet est significatif pour les
raisons indiquées ci-dessus et compte tenu des cas susmentionnés, la Formation estime
qu’il n’était pas disproportionné de réduire cette période de suspension d’un quart de la
sanction maximale de deux ans, comme le prévoit l’article 10.4 des Règles de l’ISU.
113. En conclusion, la Formation désire souligner qu’il croit que Fauconnet n’avait pas
l’intention de tricher ou d’améliorer sa performance sportive. Il est donc malheureux
qu’il ait fait cette erreur qui n’est pas compatible avec son dossier antidopage par ailleurs
sans tache. Pour se conformer aux règles applicables et répondre à la nécessité de
promouvoir l’égalité entre les athlètes dans le monde entier, la Formation doit néanmoins
imposer une sanction qui est proportionnée par rapport au manque de diligence très
significatif dont Fauconnet a fait preuve en ingérant le produit. Ainsi, pour les motifs
exposés ci-dessus, Fauconnet est déclaré inadmissible à participer à toutes les
compétitions de sport pour une période de dix-hui mois.
[C’est moi qui souligne.]
187. En conséquence, M. Fauconnet a été suspendu pour une période de dix-huit
(18) mois.
Robert Lea c. USADA, CAS
188. L’avocat de l’athlète a indiqué que cette décision rendue récemment par le TAS
est cruciale en ce qui a trait à la question de « l’automédication ».
189. D’un autre côté le CCES fait remarquer que la définition de « faute
significative » dans ce cas n’est pas la même que celle du PCA de 2015. Selon lui,
la faute commise par Lea n’était pas significative, mais suffisamment importante
pour se situer dans la partie supérieure de l’échelle de sanctions de 0 à 24 mois.
190. Dans ce cas, l’athlète s’était auto-médicamenté sans consulter de médecin ni
prendre de mesures pour vérifier si le produit contenait une substance interdite.
Le TAS avait finalement réduit sa sanction de 16 mois à une suspension de six
mois.
191. Toutefois, comme cette décision est récente, la décision pleinement motivée
n’est pas actuellement à la disposition du public. Seule la partie dispositive de la
décision a été communiquée. L’avocat de l’athlète a tenté d’obtenir la décision
intégrale en s’adressant au TAS, mais sans succès.
192. Étant donné que je n’ai pas accès à la décision intégrale et au raisonnement du
TAS, je ne peux pas prendre en considération l’affaire Lea en l’espèce.
IX.
ANALYSE
A. Le droit applicable et le principe de la proportionnalité
193. Depuis que l’échantillon a été fourni, le 25 octobre 2015, c’est le Code de 2015
qui s’applique.
194. Bien que la jurisprudence établie sous le régime du Code de 2009 soit utile, elle
ne peut être appliquée entièrement à la présente affaire, car les concepts ont évolué
avec le Code de 2015.
195. Sous le régime du Code précédent, l’arbitre était tenu d’appliquer le principe
de la proportionnalité de la période de suspension, en tenant compte de divers
facteurs subjectifs.
196. Sous le régime du Code de 2015, le principe de la proportionnalité a été
supprimé et il a été remplacé par une analyse binaire du caractère « significatif »
de la faute ou négligence par rapport aux substances spécifiées, qui doit être évalué
par le Tribunal.
197. Le Tribunal doit désormais déterminer s’il y a absence de faute ou de
négligence significative de la part de l’athlète. Ce n’est qu’ensuite, si tel est le cas,
que l’analyse du degré de la faute peut se faire, et donner lieu à une réduction de
la période de suspension.
198. Le concept d’« absence de faute ou de négligence significative » implique qu’il
y a eu faute ou négligence, mais à un degré moindre qu’une « faute ou négligence
significative ». Comme chaque cas est unique, j’ai analysé le présent cas à la
lumière du Code de 2015 et des intentions de ses auteurs. À mon avis, les auteurs
avaient l’intention d’être plus sévères envers les personnes qui se dopent, tout en
fournissant une latitude limitée au tribunal lorsqu’il envisage des réductions des
périodes de suspension pour des substances spécifiées. Autrement dit, seules des
circonstances spéciales, mais pas exceptionnelles permettraient une réduction de
la période de suspension.
199. Ainsi, le critère en deux volets énoncé au paragraphe 10.5 du Code de 2015
exige que je détermine :
a.
si l’athlète a établi comment la substance interdite a pénétré dans son
organisme, et
b.
si l’athlète a établi une absence de faute ou de négligence significative de sa
part.
B. Réduction de la sanction en vertu du paragraphe 10.5.1.1 du PCA
200. Pour avoir droit à une réduction de sa sanction en vertu du paragraphe 10.5.1.1
du PCA, il incombait à l’athlète de satisfaire aux deux critères suivants :
(1) Établir comment l’éphédrine a pénétré dans son organisme à une
concentration supérieure au seuil de 10 μg/mL.
(2) Établir une absence de « faute ou négligence significative » de sa part.
201. Le fardeau de la preuve relativement à ces deux critères doit être acquitté selon
la « prépondérance des probabilités ».
202. La norme de conduite attendue de l’athlète est également un élément important
dont j’ai tenu compte dans cette analyse.
203. Justin Maheu est un jeune joueur de soccer. J’estime qu’il a fait preuve d’un
certain degré d’immaturité à l’égard de ses obligations en matière de dopage et
dans la manière dont il a fait ses recherches, quoique ce niveau d’immaturité ne
soit pas, à mon avis, particulièrement inférieur à celui de l’athlète moyen dans sa
situation.
204. Selon mon expérience, après avoir vu témoigner devant moi de nombreux
athlètes de haut niveau, la plupart sont soutenus par leurs parents, leurs entraîneurs
et leur entourage tout au long de leur carrière sportive. Il n’est pas surprenant que,
même à l’âge de 24 ans, les athlètes élites n’aient pas le même niveau de
débrouillardise et d’aptitude à prendre des décisions rapides et sans erreur que
d’autres diplômés universitaires qui viennent de débuter une carrière.
205. Ainsi, bien que le comportement de l’athlète doive être à la hauteur des
obligations dont il doit s’acquitter à titre d’athlète élite pour assurer un sport sans
dopage, la norme applicable que j’ai utilisée est celle du comportement d’un
athlète élite normal, et non pas la norme de l’étudiant diplômé qui aurait réfléchi
à toutes les analyses scientifiques auxquelles il avait accès, afin de déterminer la
quantité d’éphédrine qu’il aurait pu consommer sans dépasser le seuil. L’athlète
avait à sa disposition des outils limités dont il a tenté de se servir, compte tenu de
l’éducation antidopage qui lui avait été fournie.
206. Cette norme est centrale dans l’analyse du concept de « faute ou négligence
significative ».
Critère no 1 : Comment l’éphédrine a pénétré dans l’organisme de l’athlète à une
concentration supérieure à 10 μg/mL
207. Pour invoquer une absence de « faute ou négligence significative », selon
l’Annexe I du PCA « […] l’athlète doit également établir de quelle manière la
substance interdite a pénétré dans son organisme ».
208. L’éphédrine est une substance qui n’est interdite qu’en compétition dans
certaines conditions, c’est-à-dire lorsque sa concentration dans l’urine dépasse
10 μg/mL. En conséquence, selon l’Annexe 1 du PCA, l’athlète doit non
seulement admettre la présence de la substance dans son organisme, il doit
également expliquer pourquoi la substance dépassait le seuil.
209. À mon avis, l’athlète a satisfait à ce critère. Il a été très franc et transparent en
expliquant comment il a consommé les comprimés d’éphédrine et en quelles
quantités. Il a établi, selon la prépondérance des probabilités, comment l’éphédrine
a pénétré dans son organisme à une concentration supérieure à 10 μg/mL. Qui
plus est, les témoignages des deux experts concordaient en ce qui a trait aux
principales questions scientifiques quant à savoir si la version de l’athlète
était/pouvait être compatible avec les résultats (20,2 μg/mL d’éphédrine).
Critère no 2 : L’absence de « faute ou négligence significative »
210. L’analyse du second critère est prévue au paragraphe 10.5.1.1 du PCA.
L’Annexe I définit ainsi le terme « faute » :
Faute : Tout manquement à une obligation ou tout manque de diligence appropriée
lié à une situation particulière. Les facteurs à prendre en considération pour évaluer
le degré de la faute d’un athlète ou d’une autre personne incluent par exemple
l’expérience de l’athlète ou de l’autre personne, la question de savoir si l’athlète ou
l’autre personne est un mineur, des considérations spéciales telles que le handicap,
le degré de risque qui aurait dû être perçu par l’athlète ainsi que le degré de
diligence exercé par l’athlète et les recherches et les précautions prises par l’athlète
en relation avec ce qui aurait dû être le niveau de risque perçu. […]
[C’est moi qui souligne.]
211. J’ai soigneusement examiné les facteurs indiqués dans cette définition en
évaluant l’absence de faute ou négligence significative de la part de l’athlète :
a. La preuve indique que l’athlète a acquis des connaissances et reçu une
éducation de base en ce qui a trait au programme antidopage. Néanmoins,
on ne peut pas qualifier son expérience concernant le programme
antidopage de « considérable ».
b. L’athlète n’est pas un mineur.
c. Il n’y a aucune preuve de handicap de l’athlète.
d. À mon avis, la perception de l’athlète du degré de risque lié à la
consommation d’éphédrine était « élevée ». Il savait que l’éphédrine était
une substance interdite en compétition au-delà d’un certain seuil et il a fait
quelques recherches en ligne pour se renseigner sur l’éphédrine, les
quantités permises qu’il pouvait ingérer et ses effets.
e. À mon avis, le degré de diligence exercé par l’athlète et les recherches qu’il
a faites en relation avec ce qui aurait dû être le niveau de risque perçu
étaient limités et insuffisants. Pour soulager ses difficultés à respirer, il
avait certainement d’autres possibilités plus sûres que de prendre une
substance spécifiée à seuil; il aurait pu consulter un médecin, contacter le
CCES directement et il aurait dû être transparent dans son formulaire de
contrôle du dopage. Ce sont tous des facteurs aggravants qui augmentent
le degré de la faute de l’athlète.
212. Toutefois, je n’ai trouvé aucune preuve que le CCES ou un médecin auraient
pu lui fournir des conseils utiles en ce qui a trait au dosage. Bien sûr, il y a toujours
la solution qui consiste à s’abstenir de consommer la substance et cette solution
doit être considérée par rapport au fait que la substance est permise en deçà d’un
seuil établi.
213. Si le CCES et l’AMA tolèrent que les athlètes ingèrent des substances jusqu’à
un certain seuil, ils doivent fournir un minimum de directives aux athlètes qui
choisissent de consommer ces produits, surtout lorsqu’il s’agit d’un produit
disponible sans ordonnance.
214. Par analogie et à titre d’exemple, lorsque le gouvernement a fixé le taux
maximal de 0,08 % d’alcool dans le sang pour déterminer si une personne conduit
un véhicule avec des facultés affaiblies, il a également informé la population de la
quantité correspondante approximative qu’elle peut consommer pour rester en
dessous de cette limite (pas plus d’un verre par heure). Bien qu’il s’agisse d’une
indication générale, qui a des effets juridiques limités, elle fournit une information
et des repères utiles à la population qui, autrement, n’aurait dans la plupart des cas
aucune idée de la quantité de consommation de référence.
215. Dans le cas de l’éphédrine, le seuil de 10 μg/mL ne dit rien à l’athlète et,
franchement, à moi non plus dans le contexte d’une limitation de la consommation.
Sauf si l’on s’attend à ce que l’athlète n’en consomme pas du tout, ce qui en ferait
une substance spécifiée sans seuil, je conclus qu’il y a une lacune en ce qui a trait
aux attentes en matière d’éducation dans le Code de l’AMA et les règlements du
PCA. Même après avoir entendu les experts tout au long de l’audience, je ne sais
toujours pas quelle serait la dose d’éphédrine permise qu’un athlète pourrait
consommer sans risquer des résultats de test supérieurs au seuil. Cela est injuste
pour l’athlète qui, bien que de façon naïve, a trouvé une méthode simple et peu
coûteuse pour réguler ses problèmes respiratoires.
216. Les renseignements sur l’éphédrine donnés dans la Liste des interdictions et sur
le site Internet DRO Global (qui est soutenu par le CCES) donnent aux athlètes
potentiels une image qui n’est pas suffisante pour satisfaire aux obligations du
CCES en matière d’éducation prévues aux articles 2, 7.3 et 19 du PCA de 2015.
217. L’obligation du CCES de fournir aux athlètes une éducation antidopage ne se
limite pas, dans le cas des substances à seuil, à publier la substance et son seuil, et
à obliger à suivre une formation antidopage annuelle récurrente par le biais d’un
cours autoguidé sur Internet. En l’espèce, je conclus que le CCES n’a pas fourni
un minimum de directives sur les niveaux de consommation acceptables de
l’éphédrine, qui est une substance à seuil.
218. Sans directives de base appropriées, il est impossible pour un athlète qui n’a
pas de connaissances en chimie analytique de faire la corrélation entre 10 μg/mL
et une dose de 8 mg contenue dans un comprimé.
219. Aucune preuve n’a été présentée pour expliquer, en termes simples, quelle dose
type, par jour, serait permise pour ne pas dépasser le seuil autorisé. J’estime que
la recommandation d’une dose type fait partie de l’obligation d’éducation d’un
organisme antidopage tel que le CCES, et que celui-ci a omis de fournir cette
information. Puisque la substance est permise sous le régime du PCA, en deçà
d’un certain seuil, l’athlète qui veut s’assurer d’éviter un résultat de test positif
tout en soignant un problème respiratoire n’a aucun repère pour se guider.
220. Et comme l’éphédrine est disponible sans ordonnance d’un médecin, l’athlète
ne pouvait pas utiliser d’indications fiables en matière de posologie comme cela
existe pour une autre substance à seuil, telle que le salbutamol.
221. Néanmoins, l’athlète avait l’obligation de faire une recherche approfondie et il
y avait d’autres possibilités qu’il a choisi de ne pas explorer. Il était donc fautif,
mais pas de manière significative. De sorte qu’il ne devrait pas se voir imposer
une suspension qui se situe à l’extrémité supérieure de l’échelle correspondant à
la sanction maximale (24 mois).
222. Pour tous ces motifs, je conclus que la faute de l’athlète n’est pas significative,
quoique le degré de faute, lui-même, soit significatif. En conséquence, l’athlète
doit purger une période de suspension qui correspond au degré de la faute.
223. Je suis d’accord avec les lignes directrices générales données dans Cilic pour
établir les sanctions, selon lesquelles une sanction entre 16 et 24 mois était
appropriée pour un degré de faute significatif sous le régime du Code de 2009.
Cilic établit la sanction pour un degré de faute « standard » à 20 mois. Comme j’ai
conclu que l’athlète avait été franc et avait collaboré avec le CCES depuis le début,
je suis prêt à accorder un crédit de deux mois par rapport à la suspension standard,
pour la collaboration de l’athlète.
X.
DÉCISION
Compte tenu de la preuve documentaire soumise et des témoignages entendus durant
l’audience :
Justin Maheu a commis une violation des règles antidopage visée au règlement 2.1 du
Programme canadien antidopage.
Le degré de sa faute, bien que significatif, n’est pas suffisant pour entraîner la sanction maximale
de 24 mois, mais reste néanmoins dans la fourchette de 16 à 24 mois, comme l’indique la décision
Cilic.
EN CONSÉQUENCE, Justin Maheu est suspendu pour une période de dix-huit (18) mois,
prenant effet rétroactivement le 25 octobre 2015 et se terminant le 24 avril 2017 à minuit. Je conserve ma compétence relativement à toute question que pourrait soulever
l’interprétation ou la mise en œuvre de cette décision.
Signé à Cancun, le 2 mai 2016.
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Patrice Brunet, arbitre