LÉSIONS BUCCALES ET VIH

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LÉSIONS BUCCALES ET VIH
Lésions buccales et VIH
LÉSIONS BUCCALES
ET VIH
Eléments du diagnostic différentiel – un résumé destiné au praticien exerçant en cabinet privé
CESAR A. MIGLIORATI et ERICA K. J. MIGLIORATI
(Résumé français de Thomas Vauthier)
(Bibliographie, tableaux et figures voir texte anglais, pages 861–868)
Dans le cadre de la prise en charge des patients infectés par le VIH, tant le diagnostic que le traitement des lésions survenant dans la sphère buccale sont d’une grande importance. Les pathologies observées au niveau des muqueuses buccales permettent non seulement d’apprécier le stade
de l’évolution de l’infection par le VIH et de la déplétion immunologique, mais également de déterminer la nécessité ou, le cas échéant le moment le plus propice, de l’instauration d’un traitement anti-VIH, voire de la prévention d’éventuelles surinfections par des germes opportunistes.
Le médecin-dentiste en pratique privée se trouve en première
ligne du diagnostic primaire d’un grand nombre de lésions buccales en rapport avec ou causées par des maladies systémiques.
Etant donné que les infections par le VIH peuvent se manifester par des affections parfois pathognomoniques au niveau de
la sphère buccale, il est fondamental que les praticiens aiguisent leur sens d’observation et de diagnostic stomatologiques.
Cette démarche nécessite une approche systématique (fig. 1),
composée en premier lieu d’une anamnèse complète (médicale, bucco-dentaire, sociale, sans oublier celle de la lésion
spécifique), suivie d’un examen approfondi tant intra- qu’extrabuccal. En fonction du diagnostic différentiel présumé, des
examens complémentaires devront être effectués, soit par le
médecin-dentiste lui-même, soit par un spécialiste, afin d’établir un diagnostic précis et une décision thérapeutique en
conséquence.
Parmi les lésions les plus fréquentes, observées chez des patients infectés par le VIH, figurent les lésions blanches des muqueuses. Dès lors, il s’agira en premier lieu de différencier
entre la présence d’une candidose ou celle d’une leucoplasie
villeuse. La première, bien qu’appartenant aux mycoses buccales, peut dans des évolutions chroniques prendre un aspect
hyperkératinisé. Outre l’anamnèse positive, indiquant des
symptômes de sensations de brûlure, de douleurs ou de démangeaisons, l’examen microscopique ou la mise en culture
d’un échantillon direct obtenu par grattage de la lésion permettent en général d’en établir le diagnostic. De l’autre côté,
la leucoplasie villeuse, causée par le virus d’Epstein-Barr
(EBV), nécessite le prélèvement d’une biopsie. Il est important de rappeler que ces deux types de lésions blanches peuvent parfois s’accompagner d’un aspect rougeâtre ou rouge
franc, tel qu’il s’observe dans les erythroleucoplasies précancéreuses ou le lichen plan. Des investigations histologiques
complémentaires seront alors nécessaires. (cf. tab. I)
Tant la présence d’une candidose que de celle d’une leucoplasie villeuse indiquent en général une atteinte du système immunologique; alors que l’infection par l’EBV ne nécessite à
priori aucun traitement, la candidose peut être circonscrite ou
éradiquée (sauf récidive) par des médicaments antifongiques.
Pour leur part, les lésions ulcéreuses des muqueuses buccales,
autre entité pathologie fréquente chez les patients atteints par
le VIH, sont le plus souvent accompagnées de symptômes douloureux, pouvant même représenter la raison principale ayant
motivé la consultation médico-dentaire. Dans ce contexte également, seul un diagnostic précis permet l’instauration d’un
traitement adéquat, voire de la prévention d’une dissémination
systémique ou d’une transmission à autrui, lorsque la lésion
est d’origine infectieuse.
Il faut relever que les infections herpétiques, notamment celles
par Herpès simplex (HSV) sont la cause la plus fréquente des
lésions ulcéreuses des muqueuses buccales observées chez les
patients infectés par le VIH. Bien que la sévérité de la symptomatologie et la persistance de l’infection par HSV puissent
être similaires à celles des patients immunocompétents, l’évolution de l’affection dépend souvent du degré de la déplétion
immunologique du patient. Parmi les autres agents pathogènes, outre le virus varicelle-zona (VZV), il faut noter que le
cytomégalovirus (CMV) peut provoquer, à partir des muqueuses de la cavité buccale, les lésions gravissimes atteignant
la sphère oro-pharyngée ou l’œsophage, voire une dissémination systémique nécessitant alors l’hospitalisation d’urgence
du patient. Le diagnostic différentiel des lésions ulcéreuses
d’origine virale se fonde en premier lieu sur l’examen histopathologique d’une biopsie, complété, le cas échéant, par une
mise en culture appropriée.
Alors que les lésions herpétiques touchent surtout les régions
kératinisées des muqueuses buccales, les ulcérations aphteuses
se situent en général au niveau des zones non kératinisées. Le
diagnostic est essentiellement fondé sur la clinique et lors de
l’investigation, il faut rechercher des traumatismes récents, la
prise de médicaments systémiques ou un contexte de leucopénie.
Finalement, la présence d’ulcérations persistantes isolées doit
inciter le praticien à une recherche active d’une tumeur maligne. Parmi celles-ci, le carcinome épidermoïde est de loin la
tumeur la plus fréquente, et en cas de suspicion anamnestique
ou clinique, cette possibilité devrait toujours faire l’objet d’investigations approfondies.
(Pour un aperçu complet des lésions ulcéreuses voir tab. II)
Rev Mens Suisse Odontostomatol, vol. 107: 10/1997
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