Parler chinois : est-ce nécessaire, est
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Parler chinois : est-ce nécessaire, est
236 Acupuncture & Moxibustion Lettre à la rédaction Parler chinois : est-ce nécessaire, est-ce suffisant ? Bui Anh Tuan Depuis sa parution en octobre 2004, l’article « Parles-tu chinois ? » de Florence Phan-Choffrut [1] a suscité plusieurs réactions, sur l’utilité ou non pour un acupuncteur de connaître et pratiquer la langue chinoise. Ce débat n’est pas nouveau. Mais c’est, à notre connaissance, la première fois qu’il apparaît ainsi publiquement, dans les colonnes d’une revue aussi importante que «Acupuncture et Moxibustion». Il faut s’en féliciter, car ce débat est incontournable. En effet aucun acupuncteur ne peut, logiquement, éviter un jour ou l’autre de se demander : Dois-je ou non apprendre le chinois ? Mais si chacun a plus ou moins sa propre opinion, il n’y a jamais eu de position commune à l’ensemble des acupuncteurs. Pourtant, comment pourrions-nous être totalement crédibles s’il n’y a pas, de la part de la profession organisée, une réponse claire à une question aussi simple : Un acupuncteur doit-il, oui ou non, connaître le chinois ? Un tel flottement ne risque-t-il pas, actuellement(a), de nous desservir plus ouvertement encore ? C’est pourquoi je me permets de participer également au débat, en attirant l’attention sur plusieurs faits. Le premier est que des acupuncteurs peuvent être reconnus comme des thérapeutes tout à fait valables, bien que ne parlant ni ne lisant le chinois. La connaissance du chinois ne serait alors pas indispensable. Pourtant, des acupuncteurs qui connaissent le chinois assurent que cela représente un « plus ». Mais ce plus diffère d’un confrère à l’autre ? Pour Florence Phan-Choffrut [1] : l’apprentissage permettrait d’ « être plus proche de la pensée [chinoise] car – écritelle – sans la mélodie, la comptine perd sa douceur ». Pour Philippe Castera [2], l’accès à l’acupuncture avec la langue chinoise permet d’« ajouter une saveur incomparable, au moins pour son plaisir, et [peut-être, dit-il] pour celui des patients qui le choisissent ». Pour Pierre Dinouart-Jatteau [3], parler le chinois, même très bien, ne suffirait pas. Pour « s’approcher de la pensée chinoise », pour « être renseigné sur la culture chinoise », il faudrait même, d’après lui, « lire énormément d’ouvrages de littérature chinoise », il faudrait « lire et relire des quantités d’ouvrages littéraires, classiques et médicaux… se plonger [ainsi] dans la pensée chinoise pour parvenir à comprendre les différences qui existent entre notre pensée et celle de ce peuple qui nous a donné une conception de la Médecine tellement étrangère à la nôtre… Lorsque l’on connaît la rigueur de la langue chinoise, de sa grammaire et de la grammaire du chinois classique, lorsque l’on constate la concision des textes classiques, alors on comprend que nous sommes dans un autre monde ». Arrêtons-nous sur l’avis de Pierre Dinouart. En tant qu’acupuncteurs, nous savons tous combien la médecine chinoise diffère de la médecine d’ici (que nous appelons communément la « médecine occidentale »), et nous savons, ou subodorons, qu’elle relève d’un « autre monde ». Mais en quoi consiste cet autre monde ? En quoi consiste la « pensée chinoise » ? Sur ces questions aussi, les avis diffèrent d’un spécialiste(b) à l’autre. Pour un tel, cette pensée serait foncièrement « empirique ». Pour un autre, elle serait plutôt de nature « analogique ». Pour un troisième, elle serait d’inspiration « taoïste » [4]. Récemment, pour certains, elle serait plutôt d’inspiration « confucéenne » [5, 6]… Ces divergences parmi des spécialistes qui, en principe, connaissent tous le chinois, conduisent inévitablement à dire que la connaissance de la langue chinoise ne suffit pas non plus, par elle-même, pour véritablement comprendre le monde chinois et la pensée chinoise. La connaissance de la langue chinoise apparaît ainsi comme ni nécessaire, ni suffisante, pour comprendre le monde chinois, pour comprendre la pensée chinoise, pour comprendre par là l’essence des ressorts qui, fondant les productions de cette pensée, seraient éga-