Kjeldahl
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Kjeldahl
Des normes actuelles pour mesurer la teneur totale en azote et protéine brute Kjeldahl – toujours d’actualité Il y a 125 ans, le chimiste danois Johan Kjeldahl publiait une méthode qui est toujours d’actualité dans l’agroalimentaire Lorsqu’un échantillon contenant des protéines est minéralisé dans l’acide sulfurique, l’azote se transforme en sulfate d’ammonium. Le catalyseur ajouté donne un point d’ébullition plus élevé et une analyse plus rapide. C’est-à-dire que la réaction est accélérée par l’addition de ce catalyseur. Aujourd’hui, le sulfate de cuivre a remplacé l’oxyde de mercure comme catalyseur d’usage courant. La teneur en sulfate d’ammonium est mesurée en ajoutant un excès de soude au minéralisat. L’ammoniac ainsi libéré est distillé dans une solution réceptrice (aujourd’hui, on emploie de l’acide borique, dans les applications plus anciennes de l’acide sulfurique) et titré. Le pourcentage de protéine est obtenu en multipliant le taux d’azote par un facteur standard qui dépend du type d’échantillon. Ces facteurs sont calculés sur la base de la composition en acides aminés des échantillons. Le facteur 6,25 est le plus couramment utilisé, tandis que 5,7 est employé pour le blé et 6,38 pour les produit laitiers. FOSS, pionnier de la méthode Kjeldahl En 1970, FOSS a lancé le bloc de minéralisation Tecator™ pour remplacer les becs Bunsen et les tubes de minéralisation Kjeldahl de 800 ml. En 1974, la distillation directe par vapeur a été introduite avec les systèmes Tecator Kjeltec™ FOSS. Ces deux grandes avancées ont permis de limiter l’emploi de produits chimiques et d’améliorer le rendement de la minéralisation. Le transfert d’échantillon devient superflu, l’échantillon étant minéralisé et distillé dans le même tube. Le risque de perte d’ammoniac est éliminé par la distillation en système fermé, et l’emploi d’une solution réceptrice à l’acide borique réduit le temps de distillation. En 2009, la dernière génération d’analyseurs Kjeltec est lancée (cf. page 4). Normes actuelles pour la mesure de Protéine brute Au tournant des années 1980/1990, des milliers de laboratoires utilisaient le bloc de minéralisation et l’équipement de distillation à la vapeur pour mesurer le taux de protéines, mais les normes en vigueur ne reflétaient pas les améliorations de l’équipement pour la méthode Kjeldahl. Par exemple, elles employaient toujours le mercure comme catalyseur, de grandes quantités d’acide sulfurique et de longs temps de distillation, faisant le titrage en retour à l’hydroxyde de sodium, ce qui a contribué au succès de la méthode de combus- 14 tion de Dumas et de la méthode NIR. Il fallait donc actualiser les normes. A la fin des années 1990, FOSS a mis au point une nouvelle méthode standard en coopération avec l’AOAC, en utilisant un bloc de minéralisation, des catalyseurs au sulfate, un minimum d’acide sulfurique et un temps de minéralisation de 1 heure, la distillation à la vapeur dans une solution réceptrice d’acide borique et le titrage simultané avec détermination photométrique du point final, ce qui permis de ramener le temps de distillation/titration à 3-4 minutes environ1, 2, 3, 4. Cette méthode a été adoptée par l’ISO et le CEN6 comme EN ISO 5983-2, créant ainsi une norme pour la mesure de protéine brute5. La norme a été validée sur un grand nombre d’échantillons couvrant une large gamme de concentration (cf. fig. 2) lors d’une étude où tous les laboratoires étaient équipés de Tecator Kjeltec FOSS. Les échantillons étaient composés d’aliments pour animaux, fourrages, végétaux, céréales, oléagineux, concentrés de protéines, poudre de lait et aliments aquacoles. Les résultats montrent une excellente répétabilité et reproductibilité (0,4 – 2,4 %). Le taux de récupération d’azote est de 98,8 % à partir du tryptophane et 100,1 % à partir de l’acétanilide. Les doubles aveugles donnent de bons résultats, ce qui prouve que la méthode est robuste et fiable. La figure 3 illustre les résultats de précision en termes d’écart type de répétabilité, sdr, et reproductibilité, sdR, qui peuvent servir à calculer l’incertitude de mesure8. Ces valeurs de précision dépendent de la concentration. Pour certains échantillons, comme la farine de poisson, on note une différence entre sdr et sdR. Pour le reste, la figure montre qu’il n’y a pas de différence significative entre les valeurs de répétabilité et reproductibilité, ce qui signifie que tous les laboratoires peuvent produire des résultats corrects (tous utilisant des appareils Kjeltec). La méthode EN ISO 20483:2008 Céréales et légumes secs – Mesure de la teneur en azote et calcul de la teneur en protéines brutes – par la méthode Kjeldahl7 utilise le bloc de minéralisation, des catalyseurs au sulfate de cuivre et oxyde de titane, la distillation à la vapeur dans l’acide borique et le titrage automatique avec détermination photométrique du point final (ou pH). Cette nouvelle méthode diffère principalement de l’EN ISO 5983-2/AOAC 2001,11 par le temps de minéralisation (2 h au lieu de 1 h), la quantité d’acide (20 ml contre 12 ml) et le catalyseur (sulfate de cuivre et oxyde de titane contre sulfate de cuivre seul). Les résultats de précision de cette norme (fig.3, droite) font apparaître une différence significative entre les valeurs de répétabilité et reproductibilité. Cela pourrait s’expliquer par le fait que l’appareil Kjeltec FOSS n’a pas été exclusivement utilisé pour cette étude. L’oxyde de titane a été adopté comme catalyseur suite à des recherches visant à rem- In Focus, Vol. 33, No 1, 2009 Données sur les échantillons • Echantillons de validation : - Echantillon 1 : bloc de protéine - Echantillon 2 : aliment pour porc - Echantillon 3 : ensilage maïs • - Echantillon 4 : foin - Echantillon 5 : farine de poisson - Echantillon 6 : aliment pour chiens - Echantillon 7 : aliment pour chinchilla - Echantillon 8 : albumine - Echantillon 9 : graines pour oiseaux - Echantillon 10 : farine de viande et os - Echantillon 11 : lait artificiel - Echantillon 12 : soja - Echantillon 13 : graines de tournesol - Echantillon 14 : foin de légumineux - Echantillon 15 : aliment pour poissons, petites boulettes flottantes - Echantillon 16 : aliment pour poissons, grandes boulettes flottantes - Echantillon 17 : aliment pour crevettes, miettes - Echantillon 18 : aliment pour crevette, grandes boulettes non flottantes - Echantillon 19 : aliment pour crevette, petites boulettes non flottantes - Echantillon 20 : aliment pour larves, flocons - Echantillon 21 : grains de blé • Domaine validé: 0,3 – 70 % protéines • Validé par 24-26 laboratoires internationaux • Mesure photométrique du point terminal • Développé à partir des appareils Kjeltec™ FOSS • Méthode de référence également pour Dumas • Excellente répétabilité et reproductibilité Fig 1: Modèle de Kjeltec™ 1001 datant de 1974 Fig. 2: Performance de la norme EN ISO 5983-2 / AOAC 200,11 placer l’oxyde de mercure. Sur des substances d’essai azotées, les résultats de récupération étaient meilleurs que ceux du sulfate de cuivre seul. Il existe une autre méthode de mesure de la teneur en azote et protéines, c’est la méthode de combustion de Dumas telle que décrite dans EN ISO 166349, 10. Elle utilise les mêmes facteurs que la méthode Kjeldahl pour le calcul de la teneur en protéines, mais son application doit être vérifiée par rapport à la méthode Kjeldahl. La méthode de combustion de Dumas dé- termine le taux d’azote total, fractions minérales comprises, elle a donc tendance à donner des valeurs plus élevées que la méthode Kjeldahl. La méthode Kjeldahl ne récupère pas les fractions minérales telles que les nitrites et nitrates, ni tout l’azote minéral. Par exemple, les composés hétérocycliques sont-ils partiellement récupérés ? D’après des dizaines de milliers de données de calibration NIR sur les céréales, nous savons que les valeurs Dumas sont supérieures de 0,1 – 0,2 en protéines. Si cet écart est habituellement négligeable, il faut néanmoins en tenir compte. Fig. 3: Ecarts types de répétabilité et reproductibilité (en % protéines) des normes EN ISO 59832/ AOAC 2001,11 (à gauche) et EN ISO 20483 (à droite) In Focus, Vol. 33, No 1, 2009 Le tableau 1 montre la teneur en nitrate de matériaux de référence certifiés en provenance de Wepal (Hollande). Si nous prenons par exemple une laitue d’une teneur en nitrate de 33 200 mg/kg, cela correspondrait à 7,5 g N/ kg ou 0,75 × 6,25 = 4,7 % de protéines, ce qui indique le type d’erreur qui peut se produire. Ce type d’écart peut même entraîner des conflits commerciaux. Par exemple, si un fournisseur argentin prétend vendre de la farine de soja à un taux de protéine de 47,2 %, mesuré par la méthode de Dumas, et que l’importateur malais de cette farine de soja affirme que le taux de protéines est de 44,9 %, mesuré par la méthode Kjeldahl , cela peut être source de conflit. C’est pour cette raison que la Commission Européenne a récemment confirmé la méthode Kjeldahl comme méthode officielle d’analyse dans la Communauté [Régulation de la Commission (EC) N° 152/2009 du 27 Janvier 2009 établissant les méthodes officielles d’échantillonnage et analyse pour les aliments pour animaux]. Quelle méthode sélectionner ? Le tableau 2 montre la teneur moyenne en protéines obtenue par différentes méthodes de référence dans une étude inter-laboratoire conduite en 2008/2009 par le Réseau Céréalier Européen. Pour cette étude, une vingtaine de laboratoires maîtres ont analysé sept échantillons de blé et quatre d’orge. L’écart type moyen de reproductibilité de ces méthodes est de 0,125 %. Le tableau 3 montre la teneur moyenne en 15 Matériaux Haricots verts Orge d’été Laitue Concombre Igname Chou Epinard Nitrate (g/kg d.m.) 8,9 0,1 33,2 7,2 4,9 7,1 27,2 Méthode % Protéines ICC 105/2 (Kjeldahl, Cu) 12,46 EN ISO 5983-2 (Kjeldahl, Cu) 12,45 ISO 20483 (Kjeldahl, Cu/Ti) 12,39 ISO 16634 (Dumas) 12,55 Tableau 1: Teneur en nitrate (% d.m.) dans des matériaux de référence certifiés Tableau 2: Teneur moyenne en protéines selon différentes méthodes (écart type moyen sd = 0 125) protéines obtenue par différentes méthodes lors d’un test d’aptitude de l’AAFCO en 2008. L’AAFCO est l’Association des organismes officiels de contrôle de l’alimentation animale aux Etats-Unis. 200 laboratoires ont participé à ce test d’aptitude. Différentes méthodes de Kjeldahl (EN ISO 5983-2/ AOAC 2001,11 = catalyseur Cu ; EN ISO 20483 = catalyseur Cu/TiO2 ) ont été comparées avec la méthode combustion de Dumas. Comme l’indiquent les résultats des tableaux 2 et 3, les écarts entre les méthodes peuvent être considérés comme négligeables dans la plupart des cas. Pour les échantillons de céréales et aliments mélangés, rien ne permet de déduire que la méthode EN ISO 59832 / AOAC 2001,11, qui emploie le sulfate de cuivre comme seul catalyseur, donne des résultats inférieurs à celle qui emploie un mélange de sulfate de cuivre et dioxyde de titane. D’un autre côté, la méthode de Dumas peut entraîner des valeurs légèrement supérieures, mais l’écart reste non significatif. Le choix de la méthode de mesure des protéines brutes reposera donc sur des motifs économiques et pratiques. La norme mondiale EN ISO 5983-2 / AOAC 2001.11 présente l’avantage d’une applicabilité plus large, d’un temps d’analyse plus court et de coûts de réactifs plus faibles par rapport à la norme EN ISO 20483, et elle est mieux introduite comme méthode de référence que la méthode de Dumas. Elle permet l’accréditation avec une pleine traçabilité5 et une estimation simple des incertitudes8 de la méthode pour une large gamme d’échantillons. Cu Echantillon AAFCO 0826 AAFCO 0827 AAFCO 0828 AAFCO 0829 AAFCO 0830 AAFCO 0831 Moyenne % CP 18,2 12,9 40,8 23,6 18,2 27,5 23,5 Références : 1. Méthodes officielles d’analyse, AOAC International, Gaithersburg, USA, Méthode 2001.,11: Mesure du taux de protéines brutes dans les aliments pour animaux, fourrages ( tissus végétaux), céréales et oléagineux avec bloc de minéralisation, catalyseur cuivre et distillation à la valeur dans l’acide borique. 2. Nancy J. Thiex et Harold Manson, Nouvelle Norme AOAC de Mesure de protéines brutes dans les aliments pour animaux, céréales et oléagineux avec un appareil Tecator Kjeltec, In Focus, vol 26, N° 2, 2002, p 10-12 3. Thiex et al.: RAPPORT D’ETUDE COLLABORATIVE AOAC – Protéines brutes dans les aliments pour animaux, fourrages, céréales et oléagineux ; bloc de minéralisation, catalyseur cuivre et distillation à la valeur dans l’acide borique, Journal de l’AOAC Interna- Cu/TiO2 sd % 0,35 0,36 0,77 0,42 0,27 0,40 0,43 % CP 18,2 12,8 40,0 23,0 18,2 27,3 23,2 sd % 0,29 0,46 0,68 0,58 0,24 0,64 0,48 Dumas % CP 18,4 13,0 41,0 23,5 18,5 27,8 23,7 tional vol 85, N° 2, 2002, 309-317 4. Note d’Application FOSS AN 3001 5. Jürgen Möller, Traçabilité dans l’analyse Kjeldahl moderne, In Focus, vol 29, N° 1, 2005, p 4-5 6. EN ISO 5983-2:2005 Aliments pour animaux – Mesure de la teneur en azote et calcul de la teneur en protéines brutes – 2ème Partie : Bloc de minéralisation /Méthode de distillation à la vapeur 7. EN ISO 20483:2006 Céréales et légumes secs – Mesure de la teneur en azote et calcul de la teneur en protéines brutes – Méthode Kjeldahl 8. Cheng Shuwei, Gu Jinling et Pang Jing, Quantifier le degré d’incertitude des mesures du taux de protéines dans le soja avec le Kjeltec™ 2300, In Focus, vol 32, N° 1, 2008, p 24-27 9. ISO 16634-1:2008 Produits alimentaires – Mesure de la teneur totale en azote par combustion selon le principe de Dumas et calcul de la teneur en protéines brutes – 1ère Partie : Oléagineux et aliments pour animaux. 10. ISO/PRF TS 1663 Produits alimentaires – Mesure de la teneur totale en azote par combustion selon le principe de Dumas et calcul de la teneur en protéines brutes – 2ème Partie : Céréales, légumes secs et produits céréaliers broyés (Spécification technique en cours) par Jürgen Möller, [email protected] sd % 0,32 0,46 0,43 0,33 0,32 0,46 0,39 Tableau 3: Teneur moyenne en protéines selon différentes méthodes (AAFCO PTS 2008). % de protéines brutes et écart type selon différentes méthodes 16 In Focus, Vol. 33, No 1, 2009