Equilibre de Bertrand

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Equilibre de Bertrand
5. Le modèle de Bertrand
Si les produits des entreprises ne sont pas
differenciés et les clients sont bien informés
par rapport aux prix, le modèle de Bertrand a
une simple et forte prédiction.
Pour rendre l’argument simple, ajoutons une
hypothèse: les deux entreprises en duopole
ont des fonctions de coûts identiques: C(q) =
cq.
En 1883, Joseph Bertrand a critiqué
le modèle de Cournot en disant qu’en
pratique les firmes ne choisissent pas les
quantités, mais les prix. Il propose le modèle
alternatif:
Etant donné la demande du marché D(p),
i
chaque entreprise choisi un prix p . Le prix le
plus bas attire les clients. Les entreprises
maximisent leur profit q i p i − C i (q i ) , où
q i est la demande pour l’entreprise i.
Question clé: comment
q i est déterminé?
Alors, à l’optimum, les deux entreprises vont
choisir:
p = c.
1
Pourquoi?
Supposons que l’entreprise 1 choisisse un prix
p1 > p 2 et p 2 > c . Alors, tous les clients vont
aller à l’entreprise 2, laissant l’entreprise 1 avec
un profit nul.
L’entreprise 1 serait strictement mieux si elle
offrait un prix légèrement plus faible que celui
de l’entreprise 2.
Supposons que l’entreprise 1 choisisse un prix
p1 < p 2. Elle serait strictement mieux si elle
choisissait un prix légèrement plus élevé (mais
toujours plus bas que le prix du concurrent).
3
2
Donc, les deux entreprises doivent à
l’optimum mettre un prix identique et
partager le marché (chacune reçoit ½ D(p)).
Mais si le prix qu’elles demandent est plus
grand que c, une des deux peut légèrement
baisser son prix ce qui fait qu’elle perd un
tout petit peu sur chaque pièce vendue mais
elle aura tout le marché.
Résultat: Seulement p1 = p 2 = c est
possible avec ce genre de concurrence.
4
1
Equilibre de Bertrand avec biens identiques
p 2, Price of Firm 2,
$ per unit
Ce résultat est très différent de celui du modèle
de Cournot!
Firm 1’s best-response curve
10
Firm 2 ’s best-response curve
Avec Cournot, les entreprises font des profits
positifs, et une situation de concurrence
parfaite est seulement possible si le nombre
d’entreprises devient très grand.
e
5
Avec Bertrand, seulement deux entreprises
suffisent pour arriver à une situation de
concurrence parfaite.
45° line
0
5
9.99 10
5
6
p 1, Price of Firm 1, $ per unit
• Mais, dans certains marchés avec des
biens homogènes, la concurrence est à la
Bertrand. Exemple: instruments financiers
et arbitrages entre avoirs financiers, où
mise aux enchères de licences
téléphoniques pour portables.
Que faut-il penser de cela?
• Qu’un marché fonctionne d’après Cournot
ou d’après Bertrand dépend de l’intensité
de la concurrence (note: ceci ne se réfère
pas au nombres d’entreprises
concurrentes!)
• Dans un grand nombre de marchés avec
seulement peu d’entreprises, elles font des
profits positifs. Donc, Cournot semble plus
plausible que Bertrand.
7
• Le modèle de Bertrand est un bon cadre
d’analyse pour une investigation plus
approfondie de biens différenciés.
8
2
6. Le modèle de Stackelberg
Les modèles de Cournot et de Bertrand font
l’hypothèse que les entreprises sont sur un pied
d’égalité, aucune entreprise n’a d’avantage par
rapport à l’autre (à part probabalement des
avantages de coûts); chacune prend le
comportement de l’autre comme une donnée.
Mais souvent les entreprises ne sont pas
symétriques: l’une peut stratégiquement
influencer l’autre et l’autre va prendre sa
décision en regardant vers l’entreprise
dominante.
Le modèle de Stackelberg
(Heinrich von Stackelberg, 1934)
adapte le modèle de Cournot à
cette perspective asymétrique.
Idée principale: l’entreprise dominante
(leader) choisit en premier, ensuite c’est
l’autre (follower) qui choisit.
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Le modèle de Stackelberg dans l’exemple
Swiss-Lufthansa (vol Berlin-Genève)
Après le débacle de Swissair, les passagers
ont préféré voler avec Lufthansa (“plus fiable,
meilleure sit web, ...”).
Donc, en définissant les vols et prix en été
2002, Swiss s’est orienté vers la politique de
Lufthansa. Lufthansa, par contre, a pu penser
que Swiss allait s’ajuster à sa politique (ce qui
ne veut pas dire qu’elle pouvait ignorer Swiss!).
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10
Supposons que Lufthansa choisit sa
quantité en premier q L , et ensuite Swiss
L
choisit q S en fonction de q .
En d’autres mots: q S = R S (q L ) , mais pas
q L = R L (q S ) .
q L est choisi de sorte que les bénéfices de
Lufthansa soient maximisés, en prenant la
réaction de Swiss comme donnée.
12
3
demande
résiduelle
de
Lufthansa:
En formules: Lufthansa maximise
(1000 − 3.33( q L + R S (q L ))q L − 300q L
= (1000 − 3.33(q + 105 − 0.5q )q − 300q
L
L
L
L
p
1000
650
475
300
= 350q L − 1.67(q L )2
Dr
MRr
MC
q S = 52.5
D
0
Solution: Q = 105 ,
et donc: Q S = 52.5 , p = 475.
105
Q = 157.5
210
300
105
“best
response”
de Swiss:
52.5
0
105
210
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Comparant les différents modes de concurrence:
Monopoly
Cournot
Stackelberg
Bertrand
Perf. Compet.
qL
105
70
105
105
105
qS
0
70
52.5
105
105
Q
105
140
157.5
210
210
p
650
533
475
300
300
36.7
16.3
18.4
0
0
π
L
πS
qL
qS
L
0
16.3
9.2
0
0
π L +π S
36.7
32.6
27.6
0
0
CS
18.4
32.7
41.3
73.5
73.5
15
q L 14
Dernier chapitre: théorie des Jeux
Les modèles de Cournot, Bertrand, et
Stackelberg sont des exemples
d’interactions stratégiques qui sont d’une
manière plus générale analysées en utilisant
la théorie des jeux. En fait, notre analyse
était déjà (plus ou moins) une analyse du
style de la théorie des jeux.
Cette section introduit brièvement la théorie
plus générale qui a ses origines
principalement chez John von Neumann et
John Nash.
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Note: Profits and consumer surplus before fixed costs, in mill. CHF per year
4
En 1928, von Neumann a donné la
première description et analyse des
jeux comme le poker et les échecs.
En 1944, il a publié avec Oskar
Morgenstern le livre “The Theory of
Games and Economic Behaviour”.
John Nash, dans sa thèse en 1949, a
développé et caractérisé un
modèle général de situations avec
interactions stratégiques, qui
englobait les analyses de von
Neumann, Cournot, Bertrand, et
Stackelberg comme cas particuliers.
La théorie développée par Nash est utilisée
aujourd’hui dans tous les domaines de
l’économie, en gestion de l’entreprise, en
sciences politiques et même en biologie.
L’élément de base de la théorie de Nash est
un “jeu” – une situation stratégique, qui peut
impliquer des entreprises en concurrence sur
un marché, des individus en interaction dans
une entreprise, des parties politiques lors de
votations, ou des pays engagés dans une
guerre pour donner quelques exemples.
17
18
Un jeu est défini par:
- un ensemble de n joueurs
- pour chaque joueur i
- un ensemble d’actions
- une fonction de payoff
Xi
Πi
Si chaque joueur i choisit une action xi ∈ X i ,
alors le payoff du joueur i est donnée par
Πi( x1,..., xn ).
Donc, le payoff de chaque joueur dépend de
ce que tous les autres font, et l’action de tout
le monde influence le payoff de tout le monde.
19
20
5
Selon la nature dynamique de l’interaction on
distingue entre deux types de jeux:
Exemples:
• un jeux “in normal form”: les joueurs
choissisent leurs stratégies simultanément
• un jeux “in extensive form”: les actions se
passent d’une manière séquentielle.
1. Modèle de Cournot: un jeux “in normal
form” avec n joueurs, des ensembles d’action
(l’ensemble de toutes les quantités possibles)
X i = [0, ∞) , et des fonctions de payoff:
Dans la version la plus simple du jeux “in
extensive-form”, les joueurs choisissent leurs
actions l’une après l’autre. Mais il est possible
d’analyser des situations où quelques joueurs
choisissent simultanément et ensuite d’autres
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prennent leur décision etc...
2. Le modèle de Bertrand: un jeu “in normal
form” avec n joueurs, ensembles d’action
(ensemble de tous les prix possibles)
X i = [0, ∞) , et les payoffs:
⎧ D(pi )pi − Ci (D(pi ))
if pi < min{p j; j ≠ i}
⎪
Πi (p1,..., pn ) = ⎨αi D(pi )pi − Ci (αi D(pi )) if pi = min{p j; j ≠ i}
⎪
0
if pi > min{p j; j ≠ i}
⎩
n
Π i (q1,..., q n ) = q i p( ∑ q j ) − Ci (q i )
j=1
où p (⋅) est la fonction de demande inverse.
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3. Le modèle de Stackelberg: un jeux “in
extensive form” avec 2 joueurs, les
ensembles d’action X i = [0, ∞) , et les
fonctions de payoff comme dans le cas de
Cournot.
La “extensive form” du jeu est donnée par:
1. Joueur 1 choisit
2. Joueur 2 choisit
où α i est la fraction de la demande totale
desservie par l’entreprise i si les clients
sont indifférents entre i et son concurrent.
23
q1 ,
q2 .
24
6
4. “Dilemme du prisonnier”: deux suspects d’un
casse de banque majeur ont été arrêtés par la
police et mis dans deux cellules distincts.
La police a suffisamment d’evidence pour inculper
chacun pendant une année (pour un autre acte
mineur).
Les deux ont le choix de trahir l’autre (“betray”) ou
de refuser de coopérer avec la police (“stay
silent”).
Si aucun n’avoue, chacun aura une année en
prison.
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C’est un jeu “in normal form” avec deux
joueurs et des ensembles d’action X i = {b, s}.
Les fonctions de payoff et tout le jeu peut être
représenté par la matrice suivante:
2
betray
silent
betray
8,8
0,10
silent
10,0
1,1
1
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Si l’un des deux coopère et l’autre pas, celui
qui a cooperé est liberé (peu d’évidence
plus une récompense pour la coopération)
alors que l’autre aura le maximum de 10 ans
de prison.
Si les deux coopèrent, ils seront coupables
les deux, mais obtiennent une récompense
pour coopération et vont terminer avec 8
ans de prison.
26
5. Entry deterrence: Une entreprise
(“incumbent”) domine le marché qui est
suffisament grand pour qu’un duopole puisse
produire à bénéfices positifs.
Une deuxième entreprise (“entrant”) est prête à
entrer sur le marché; les coûts d’entrée sont de
1. Les bénéfices du duopole sont de 2 par
entreprise, les bénéfices du monople sont 5.
Si l’“entrant” entre, l’“incumbant” a le choix
entre un comportement aggressif (querre des
prix, publicité intensive, …) et un comportement
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passif.
7
Avec un comportement passif, les deux
entreprises gagnent des bénéfices de duopole.
Avec un comportement aggressif, les deux font un
bénéfice de 0 (l’“entrant” ne sert pas de clients et
l’“incumbent” garde ses clients, mais fait un
bénéfice de 0).
L’“incumbent” annonce s’il va être aggressif si le
nouveau entre. L’“entrant” doit décider si’il veut
entrer sur le marché (e) ou rester dehors (o=out).
C’est un jeu “in extensive form” avec 2
joueurs, I et E, et les ensembles d’action
X I = {a, p} , X E = { e , o } .
L’“extensive form” est donnée par:
1. E choisit x E ,
2. I choisit xI .
Les fonctions “payoff” peuvent être écrites
explicitement en utilisant la description cidessus. Une manière plus pratique de les
décrire (tout le jeu) est par un abre:
29
Le concept de résolution le plus important est
celui de l’équilibre de Nash. Le comportement
de tous les joueurs constitue un équilibre de
Nash (NE) si le comportement de tous les
joueurs est optimal étant donné le
comportement de tous les autres.
Arbre du jeu “entry deterrence”
E
e
o
I
a
p
30
*
*
*
Dans un jeu “normal-form”: ( x1 , x2 ,..., xn ) est
*
un équilibre de Nash si xi maximise
⎛ 5⎞
⎜⎜ ⎟⎟
⎝0⎠
Π i ( x1* ,..., x*i −1, x i , x*i +1,..., x*n )
⎛ 0⎞
⎜⎜ ⎟⎟
⎝ − 1⎠
⎛2⎞
⎜⎜ ⎟⎟
⎝1⎠
en fonction de
31
xi
pour tous les i.
32
8
Dans un jeu “extensive-form”, une autre
hypothèse est souvent utilisée. Cette
hypothèse concerne la structure dynamique
de l’interaction et assure que l’action de
chaque joueur soit optimale étant donné
l’avancement du jeu.
La solution est appelé équilibre de Nash
parfait, et la procédure pour obtenir la
solution (résoudre le jeu à l’envers depuis le
noeud final vers le noeud initial) s’appelle
“backward induction”.
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Dans l’exemple de “entry deterrence” (expl.
5), un équilibre de Nash parfait est trouvé
ansi:
1. Si l’entrant entre, l’incumbent (qui bouge en
dernier) ne sera pas agressif, parce que être
aggressif donne 0 alors que rester calme
donne 2.
Dans l’exemple du modèle de Stackelberg
(expl. 4), “backward induction” a été utilisé:
• d’abord étudier le comportement optimal du
last mover (Swiss) pour toutes les actions
possible du first mover (c.-à-d.: trouver la
fonction de réaction du second mover),
• ensuite trouver le comportement optimal du
first mover (sachant comment le second
mover va réagir).
Donc, la solution que nous avons trouvée
dans l’exemple “Swiss-Lufthansa” est un
équilibre de Nash parfait.
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Remarque: l’incumbent à tout intérêt à
prétendre qu’il serait agressif. Et si l’entrant
le croit, l’incumbant serait chanceux. Mais
ce genre de menaces ne sont pas crédibles:
l’entrant devrait comprendre qu’une fois
entré, l’incumbent ne va pas agir selon son
annonce préalable.
Un équilibre de Nash parfait évite l’utilisation
de ce genre de menaces non crédibles.
2. Donc, à la première étape du jeu, l’entrant
va entrer sur le marché.
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36
9
Equilibre de Nash en jeu “normal-form”:
Dans l’exemple du modèle de Cournot, l’équilibre
est un NE. De même pour l’équilibre dans le
modèle de Bertrand. Dans le dilemme du
prisonnier il y a un NE qui est: (b,b).
Notez que ce résultat qui est optimal du point de
vue individuel n’est pas optimal du point de vue
social: le résultat (s,s) est supérieur au sens de
Pareto. Donc dans le cadre d’interactions
stratégiques il n’y a pas de garantie que l’équilibre
(basé sur actions privées) soit le bon choix pour la
société.
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10