Les surveillants de prison

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Les surveillants de prison
Fiche n° 7
Les surveillants de prison
"Il y a deux types de surveillants. Ceux qui pensent que la compassion fait partie de leur travail. Et les
adeptes d’une conception plus ‘sécuritaire’ du métier."
Directement au contact des détenus, les surveillants sont chargés du maintien de l'ordre et de la discipline,
assurent la garde des détenus et sont "associés aux modalités d'exécution de la peine et aux actions
préparant la réinsertion des personnes placées sous main de justice". En fait leur fonction est
essentiellement sécuritaire. Les premiers surveillants ont une fonction d'encadrement et "participent à la
définition et à la mise en oeuvre des mesures de sécurité."
Les équipes régionales d'intervention et de sécurité (ERIS), créées en 2003, ont pour mission de
"renforcer la sécurité des établissements pénitentiaires en cas d'évènements graves ou particulier, de
participer à l'organisation des fouilles et de rétablir l'ordre avant l'intervention éventuelle des forces de
gendarmerie ou de police".
Il y a une féminisation croissante des personnels de surveillance, limitée à 20 %. La "surveillance au
féminin" est plus fondée sur l'observation, la parole, l'écoute, la communication que sur le rapport de
force, ce qui permet une complémentarité entre surveillants et surveillantes. La perception plutôt positive
par les détenus de cette présence féminine semble avoir un effet bénéfique sur le climat de la détention.
La formation, de courte durée pour les gradés et les surveillants est insuffisante au regard de la densité du
programme de formation. Hormis les formations de spécialisation, la formation continue reste le parent
pauvre de l'institution pénitentiaire : "Le premier écueil consiste en son caractère obligatoire en théorie
mais régulièrement soumis aux incontournables nécessités du service"
Le Métier.
Violences, tensions, détresses sociales et psychiques, misère affective, souffrances, maladies, indigence :
l'environnement de l'activité professionnelle est particulièrement déstabilisant. Les incidents, les
agressions entre détenus et envers les surveillants augmentent régulièrement. S'y ajoutent des locaux
oppressants, vétustes, souvent insuffisamment entretenus, parfois à la limite de l'insalubrité.
La motivation principale pour l’accès à la profession se réfère au chômage : assurer la sécurité de
l’emploi. "Enfant on joue au ‘pompier’ ou au ‘policier’, jamais au ‘surveillant de prison’ !"
- Le surveillant est un exécutant, polyvalent, interchangeable, donc rarement spécialisé
- Son espace-temps carcéral est ordonné en fonction des mouvements des détenus
- Sa compétence, c’est un savoir-faire fondé sur l’expérience et les qualités personnelles. Aucune doctrine
claire ni formation sérieuse en matière de relation. La vraie formation se fait sur le tas. Le bon
encadrement est celui qui a grandi les échelons depuis la base.
- Garder les hommes est un sale boulot et c’est vécu comme tel. D’où le sentiment d’être :
- détestés par les détenus qui s’estiment victimes du système carcéral et qui les"considèrent comme
leurs larbins. Pour eux, on est juste des porte-clés".
- peu considérés par l’opinion publique
Le Travail
- a) L’accroissement des droits des détenus et des activités en prison entraînent le renforcement de la
sécurité et de ses règles. Il s’agit à la fois de réduire les tensions sur fond de violence latente (l’équilibre
interne qu'est l’absence de désordre implique un minimum de coopération des détenus) et d’avoir de
l’autorité sur les détenus, donc la gagner : interlocuteur obligé des détenus, le surveillant a besoin de leur
coopération : comment réagir à l’incessante pression exercée par les détenus, comment garder la bonne
distance ? Aucune règle ne vaut l’expérience personnelle.
- b) La contrainte des règles est telle qu’elles sont inapplicables : les appliquer fait courir le risque de
désordres et la notation prend d’abord en compte l’absence d’incidents ; ne pas les appliquer fait courir le
risque de faute et donc de sanction.
- c) Le système hiérarchique. Le travail du surveillant est en grande partie un travail de relation avec les
détenus. C’est difficile à préciser, d’où le Contrôle permanent des Premiers Surveillants. Le carnet
d’observation, base de la notation, est perçu comme un instrument de contrôle. Le contrôle de son travail,
quand on viole presque toujours les règles, parce qu'on ne peut pas faire autrement, engendre à la fois les
sentiments de solitude et de non-autonomie.
Le vécu : les surveillants sont mal dans leur peau parce que mal dans leur position.
- le manque de considération : le défaut d’accueil, l’absence réelle concertation, la disqualification de la
hiérarchie directe, la déficience de la formation, …
- l’ennui (l’inactivité de certains postes !), le sentiment d’inutilité et de solitude (surtout si la famille est
loin)
- un métier contre-nature et stressant :
* lescontraintes du métier : rythmes de travail, imprévisibilité, irrégularité des horaires, suppression
du repos hebdomadaire, travail de nuit…
* l’image de soi : pratiquer les fouilles à corps, violer l’intimité des corps, des correspondances, des
rapports affectifs, c’est humiliant pour les détenus, c’est dégradant pour ceux qui le font. Et comment se
situer face aux détenus pour délits et crimes sexuels ?
* l’information nécessaire génère les "balances". Cela concerne les surveillants comme les détenus, et
ça engendre suspicion et méfiance généralisées.
* il y a contradiction entre la surveillance et les contacts humains de tous les jours
* la prison est là pour punir : c’est inadapté (trop répressif pour les petits délits et trop libéral pour les
crimes), et surtout injuste : qui va en prison ?
* l’angoisse à être constamment dans un contexte de violence (violences verbales que les surveillants
subissent comme atteintes à leur personnalité ; violences entre détenus, racket, etc…) : "On nous demande
de gérer de jeunes adultes qui n’ont connu aucune forme d’autorité et ne s’expriment que par la
violence" ; avec des détenus déconcertants, à la fois coupables et victimes de la vie ; détenus qui ont des
problèmes psychiatriques…
* lapeur est générale quand on est débutant : c’est toujours un climat de paix armée entre les
surveillants et les détenus en groupe. L’émeute, l’évasion, l’incident grave (agressions, suicides,
automutilations), sont toujours possibles : ‘décrocher un pendu’ est la hantise de tous les surveillants !
Il s’ensuit un malaise identitaire qui atteint la profession dans son ensemble : sentiments d’exclusion, de
suspicion, de manque de reconnaissance.
- c) Il y a aussi satisfaction de faire un métier valorisant : le caractère relationnel du métier et une
certaine responsabilité. La conscience d’un vrai rôle social. Les relations entre les surveillants peuvent
être bonnes.
Conclusion
Les nouveaux objectifs de la Pénitentiaire sont orientés vers la formation des détenus, l’aide à la
réinsertion et le maintien des liens familiaux. Mais l’option réinsertion rend plus difficile d’assurer
l’étanchéité du dedans/dehors et occasionne la multiplication des mouvements et activités à l’intérieur de
la prison.
Avec cela l’accroissement de la population pénale due à l’allongement des peines, l’insuffisance des
effectifs de surveillance, surtout dans les maisons d’arrêt, la flambée des idéologies sécuritaires…
Tout cela entraîne un renforcement de la mission sécuritaire des surveillants et leur mise à l’écart des
processus de réinsertion, alors que par leur fréquentation quotidienne des détenus, ils s’estiment
compétents pour des tâches qui les intéresseraient et valoriseraient leur fonction qu’ils estiment si mal
considérée.
08.06

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