guns across the river: the battle of the windmill, 1838
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guns across the river: the battle of the windmill, 1838
CRITIQUES DE LIVRES GUNS ACROSS THE RIVER: THE BATTLE OF THE WINDMILL, 1838 par Donald Graves Toronto, Robin Brass Studio for The Friends of W indmill Point, 263 pages. 24,95 $ Compte rendu par le capitaine de corvette Michael Craven D ans l’imaginaire populaire canadien, les rébellions du Haut et du Bas-Canada pendant la période qui va de novembre 1837 à décembre 1838 sont souvent perçues comme cruciales dans l’évolution vers le gouvernement responsable dans les provinces de l’Amérique du Nord britannique. Si les causes sous-jacentes au mécontentement étaient foncièrement différentes dans les deux régions, les objectifs des rebelles ou patriotes, qualificatif employé par certains critiques plus bienveillants, étaient en général similaires et incluaient les réformes gouvernementales et un accroissement des pouvoirs démocratiques. Les activités des Patriotes du Bas-Canada, sous la conduite de cet idéaliste qu’était Louis-Joseph Papineau, furent sans aucun doute une menace pour l’ordre et l’autorité civile dans cette colonie. En comparaison, les frasques des rebelles du Haut-Canada, menées par ce tumultueux original de William Lyon Mackenzie, ont été d’un amateurisme évident. Bien que ces deux groupes aient été sous-équipés et mal organisés, la riposte des autorités coloniales contre ces forces de l’anarchie fit appel à l’action militaire directe de l’Armée de métier britannique et de la Milice du Canada. L’ e f f e r v e s c e n c e généralisée de cette période troublée déborda clairement les frontières des colonies. Devant l’échec total de leurs activités au pays et à cause des mandats d’arrêt à vue lancés contre eux, les chefs instigateurs de la rébellion canadienne se réfugièrent aux États-Unis. En partie à cause de l’agitation que ces Canadiens faisaient et des encouragements qu’ils prodiguaient, plusieurs incidents de frontières eurent lieu; dans chaque cas, il s’agissait d’attaques menées en sol canadien par des citoyens américains. Ces incursions furent à chaque fois efficacement repoussées, mais curieusement on en fit par la suite l’œuvre de Canadiens en exil profitant du lieu sûr qu’étaient les États-Unis pour attaquer les colonies britanniques. Ce révisionnisme historique fantaisiste persista jusqu’à tard dans le siècle suivant. C’est vers l’une de ces distorsions particulièrement flagrantes de ces faits que l’historien militaire canadien Donald Graves, bien connu pour ses travaux sur la guerre de 1812 et sur la Seconde Guerre mondiale, dirige son attention dans Guns Across the River. Reconnaissant avec candeur dans sa préface qu’il n’a jamais trouvé « les rébellions canadiennes de 1837 [...] particulièrement captivantes », Graves donne par la suite une 66 analyse détaillée et pénétrante des événements qui se déroulèrent avant, pendant et après ce qu’il est convenu d’appeler la bataille du Moulin. C’est la mi-novembre 1838. La scène se passe dans « un hameau clairsemé nommé Newport [...] qui compte une douzaine de bâtiments en pierre et en bois blottis autour d’un moulin à farine » situé sur la rive nord du Saint-Laurent dans le comté d’Edwardsburgh tout près au nord-est du village de Prescott. Le moulin à vent des frères McQueen, une construction circulaire en pierre des champs de quelque 20 mètres de haut et de 11 mètres de diamètre, dominait les lieux. Ses murs faisaient un mètre d’épaisseur et, comme les événements ultérieurs allaient le prouver, étaient d’une facture assez solide pour résister aisément aux effets de l’artillerie légère et moyenne du début du XIXe siècle. Sur la rive opposée se trouvait la ville américaine d’Ogdensburg qui, depuis la ratification du traité de Gand 24 ans plus tôt, entretenait des relations harmonieuses avec la communauté de Prescott et faisait avec elle des échanges commerciaux fort profitables. Après une préparation de plusieurs semaines, un groupe de « Hunters » patriotes de New York, un regroupement d’Américains déterminés à chasser les Britanniques d’Amérique du Nord, décida, en grande partie de son propre chef, d’attaquer le fort Wellington à Prescott. Ce groupe était persuadé à tort que la capture du fort entraînerait le ralliement de milliers de Canadiens et leur permettrait de briser le joug de la tyrannie britannique. C’est ainsi que, le dimanche 11 novembre 1838, une force composée principalement d’Américains, avec une poignée de membres d’autres nationalités, cingla vers la rive canadienne du fleuve. Pratiquement dès le départ les choses tournèrent au vinaigre. Des espions envoyés par les autorités coloniales s’étaient en effet infiltrés dans l’organisation des Hunters, et les autorités étaient plus ou moins au fait de leurs desseins. À leur arrivée à Prescott, tôt dans la matinée du 12 novembre, les envahisseurs furent accueillis par des sentinelles de la Milice sur le qui-vive qui patrouillaient la rive. N’ayant pu accoster sur les lieux prévus, deux des trois navires américains finirent par s’échouer sur un banc de vase dont ils ne se dégagèrent qu’après le lever du jour. Entre-temps, l’alarme avait été sonnée jusqu’à Kingston même, désavantageant ainsi les envahisseurs. Le navire à vapeur de Sa Majesté Experiment, armé de caronades, arriva sur les lieux et se joignit à la mêlée. Après un combat expéditif qui vit la décapitation du pilote du vapeur américain United States non armé et la mise en panne d’un de ces moteurs, les Britanniques imposèrent leur supériorité navale sur la rive canadienne du fleuve. L’arrivée des vapeurs armés de Sa Majesté Cobourg et Queen Victoria ne fit que confirmer cette suprématie. Revue militaire canadienne ● Hiver 2001-2002 CRITIQUES DE LIVRES Tandis que se déroulait cette bataille navale, une escouade d’éclaireurs américains, sous la conduite de Nils Gustaf von Schoultz, parvint à accoster à Windmill Point, à environ un kilomètre et demi en amont de Prescott. Von Schoultz, un Suédois ayant tendance à se faire passer pour un aristocrate polonais et un officier de cavalerie, est décrit par Graves comme un « attachant gredin qui [..] fit une forte impression à tous ceux et celles qui croisèrent son chemin, y compris plusieurs jeunes filles de bonne famille et un futur premier ministre du Canada ». Ayant participé à diverses expéditions à l’étranger avant d’émigrer aux États-Unis, von Schoultz ne tarda guère à percevoir les avantages tactiques de Windmill Point, une position qui fut consolidée pendant la journée. Cependant, de nombreux envahisseurs (y compris leur poltron de commandant, John W. Birge) avaient déjà changé d’avis quant à leur tentative et décidé de ne pas accoster ou, dans le cas de ceux qui étaient déjà arrivés, de battre en retraite et de regagner la rive opposée. Graves estime que, à la tombée de la nuit le 12 novembre, von Schoultz, maintenant commandant élu, n’avait probablement pas plus de 250 hommes sous ses ordres sur la rive canadienne. Le mardi matin, l’Armée britannique et la Milice canadienne, appuyées par l’artillerie des navires, lancèrent une attaque fougueuse. Du fait des petites armes plus modernes des Américains et des avantages défensifs de la position occupée par les Hunters (les boulets de trois et de six kilos n’avaient presque aucun effet sur le moulin et les bâtiments de pierre qui étaient attenants) l’attaque refoula les envahisseurs mais ne les délogea pas, et il y eut des victimes dans les deux camps. Le mercredi et le jeudi, les Britanniques et les Canadiens reçurent des renforts et improvisèrent des attaques; ils agacèrent l’ennemi sur terre et le bombardèrent sans succès depuis le fleuve. On convint d’un bref cessez-le-feu pour permettre l’évacuation des blessés du champ de bataille du mardi. Toutefois, les deux parties paraissaient résolues à poursuivre un dur combat. Malheureusement pour les envahisseurs, les autorités américaines de l’autre côté du fleuve s’étaient alors mises à arrêter systématiquement les Hunters et leurs acolytes, et aidaient en fait les forces coloniales en coupant tout espoir de renfort ou de retraite. Après l’échec du premier assaut, les Britanniques et les Canadiens firent un bilan et révisèrent leur plan. Les forces navales furent augmentées de quatre barges aux équipages composés de Mohawks de Tyendinaga, chacune porteuse d’un canon de neuf kilos. Au même moment, le major Forbes Macbean, l’officier commandant la Compagnie numéro 4 du 5e Bataillon du Royal Regiment of Artillery, réquisitionna les meilleurs canons de neuf kilos des entrepôts navals de Kingston et les fit monter sur des affûts de fortune afin de les transporter jusqu’à Prescott. La scène était prête pour le coup de grâce : une attaque conjointe de l’Armée britannique et de la Milice canadienne soutenues par les pièces de six et de neuf Hiver 2001-2002 ● Revue militaire canadienne kilos de l’artillerie et le feu naval des quatre barges et trois vapeurs sur le fleuve. Le résultat était assez prévisible et, le vendredi 16 novembre avant le souper, la bataille finale, que Graves décrit dans toute sa cruauté et sa brutalité, était terminée. Une poignée de Hunters patriotes réussit à s’échapper, mais la plupart furent faits prisonniers et amenés au Fort Henry où ils attendirent de comparaître en cour martiale à Kingston. Graves indique, dans un bilan approximatif final des pertes humaines, que jusqu’à 80 Britanniques et Canadiens furent tués ou blessés, alors que 50 des envahisseurs furent tués et 160 capturés. Dans une excellente série d’appendices très détaillés, Graves décrit le sort des infortunés Hunters, dont l’un fut défendu (sans succès semble-t-il) par un jeune avocat de Kingston nommé John A. Macdonald. Si l’on considère le grand nombre de morts et de blessés, les autorités coloniales se montrèrent plutôt clémentes. Graves établit avec certitude que seuls 11 des envahisseurs furent pendus, tandis que 60 autres furent déportés à la Terre de Van Diemen, aujourd’hui la Tasmanie. On gracia les autres et on leur permit de rentrer chez eux. De lecture agréable, cette étude des événements fascinants de la bataille du Moulin a pour but principal de détruire le mythe qui veut que les patriotes canadiens exilés se soient lancés à l’assaut de la colonie depuis l’autre côté de la frontière sud dans un effort concerté visant à encourager la rébellion et établir un gouvernement responsable. Graves montre de façon convaincante que cette théorie s’accorde mieux aux expédients politiques du siècle suivant qu’à la réalité historique de 18371838. Il conclut que moins de 20 hommes dans une force de quelque 250 membres étaient en fait du Canada, et ces 20 combattants n’occupaient probablement pas de postes importants dans l’organisation des Hunters ou dans la force d’invasion. Graves fournit d’autres aperçus intéressants, comme par exemple la solidité de la Milice du Canada sous les tirs, les préparatifs poussés de l’artillerie avant la bataille finale, les contributions navales importantes durant l’opération, des portraits détaillés des personnages les plus fascinants qui participèrent aux événements, et les résultats ainsi que les retombées de l’affaire sur les combattants comme sur les non combattants. De prix fort abordable, assorti d’illustrations et de cartes bien choisies, comportant toutes les notes nécessaires et agrémenté d’éléments connexes fascinants, Guns Across the River est un superbe ajout au corpus de travaux portant sur une période agitée du développement d’institutions politiques et militaires proprement canadiennes. L’ouvrage mérite d’être chaleureusement recommandé. Le capitaine de corvette Michael Craven est officier d’état-major au Quartier général de la Défense nationale. 67 CRITIQUES DE LIVRES L’ARME BLINDÉE FRANÇAISE TOME 2 : 1940-1945 : DANS LE FRACAS DES BATAILLES par Gérard Saint-Martin Paris, Economica, Collection Campagnes et stratégies, 575 pages. Compte rendu par le major Michael Boire O n a enfin un récit approfondi et remarquablement équilibré de la restauration de la capacité de combat des blindés français durant la Deuxième Guerre mondiale. Cette étude de près de 500 pages dépeint un corps blindé en voie de rétablir sa réputation en confrontant les leçons de sa propre expérience. Cette histoire recoupe tous les niveaux de la guerre, et l’auteur met beaucoup de soin à décrire les défis stratégiques qu’affrontent ces blindés à chaque étape du conflit. Le lecteur participe aussi presque en personne au premier débat doctrinal franco-américain quant à la meilleure façon de réaliser le potentiel des blindés dans les manœuvres opérationnelles, une question qui n’est toujours pas réglée. Ceux qui ont commandé des chars d’assaut apprécieront avec quelle facilité l’auteur décrit la manière dont les Français ont amélioré l’emploi tactique de leurs blindés à mesure qu’ils apprenaient de dures leçons lors de chaque engagement. Ce livre offre de quoi intéresser quiconque étudie l’histoire des blindés. Gérard Saint-Martin, qui fait partie de ce groupe prolifique d’officiers français à la retraite qui continuent à améliorer la compréhension de l’histoire de leur armée et de ses performances au combat, donne là un habile récit. Il a les connaissances qui assurent à son travail une crédibilité hors pair. Ce diplômé de Saint-Cyr a fait carrière dans la cavalerie et est un ancien du djebel algérien. Alors que le premier tome de son étude décrivait la défaite de l’armée française en 1940, le second montre comment ses blindés ont retrouvé un niveau d’excellence digne de la guerre moderne. En donnant comme exemple l’héroïsme des élèves-officiers de Saumur lors de leur habile défense des ponts de la Loire dans les derniers jours de la campagne de 1940, Saint-Martin fait comprendre que la bravoure de la cavalerie n’a pas été emportée par la défaite. À partir du portrait sombre du rôle dévolu aux blindés français dans l’armée française rendue virtuellement impuissante après l’Armistice, il brosse l’histoire spectaculaire de leur renaissance sous le commandement victorieux de Leclerc dans les derniers jours de la campagne du Désert. Depuis leur formation en Grande-Bretagne et en Afrique du Nord, on peut 68 suivre les progrès des trois divisions blindées françaises dans leurs combats pour la libération de l’Europe. L’histoire opérationnelle de ces divisions forme vraiment le cœur du travail de Saint-Martin. Équipées avec du matériel américain et contraintes, au moins à leur début, d’opérer selon la doctrine américaine des blindés, les 1e et 5e Divisions blindées formaient l’avant-garde de la Première Armée française de de Lattre de Tassigny. Depuis les plages de Provence en août 1944 jusqu’aux Alpes autrichiennes au printemps 1945, l’élan de leur mouvement reflète bien une des devises les plus durables de la cavalerie française : De l’audace! Toujours de l’audace! L’auteur raconte la saga de la 2e Division blindée de Leclerc en s’attardant à tous les détails que mérite l’histoire de cette unité la plus célèbre de la cavalerie française. Se battre dans les rangs des armées américaines depuis la Tunisie, en passant par la Normandie, la Lorraine, l’Alsace, la Forêt Noire jusqu’à Berchtesgaden constitue une prouesse d’endurance et de détermination. L’auteur traite avec compétence des nombreuses actions, petites et grandes, de cette division de manière à donner une bonne compréhension de l’habileté avec laquelle Leclerc l’a dirigée dans l’attaque et la poursuite des blindés allemands. Le lecteur qui aime avoir des détails est servi à souhait par ce livre qui comprend une chronologie complète, des photos, des cartes et des graphiques et, une fois n’est pas coutume, un format facile à utiliser dans les tableaux qui comparent les caractéristiques des véhicules blindés français et américains et leur résistance à la pénétration. Ce livre fait connaître de l’intérieur et de façon complète et équilibrée les divisions blindées françaises de la dernière guerre et il reconnaît les efforts de rééquipement et d’entraînement qu’ont faits les alliés pour donner aux troupes françaises les moyens qui guarantiraient leurs succès. Il fournit en outre un excellent exemple de ce qu’est une histoire militaire compétente et attrayante. Saint-Martin évite les attitudes affectées et les déclarations pontifiantes qui caractérisent certains auteurs français lorsqu’ils se penchent sur l’histoire du passage des forces françaises de la défaite à la pleine participation à la victoire alliée. La lecture de son livre sera éclairante pour ceux qui s’intéressent sérieusement à l’arme blindée et qui savent apprécier une histoire opérationnelle dans laquelle on ne trouve pas ces préjugés anti-français qui étaient à la mode et qui n’ont pas entièrement disparu de certaines interprétations anglosaxonnes de l’évolution de la guerre des blindés. Le major Michael Boire enseigne l’histoire au Collège militaire royal du Canada et il prépare un doctorat. Revue militaire canadienne ● Hiver 2001-2002 CRITIQUES DE LIVRES THE LETTERS OF MAYO LIND: NEWFOUNDLAND’S UNOFFICIAL WAR CORRESPONDENT 1914-1916 campement ». « Rien ne saurait égaler le confort » des casernes de Badajoz à Aldershot! Si la vie à Terre Neuve était assurément rude, elle ne l’était certainement pas à ce point. par Francis T. Lind Le bataillon arriva à la Baie de Suvla en septembre 1915 et y resta comme élément de la 29e Division, jusqu’à l’évacuation de cette péninsule en janvier 1916. Il ne livra pas de combats importants (le journal de campagne du bataillon n’indique que 87 morts au combat), mais le temps était atroce et beaucoup de soldats durent se faire soigner à l’hôpital pour des infections aux pieds et des engelures tandis que d’autres attrapaient la grippe ou la dysenterie. Pour sa part, Lind fut hospitalisé le 10 décembre, et « lorsque je quittai les tranchées, mon régiment avait passé vingt-sept jours sur la ligne de feu [...] sans avoir de repos ou se laver [...] Nous aimions cela. Oui, vraiment cela. » Oui vraiment; sauf que, à un certain moment, plus de la moitié de son unité était hors de combat pour raison médicale. Lind a bien maugréé un peu à l’occasion contre le pillage des colis postaux et contre l’incapacité de l’intendance à leur fournir des vêtements d’hiver. Il va sans dire que Lind ne pouvait s’en prendre à des pillards de colis qu’on ne pouvait identifier, mais il aurait peut-être dû reprocher aux généraux le manque d’habillement inadéquat. St. John’s, Newfoundland, Creative Book Publishing, 2001, 155 pages. 12,95 $ (édition brochée) Compte-rendu par Brereton Greenhous T erre-neuvien de troisième génération, Francis « Mayo » Lind, un célibataire de 35 ans, était commis à Fogo lorsqu’il s’est enrôlé en septembre 1914 comme simple soldat pour 21 mois. Avant de tomber (avec 309 de ses camarades) à Beaumont-Hamel en cette terrible « première journée sur la Somme » le 1er juillet 1916. Il a écrit 32 lettres qui sont plutôt des dépêches et que publia le Daily News de St-Jean. Elle furent regroupées pour la première édition de ce livre qui a paru en 1919 en même temps qu’une brève notice biographique. Le Royal Newfoundland Regiment (RNR) vient de les rééditer avec une préface de l’historien Peter Neary. Ces lettres de l’auteur n’apprennent pas grand-chose à l’historien; elles constituent plutôt une chronique sociale sur ses camarades du Newfoundland Contingent (comme se nommait alors le RNR) et elles ont manifestement été rédigées pour distraire les gens à Terre Neuve et leur plaire. Les noms abondent et chacun sans exception est qualifié de chic type depuis le plus humble cuisinier jusqu’au commandant. Leurs noms peuvent sans doute encore toucher la fibre sensible de beaucoup d’habitants de ce cette province; mais, pour la plupart des lecteurs, ces lettres donnent surtout un exemple de la propagande simple et sans raffinement de l’époque. D’esprit encourageant et remplies de joyeuses descriptions, ces lettres conduisent le lecteur de la période d’entraînement du contingent en Écosse, à un bref séjour en Angleterre, à un voyage en Égypte et ensuite jusqu’à Gallipoli avant de le ramener en France et sur le front occidental. Le camp de Stob, à quelque 80 km d’Édimbourg, est une réplique de « Salisbury Plains » et un « superbe endroit pour établir un KENNEDY’S WARS: BERLIN, CUBA, LAOS AND VIETNAM par Lawrence Freedman Oxford University Press, 608 pages. 56,00 $ Compte rendu par Jay Hancock À cause de la fin des tensions est-ouest, la production d’ouvrages portant sur l’histoire de la guerre froide a presque cessé. Les maisons d’édition nord-américaines ont contribué à cette drôle de perception selon laquelle le lectorat pour ce genre d’ouvrages aurait disparu et elles se sont tournées vers des conflits généralisés ou régionaux plus récents. Lawrence Freedman, l’historien britannique officiel de la campagne des Malouines et professeur en Études sur la conduite de la guerre au King’s College de Londres, est allé à contrecourant de cette tendance et a signé plusieurs ouvrages qui étudient la période de la guerre froide. Kennedy’s Wars: Berlin, Cuba, Laos, and Vietnam est une tentative ambitieuse de rendre compte des décisions politiques et militaires de John F. Kennedy. Hiver 2001-2002 ● Revue militaire canadienne En avril 1916, après l’arrivée du bataillon sur le front occidental (sous son nouveau nom de 1st Newfoundland Regiment), Lind écrit : « Vous ai-je déjà parlé de la boue ici? Eh bien, en deux mots, nous sommes dans la boue et la gadoue des pieds à la tête. Nous en avons l’habitude maintenant et, croyez-le ou non, nous aimons ça. ». On se demande comment il aurait rapporté les événements de Beaumont-Hamel s’il avait été l’un des quelques chanceux à avoir survécu à cet holocauste. Trois-cent dix morts, 374 blessés, les trois quarts du bataillon sacrifié en moins d’une heure! Peut-être aurait-il décrit cet épisode comme une assez belle échauffourée. Ou bien se serait-il agi d’un « glorieux sacrifice »? Brereton Greenhous est un ancien membre de l’équipe du Directorat de l’Histoire au Quartier général de la Défense. Le volume 3 de l’Histoire officielle de l’ARC compte parmi ses nombreux ouvrages. Ainsi que l’indique le titre du livre, Freedman a divisé son travail en sections distinctes correspondant aux quatre conflits principaux qu’a connus l’administration Kennedy. Cette approche a été conçue pour donner au lecteur une nouvelle perspective sur le sujet. Malheureusement, c’est sur cette structure qu’achoppe le plus celui qui veut comprendre les succès et les échecs des politiques de Kennedy. La façon dont Freedman isole chacun des conflits permet de saisir l’évolution, du début à la fin, de la réponse américaine à chaque conflit. Cette technique se révèle utile pour éviter de confondre les politiques distinctes appliquées à chaque conflit, mais elle limite la bonne compréhension qu’on pourrait avoir de la façon dont les décisions prises lors d’une crise ont influé sur la suivante. Cette technique rend les liens politiques qui existent entre les divers conflits moins faciles à saisir et elle empêche les observations de Freedman d’avoir toujours la même perspicacité. On trouve un exemple de la manière dont cette organisation nuit à l’analyse de la politique de Kennedy dans l’examen de la crise de Berlin de 1961, intitulée « To Vienna 69 CRITIQUES DE LIVRES and Back ». Freedman explique en détail les diverses positions qui existaient dans l’administration Kennedy quant à la façon de régler cette crise. Plusieurs hauts fonctionnaires de Washington croyaient fermement au pouvoir de la diplomatie au sommet, tandis que le président, sans que ses conseillers les plus proches ne le sachent, jouait la carte de la négociation hors des canaux officiels. Freedman accorde aussi beaucoup d’importance à l’approche du président et à celle du secrétaire d’État Don Acheson dans la façon de régler la crise et il ne mentionne que brièvement le plan d’urgence de l’OTAN nommé « Live Oak ». À travers les soixante-quinze pages consacrées à la question berlinoise, l’impact des activités américaines à Cuba est pratiquement passé sous silence. Une courte phrase sur l’accueil hostile que Khrouchtchev réserva à Kennedy lors du sommet de Vienne en 1961 est la seule indication de la façon dont l’opération « Zapata » à la Baie des cochons a pu affecter les accords éventuels entre les Soviétiques et les Américains au sujet de Berlin. Ce n’est qu’après la section consacrée à Berlin et dans la partie qui traite de la politique étrangère des États-Unis à propos de Cuba que le rapport entre les deux événements est clairement établi. Les faiblesses des premiers chapitres de l’ouvrage de Freedman sont presque complètement rachetées par son analyse approfondie du développement des opérations contre les insurrections en Extrême-Orient. C’est dans cette partie que la structure employée par l’analyse de Freedman porte ses fruits. Les leçons tirées de l’expérience se retrouvent dans les opérations américaines clandestines au Laos, ce qui témoigne de la maturation du jugement politique de Kennedy. L’usage qu’il fait des options militaires en ce qui a trait aux anciens territoires d’Indochine le conduit à une politique efficace à l’égard des activités du Pathet Lao laotien d’obédience communiste. L’analyse de Freedmam sur la politique de Kennedy au Vietnam, au Laos et au Cambodge compense amplement le lecteur pour le manque de suivi qu’il y avait dans son histoire des crises de Berlin et de Cuba. EYES OF THE AR TILLERY: THE ORIGINS OF MODERN U.S. ARMY AVIATION IN WORLD WAR II mise sur pieds d’une capacité d’observation aérienne à partir d’avions pendant la Seconde Guerre mondiale. En effet, dans les premières années de la Guerre, savoir qui (l’Artillerie, l’Aviation ou une autre section) commanderait et exécuterait les opérations d’observation aérienne cause beaucoup de friction. L’ouvrage souligne d’autres problèmes qu’il fallut résoudre, par exemple : savoir si le personnel avait la capacité d’utiliser efficacement la nouvelle technologie, si on pouvait appuyer et entretenir cette technologie une fois qu’on l’aurait mise en place et s’il existait une doctrine quant à son utilisation. par Edgar F. Raines Jr. Washington, U.S. Army Center of Military History, 349 pages. 39,00 $ US Compte rendu par le major J.C. Stone E yes of the Artillery est la première étude fondée sur des archives portant sur les origines de l’aviation moderne de l’Armée des États-Unis. Elle se penche sur les circonstances et les débats qui ont donné naissance au programme des postes d’observation aérienne et retrace les luttes que le contrôle de l’observation aérienne a suscitées au sein de l’Armée. Bien que cet ouvrage s’intéresse avant tout à la période qui va de 1939 à 1945, l’auteur aborde le sujet en passant en revue l’observation aérienne de ses origines jusqu’à 1938 et en mettant un accent particulier sur l’observation aérienne pendant la Première Guerre mondiale. Ce survol de l’histoire de l’observation aérienne avant 1938 est important, car il permet de faire des liens avec les pratiques antérieures et d’expliquer pourquoi certains défis se sont posés aux aviateurs dans les premières phases de la Seconde Guerre mondiale. Par exemple, Raines fait remarquer que la contribution la plus importante apportée par l’observation aérienne (faite alors par ballons) pendant la Grande Guerre fut la reconnaissance photographique menée pour améliorer l’exactitude des barrages massifs d’artillerie échappant aux observateurs. Cette prépondérance qu’avaient acquises les opérations d’artillerie pour l’observation aérienne pendant la Première Guerre mondiale n’est pas sans lien avec certaines des difficultés que connut la 70 Les contributions soutenues de Freedman à l’étude universitaire de la guerre froide comble un vide qui s’est creusé au cours des dernières années. On peut se réjouir à l’avance de la publication de son prochain ouvrage qui s’intitulera Cold War. Jay Hancock est sur le point de terminer une maîtrise en Études sur la conduite de la guerre au Collège militaire royal du Canada. À la lecture de cet ouvrage, on ne peut s’empêcher de reconnaître la similitude, ou peut-être la permanence, des problèmes associés au programme des postes d’observation aérienne et ceux auxquels la planification de la défense se trouve aujourd’hui confrontée. Par exemple, l’ouvrage traite de la difficulté de choisir un aéronef pour l’aviation légère, ainsi qu’on l’appelait au début de la Seconde Guerre mondiale. L’Artillerie et l’Aviation ne purent s’entendre à ce sujet non plus que sur l’organisation et le contrôle des unités aériennes. Devraient-elles faire directement partie des unités de l’Armée ou en être simplement un support? Bien que l’Armée américaine ait aujourd’hui son propre corps d’aviation, le débat fait toujours rage entre l’Armée et l’Aviation quant au niveau de l’appui aérien rapproché qui s’impose et quant au type d’aéronef nécessaire pour fournir cet appui. De même, l’ouvrage souligne l’importance qu’a le soutien du commandement supérieur lorsqu’il s’agit d’introduire l’usage d’une nouvelle capacité chez les militaires. Tout au long de son ouvrage, Raines donne des exemples qui montrent comment des dirigeants aussi connus que les généraux Eisenhower et Patton utilisèrent l’observation aérienne et en Revue militaire canadienne ● Hiver 2001-2002 CRITIQUES DE LIVRES devinrent de chauds partisans. Une comparaison de l’usage qu’on en fit dans le Pacifique et dans la Méditerranée indique que les unités du Pacifique développèrent peu cette capacité opérationnelle par rapport à celles qui étaient en Europe. Les généraux Eisenhower, Patton, Clark et Lewis avaient participé à la mise en place de l’observation aérienne aux États-Unis, tandis que le général MacArthur, l’amiral Halsey et plus tard Nimitz n’avaient manifesté aucun intérêt à son sujet. La structure de ce livre est à la fois chronologique et thématique. Dans la première moitié de l’ouvrage, les divisions chronologiques correspondent aux diverses étapes du développement et de la mise en place du programme d’observation aérienne jusqu’en décembre 1943; l’auteur y met particulièrement l’accent sur le territoire américain proprement dit et sur les question qui touchent au Département de la défense et à l’Armée. L’ouvrage se consacre ensuite à l’utilisation opérationnelle des capacités en THE BATTLE OF BRITAIN par Roy Conyers Nesbit Stroud, R.-U., Sutton Publishing, 260 pages. 39,95 $ US Compte rendu par le lieutenant-colonel David L. Bashow D u début de juillet jusqu’à la mi-septembre 1940, le Fighter Command de la Royal Air Force a livré une bataille héroïque et désespérée contre l’élite de la Luftwaffe du Troisième Reich avec comme enjeu la survie même de la Grande-Bretagne. La victoire, comme le rappelle Roy Conyers Nesbit, n’a cependant pas été acquise par les seuls pilotes de chasse de beaucoup de nations enrôlés dans la RAF, mais aussi par le courage de toute une nation qui s’est serré les coudes. Nesbit, un auteur respecté pour ses nombreux ouvrages sur l’aviation et qui a été bombardier et navigateur de transport aérien durant la guerre, fait revivre cet affrontement épique dans The Battle of Britain, un très beau livre qui rend hommage à tous ceux qui, originaires de tant de milieux différents, ont participé à cette bataille. Le texte du livre est cependant décevant. Il est détaillé mais manque d’originalité et ne fait que répéter une histoire maintenant très familière. La bibliographie offre un mélange acceptable de sources relativement neuves et de quelques classiques qui n’ont pas vieilli, mais elle n’est ni particulièrement vaste ni approfondie. Nesbit donne en outre quantité de statistiques et de détails spécifiques sans en citer les sources, ce qui n’en facilite pas la vérification. Les légendes des photos sont certes détaillées mais ajoutent parfois trop de Hiver 2001-2002 ● Revue militaire canadienne observation aérienne, à commencer par le déploiement initial et les combats en Afrique du Nord et en Méditerranée. Des chapitres distincts traitent ensuite de l’Europe et du Pacifique. À la fin du livre, l’accent est mis à nouveau sur le développement et la mise en place de l’observation aérienne mais, cette fois, au cours des dernières années de la guerre. Eyes of Artillery est un ouvrage bien écrit et de lecture facile; des photos, des schémas et des cartes complètent le texte de façon équilibrée. À mesure que le lecteur progressera de chapitre en chapitre, il se trouvera, comme on l’a déjà indiqué, à réfléchir également à la pertinence des questions discutées pour les défis d’aujourd’hui. À recommander à quiconque s’intéresse à l’histoire militaire. Le major J.C. Stone poursuit des études de doctorat au Collège militaire royal du Canada. renseignements qui ne sont pas pertinents. La principale faiblesse réside, selon moi, en ce que l’auteur ne donne pas la parole aux acteurs eux-mêmes, cachant ainsi le visage humain de cet affrontement historique. Qu’importe cependant puisque les mots ne servent que de liens à la superbe iconographie de ce livre qui illustre cette bataille de multiples façons et plonge le lecteur au cœur même du conflit. Il y verra non seulement des rois, des reines, des tyrans et des hommes de bonne volonté; mais il y rencontrera aussi des héros : des militaires courageux, particulièrement ces pilotes de chasse qui affrontaient tous les jours de si terribles dangers; des jeunes femmes du Service territorial auxiliaire dont on n’a pas assez vanté les mérites; des braves chefs d’îlots antiaériens; des pompiers; des membres de la Protection civile et toutes ces figures de nombreux citoyens ordinaires pris dans des événements extraordinaires. Il verra également le visage des ennemis qui, étonnamment, n’ont rien de particulièrement remarquable. C’est de cette abondance iconographique que le livre tire toute sa magie : plus de 200 photos superbes, dont beaucoup tirées de la collection personnelle de l’auteur, dix reproductions en couleurs de toiles pleines d’énergie, des cartes nombreuses et excellentes, des documents d’époque et des affiches du temps de la guerre. Les photographies méritent une mention toute spéciale pour leur originalité, leur diversité et leur qualité exceptionnelle. Ce livre, ne serait-ce que pour sa partie visuelle, mérite une solide recommandation. Le lieutenant-colonel David L. Bashow, pilote de chasse, est également professeur adjoint d’histoire au Collège militaire royal du Canada. 71 CRITIQUES DE LIVRES World War II: An Air Man Remembers par John Patterson Burnstown, General Store Publishing House, 157 pages. 19,95 $ Compte rendu par le sous-lieutenant Marie-Noël Duhaime L’ auteur précise dès le début qu’il n’y a rien de spectaculaire à son histoire et que le lecteur ne dévorera pas son livre d’un trait. Il ajoute qu’il ne fait que raconter l’histoire de « son » service militaire dans l’Aviation royale canadienne durant la Deuxième Guerre mondiale. Cet avertissement est typique de la modestie qu’on retrouve si fréquemment dans les mémoires, oraux ou écrits, des anciens combattants. John Patterson a servi du 7 décembre 1940 au 20 septembre 1945 et il a été tour à tour navigateur, bombardier et instructeur. Il a fondé son récit sur son journal personnel, sur les lettres qu’il a envoyées à ses parents, sur son journal de vol et sur plusieurs articles qu’il avait rédigés espérant en vain les voir publier. Des photographies viennent illustrer son propos. rapportent directement à la vie militaire, mais il ne le fait que brièvement. Par exemple, il donne des détails sur la nourriture du mess, mais il ne précise pas le nombre de missions qu’il a effectuées durant son premier tour opérationnel ni durant le second. L’auteur a plutôt choisi de se pencher sur la vie sociale qu’il a menée lors de ses affectations, sur ses multiples permissions, sur ses innombrables randonnées à bicyclette, sur les civils et les militaires qu’il a rencontrés et sur d’autres activités auxquelles il semble s’être adonné afin d’oublier la dure réalité de la guerre et d’échapper aux fortes tensions créées par les missions opérationnelles dans l’espace aérien ennemi. Cette approche humaine, sinon humaniste, rappelle que les soldats, tout comme le reste de la population de n’importe quel pays alors en guerre, devaient continuer à vivre tout en endurant les effets d’une guerre mondiale. La vie des soldats ne se limitait pas aux heures passées dans les salles de classe, à bord des avions ou dans les hangars à entretenir les instruments de guerre; il leur fallait aussi garder un sens à la vie. Certes, le texte du livre est quelque peu redondant; il est parsemé de fautes d’orthographe; la structure des phrases y est parfois difficile à comprendre et souvent les idées ne s’y enchaînent pas logiquement. Voilà autant d’éléments qui peuvent ralentir la lecture mais qui n’empêcheront pas ceux que le sujet intéresse de lire ce livre, et peut-être même de le faire d’un seul trait. Normalement un tel livre raconte les diverses phases de l’entraînement qu’a dû suivre l’auteur en tant que membre d’équipage navigant; il y décrit les missions auxquelles il a participé; il traite de ses multiples affectations et il parle des avions avec lesquels il a travaillé; somme toute, le lecteur s’attend à un récit portant essentiellement sur des aspects militaires. Or ce n’est pas le cas ici. Bien sûr Patterson mentionne plusieurs éléments qui se Le sous-lieutenant Marie-Noël Duhaime est inscrite au programme de maîtrise en Études sur la conduite de la guerre au Collège militaire royal du Canada. 72 Revue militaire canadienne ● Hiver 2001-2002