Barbara TORRE - Bibliorattus

Transcription

Barbara TORRE - Bibliorattus
MA DÉLIVRANCE – Chapitre 1
1er extrait
Barbara TORRE
Sept ans, toute l'innocence de l'âge, pourtant abusée, violée par ce proche sans scrupule. Il m'a
enfermée dans un cagibi, éteint la lumière et muselée par sa main m'empêchant ainsi
d'hurler. J'étais effrayée, horrifiée, la peur au ventre croyant réellement que j'allais crever à
subir l'insupportable, sa pénétration, son sexe, son odeur, sa respiration...
J'essayais de me défendre, mais rien n'y faisait. Il était allongé sur moi m'empêchant de
bouger et à me répéter sans cesse « laisse-toi faire ». Ma tête hurlait de douleur de ce sexe qui
était en train de me violer mon innocence. J'avais mal, j'avais peur, et lui continuait de me
saigner deux fois plus fort parce qu'il s'était donné ce droit de prendre mon corps comme un
simple objet de désir. Du dégout, de la gerbe, de la crasse tatouée d'une encre indélébile. Il
venait de salir mon âme et d'y ôter toute sagesse.
Je rentrais chez moi et disait à ma mère que j'avais mal, que ce garçon m'avait touchée là, en
pointant du doigt ma partie intime. Mais la seule chose qu'elle sut me dire, c'était que l'on
avait joué au médecin ! Ahhh !! Non!! Pourquoi ne me croyait-elle pas ? Pourquoi me
condamnait-elle d'un crime que seul lui avait commis en me traitant de menteuse ?
Je me retrouvais à pleurer dans ma chambre dans cette réalité que moi seule savais vraie.
Mais si seulement ça s'était arrêté là. S’il n'y avait pas eu de suite à tout ça, je n'en serais
peut-être pas là aujourd'hui.
J'avais à présent neuf ans. Chaque été avec mes parents et mon frère nous partions en
vacances dans le Sud de la France. Mais cette année-là, ma mère ne nous avait pas
accompagnées. Nous campions sur le terrain d'une de mes tantes à Aix en Provence. Mon
père y avait installé deux tentes. Normalement, j'aurai dû disposer de l'une d'elles en y étant
seule. Une logique qui en règle générale ne devrait pas se discuter. Une jeune fille ne doit plus
dormir avec son papa, plus à neuf ans ! La nuit approchait et j'étais mal à l'aise à l'idée de
savoir que j'allais me retrouver sous le duvet avec mon père que j'aimais pourtant si fort.
C'était mon seul Dieu, mon repère, ma force, mon équilibre que je n'avais de cesse d'admirer,
mais j'avais cette putain de peur qui ne me lâchait pas. Si j'avais pu savoir...si j'avais pu me
rappeler... de tout ce qui s'était déjà passé bien avant ça, je ne me serais peut-être pas
retrouvée dans ce cauchemar qui allait encore une fois, se répéter !!
L'heure était venue d'aller se coucher. À peine sous la tente, il me demandait de retirer ma
petite culotte ! HEINN !! Quoi !! Que venais-je d'entendre ? Avais-je bien capté les sons qui
à eux seuls formaient cette putain d'affirmation ? Oui, J'avais bien compris, "retire ta petite
culotte parce que ça ne se fait pas de dormir avec ! Ce n'est pas hygiénique !" Je commençais
à me déshabiller, à enlever mes vêtements un à un jusqu'à cette petite culotte en coton blanc.
Je m'allongeais à côté de lui la peur au ventre. Je fermais les yeux, essayais de m'endormir
malgré mon esprit complètement perturbé. À peine cinq minutes plus tard, je sentais des
mains, ses mains toucher chaque partie de mon corps, me scarifier entièrement de marques
indélébiles, ses doigts dégueulasses me pénétrer encore et encore de ce va et viens incessant.
Dans ma tête, des cris, des hurlements, des "NON, NON, NON, ARRÊTE ! NE FAIS PAS
ÇA ! J'AI MAL !! J'AI PEUR !!" Mais aucun son ne sortait, juste continuer de subir les yeux
fermés ! J'étais comme paralysée, muette de toutes ces saloperies qu'il se permettait de me
faire, humiliée dans l'incompréhension de ses actes. Je sentais sa respiration devenir de plus
en plus forte, son odeur fétide imprégner chaque miette de ma peau qu'il avait faite sienne et
moi, continuer de faire semblant de dormir !
Les vacances terminées, nous sommes rentrés en Normandie, chez nous, l'air de rien d'un
semblant qui avait pris place.
Chaque soir, mes larmes se déversaient dans la honte et la culpabilité de l'avoir laissé faire.
Le cauchemar allait persister, s'acharner sur moi à me réduire cette fois à néant.
Une nuit, alors que je dormais avec ma mère dans ma chambre, je sentais des doigts me
pénétrer, me violer encore et encore d'un épisode qui se renouvelait. J'ouvrais un œil, terrifiée,
et m'apercevais que mon père avait pris sa place. À nouveau habitée par cette effroyable qui
me scotchait à mon lit les yeux fermés. À nouveau comme musique de fond, tous mes cris
ravalés qui me dégueulais ces "Non" ! Pourquoi s’acharnait-il sur moi ? Pourquoi moi ? Je
n'arrivais à rien ! Aucune défense possible ! Désarmée, déconnectée, loin de toute vérité que
seul mon inconscient se rappelait. Oui, il y avait un début à cette inceste, un début ou les
phrases commencent à peine à se former correctement.
Ensuite à douze ans, violée par deux frères qui m’ont pénétré l’un après l’autre faisant de
leur crime un jeu. « Non, vas-y essaye, toi, car mon sexe est plus petit »
Et pour finir, toutes ces violences physiques et verbales, ces mots blessants que vous prenez
en pleine gueule sans ne pouvoir rétorquer, car vous devez le respect. Ces coups non permis,
mais qui le sont quand même !!! Alors que moi, la seule chose que je voulais était qu’elle
m’aime, oui qu’elle m’aime et non pas qu’elle me prenne pour son propre bourreau!!! Sa
victime sur laquelle elle s'acharnait. J'avais cette boule au ventre, cette peur oppressante
s'accentuant à chacune de ses présences parce que son comportement impulsif explosait ma
vie en éclat à me tirer les cheveux, me balafrer de ses coups et de ses mots sans nulle raison.
Quelque part, elle dépassait mon imaginaire puisqu'elle avait réussi à prendre la place de ce
fameux monstre dont tous les enfants ont peur. J'aimerais tant ne plus me mentir, ne plus lui
mentir de tous ces faux semblants. Je suis vide d'elle, emprisonnée dans la peur et le malaise
qui nous habillent. Je ne peux compter les fois où elle m'a comparée avec ma meilleure amie
de l'époque. Tout était mieux chez elle, son corps, ses notes scolaires, sa beauté. Moi, j'étais
qu'une bonne à rien, nulle. Elle avait trouvé son idéale, sa fille spirituelle et moi je n'étais
qu'un ramassis de merde sur lequel elle déversait toute sa rancœur. Et puis, à ses yeux, seul
l'homme avait sa place dans sa vie. Seul l'homme avait droit à son amour.