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MISE EN PLACE D’UN PROGRAMME VACCINAL DES ENFANTS DRÉPANOCYTAIRES EN CÔTE D’IVOIRE I. TIEMBRE *, M. NDOUTABE *, J. BENIE *, K.D. EKRA *, S. DAGNAN *, S. OUATTARA *, J. TAGLIANTE-SARACINO *, I. SANOGO **, A. SANGARE ** RESUME Ce travail prospectif et rétrospectif mené par l’Institut National d’Hygiène Publique en collaboration avec le Service d’Hématologie Clinique du CHU de Yopougon, avait pour objectif de proposer un calendrier vaccinal adpaté aux priorités de l’enfant drépanocytaire ivoirien, et d’assurer l’accessibilité des vaccins retenus à ceux-ci. Le schéma vaccinal retenu tient compte du calendrier vaccinal PEV en vigueur ; trois vaccins ont été introduits sans toutefois nécessiter un contact supplémentaire de l’enfant avec le centre vaccinateur. La campagne de vaccination nous permet de noter l’intérêt de rapprocher voire d’intégrer la vaccination des drépanocytaires dans les services de leur suivi médical. La mise en place d’un programme national de vaccination du drépanocytaire nous paraît opportune. Mots-clés : vaccination - enfant drépanocytaire. INTRODUCTION La drépanocytose est l’hémoglobinopthie la plus répandue en Afrique noire où sa prévalence dans certaines régions d’Afrique équatoriale comme le Zaïre, le Cameroun et l’Ouganda atteint 30 à 40 % (3,5). En Côte d’Ivoire, elle atteint 12 % de la population (2,5) dont 2 % sont des formes graves. Elle constitue un terrain favorable aux infections qui représentent l’une des complications les plus graves et les plus fréquentes chez l’enfant homozygote SS. En effet ces infections représentent la première cause de décès de l’enfant drépanocytaire homozygote pendant les premières années de vie avec une Liste des abréviations. C.H.U. : Centre Hospitalo-Universitaire. H.I.B. : Vaccin anti-Haemophilus influenzae b. H.V.B. : Vaccin contre l’Hépatite Virale. I.N.H.P. : Institut National d’Hygiène Publique. P.E.V. : Programme Élargi de Vaccination. Pneumo 23 : Vaccin anti-pneumococcique. susceptibilité élevée à certains germes tels que : - le Pneumocoque, premier germe responsable d’infections respiratoires chez l’enfant drépanocytaire, constituant un problème de Santé Publique (6) - l’Haemophilus influenzae b - les Salmonelles surtout S. typhi - le Méningocoque - le virus de l’Hépatite B à cause des multiples transfusions. Or les maladies dues à ces germes ne sont pas prises en compte dans le Programme Élargi de Vaccination (PEV), programme prioritaire du Ministère de la Santé Publique en faveur des enfants et des femmes en âge de procréer. Pourtant des vaccins efficaces sont disponibles. Comment mettre en place un programme de vaccination pour prévenir ces infections graves chez l’enfant drépanocytaire ? Telle a été notre préoccupation à partir de 1995. Le présent travail vise les objectifs suivants : - Proposer un calendrier vaccinal adapté aux priorités de l’enfant drépanocytaire ivoirien. - Assurer l’accessibilité des vaccins retenus à tous les enfants drépanocytaires. I. MATÉRIELS ET MÉTHODE Notre travail s’est déroulé en plusieurs étapes : I.1. Organisation d’une table ronde sur les vaccinations du drépanocytaire en avril 1994 conjointement par le Service d’Hématologie du CHU de Yopougon et l’Institut National d’Hygiène Publique avec la collaboration du Laboratoire Pasteur-Mérieux ; cette table ronde a permis de sélectionner les maladies à retenir, les classes d’âge à vacciner et le schéma vaccinal (âge de début de chaque vaccin, nombre de doses à administrer). I.2. L’élaboration d’un calendrier vaccinal adapté à l’enfant drépanocytaire en tenant compte du calendrier PEV officiel en vigueur en Côte d’Ivoire. * Institut National d’Hygiène Publique Abidjan - Côte d’Ivoire. ** Service d’Hématologie Clinique, CHU Yopougon - Abidjan. Médecine d'Afrique Noire : 1997, 44 (12) I. TIEMBRE, M. NDOUTABE, J. BENIE , K.D. EKRA , S. DAGNAN, S. OUATTARA, J. TAGLIANTE-SARACINO , I. SANOGO, A. SANGARE 655 I.3. La diffusion à grande échelle de ce calendrier vaccinal aux professionnels de la santé et aux parents des enfants drépanocytaires à travers une campagne de vaccination à l’INHP et au service d’Hématologie du CHU de Yopougon en février 1995. nocytaires qui ont reçu chacun une dose de vaccin contre le Pneumocoque. I.4. Les prestations de vaccinations de l’enfant drépanocytaire dans les centres fixes de l’INHP et de ses Antennes Régionales et Départementales. Tableau I : Répartition des malades selon la forme de drépanocytose II.2.1. Répartition des drépanocytaires en fonction de l’hémoglobine Forme de drépanocytose Observés % Formes majeures anémiques (SSFA2, SFA2) 315 43,75 Formes majeures non anémiques (SSFA2, SFA2) 197 27,36 Formes asymptomatiques (AS) 97 13,47 II. RÉSULTATS Autres 111 15,42 II.1. Schéma vaccinal de l’enfant de 0 à 5 ans souffrant de formes majeures de drépanocytose Total 720 100 Enfin, nous avons effectué une étude rétrospective à partir des fiches élaborées pour le suivi vaccinal des enfants drépanocytaires au cours de la campagne et à partir des rapports de 1995 des services vaccinateurs de l’INHP et de ses Antennes. II.1.1. Si l’enfant est vu dès la naissance Naissance : BCG + HVB1 6 semaines : DTCPolio1 + HVB2 + HIB1 10 semaines : DTCPolio2 + HVB3 + HIB2 14 semaines : DTCPolio3 + HIB3 9 mois : Rougeole + Fièvre jaune 16 mois : DTCPolio rappel + HVB rappel 18 mois : Pneumo + HIB rappel 6 - 7 ans (entrée à l’école) : DTPolio + Pneumo II.1.2. Si l’enfant est vu entre 6 mois et 11 mois ou plus - Dès la première visite : commencer le vaccin HVB, 3 doses espacées de 4 semaines - Administrer le vaccin HIB en 2 doses espacées d’un mois + rappel à partir de 18 mois. - Administrer le Pneumo en une dose à partir de l’âge de 18 mois. II.1.3. Les rappels des vaccins se font selon le calendrier suivant : HVB : tous les 5 ans Pneumo : tous les 3 ans II.2. Résultats de la campagne de vaccination La campagne de vaccination a concerné 720 enfants drépa- Médecine d'Afrique Noire : 1997, 44 (12) II.2.2. Répartition des drépanocytaires selon l’âge Tableau II : Répartition des drépanocytaires selon l’âge Tranche d’âge Observés % 0 - 4 ans 5 - 9 ans 10 - 14 ans > 15 ans 117 250 222 131 16,25 34,72 30,83 18,19 Total 720 100 La tranche d’âge de 0 à 4 ans représente 16,5 %. II.2.3. Répartition des drépanocytaires selon l’hôpital de suivi Tableau III : Répartition des drépanocytaires selon l’hôpital de suivi Hôpital de suivi Observés Pourcentage CHU de Yopougon CHU de Cocody CHU de Treichville Autres 377 280 60 63 44,02 38,88 8,23 8,75 Total 720 100 44,02 % des drépanocytaires sont suivis au CHU de Yopougon. MISE EN PLACE D’UN PROGRAMME… 656 II.3. L’administration des vaccins hors campagne Tableau IV : Répartition des vaccins HBV, HIB et Pneumo administrés hors campagne drépanocytaire par l’INHP et ses Antennes en 1995 Vaccins HBV HIB Pneumo Abidjan 7460 372 63 Antennes INHP 9491 4 18 Total 16591 376 81 Ville d’administration III. COMMENTAIRES III.1 Le calendrier vaccinal de l’enfant drépanocytaire majeur En plus des vaccins du Programme Élargi de Vaccination, la vaccination contre les infections les plus fréquentes reste impérative et obligatoire chez le drépanocytaire surtout majeur. Le schéma vaccinal proposé par l’Institut National d’Hygiène Publique prend en compte : - le calendrier vaccinal PEV officiel en vigueur en Côte d’Ivoire depuis 1990, - les priorités accordées chez l’enfant ivoirien et drépanocytaire majeur aux vaccins contre le Pneumocoque, l’Haemophilus influenzae b, l’Hépatite virale B. Ensuite, il n’entraîne pas de contact supplémentaire de l’enfant avec le centre vaccinateur, on profite simplement du PEV traditionnel pour inoculer les antigènes concernés ; ce qui contribue à réduire considérablement les occasions manquées de vaccination (1). La tranche d’âge de 0 à 4 ans a été ciblée parce que les infections à pneumocoque chez le drépanocytaire sont très fréquentes entre 6 mois et 3 ans (80 % des cas). Avant 18 mois, on rencontre chez les enfants des sérotypes non contenus dans le vaccin, ce qui peut donner une possibilité d’échec. III.2. La campagne de vaccination Les résultats de la campagne montrent que 83,75 % des sujets vaccinés gratuitement par le vaccin contre le Pneumocoque ont plus de 4 ans. Il y a eu un tel engouement des drépanocytaires de tout âge que nous avons administré la vaccination à tous, bien que notre cible était les enfants de 0 à 4 ans. Cette campagne nous a permis de noter la sensibilité et l’intérêt des parents des drépanocytaires et des praticiens pour la vaccination de l’enfant drépanocytaire. La diffusion au cours de la campagne du calendrier vaccinal de l’enfant drépanocytaire va sans doute inciter les parents à oeuvrer pour une meilleure couverture vaccinale de leurs enfants. Le plus grand nombre de drépanocytaires provenait du Service d’Hématologie Clinique du CHU de Yopougon, où une unité de vaccination a fonctionné pendant la campagne. Ceci montre l’intérêt de rapprocher voire d’intégrer la vaccination des drépanocytaires dans les services où ceuxci sont suivis. Nous avons fait compléter les vaccins PEV chez les enfants drépanocytaires si nécessaire, mais nous n’avons pas relevé la couverture PEV chez ces drépanocytaires. III.3. En dehors de la campagne de vaccination En dehors de la campagne, le vaccin contre l’Hépatite B a été le plus administré, suivi de loin par le vaccin HIB et le vaccin contre le Pneumocoque. La vaccination des drépanocytaires en dehors de la campagne s’est poursuivie dans les centres fixes de l’INHP et de ses Antennes. Les résultats obtenus concernent à la fois les drépanocytaires et les non drépanocytaires. Mais 5 % des personnes qui ont reçu une dose de ces vaccins concernés étaient drépanocytaires (4). Nous avons connu une rupture de stock du vaccin contre l’Haemophilus influenzae, vaccin nouvellement introduit et dont on ne maîtrisait pas encore la demande. IV. PERSPECTIVES Ce travail ouvre des perspectives sur la vaccination de drépanocytaires. IV.1. A court terme - Poursuivre l’information des professionnels de la santé et des parents d’enfants drépanocytaires sur la possibilité de prévention de certaines affections par la vaccination, - Assurer une meilleure disponibilité de tous ces vaccins dans les centres de l’INHP, Médecine d'Afrique Noire : 1997, 44 (12) I. TIEMBRE, M. NDOUTABE, J. BENIE , K.D. EKRA , S. DAGNAN, S. OUATTARA, J. TAGLIANTE-SARACINO , I. SANOGO, A. SANGARE 657 - Assurer une meilleure accessibilité géographique de la vaccination en intégrant la vaccination du drépanocytaire dans les activités régulières des centres de suivi de ces enfants. cination du drépanocytaire allant jusqu’à la recherche de financement en vue de réduire les charges financières des familles. CONCLUSION IV. A moyen terme - Adapter en permanence le calendrier vaccinal de l’enfant drépanocytaire au profil des infections sur ces terrains, ce qui implique une meilleure connaissance de l’épidémiologie de ces infections - Étudier la réponse immunitaire des drépanocytaires aux vaccins - Systématiser un véritable programme national de vac- La vaccination du drépanocytaire est un impératif. La mise en place d’un programme vaccinal des enfants drépanocytaires est salutaire car il permet la prévention des infections les plus fréquentes et les plus graves chez ces patients. Il convient cependant de rendre ces vaccins accessibles financièrement et géographiquement à ces enfants drépanocytaires. BIBLIOGRAPHIE 1 - BENIE BI-VROH JOSEPH. Les activités de vaccination dans un centre hospitalier universitaire : cas du Service de Pédiatrie du CHU de Treichville. Thèse Méd. Abidjan, 1996, n°1673. 2 - R. CABANNES, J. BONHOMME, A. SENDRAIL et All. Drépanocytose : problème de Santé Publique. Ann. Univ. Abidjan, série B (Méd), 1970, 4 : 141 - 147. 3 - G.M. EDINGTON, H. LEHMANN. Expression of the sickle - cell gene in Africa. Médecine d'Afrique Noire : 1997, 44 (12) Br. Med. J., 1955, 1 : 1308 - 1311. 4 - INHP. Document technique. Rapport d’activités 1995. 5 - ISSA KONATE. Contribution à l’étude de la maturation osseuse chez l’enfant ivoirien drépanocytaire. Thèse Méd. Abidjan 1993, n°1500. 6 - NIZAR AJJAN. La vaccination , 5è édition, Institut Mérieux.