Conservation, restauration et valorisation du film d`entreprise.
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Conservation, restauration et valorisation du film d`entreprise.
Conservation, restauration et valorisation du film d’entreprise. Environ 2000 films d’entreprise de tous types (reportage, formation, communication…) sont produits, en France, chaque année. Ce chiffre est sensiblement constant depuis une trentaine d’années et le film d’entreprise est pratiquement aussi ancien que le cinématographe. Cette production a généré, au cours du siècle, plusieurs dizaines de milliers d’éléments film et de supports vidéo, aujourd’hui entreposés en des lieux très divers et conservés dans des conditions n’assurant pas toujours leur pérennité. De plus, l’hétérogénéité des supports, dont certains posent aujourd’hui des problèmes aigus de relecture et d’obsolescence, constitue un handicap majeur à l’accès, la consultation et la valorisation du patrimoine. Dans cet article, nous considérerons les supports physiques successivement utilisés pour le tournage et la diffusion des films industriels, leurs caractéristiques et les conditions de leur bonne conservation. Nous examinerons ensuite les possibilités de restauration offertes par les technologies les plus récentes, puis les facilités d’accès aux programmes offertes par les technologies numériques. 1 1. Les supports de tournage et de diffusion des films industriels. Le film industriel, originellement tourné sur support film, fait maintenant, quasi exclusivement, appel à la technologie vidéo. Nous considérerons essentiellement dans ce panorama, les éléments définitifs des films, susceptibles de donner lieu à une diffusion, à l’exclusion des rushes, copies travail ou éléments de mixage. 1.1. Le film. Généralités et composition. 1.1.1. Les Formats Les efforts communs de W. Dickson et de G. Eastman investis dans le Kinétoscope d'Edison ont permis à la fin du 19° siècle, l'invention des pellicules cinéma perforées et en ont défini les dimensions de base : des pellicules d'environ 35mm de large comprenant 4 perforations de part et d'autre des photogrammes et 16 photogrammes par pied (1 pied = 304,8mm) de pellicule. Une fois acceptées par l'industrie cinématographique américaine, les pellicules 35mm munies de quatre perforations de part et d'autre des photogrammes sont devenues le standard commun à toute l'industrie. Le 35 mm fut majoritairement utilisé pour le tournage des films d’entreprise jusqu’à l’avènement, dans les années 60, du 16mm « professionnel » Lancé en 1923, le film de 16mm de large à perforation unique par photogramme et 40 photogrammes par pied, était, au départ, commercialisé avec des émulsions inversibles. La qualité des images et la légèreté de l'équipement conduisirent, après guerre, avec des émulsions négatives, à leur adoption par les professionnels, particulièrement pour la captation des reportages et des documentaires. Le Super 16, dont la surface d’image s’étend jusqu’au bord du film et qui n’utilise qu’une rangée de perforations fut l’objet d’un intérêt certain de la part des réalisateurs de films d’entreprise, à l’instar de leurs confrères du cinéma et de la télévision, pendant les trois dernières décennies du siècle. 1.1.2. Structure de la pellicule et causes de dégradation. Une pellicule cinématographique peut être décrite physiquement comme un "gros sandwich" composé de deux couches de matériau, le support et l'émulsion, dont les caractéristiques physiques et chimiques sont très différentes. Les deux couches sont maintenues ensemble grâce à une couche de liant. 2 Une structure instable. Ce genre de gros sandwich est mécaniquement instable, même lorsque les deux couches sont faites du même matériau. En ce qui concerne les pellicules, la couche principale, le support, est rigide et n'a que peu tendance à absorber ou perdre de l'humidité. La plus mince des deux couches, l'émulsion, est plus molle et absorbe l'humidité relativement facilement. Lorsque c'est le cas, elle se gonfle irrégulièrement, et si elle n'a pas été enroulée de manière à permettre une telle expansion, la pression entraînée risque de la détruire. Lorsqu'au contraire elle perd de l'humidité, l'émulsion se contracte, ce qui diminue la pression entre les spires de la bobine et peut entraîner une déformation de la pellicule. Il est possible d'empêcher ces échanges d'humidité grâce à des mesures correctives mises en place au stockage. Cependant, une fois causés, les dégâts seront permanents. 1.1.2.1. Les supports Un matériau autodestructeur : Le Nitrate de cellulose Le nitrate de cellulose plastifié, fut le premier plastique créé par l'homme. Ses excellentes propriétés mécaniques et sa flexibilité lui permettent d'être utilisé en rouleaux. Il fut employé comme support des films 35mm jusqu’en 1953. Malheureusement, développé lors de recherches sur les nouveaux types d'explosifs, le nitrate de cellulose possède toujours une grande part de l'instabilité caractéristique de ce genre de produits et, bien qu'il n'ait plus rien d'explosif, cette instabilité revêt plusieurs formes. Le nitrate de cellulose s'enflamme à la température relativement faible de 160°C, et peut même brûler spontanément puisque cette température peut être atteinte à l'intérieur d'une bobine enroulée stockée à 40°C, lorsque la dilatation augmente la pression entre les couches de film superposées. Soumis à une température et un taux d'humidité relative assez élevés, le nitrate de cellulose se dégrade chimiquement. Les liens moléculaires se cassent, la pellicule durcit, se contracte et devient fragile. Finalement, la vitesse croissante de dégradation moléculaire entraîne la dépolymérisation complète du plastique, qui se transforme en poudre. Des milliers de films sur support nitrate ont déjà disparu à jamais, brûlés ou dégradés, et l'intégralité des pellicules nitrate finira par disparaître dans un futur relativement proche. Un Matériau de Conservation Médiocre : Le Triacétate de Cellulose L'année 1941 fut marquée par l'invention du triacétate de cellulose, suffisamment stable pour remplacer le nitrate de cellulose et présentant l'avantage supplémentaire d'être ininflammable. Le triacétate possède les mêmes propriétés physiques que le nitrate et sa stabilité en matière de forme est même meilleure. En 1942, les pellicules ont commencé à être produites avec ce type de plastique, et dès les années 50 les chaînes de fabrication de nitrate de cellulose ayant 3 été fermées, toutes les pellicules destinées au cinéma n’ étaient plus produites qu'avec des acétates. Le triacétate de cellulose était appelé "film de sécurité" car il ne présentait pas de risque de combustion spontanée, son point d'éclair ne se situant qu'à 430°C. En terme chimique, le triacétate se révèle par contre assez instable. Dans des conditions d'humidité et de température élevées, le triacétate enclenche une réaction d'hydrolyse conduisant à la formation d’acide acétique (CH3COOH), qui lui-même sert de catalyseur à d'autres hydrolyses. Des pellicules émane alors une forte odeur de vinaigre, la structure des liens moléculaires est modifiée, leur dimension et leur transparence sont plus faibles et déformées, jusqu'à la perte totale des propriétés plastiques. Il s’agit du processus de décomposition connu en tant que « syndrome du vinaigre ». Le "syndrome du Vinaigre" pose des problèmes critiques pour le stockage des pellicules, particulièrement sous des climats chauds et humides. Il s’agit, rappelons le, d’ un processus autocatalytique (qui s’entretient lui-même), irréversible et transmissible aux bobines voisines. Lorsqu’un film est atteint par le syndrome du vinaigre, il doit immédiatement être séparé du reste de l’archive et dupliqué avant d’être détruit ou conservé à très basse température. Il est notable que les bobines magnétiques sonores, du fait de la présence d’oxyde de fer dans l’émulsion, présentent une plus forte sensibilité au syndrome du vinaigre. L’ Image Permanence Institute de Rochester (NY) – USA a mis au point un test dénommé A-D strip permettant de controler l’acidité des bobines de film. http://www.rit.edu/~661www1/ Les films de prise de vues sont toujours, aujourd’hui, fabriqués en triacétate de cellulose. Les Pellicules à support Polyester. Inventé dans les années 40, il était, dès la fin des années 60, couramment employé pour la fabrication des pellicules magnétiques et Super-8. Le polyester sert à présent à la fabrication de tous les types de pellicule destinée au contretypage (internégatifs-interpositifs) et à l’exploitation. Le polyester est remarquablement stable en ce qui concerne les dimension et, à l'instar du triacétate, ne peut s'enflammer spontanément, puisque son point d'éclair ne se situe qu'à 480°C. La grande résistance du polyester aux solvants industriels et aux acides a rendu obligatoire la conception de systèmes de soudure à chaud pour les collures. C’est la raison pour laquelle les pellicules à support polyester ne sont pas utilisées pour la fabrication des films négatifs de prise de vues. 1.1.2.2. La couche photosensible 4 La couche photosensible des films est constituée de sels d’ argent et de coupleurs (destinés à former l’image couleur) dispersés dans une émulsion d’origine animale, la gélatine. Les gélatines sont employées en biologie comme milieu de culture de nombreuses moisissures et bactéries, lesquelles peuvent également se multiplier dans les émulsions photographiques si les conditions d'humidité leur sont propices. Bien qu'il soit parfois très simple de les "tuer", des dégradations irréversibles sont causées à la gélatine dont elles se nourrissent. Des milliers de films ont été endommagés, voire complètement détruits à cause de cette propriété des gélatines. L’image photographique est formée par oxydation des sels d’argent en argent métallique sous l’action de la lumière, amplifiée au cours du développement par un révélateur. Dans le cas des pellicules couleur, cette oxydation s’accompagne de la formation de colorants issus de la réaction des coupleurs contenus dans l’émulsion et de l’agent développateur. Si l’argent métallique des films noir et blanc est, à priori, stable, il n’en va pas de même des colorants, composés organiques dont la stabilité est directement liée aux conditions extérieures de température et d’hygrométrie. 1.1.3 Conservation des films Le film cinématographique est un élément dégradable. Le support « safety » est sujet au syndrome du vinaigre alors que l’émulsion est sensible aux attaques de bactéries ou de champignons. Les colorants, enfin, selon les films considérés, présentent une résistance plus ou moins importante aux assauts du temps. Les principales causes de dégradation des films, tant du point de vue du support que de l’émulsion, sont la température et l’hygrométrie. Il convient également de leur ajouter l’effet de certains composés chimiques, celui des brusques variations d’environnement et des manipulations inappropriées. Il est néanmoins avéré que, conservé dans de bonnes conditions, une pellicule cinématographique est susceptible de durer plusieurs centaines d’années. Il sera donc nécessaire, quand il existe, de conserver dans les conditions recommandées l’élément original film, même si l’exploitation du document ne passe que par des canaux vidéo ou numériques. Les conditions de conservation habituellement recommandées sont de 30% RH (humidité relative) pour une température proche de 0°C dans le cas des films couleur et de 10°C pour les films Noir et Blanc. On retiendra également que les colorants des pellicules positives (utilisées pour les copies) ne sont pas conçus en vue d’une conservation longue. Ces dernières ne sauraient donc constituer un support pérenne de conservation des programmes. On veillera donc à conserver les originaux de prise de vues montés (négatifs ou inversibles) et/ou les éléments intermédiaires internégatifs ou interpositifs quand ils existent. Ces éléments seront conservés dans des lieux séparés. En ce qui concerne les sons, on conservera le mixage définitif sous forme optique ou sous forme magnétique, tout en considérant toujours que ce dernier élément, si son support est constitué de triacétate de cellulose, présente une sensibilité aiguë au syndrome du vinaigre. 5 1.1.4 Techniques de restauration des films La restauration d’un film est un processus lourd et complexe. Il est d’autant plus long que le film est dégradé. Les garanties que peut offrir le film en terme de conservation impliquent cependant de considérer cette restauration avec grande attention. Restaurer un film signifie : • • • • Le reconstruire si des parties du film sont très dégradées ou manquantes. On recherchera les fragments correspondants dans d’autres éléments, internégatifs ou copies qui ont pu être fabriquées au cours du temps et on les réintégrera dans le support. En réaliser une remise en état mécanique en réparant perforations, images ou collures déchirées, de façon à ce que le film puisse à nouveau faire l’objet d’un tirage ou d’un transfert. Le sauvegarder, c’est à dire réaliser, par tirage, un élément intermédiaire de sécurité sur support polyester (internégatif ou interpositif). Les techniques de tirage par immersion, couramment employées, permettent pendant cette opération, l’élimination des rayures et autres altérations physiques du support. L’élément de sauvegarde ainsi fabriqué sera l’élément de conservation du film. Lui appliquer des traitements numériques qui permettront la correction des défauts non éliminés par les techniques précédentes (instabilité, flicker, défauts importants affectant les images, rayures émulsion, etc.). Ces traitements numériques pourront être appliqués à la résolution du film, qui est très élevée (entre 2000 et 4000 pixels dans la largeur de l’image), mais le coût du procédé cantonne aujourd’hui de telles pratiques à quelques monuments du cinéma. Ils pourront également être appliqués en résolution vidéo (720 pixels par ligne) et à moindre coût, au film préalablement transféré par télécinéma à immersion, dans le but d’ obtenir un master vidéo de qualité optimale. 1.2 . La vidéo. De l’analogique au numérique. Les technologies d’enregistrement vidéo n’ont réellement commencé à trouver une application dans le film d’entreprise qu’avec l’apparition, à la fin des années 70, de la vidéo légère. 1.2.1 La vidéo analogique. Principes de base et performances. Le signal vidéofréquence est un courant électrique continûment variable d’amplitude égale à 1Volt. C’est un signal « analogique ». Originellement monochrome et généré par des caméras de télévision dont les éléments photosensibles étaient des tubes, Il est, depuis l’invention de la couleur, constitué de deux signaux distincts : la Luminance (le signal Noir et Blanc, afin d’assurer la compatibilité avec les équipements préexistants ) et la Chrominance. Jusque très récemment, toujours par souci de compatibilité avec les équipements N&B existants lors du passage à la couleur, le signal vidéo possédait des caractéristiques limitées, la 6 composante chrominance du signal étant insérée à l’intérieur du spectre de la luminance dont la bande passante ne pouvait excéder 6MHz. Cette manipulation, ce « codage » couleur, réalisée selon les normes bien connues SECAM, PAL et NTSC, a prévalu très longtemps dans tous les domaines de la télévision et de la vidéo : prise de vues, enregistrement, postproduction et diffusion. Ils constituent les systèmes vidéo composites. En Europe, le SECAM, extrêmement robuste en diffusion, était particulièrement mal adapté au montage et aux manipulations d’images, tandis que le PAL, plus souple, fut largement adopté en post-production avant que ne se généralisent l’emploi des systèmes en composantes analogiques, puis en composantes numériques, dans lesquels luminance et signaux de chrominances sont manipulés parallèlement sans jamais subir de mélange. Les principales faiblesses de la vidéo analogique se situaient au niveau du rendu des couleurs et des points de montage, mais aussi et surtout de sa dégradation rapide lors des recopies, générant perte de définition et montée de bruit de fond. Les systèmes d’enregistrement furent également longtemps inadaptés aux conditions du reportage. Les premiers magnétoscope professionnels, qui utilisaient des bandes de 2 pouce de large, ne permettaient pas de montage précis et avaient l’extreme désavantage de peser plusieurs centaines de kilos. Des machines à bande 1 pouce leur ont succédé dans les années soixante dix, mais c’est réellement l’avènement de la cassette ¾ pouce, à la fin des années 70, qui a permis l’avènement de la vidéo légère et sa généralisation dans la production des films d’entreprise. Le format ¾ pouce U-Matic,bien que de qualité relativement médiocre, surtout comparé aux systèmes légers employés aujourd’hui ,constituait à cet égard, grâce à des magnétoscopes portables, des cassettes de petite taille et des bancs de montage peu onéreux, une réelle alternative au film 16mm sur des créneaux tels que le reportage ou le film de formation. Bientôt remplacé, pour ce type d’applications, par le BVU (U-Matic à large bande) le format souffrait néanmoins de tous les défauts de l’analogique et fut très vite supplanté, au milieu des années 80, par le système Bétacam et l’avènement des caméscopes professionnels. Le caméscope Betacam, qui utilise des cassettes ½ pouce, libère l’opérateur de la contrainte du magnétoscope attaché à la caméra et apporte un considérable gain de qualité grâce à l’enregistrement, sur des pistes séparées, des trois composantes constitutives du signal vidéo. Le format Betacam fut cependant rapidement remplacé par le format Betacam SP, de qualité supérieure et permettant l’enregistrement simultané de 4 pistes son. Le Betacam SP qui a remporté un succès planétaire pour les reportages d’actualités télévisées, les documentaires et les films institutionnels sera néanmoins le dernier système vidéo analogique professionnel à avoir pu s’imposer. 1.2.2 La vidéo numérique. Le terme de « numérique » fait l’objet, auprès du profane, d’un amalgame trompeur et se voit affublé de vertus quasi-magiques. Il fait, en réalité, référence à des technologies et des applications et des niveaux de qualité extrêmement divers. La Télévision Haute Définition, les caméscopes vidéo professionnels au format Betacam numérique, les caméscopes grand-public mini DV, les DVD, la télédiffusion directe par satellite et la diffusion sur l’Internet sont autant de déclinaisons de la technologie numérique appliquée à l’image animée, mais la hiérarchisation de leurs performances en termes de qualité, de quantité d’information et de débit de transmission est très clairement établie. Impossible de comparer une image de TVHD 7 dont la qualité est proche du 35mm et le signal transmis au cours d’une diffusion sur un des bouquets satellite numériques, un facteur de compression proche de 500 les sépare ! La captation et la post-production des films d’entreprise se fait aujourd’hui, principalement en vidéo numérique. Numériser un signal vidéo consiste à l’échantillonner ( le découper en segments temporels) et le quantifier (associer à chaque niveau de chaque segment un nombre, codé sur 8 bits). L’ensemble des valeurs discrètes prises par les niveaux d’un signal vidéo est donc transformé en une suite de nombres mémorisables et manipulables par des systèmes de type informatique. On notera qu’un standard international, le format 4 :2 :2, dans lequel les composantes sont numérisées séparément et dans lequel la fréquence d’échantillonnage de la luminance est double de celle des signaux de chrominance, est universellement adopté pour la vidéo numérique professionnelle non compressée. Le numérique possède de nombreux avantages : • Les recopies de cassette à cassette, et, à plus forte raison les manipulations d’images, n’entraînent pas de dégradation notable de qualité. • Manipuler des nombres multiplie les possibilités de traitement des images et de création d’effets spéciaux. • Numériser la vidéo permet, non seulement de l’enregistrer sur des magnétoscopes, mais surtout de « l’acquérir » sur des plate formes informatiques et de réaliser montages et trucages de façon non linéaire. C’est l’avènement du montage virtuel. • Les récentes techniques de compression des images, DCT ou MPEG, ont permis l’accroissement des capacités de stockage, la miniaturisation des caméscopes (mini DV et DVCam) et l’invention du DVD, support aux applications multiples, en particulier pour la distribution des programmes. 1.2.3 Les formats. Après l’invention du premier magnétoscope numérique à usage professionnel, le D1, qui enregistrait sans compression les 250 Mb/s du signal 4 :2 :2, le Betacam numérique (digital betacam), directement dérivé du Betacam SP, s’est imposé à la fin des années 90 pour la captation, la post-production et la diffusion de programmes de qualité « broadcast ». Le Betacam numérique est un format vidéo numérique en composantes dans lequel le 4 :2 :2. est compressé d’un facteur deux. Son débit est d’environ 120 Mb/s. La compression est sans perte. La gamme des produits Betacam numérique comprend caméscopes et magnétoscopes de studio. Il s’agit néanmoins de produits relativement onéreux qui ont eu du mal à s’implanter dans des secteurs autres, en particulier celui du film d’entreprise, et ceci d’autant plus qu’est apparu un produit grand public, remarquable et léger, le Mini DV. La version institutionnelle du Mini DV, le DV Cam, est maintenant la référence en tournage de documentaire et de news, certains réalisateur de cinéma l’ayant même utilisé pour ses qualités de légèreté et de maniabilité, malgré une résolution très largement inférieure à celle du 35mm. La compression MPEG (Moving Pictures Expert Group), largement employée pour le DVD vidéo ou la diffusion satellitaire, sert aujourd’hui de base au développement de nouveaux caméscopes, toujours plus légers, y compris pour des applications de TVHD. 8 L’utilisation généralisée des stations de travail dans la fabrication des images et la postproduction des programmes a généré, en particulier pour le haut de gamme (cinéma), de nouveaux modes de stockage des images où le « fichier » informatique tend à remplacer le signal vidéo. On a vu ainsi apparaître un ensemble de cassettes de sauvegarde (utilisant de la bande magnétique): DTF 1 et DTF 2, DLT, D6, Exabyte, etc… 1.2.4 Conservation des enregistrements numériques, magnétiques et optiques. La relative nouveauté de l’enregistrement vidéo sur bande magnétique n’autorise pas le même recul que le film. S’il est courant d’admettre que des conditions d’utilisation et de stockage « qui plaisent à l’homme, plaisent à la bande magnétique », les fabricants n’osent cependant pas garantir les supports pour une durée supérieure à une vingtaine d’années, soit beaucoup moins que le film. Mais on peut néanmoins constater que de très nombreux enregistrements datant de plus de 20 ans sont toujours lisibles aujourd’hui. Le vrai problème du stockage vidéo numérique est plus celui de l’obsolescence rapide du matériel de lecture que celui de la dégradation des supports. N’a t-on pas, en effet, assisté à la naissance puis à la disparition de plus de 25 formats d’enregistrement vidéo, analogiques et numériques, en 25 ans ? Il n’existe plus ainsi en France que quelques unités de magnétoscopes 2 pouce entretenues par l’ INA, alors que ce format fut le support essentiel d’enregistrement des programmes de 9 télévision de sa création à la fin des années 70. Cette remarque s’applique également aux formats BVU et 1 pouce. Le problème s’avère plus critique encore lorsque l’on considère le stockage des cassettes de sauvegarde informatique dont il fut question précédemment, tant la rapidité de l’évolution technologique provoque une inflation de systèmes d’enregistrement sans aucun souci de compatibilité. Notons que les problèmes de la dégradation des supports et de l’obsolescence des matériels affectent de la même façon les enregistrements analogiques et les enregistrements numériques, ces derniers, contrairement à bien des idées reçues, n’apportant pas, dans ce domaine de garantie supplémentaire. Par contre, un signal numérique dégradé pourra plus aisément être reconstitué grâce aux systèmes très performants de correction d’erreurs inclus dans les magnétoscopes modernes. Mais une dégradation importante conduira à une absence totale de signal, ce qui n’est pas le cas des enregistrements analogiques. Les supports optiques, CD ou DVD enregistrables, ne semblent pas aujourd’hui fournir de garanties supérieures en terme de longévité et ne constituent pas encore des supports de conservation pérennes. L’ensemble de ces limitations contraint objectivement à considérer la conservation à long terme des enregistrements vidéo en terme de migration plutôt qu’en terme de stockage « inerte ». Le numérique n’étant pas altéré par les recopies, on peut envisager la recopie, à intervalles réguliers et de manière la plus automatique possible, des enregistrements d’aujourd’hui sur le support le plus « up to date ». Mais tout cela a malheureusement un coût que bien peu d’organisations semblent décidées à supporter. 1.2.5 Techniques de restauration des programmes vidéo Restaurer un enregistrement vidéo consistera dans tous les cas à en réaliser une recopie assortie de différents traitements de correction. La restauration mécanique de cassettes vidéo abîmées est une opération qui s’avère quasi impossible dans la plupart des cas. On dispose aujourd’hui d’une palette assez large de moyens pour restaurer un programme vidéo. Certains, fonctionnant en temps réel, permettent un « nettoyage » à moindre coût. D’autres, qui nécessitent l’emploi de stations informatiques puissantes, autorisent des traitements plus poussés au prix de délais et de dépenses plus importantes. 1.2.5.1 Les traitements « temps réel ». Par temps réel, nous entendons une application « au fil de l’eau » (25 images par seconde), ce qui ne préjuge pas de la durée de l’intervention préalable d’un opérateur, souvent nécessaire pour fixer les paramètres de la correction. o Réducteurs de bruit. 10 Ces systèmes permettent de réduire très sensiblement le niveau du bruit de fond vidéo, (ou le grain du film si l’enregistrement en est issu). Certains d’entre eux permettent également de traiter d’autres défauts plus spécifiques tels que l’aliasing (effet de « marches d’escalier ». Le plus utilisé est le DVNR du fabricant suédois Digital Vision. D’autres systèmes, tels l’ ARCHANGEL, développé dans le cadre des projets européens AURORA et BRAVA, possèdent des capacités de correction de défauts plus étendues allant jusqu’à la correction de variations de densité ou d’instabilités de prise de vues, mais leur puissance rend leur coût d’utilisation sensiblement plus élevé. Dans les deux cas, les systèmes possèdent des fonctions de travail automatique ainsi que des fonctions programmables plan à plan par un opérateur. o Etalonnage. Plusieurs systèmes de correction colorimétrique programmables sont disponibles sur le marché. Les plus célèbres sont les produits de Pandora et Da Vinci. Notons que le DVNR cité précédemment est également un excellent outil d’étalonnage vidéo. Outre leur faculté de réétalonnage plan à plan des films ou programmes vidéo anciens, ils peuvent permettre, dans une certaine mesure, de corriger l’effet monochrome créé par l’atténuation des colorants, phénomène fréquemment rencontré sur les programmes tournés en film dans les années 50 et 60. Selon les versions ces systèmes permettent d’appliquer des corrections colorimétriques primaires et secondaires sur tout ou partie de l’image. 1.2.5.2 Les traitements « informatiques ». Ces traitements permettent de corriger les défauts les plus complexes. Il s’agit de logiciels fonctionnant sur stations informatiques PC, MAC, SGI.. Le signal vidéo doit être préalablement « transformé » en fichier (.tiff, .tga, .dpx…) grâce à des carte d’acquisition. Certains logiciels possèdent un haut niveau d’automatisation, d’autres fonctionnent de façon plus interactive. o Les logiciels automatiques. « DIAMANT » de HS art, « RETOUCHE » développé par l’université de La Rochelle ou « RE-STOR » de Da Vinci possèdent des fonctionnalités très proches. Ils permettent, après détection du mouvement, la correction de défauts ponctuels tels que rayures ou drop-outs, ou récurrents (rayures, instabilité, flicker). o Les logiciels interactifs. Il s’agit essentiellement d’outils de « compositing » ou de palettes graphiques habituellement utilisés pour la réalisation d’effets spéciaux et dont certaines fonctionnalités, retouche de défauts de grande amplitude ou stabilisation d’images, sont parfaitement applicables à la restauration de documents vidéo. 11 2. Vers une stratégie de valorisation des programmes audiovisuels d’entreprise. Nombreux sont aujourd’hui les exemples de productions « fraîches » intégrant des images anciennes du fait de leur intérêt artistique, historique ou même, dans le cas du film d’entreprise, technologique et social. La demande de programme est telle que cette tendance ne peut que s’accroître et que la richesse des images produites au cours du siècle par les entreprises en font des sujets ou des compléments de choix pour les films d’aujourd’hui. De concordantes estimations montrent que 95% des contenus audiovisuels mondiaux ne génèrent aucun revenu et que la réduction de quelques points de cette proportion générerait de substantiels bénéfices pour les ayants-droit. Le vrai défi sera donc celui de la « libération » de ces actifs audiovisuels aujourd’hui confinés dans des logiques de stockage et de classement trop traditionnels. Dans bien des cas, les supports film et vidéo d’une collection sont divers, malaisés à manipuler, difficiles à relire, mal identifiés et, finalement, très difficilement valorisables. Les années récentes ont vu l’apparition de diverses formes de distribution numérique d’images, tant sur les canaux broadcast traditionnels que sur des réseaux de type informatique destinés à l’entreprise et au particulier. Des expériences menées actuellement laissent entrevoir à court terme la diffusion de bouquets de programmes télévisuels sur le câble téléphonique grâce à des technologies ADSL à haut débit. C’est une voie nouvelle ouverte au développement de la Video à la Demande (V.O.D.) Le dénominateur commun de toutes ces applications est le besoin de stocker et de rendre accessibles les programmes vidéo sous forme de données informatiques. Nous proposons ci-après ce que pourrait être une stratégie de valorisation d’un fonds de film d’entreprise. 1. Préservation de l’original. L’ « original » est soit un film négatif monté soit une bande vidéo master. Les chapitres précédents ont décrit les causes de dégradation de ces différents supports et les moyens de les restaurer. Le préserver, c’est se donner la possibilité de le ré exploiter ultérieurement sur des canaux de distribution ou dans des formats de caractéristiques inconnues aujourd’hui. On peut légitimement imaginer que la distribution vidéo de demain se fera en haute définition, et celle d’après demain dans des résolutions encore supérieures. Le recours à l’original sera alors une nécessité. Restaurer et conserver les originaux dans des conditions physiques optimales apparaît comme le gage d’une réexploitation future. 12 2. Numérisation du fonds sur un support unique de haute qualité présentant des garanties de pérennité raisonnables. On ne connaît pas aujourd’hui de support numérique pérenne sur le long terme, cependant, l’importance du parc installé, une expérience d’utilisation de près de dix ans et la robustesse du format font du Betacam numérique un support « recommandable » pour cet archivage numérique. Les films originaux et masters vidéo de tous types devraient donc être transférés sur ce format. 3. Documentation et catalogage. Une fois le fonds transféré sur support vidéo numérique unique, il s’agira de le rendre aisément accessible. Il devra d’abord être documenté et catalogué. Divers outils de gestion d’actifs numériques répondent à ce besoin et assurent le lien entre données numérisées et métadonnées descriptives des programmes. Certains sont adaptés aux très grandes archives, celles des diffuseurs en particulier, alors que d’autres conviennent à des archives de moindre importance. 4. Accroissement de la visibilité du fonds. Mise en ligne sur internet. L’Internet constitue aujourd’hui un moyen unique d’exposition des catalogues en attendant qu’il devienne également leur moyen de diffusion. Il permet d’offrir au client potentiel un accès simple et rapide au catalogue, à la base de données documentaire, aux images et aux sons (notons à ce sujet que les images mises en ligne peuvent l’être en très basse résolution de façon à ne permettre que leur visualisation). Il offre ainsi un moyen aisé et universel d’achat d’extraits de programmes. Plusieurs archives ayant ainsi récemment mis en ligne leur catalogue ont vu leurs ventes sensiblement augmenter dès la première année, en particulier à destination de l’étranger. Ces quatre étapes : sauvegarde, transfert sur support vidéo numérique, documentation et exposition sur le web constituent la clef de voûte d’une bonne politique de valorisation des fonds audiovisuels. 5. Vers le stockage numérique et la diffusion directe des programmes. Afin de s’adapter aux multiples possibilités de diffusion et d’exploitation des images promises par les progrès des technologies de l’information, la logique voudrait que ces images soient stockées dans des systèmes à accès automatique. Ces systèmes peuvent être des librairies robotisées dans lesquelles sont entreposées des cassettes numériques, ou des serveurs informatiques. La vidéo numérique devrait alors être transformée en données et, afin d’économiser l’espace de stockage, compressée dans un format offrant un minimum de perte (le format le plus approprié aujourd’hui est le MPEG 2). Le stockage devrait être hiérarchisé : les programmes les plus demandés sont stockés sur les disques durs, les autres demeurant dans le robot de diffusion. De tels systèmes permettraient, en particulier la migration automatique des programmes sur les supports du futur. 13 Ces systèmes de stockage numérique devraient être connectés à des réseaux rapides (ATM ou ADSL à haut débit) afin de permettre le transport des programmes sans support physique pour la consultation distante ou la vente. Les grandes archives de télévision telles que l’INA ont déjà mis en place de tels moyens, évidemment fort coûteux. Dimensionnés pour des archives exploitant plusieurs milliers d’heures de programmes, ils préfigurent néanmoins ce que pourraient être demain les supports de la valorisation d’une large part des programmes audiovisuels d’entreprise. Bruno DESPAS Centrimage 14