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journal and and hard
Med Buccale Chir Buccale 2014;20:275-277
2012
© SFCO,
SFMBCB,
2014
2012
DOI: 10.1051/mbcb/2014031
10.1051/mbcb/2014033
www.mbcb-journal.org
Cas clinique et revue de littérature
Pigmentation palatine associée à un traitement par imatinib
Fabrice Campana*, Ugo Ordioni
Centre massilien de la face, Marseille, France
(Reçu le 20 août 2014, accepté le 11 novembre 2014)
Mots clés :
pigmentation /
mélanose / palais dur /
antinéoplasique /
leucémie myéloïde
chronique BCR-ABL
positive
Résumé – Introduction : La prise prolongée de certains médicaments peut être à l’origine de troubles de la
pigmentation de la peau et de la muqueuse buccale. Les pigmentations secondaires à la prise d’imatinib sont rares
et peu décrites. Observation : Un cas de pigmentation de la fibromuqueuse palatine chez une patiente sous
imatinib pour une leucémie myéloïde chronique est décrit. Discussion : Il s’agit à notre connaissance du 14e cas
rapporté dans la littérature. La physiopathologie est mal connue, il n’existe à ce jour pas d’évolution péjorative de
la lésion. La prise en charge consiste en une surveillance avec maintien de l’imatinib.
Key words:
pigmentation /
melanosis / palate,
hard / antineoplastic
agent / leukemia,
myelogenous, chronic,
BCR-ABL positive
Abstract – Palatal pigmentation related to imatinib treatment. Introduction: Some medications can lead to
pigmental disorders of the skin and oral mucosa. Secondary pigmentations due to imatinib are rare and poorly
described. Observation: A clinical case of pigmentation of the palate is described in a patient affected by chronic
myeloid leukemia treated with imatinib. Discussion: To our knowledge, this is the 14th case reported in the
literature. The mechanisms are pathophysiology is poorly understood; there is no pejorative evolution of the lesion.
Clinical surveillance and continuation of imatinib treatment are indicated.
Introduction
Observation
Les lésions pigmentées de la cavité buccale sont fréquentes. Elles sont la plupart du temps physiologiques ou
bénignes, mais peuvent être le reflet d’une pathologie locale
tumorale ou d’un trouble systémique. La prise prolongée de certains médicaments peut également être à l’origine de troubles
de la pigmentation de la peau et de la muqueuse buccale. L’imatinib est un inhibiteur de la protéine tyrosine kinase, outil
récent dans l’arsenal thérapeutique des leucémies myéloïdes
chroniques (LMC) et des tumeurs stromales gastro-intestinales
(TSGI) [1, 2]. Parmi les effets indésirables de ces traitements,
les troubles dermatologiques les plus communs sont des hypopigmentations/dépigmentations localisées ou généralisées [35]. Cependant, de manière paradoxale des hyperpigmentations
ont été décrites.
Nous rapportons ici un cas d’hyperpigmentation de la fibromuqueuse palatine chez une patiente sous imatinib présentant
une LMC.
Une femme de 70 ans d’origine caucasienne consultait pour
la découverte récente d’une pigmentation palatine (Fig. 1).
L’interrogatoire retrouvait comme antécédents médico-chirurgicaux un cancer du sein en 1996, une LMC depuis 2004, compliquée d’une pleuro-péricardite en 2013. La patiente était non
fumeuse. Le traitement médicamenteux comprenait de l’imatinib (Glivec®) pour le traitement de la LMC à la dose de
400 mg/j pendant 9 ans, puis diminué à 300 mg/j suite à l’épisode de pleuro-péricardite. On ne notait aucune prise de traitement au long cours. À l’examen clinique, il existait des zones
de dépigmentations cutanées bilatérales au niveau péri-orbitaire et mamelonnaire. Au niveau buccal, on observait une pigmentation complète du palais dur de couleur gris-bleu. Bien
que de découverte récente, il était difficile de préciser depuis
combien de temps cette lésion existait. La patiente refusant
la biopsie et devant le tableau clinique, le diagnostic de pigmentation palatine liée au traitement par imatinib était
*
Correspondance : [email protected]
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Article publié par EDP Sciences
Med Buccale Chir Buccale 2014;20:275-277
F. Campana et U. Ordioni
Tableau I. Principales caractéristiques des cas rapportés.
Table I. Main characteristics of the reported cases.
Auteurs
N cas
Localisation
Sexe
Âge
Indication imatinib
Durée de prise
Lewis, 2009 [12]
1
Palais dur
homme
70
LMC
3 ans
Lerman, 2009 [16]
1
Palais dur
Homme
57
LED
NC
Mattsson, 2011 [2]
3
Palais dur
Femme
Femme
Femme
66
66
64
TSGI
LMC
LMC
5 ans
5 ans
5 ans
Resende, 2012 [9]
1
Palais dur
Homme
38
LMC
5 ans
Li, 2012 [10]
3
Palais dur
Homme
Homme
Femme
64
53
29
LMC
LMC
Fibromatose pelvienne
4 ans
10 ans
4 ans
Yu, 2012 [19]
1
Palais dur
?
?
?
???
Steele, 2012 [20]
Khoo, 2013 [18]
Roeker, 2014 [13]
1
1
1
Palais dur
Palais dur
Palais dur
Homme
Femme
Femme
48
58
65
LMC
LMC
LMC
9 ans
5 ans
6 ans
Fig. 1. Coloration bleu-gris du palais dur.
Fig. 1. Blue-gray coloration of the hard palate.
retenu. La prise en charge a consisté en une simple surveillance, le traitement par imatinib étant maintenu.
Discussion
Les pigmentations buccales ont un large spectre d’origine.
Variant du gris bleuté au noir, elles concernent toute la
muqueuse buccale même si la fibromuqueuse palatine et la
gencive sont volontiers atteintes [6]. Le premier cas de pigmentation buccale d’origine médicamenteuse a été rapporté
par Lippard en 1945 chez un patient sous quinacrine [7].
Depuis, d’autres traitements ont été incriminés, les principaux
étant la minocycline [6], la clofazimine, les anti-malaria [8],
la quinidine, certains œstrogènes et contraceptifs oraux
[9, 10]. Des cas de pigmentations orales sous chimiothérapies
276
anticancéreuses telles que les alkylants (busulfan et cyclophosphamide), la doxorubicine, le 5-fluorouracil ont aussi été rapportés [11]. Récemment, plusieurs publications ont fait état
de colorations palatines avec l’imatinib [2, 9, 10, 12, 13].
L’imatinib est commercialisé en France depuis 2003. Ses principales indications sont la LMC BCR-ABL Ph+ et les TSGI
malignes Kit+. C’est un inhibiteur de protéine tyrosine kinase
(TK) analogue de l’ATP. En rentrant en compétition avec l’ATP,
il bloque la transcription protéinique, en particulier de la protéine de fusion BCR-ABL issue du chromosome de Philadelphie
provenant de la translocation des chromosomes 9 et 22 et
cause de la LMC. L’imatinib peut se fixer sur d’autres récepteurs TK, comme c-Kit ou PDGF-R, trouvant ainsi ses indications dans les TSGI, les cancers du poumon, du sein ou de la
prostate. Il a été montré que c-Kit joue un rôle dans la signalisation cellulaire des mélanocytes et dans leur migration, prolifération et différenciation [2]. Les principaux effets indésirables sont des troubles digestifs, des œdèmes, des troubles
hématopoïétiques à type de neutropénie et de thrombopénie.
Au niveau cutané, l’hypopigmentation/dépigmentation est la
complication la plus rapportée [9]. Paradoxalement, des hyperpigmentations existent [5, 14]. Au niveau de la muqueuse buccale, les principaux effets indésirables sont l’apparition d’une
stomatite, de troubles du goût ou de réactions lichénoïdes
[15]. Une hyperpigmentation palatine associée à un traitement
par imatinib a été décrite en 2009 par Lewis [12]. Depuis,
13 autres cas ont été relatés (Tab. I), atteignant en ce qui
concerne la muqueuse buccale exclusivement le palais dur. Les
hommes et les femmes sont atteints, avec des âges variant
entre 29 et 70 ans. La durée de prise de l’imatinib oscille entre
3 et 10 ans. Le diagnostic différentiel doit se faire avec une
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F. Campana et U. Ordioni
pigmentation physiologique, une pigmentation postinflammatoire, une lésion liée à une hémochromatose ou à une maladie
systémique. Le mélanome doit être éliminé. Histologiquement,
la description est caractéristique : l’épithélium est normal, on
retrouve des granules de pigment mélanique de petite taille
au niveau de la lamina propria [2, 10], mais pas dans l’épithélium. Le conjonctif est non inflammatoire et les mélanocytes
restent rares. La coloration de Fontana-Masson est positive,
confirmant la nature mélanique du pigment [9, 15, 16]. Aucun
traitement ne semble indiqué [17]. Aucune évolution péjorative n’a été rapportée [2]. Devant le faible nombre de cas et
la méconnaissance des mécanismes physiopathologiques, un
suivi du patient est nécessaire.
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