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09/12/2013
Le monde romanesque de Georges Simenon.
par Olivier Macaux
Docteur ès lettres, conférencier littéraire.
Sommaire
Le monde romanesque de Georges Simenon.............................................................................................................................. 1
I.
Introduction : .................................................................................................................................................................... 1
II.
L’écriture selon Simenon : un art et une industrie : ..................................................................................................... 1
A.
Les paradoxes de Simenon : de la littérature alimentaire à la littérature pure : ....................................................... 2
B.
Une méthode d’écriture partagée entre la transe et le rituel : .................................................................................. 2
C.
Quelques moments-clés dans la vie et l’œuvre de Simenon : ................................................................................. 2
III.
Une approche singulière du roman policier : ............................................................................................................... 3
A.
L’invention de Maigret ou l’intrusion du réalisme dans la littérature policière : .................................................... 4
B.
Maigret ou le freudien malgré lui : à propos des analogies entre la méthode d’investigation de Maigret et la
démarche psychanalytique :................................................................................................................................................... 4
C.
« La tête d’un homme » : une réécriture de « Crime et châtiment » de Dostoïevsky : ............................................ 4
IV.
Le roman dur ou le roman de l’homme mis à nu : ....................................................................................................... 4
A.
Le roman « crise » : le roman de l’homme médiocre confronté au néant existentiel : ............................................ 4
B.
L’ère romanesque du vide : le vide en soi, le vide entre les êtres et le vide de l’existence : ................................... 5
C.
L’échec passionnel ou l’amour à mort : .................................................................................................................. 5
I.
Introduction :
Georges Simenon est un écrivain belge francophone né à Liège en 1903 et mort à Lausanne en
1989. On l’a longtemps relégué au stade d’auteur « populaire » dans les milieux intellectuels.
Actuellement on est en train de le redécouvrir.
On insiste sur son importance créatrice. L’Unesco aurait déclaré un jour, qu’il était l’auteur le
plus lu dans le monde. Sa création littéraire a été en partie adaptée à la télévision et au cinéma.
Nous allons essayer de démontrer comment son univers romanesque reste très actuel.
Simenon a su explorer l’âme humaine comme personne. Il a bâti une œuvre tourmentée,
grave ; elle dit la misère de l’homme, souvent de manière très crue. Il dépeint divers aspects de la vie
professionnelle, sociale, voire sexuelle.
Il y a encore quelques années, Simenon n’était pas enseigné en faculté. Les commentateurs le
tenait pour un auteur mineur, critiquaient sa méthode d’écriture ; il faut laisser de côté les critiques et
lire ses œuvres.
Son héros Maigret est proche de Freud et de Dostoïevsky.
On peut trouver de nombreux points de comparaison entre Simenon et Céline, Bernanos,
Camus. D’ailleurs, tous ces auteurs l’avaient lu.
Des thèmes reviennent fréquemment : le vide de l’existence, l’amour entre les personnages qui
se termine souvent très mal.
II. L’écriture selon Simenon : un art et une
industrie :
Écrivain prolixe, il a écrit, entre 1920 et 1972, 192 romans, 158 nouvelles, plusieurs œuvres
autobiographiques et de nombreux articles et reportages publiés sous son propre nom, et 176 romans,
des dizaines de nouvelles, contes galants et articles parus sous 27 pseudonymes.
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A. Les paradoxes de Simenon : de la littérature
alimentaire à la littérature pure :
Il commence d’écrire à partir des années 1920. On parle d’une
littérature « populaire », à la chaîne. On pensait que quelqu’un qui écrit trop,
écrit mal. Il était pourtant déjà édité chez Gallimard, et était soutenu par
André Gide. Après la mort de celui-ci, il sera publié dans « La Pléiade ».
Il s’est toujours démarqué de la littérature officielle, et s’est tenu à
distance d’une littérature sur le point de devenir « médiatique ».
Il lui fallait 10 à 15 jours pour écrire un roman tapé à la machine.
Pour Flaubert, l’écriture était un sacerdoce : Madame Bovary lui a demandé
cinq ans de travail. Simenon, c’est tout le contraire, mais il avait mauvaise presse à cause de cela.
Joseph Merle avait proposé à Simenon d’écrire un roman en une semaine, enfermé dans une
cage de verre, à la vue des badauds. Siméon avait accepté de défi, mais la mort de Merle met fin au
projet.
Il écrit dès 1920 170 romans sous divers pseudonymes : il dit que c’est en faisant cela qu’il a
appris son métier. Il écrit des romans sentimentaux, voire lestes ou grivois. Il s’intéresse à une variété
de sujets.
Un de ses premiers romans, en 1924, s’intitule « Le roman d’une
dactylo ».
Pierre Assouline parlait souvent de la pauvreté littéraire de ses romans
(Orgies bourgeoises).
À partir de 1929, apparaît le roman policier avec le personnage du
commissaire Maigret, et le roman qu’il qualifiera lui-même de roman « dur ».
L’œuvre de fiction est publiée pour la première fois en 1931, et ne
s’arrêtera qu’en 1972. Elle se compose de 192 romans, 158 nouvelles et autres ouvrages, d’une même
densité du début à la fin.
On pense à Marguerite Duras (du point de vue littéraire), avec cette nécessité d’aimer, cette
description de l’errance qu’il illustre dans « Les Fiançailles de M. Hire », où à Camus dans des œuvres
comme « L’Étranger », ou à Kafka quand il évoque l’absurdité de l’existence.
B. Une méthode d’écriture partagée entre la transe et le
rituel :
Sa technique d’écriture est immuable : il lui faut entrer
progressivement « en l’état de roman ». Il fait connaissance avec des
personnages, et cherche la crise qui va les révéler. Cette phase
préparatoire dure deux à trois jours.
Ensuite, il écrit la genèse de l’œuvre sur des morceaux de papier.
Il passe ensuite à la rédaction proprement dite, chaque jour, de
six heures trente à neuf heures du matin, puis, épuisé, il se repose.
Un roman est écrit en dix ou quinze jours. Simenon recherche des
noms pour ses personnages dans un annuaire.
À la fin, il prend quatre ou cinq jours pour relire le roman ou le faire
relire par sa secrétaire. Le tout dure environ un mois. La rédaction d’un
roman lui coûte beaucoup physiquement ; il lui est arrivé de vomir ou d’être
en transe.
Mais il suit toujours le même rituel.
C. Quelques moments
moments--clés dans la vie et l’œuvre de
Simenon :
Il est né à Liège, le 13 février 1903. Il ne s’entend pas avec sa mère qui lui a toujours préféré
son frère. Quand celui-ci meurt en Indochine, il entend sa mère dire de l’autre côté de la cloison :
« c’est dommage que ce soit lui qui soit parti en premier ». Son enfance a été marquée par une absence
d’amour, et il en restera marqué toute sa vie.
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Son père qu’il appréciait, meurt quand il avait 16 ans. Il arrête ses études et trouve du travail
dans un journal.
Il va à Paris, et vit avec Régine Renchon, dite Tigy, qu’il
épouse.
Il vit les années folles en sortant l’après-midi.
Il a une liaison avec Joséphine
Baker.
Un médecin lui diagnostique par erreur une maladie qui le
condamne à brève échéance. Pour que son fils se souvienne de lui, il écrit
une œuvre en forme de mémoire. Le pronostic une fois annulé, il poursuit
cependant l’ouvrage.
À la libération, on lui demande des comptes, car il a eu recours,
pendant la guerre, à une maison d’édition allemande. Vexé, lorsqu’il obtient l’annulation du jugement,
il émigre aux États Unis.
Là-bas, Denyse Ouimet, une canadienne de langue française, sera sa
grande passion ; cependant, elle va beaucoup souffrir de ses infidélités.
En 1948, il confie ses œuvres aux Presses de la cité.
En 1955, il rentre en France, puis s’installe en Suisse. Il mène une vie
de château.
Sa femme Denyse donne des signes de névrose et devient alcoolique.
En 1965, il vit avec son ancienne secrétaire.
Le 15 mai 1976, Marie-Jo, sa fille de 23 ans, qu’il a eue avec Denyse, fait une tentative de
suicide. Toute son enfance, elle a vécu en direct la descente aux
enfers de ses parents. La parution des mémoires de sa mère, Un
oiseau pour le chat, très impudiques à l'égard de son père, atteint
Marie-Jo de plein fouet. Le 19 mai 1978, elle se tire une balle dans
le cœur. Ses cendres sont dispersées, comme elle l'a demandé, au
pied du grand cèdre. Simenon lui érige un mausolée: il reprend la
plume pour écrire ses Mémoires intimes, tout aussi impudiques, où
le nom de Marie-Jo apparaît partout.
On découvre à Simenon une tumeur au cerveau ; il est opéré, puis décède peu après.
Sa dernière compagne, Teresa Sbulerin, enterre les cendres
de son compagnon, de nuit, le 4 septembre 1989, dans le jardin, au
pied d'un cèdre du Liban que Georges Simenon adorait. Au même
endroit se trouvaient déjà, depuis 1978, les cendres de sa fille MarieJo.
III. Une approche singulière du roman policier :
En 1920, on publiait les romans sous forme de feuilletons ; c’était un héritage du XIXième
siècle où des auteurs comme Alexandre Dumas ou Eugène Sue s’y étaient habilement illustrés.
La figure du héros du roman c’était le surhomme, justicier ; mais après les horreurs de la 1ière
guerre mondiale, on n’y croit plus.
Les auteurs vont alors se tourner vers le roman policier.
Gaston Leroux vers 1908 avait connu le succès avec « Le Mystère de la Chambre jaune », et
avait créé le personnage de Rouletabille. Mais le roman policier n’avait pas bien percé en France.
Toutefois en Angleterre, Sir Arthur Conan Doyle, en créant son personnage Sherlock Holmes,
connaissait le succès.
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A. L’invention de Maigret ou l’intrusion du réalisme dans
la littérature policière :
Simenon a doté le commissaire Maigret d’une teinte réaliste. Il va
s’intéresser profondément à l’âme de l’inspecteur et du malfaiteur.
Contrairement aux romans américains, Maigret ne se sert jamais d’une
arme à feu.
Simenon a su créer tout de suite un personnage, immédiatement
reconnaissable dès 1930.
Le cinéma a beaucoup fait pour la célébrité de Simenon. De
grands acteurs ont interprété Maigret : Gabin, Jean Richard, Michel
Simon, Bruno Crémer, Harry Baur …même un acteur japonais.
Maigret est un taciturne, un défenseur de l’ordre, mais n’en tire aucun avantage.
C’est l’anti-héros qui va connaître un immense succès. Il est discret, vulnérable, certaines fois
bougon ; il a aussi ses faiblesses.
Maigret, lui, n’a aucune méthode pour résoudre ses enquêtes. Mais il a un instinct sûr, une
empathie sincère avec ses personnages.
B. Maigret ou le freudien malgré lui : à propos des
analogies entre la méthode d’investigation de Maigret et
la démarche psychanalytique :
Dans les romans, il y a une impression de lenteur ; il y a des hésitations. C’est une sorte de
non méthode qui a plus d’un trait commun avec la psychiatrie et le psychanalyste.
« Les scrupules de Maigret » sont un exemple de sa non-méthode ; on pense à Freud et à son
« attention flottante ». Maigret cherche à établir un contact avec les protagonistes. Ici, le crime n’a pas
eu lieu. Il écoute, mais il ne pourra pas éviter le crime.
Les époux Xavier et Gisèle Marton se détestent. Jenny, la sœur de Gisèle, se prend d'affection
pour son beau-frère. Elle décide d'empoisonner sa sœur mais c'est Xavier qui ingère
malencontreusement le poison.".
Simenon s’intéresse autant aux relations visibles entre les personnages, qu’aux relations
inconscientes.
C. « La tête d’un homme » : une réécriture de « Crime et
châtiment » de Dostoïevsky :
Il s’établit un jeu du chat et de la souris entre Maigret et le véritable assassin, à l'exemple de
Raskolnikov et du juge Porphyre dans "Crime et Châtiment" de Dostoïevski.
IV. Le roman dur ou le roman de l’homme mis à nu :
A. Le roman « crise » : le roman de l’homme médiocre
existentiel
confronté au néant exi
stentiel :
C’est là où peut apparaître l’homme « nu » ; c’est la différence entre l’homme civilisé et
l’homme avec ses pulsions qu’il n’arrive plus à contrôler.
L’écriture, très simple et simplifiée encore, arrive à reproduire l’univers romanesque.
Le héros est assez pauvre mentalement, mais aussi sexuellement. Le héros est perdu dans cette
société de l’après-guerre, comme chez Céline ou Camus.
Les thèmes sont variés :
« La maison du canal » se situe dans le pays flamand,
« Coup de lune », au Gabon.
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Le même thème revient : le héros médiocre, confronté à ses misères.
Dans « Les fiançailles de M. Hire », Monsieur Hire se condamne à mort, car il ne pourra
aimer Alice, laquelle, se jouant de lui, arrivera à lui faire endosser le crime de son propre frère.
Autre thème : un voyage initiatique ne mène à rien, pas même au dépassement de soi.
B. L’ère romanesque du vide : le vide en soi, le vide entre
les êtres et le vide de l’existence :
Dans « Touriste de bananes », Simenon raconte l’histoire d’Oscar Donadieu parti vivre à
Tahiti.
Le thème : le touriste veut retrouver le paradis perdu qu’il idéalisait par un retour à la nature.
Simenon décrit :
Le vide en soi : son personnage ne sait pas ce qu’il veut.
Le vide entre les êtres : Donadieu et l’indigène
Le vide du monde : la nature est indifférente
Le vide existentiel.
C. L’échec passionnel ou l’amour à mort :
Dans la « Lettre à mon juge », Charles Alavoine, médecin marié, vient d'être condamné pour
le meurtre de sa maîtresse, meurtre sans raison apparente. Pour expliquer son geste, le narrateur écrit
une longue lettre à son juge d'instruction qu'il considère être le seul à pouvoir le comprendre.
Il raconte qu’un jour il a pris conscience du vide qui règne en lui. En tombant amoureux, il
s’aperçoit qu’avant, sa vie était vide.
Charles essaie d'effacer, avec l'aide de Martine, sa maîtresse qui désire oublier le passé, les
traces et les comportements issus de sa vie dissolue. Charles sombre dans une jalousie noire devant
l'impossibilité de ce projet, allant jusqu'à la battre, jusqu'à « tuer l'autre Martine ».
Quand on lit Simenon, on pense à Camus, à Dostoïevski. Il a toute sa place parmi ces grands
écrivains.
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