interview d`une femme dirigeante

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interview d`une femme dirigeante
INTERVIEW D’UNE FEMME DIRIGEANTE
Dans cette interview, Tina Ling, PDG Hays France et Luxembourg basée
à Paris, partage son expérience sur la mixité dans le monde du travail.
Elle évoque son ascension au sein de Hays et les étapes qu’elle a dû franchir
pour arriver à son poste de DG. Elle nous livre également son interprétation
des résultats de l’enquête en France.
a été la seconde spécialisation lancée
(en septembre 2001) et, aujourd’hui,
Hays France & Luxembourg recrute sur
25 spécialisations métiers à travers
16 bureaux et compte aujourd’hui plus
de 500 collaborateurs.
Quel est votre poste aujourd’hui ?
Je suis Présidente Directrice Générale
de Hays France et Luxembourg.
Parlez-nous de votre ascension
vers votre rôle actuel de DG, quels
sont les challenges que vous avez
dû relever ?
Quel a été votre parcours
chez Hays ?
J’ai commencé à travailler chez Hays
directement après l’obtention de mon
Master. J’ai d’abord été Consultante
au sein de la division BTP (Bâtiment
& Travaux Publics), puis j’ai été promue
au titre de Consultante senior et, par
la suite, Manager de bureau. J’ai alors
fusionné les bureaux de Croydon et
Bomley. L’étape suivante, et je ne vous
cache pas que ce fut un vrai challenge,
a été de lancer à partir de rien la
division « FM & Maintenance » pour
le secteur BTP à travers tout le
Royaume-Uni. Après cela, j’ai
remporté le 1er RPO pour le BTP avec
un client spécialisé dans le Facilities
Management, un compte parti de zéro
pour atteindre 4 millions de livres de
chiffre d’affaires la 1ère année !
En août 2000, je me souviens avoir
demandé à Dennis Waxman, ex-PDG
de Hays, pourquoi Hays n’était pas
encore présent en France.
Et dès janvier 2001, me voici à Paris
dirigeant une équipe de 5 personnes.
Nous avons commencé par lancer la
division BTP car il y avait une demande
massive sur le marché français.
La division « Finance & Comptabilité »
8 Hays Leading Women
Quand vous travaillez chez Hays, que
vous soyez un homme ou une femme,
tous les Consultants commencent au
même salaire et ont le même système
de commissionnement. Votre carrière
est donc très juste dès le début.
Lorsque vous travaillez dans le
recrutement, plus vous travaillez dur
plus vos commissions sont élevées.
C’est ce qui vous différencie de vos
collègues. Quand j’ai commencé en tant
que Consultante en BTP, rien ne pouvait
m’empêcher de progresser, cela ne
tenait qu’à moi. Même si le BTP était,
et l’est probablement encore
aujourd’hui, un secteur dominé par
les hommes, le succès que j’ai eu
n’était dû qu’à ma volonté de réussir.
Selon vous, il y a-t-il une différence
entre la façon dont un homme et
une femme progressent dans leur
carrière ?
Je pense que cela dépend plus de la
personne. Il est important d’être capable
d’équilibrer sa vie professionnelle et sa
vie personnelle et c’est très réalisable.
Je vois au quotidien de nombreuses
personnes réussir à concilier les 2.
C’est le cas de mes Managers de sexe
féminin qui ont des enfants. Dans mon
entreprise, 62% de mes effectifs sont
des femmes et la parité au sein de
mes Managers est respectée avec une
répartition équitable entre les deux
sexes. Comme je le disais, le plus gros
challenge pour les femmes est de
pouvoir trouver un équilibre entre leur
travail et leur famille. Un grand nombre
de mes Managers de sexe féminin sont
revenues travailler au 4/5e après avoir
eu des enfants. Il existe encore sûrement
cette idée reçue où l’on se dit qu’une
personne travaillant à temps partiel
aura des difficultés à évoluer dans sa
carrière. Vous l’aurez compris, je ne suis
pas du tout d’accord avec cette idée.
Pour moi cela dépend de l’individu et
je pense que même en étant à temps
partiel et en ne travaillant que 4 jours
par semaine, vous pouvez être aussi
productif qu’une personne travaillant
à temps complet. Tout dépend de la
personne et de son envie de réussir.
Avez-vous rencontré des obstacles
du fait que vous soyez une femme
dans votre carrière ?
Non, pas en particulier. Mais quand je
travaillais dans l’environnement du BTP,
il est vrai que j’ai dû redoubler d’effort
pour me faire une place, et sans doute
plus que si j’avais été un homme.
Peu importe le secteur dans lequel vous
travaillez, il est important d’être proche
des gens, de construire des relations de
confiance et de montrer la qualité de
votre travail.
Avez-vous des conseils pour les
femmes qui occupent ou qui visent
des postes de direction ?
Que nous l’aimions ou pas, le monde
du travail est encore dominé par les
hommes, et je pense que si nous
voulons réussir en tant que femmes,
nous devons être prêtes à nous battre.
Vous devez parler plus fort que les
autres et partager vos idées. La qualité
de votre travail est importante mais
vous devez également prendre en
considération chaque aspect de votre
poste et être pleinement intégrée dans
votre business. Homme ou femme, nous
devons tous faire nos preuves au sein de
notre entreprise.
En France, 39% des personnes
interrogées disent que leur
entreprise n’a pas de politiques
formelles sur la diversité en place
et 21% n’étaient pas sures. Selon
vous, quelles sont les implications
de ces statistiques ?
Je pense que toutes les entreprises
devraient mettre en place des
politiques en matière de mixité.
En France, c’est quelque chose dont
on ne parle simplement pas ou pas
assez, peut-être est-ce une différence
culturelle ?
Je suis partie du Royaume-Uni depuis
14 ans et ce qui m’a choqué quand
je suis arrivée en France était que
les candidats utilisaient toujours des
photos sur leurs CV ou encore que les
clients puissent exiger qu’on ne leur
présente que des candidats âgés de
30 à 35 ans. Cela devient heureusement
de moins en moins fréquent mais
ça montre bien que la diversité dans
le monde du travail a encore des
progrès à faire.
En France, parmi les sondés qui
indiquent que leur entreprise a
des politiques réglementaires sur
la mixité en place, 90% pensent
qu’elles sont bien/très bien
respectées. Cela implique-t-il que
les politiques sur la mixité sont
valorisées au sein des entreprises
françaises ?
Oui je pense que c’est le cas, lorsque
des politiques sur la mixité existent
au sein d’une entreprise, elles sont
généralement bien respectées.
Comme je l’ai dit, 62% de mes effectifs
sont des femmes et la parité au sein
de mes Managers est parfaitement
respectée avec une répartition entre
les 2 sexes de 50/50. La mixité est
primordiale pour le business car cela
permet de générer des idées originales,
de voir les risques et les opportunités
de différentes façons, et d’avoir un
business productif et sain.
Globalement, 48% des femmes
ne pensent pas qu’elles ont les
mêmes opportunités de carrière
que les hommes. En France, cette
statistique est plus élevée et
58% des femmes ne pensent pas
avoir les mêmes opportunités de
carrière que les hommes.
Qu’en pensez-vous ?
J’ai été surprise par ce pourcentage
élevé. Le code du travail est bien plus
protecteur en France pour les salariés
qu’au Royaume-Uni. Il est beaucoup
plus difficile de licencier quelqu’un qui
est en CDI en France. Les femmes ont
droit à un congé parental (la durée
dépend d’elles et de leurs employeurs)
qui leur permet de réintégrer
l’entreprise à un poste équivalent.
C’est également le cas au Royaume-Uni
ainsi que dans de nombreux pays.
Ce sentiment que ces 58% de françaises
interrogées ont de ne pas avoir les
mêmes opportunités professionnelles
que les hommes est sûrement dû à une
différence culturelle.
En 2014, une nouvelle loi sur l’égalité
entre les sexes au sein des conseils
d’administration des entreprises
françaises de +500 salariés (qu’elles
soient cotées ou non) a été votée.
Elle sera applicable au 1er janvier 2017
et s’étend jusqu’en 2020 pour les
entreprises de taille intermédiaire
(ETI), non cotées de moins de 500
salariés. Elle maintient l’obligation
de féminisation des conseils
d’administration à hauteur de 40%.
Cependant, la très faible proportion
de femmes au sein des conseils
d’administration est toujours une
grande problématique en France.
Notre division « Executive », qui
s’occupe des postes Senior, nous
indique que 20% des candidats placés
dans les fonctions Executive ces
2 dernières années étaient des femmes.
Ces postes étaient majoritairement
dans les secteurs financiers et RH.
Ceci est un autre facteur qui pourrait
influencer les 58% de femmes qui
pensent ne pas avoir les mêmes
opportunités de carrière que les
hommes.
45% des femmes interrogées
croient que les hommes et les
femmes sont rémunérés de
manière égale, alors que les
hommes le pensent à 76%. Cette
tendance vous surprend-elle ?
Je pense que tout dépend de
l’entreprise. Chez Hays, les salaires fixes
de nos consultants sont les mêmes et
c’est également le cas pour les salaires
fixes de mes Directeurs. C’est alors la
partie variable qui créé les différences.
Ce n’est donc pas votre sexe ou votre
nationalité mais votre travail, votre
mérite et vos capacités qui ont une
incidence sur votre rémunération.
Nous avons un système de
rémunération très égal et juste
chez Hays mais cela n’est peut-être
pas le cas au sein d’autres entreprises
dans d’autres secteurs. Comme je l’ai
indiqué précédemment, j’ai rejoint Hays
directement après mes études et je n’ai
pas connu d’autres entreprises mais ce
système de rémunération égal et juste
me paraît être tout à fait normal et je
dirai même logique.
Les sondés français de moins
de 25 ans ont moins tendance
à penser qu’il y a une inégalité
des salaires selon le sexe.
Qu’en pensez-vous ?
La Génération Y a une attitude quelque
peu différente de celle des générations
précédentes. Elle voit les choses
différemment. Chez Hays, tous les
Consultants commencent avec le même
salaire de base, ils sont tous égaux quel
que soit leur sexe. De mon point de
vue, cela est donc « normal » que les
personnes de moins de 25 ans pensent
de cette manière-là.
Globalement, les personnes
interrogées (hommes et femmes)
pensent qu’autoriser des pratiques
de travail plus flexibles et des
changements culturels au sein
de leur entreprise à travers la
formation par exemple serait
très bénéfique pour la mixité
dans le monde du travail.
Quelle est votre opinion ?
Je pense que la seule façon de
changer les choses est que cela vienne
du business, via des initiatives RH
par exemple. Si la culture de votre
entreprise promeut des opportunités
égales et un environnement de
travail impartial, cela impactera
immanquablement la mixité,
dans le bon sens du terme.
Des pratiques de travail plus flexibles
sont également très importantes.
En France, nous donnons 1 jour de
congé si votre enfant est malade, et
ce, afin que le père ou la mère puisse
s’en occuper. Il s’agit d’un avantage
supplémentaire qui est très apprécié
par les employés. Dans certaines
limites, des horaires flexibles peuvent
être positifs. Mais si vous gérez
une équipe importante et que cela
engendre un manque de supervision
managériale, cela peut également avoir
un impact négatif. Il faut donc savoir
équilibrer ces pratiques.
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