Disomie uniparentale (DUP)

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Disomie uniparentale (DUP)
Disomie uniparentale (DUP)
La disomie uniparentale (DUP) se définit par la présence chez un individu de deux chromosomes homologues issus du même parent.
Si l’individu hérite de deux chromosomes de l’un de ses
parents, on parlera d’hétérodisomie uniparentale. S’il
hérite de l’un de ses parents de deux copies du même
chromosome, on parlera d’isodisomie uniparentale.
Dans tous les cas, il n’y a donc pas de contribution
biparentale pour une paire de chromosomes.
Mécanismes conduisant
aux disomies uniparentales
Les mécanismes sont théoriquement divers, mais trois
d’entre eux semblent les plus probables. Il s’agira :
• soit d’une complémentation gamétique, c’est-à-dire la
fécondation d’un gamète nullisomique par un gamète
disomique pour le même chromosome. Ce mécanisme
est rendu probable par le taux élevé d’aneuploïdie
observé dans les gamètes humains ; il s’agit dans ce
cas d’une hétérodisomie ;
• soit de la correction d’une monosomie chez un zygote
par duplication d’un chromosome, ce zygote résultant
de la fécondation d’un gamète normal (monosomique) par un gamète nullisomique pour un chromosome donné ; il s’agit toujours dans ce cas d’une
isodisomie ;
• soit de la correction d’une trisomie chez un zygote
issu de la fécondation d’un gamète normal (monosomique) par un gamète disomique pour un chromosome donné. Cette correction restaure le statut
disomique du zygote et, une fois sur trois, conduira à
une disomie uniparentale, si la correction est précoce.
Dans le cas d’une correction tardive, ce mécanisme
pourra se traduire par la persistance de la lignée trisomique confinée au placenta (en mosaïque ou non).
Conséquences cliniques
des disomies uniparentales
Des disomies uniparentales ont été décrites pour
presque tous les chromosomes, mais avec des conséquences cliniques diverses, selon le mécanisme et le
chromosome impliqué. Certaines d’entre elles semblent
n’avoir aucun retentissement, comme cela semble le cas
pour les chromosomes 13 et 22.
Les conséquences phénotypiques d’une disomie uniparentale peuvent découler de deux mécanismes :
• soit elle révèle une pathologie autosomique récessive,
s’il s’agit d’une isodisomie concernant un chromosome portant un gène muté, comme cela a été décrit
de manière exceptionnelle pour un cas de mucoviscidose (isodisomie du chromosome 7) ;
• soit elle affecte le développement, si le chromosome
concerné porte des gènes soumis à empreinte
parentale.
Si la très grande majorité des gènes s’expriment indifféremment chez un individu selon qu’ils sont portés par
le chromosome d’origine paternelle ou maternelle, pour
certains d’entre eux, l’origine parentale du chromosome
qui les porte est essentielle ; ils sont alors dits « soumis
à empreintes parentales ». À ce jour, on estime à plus
d’une centaine le nombre de ces gènes qui ne s’exprimeront que s’ils sont portés par le chromosome maternel
pour certains, paternel pour d’autres. Environ quarante
sont identifiés de façon précise ; ils concernent en particulier les chromosomes 6, 7, 11, 14 et 15.
Disomies uniparentales reconnues
— DUP paternelle du chromosome 6
L’isodisomie du chromosome 6 est la plus fréquente des
DUP d’origine paternelle. Dans tous les cas rapportés
ou presque, la présence d’un diabète néonatal transitoire est décrite, en association le plus souvent avec un
retard de croissance intra-utérin et une macroglossie
durant la période prénatale.
Ce diabète néonatal qui se corrige en 18 mois environ
serait peut-être en relation avec l’expression accrue du
gène ZAC (zinc finger protein associated with apoptosis and cell cycle arrest).
— DUP maternelle du chromosome 7
C’est la plus fréquente des disomies uniparentales,
après celles impliquant le chromosome 15. Il s’agit le
plus souvent d’une hétérodisomie responsable de 10 %
des cas de syndrome Russell-Silver associant retard de
croissance intra-utérin, dysmorphie faciale et petite
taille en période postnatale.
Le gène GRB10 semble être un bon candidat dans la
pathogenèse de cette maladie et semble être impliqué
dans la régulation de la croissance.
— DUP paternelle du chromosome 11
Elle est en cause dans environ 20 % des syndromes de
Beckwith-Wiedemann ; il s’agit d’un syndrome caractérisé par un excès de croissance avec organomégalie,
macroglossie et autres malformations, et qui prédispose
à certaines tumeurs (tumeur de Wilms notamment).
Il s’agit toujours d’une isodisomie partielle, souvent en
mosaïque, intéressant uniquement la région 11p15 du
chromosome. Deux gènes majeurs soumis à empreinte
sont situés dans ce segment ; il s’agit des gènes IGF2
(insulin-growth factor 2) et H19.
— DUP maternelle du chromosome 14
La majorité de ces disomies a été retrouvée chez des
sujets porteurs de translocations robertsoniennes
(13;14), (14;14) ou (14;21). L’expression clinique peut
être extrêmement variable, associant à divers degrés
retard de croissance intra-utérin, hypotonie néonatale,
discrète dysmorphie faciale, scoliose, mais pouvant être
tout aussi bien asymptomatique.
— DUP paternelle du chromosome 14
Le tableau clinique est plus sévère que le précédent,
incluant retard mental sévère, anomalies squelettiques,
dysmorphie faciale et scoliose. Il s’agit toujours de cas
présentant une translocation robertsonienne ou un isochromosome 14.
— DUP paternelle ou maternelle
du chromosome 15 (voir Angelman et Prader-Willi)
Indications et modalités de recherche
Selon les recommandations de l’American College of
Medical Genetics, une disomie uniparentale devrait être
recherchée devant les situations suivantes :
• fœtus présentant une trisomie complète en mosaïque
pour les chromosomes 6, 7, 11, 14 ou 15 au niveau
des villosités choriales ou du liquide amniotique ;
• fœtus porteur d’une translocation robertsonienne
impliquant les chromosomes 14 ou 15, qu’elle soit de
novo ou héritée ;
• fœtus présentant des anomalies échographiques évocatrices d’une DUP avec ou sans anomalie chromosomique associée ;
• nouveau-né ou enfant présentant un diabète néonatal ;
• enfant présentant de multiples anomalies congénitales, retard de croissance ou retard mental et porteur
d’une translocation robertsonienne impliquant les
chromosomes 14 ou 15 ;
• enfant présentant les signes cliniques du syndrome de
Russell-Silver ;
• enfant suspect de syndrome de BeckwithWiedemann à caryotype normal et sans duplication
de la région 11p15.5 en hybridation in situ ;
• patients présentant les signes cliniques d’un syndrome
de Prader-Willi ou d’Angelman avec anomalie de la
méthylation.
La recherche d’une disomie uniparentale est relativement simple à réaliser. Elle consiste en une analyse comparative entre le cas index et ses parents de différents
marqueurs polymorphes de type STR (short tandem
repeat) localisés sur le chromosome d’intérêt.
Après amplification génique à l’aide d’amorces portant
divers fluorophores, les produits de la réaction sont étudiés sur des analyseurs de séquences au moyen de logiciels adaptés aux analyses de fragments.
Une disomie uniparentale sera affirmée lorsqu’au moins
deux marqueurs informatifs montrent l’absence de
contribution biparentale.
☞
(
Angelman (syndrome d’), Prader-Willy (syndrome de)
Kotzot D, Utermann G.
Uniparental disomy (UPD) other tan 15 : phenotypes and bibliography
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