quels plans de secours pour quelles menaces terroristes

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quels plans de secours pour quelles menaces terroristes
QUELS PLANS DE SECOURS POUR
QUELLES MENACES TERRORISTES
Médecin en chef Claude FUILLA1
Le terrorisme a franchi un seuil historique et changé d’échelle le 11 septembre 2001. Il a provoqué un
traumatisme aux États-Unis, l’opération militaire en Afghanistan qui a renversé le régime des
Talibans, la fragilisation du Pakistan et, indirectement, la guerre en Irak.
Les attentats de 2001 et ceux qui ont suivi, en Europe notamment (Madrid 2004, Londres 2005), ont
marqué un tournant dans l’ampleur, la diffusion, les modes opératoires et l’efficacité des réseaux
terroristes.
Le terrorisme est devenu capable de frapper au cœur de tous les pays, à une échelle de violence sans
précédent, avec un degré de préparation internationale et d’intensité dans l’action jamais atteint
auparavant par des groupes terroristes.
Cette radicalisation de la violence à l’échelle mondiale en fait l’une des menaces majeures pour les
années à venir. Elle impose une transformation des stratégies de défense et de sécurité.
Le Livre Blanc sur la Défense et la Sécurité Nationale
2008
La réponse institutionnelle à cette menace doit donc évoluer, il est de même de l’organisation
des secours face à un attentat.
Pour bien appréhender la complexité, le caractère multimodal et sans cesse évolutif de cette
menace, il convient tout d’abord de recenser aussi bien les facteurs aggravants en terme de
morbi/mortalité des victimes que les facteurs contraignants en terme d’engagement des
secours. Cette réflexion nous amène tout naturellement à recueillir, à exploiter les
enseignements et à tenter de s’adapter à cette menace protéiforme en perpétuelle évolution, en
actualisant les plans de secours tant dans la doctrine, la stratégie et que la tactique
opérationnelle.
L’évolution historique du terrorisme :
Le terrorisme moderne, tel que nous le connaissons, avec son exploitation médiatique, est
apparu au début des années 60, son acte fondateur a eu lieu le 22 juillet 1968 par le
détournement d’un Boeing 707 d’El Al Rome –Tel Aviv.
Les vagues d’attentats parisiens des années 80 et 90, étaient liées à un terrorisme qui reposait
plus ou moins sur des structures étatiques, terrorisme appelé le Terrorisme Organisation Ecran
(T.O .E.). Ce terrorisme avait pour but, en particulier, de faire infléchir la politique étrangère
de la France au Moyen Orient. Ces attentats servaient en quelque sorte « de moyens de
négociation ». Ils étaient donc « titrés ». En conséquence, leur effets destructeurs (bien que
meurtriers) étaient limités et allaient crescendo, suivant une logique de gain politique. Le
nombre de victimes, et en particulier le nombre d’UA, était limité ; et il était relativement aisé
de confier chaque UA à une équipe de réanimation pré-hospitalière.
1
Médecin-chef de la Brigade de Sapeurs Pompiers de Paris 1 place Jules Renard 75017 Paris
1
Mais depuis le début des années 90, les terroristes laïcs ont fait place à des terroristes
religieux qui s’en prennent à des citoyens occidentaux, aux agents et aux symboles de la
laïcité dans leur propre pays et qui, de plus en plus, exportent leurs campagnes de violence.
Nous sommes maintenant en présence d’une nébuleuse terroriste complexe, floue, qui ne
repose plus seulement sur des structures étatiques qui caractérisaient les terroristes du passé,
mais qui obéit à des logiques transverses.
Les démocraties sont, par leur nature même, vulnérables aux attentats terroristes. Les
technologies de pointe, les progrès dans le domaine des communications et les moyens de
transport modernes mettent à la disposition des terroristes des « fenêtres de vulnérabilité »
qu’ils peuvent exploiter pour commettre leurs actes de violence quel que soit l’endroit. Les
bouleversements géopolitiques faisant suite à l’effondrement du mur de Berlin, qui avaient
pourtant suscités de grands espoirs, ont au contraire multiplié les dangers qui menacent les
gouvernements des démocraties. La disparition de la rivalité qui opposait les deux anciennes
superpuissances et disciplinait le reste du monde a déstabilisé des régions entières, soumises à
l’intense pression de revendications nationalistes et religieuses qui ont parfois abouti à la
déliquescence des états.
Le 11 septembre 2001, les règles du jeu ont fondamentalement changé en raison de la
solidarité des pays occidentaux face à la menace islamiste intégriste.
Certains États continuent de financer le terrorisme et d’assurer aux groupes terroristes le
soutien logistique dont ils ont besoin. Il y a toujours des camps où s’entraînent des terroristes
dans les zones grises d’Asie, du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord. Les terroristes ne
cessent d’améliorer leurs méthodes, tant sur le plan technique qu’en ce qui concerne
l’exploitation de l’opinion publique et des médias. Ils sont extrêmement mobiles, les moyens
de communication modernes n’ont aucun secret pour eux, ils savent manipuler les explosifs et
utiliser des ordinateurs (voire des avions), et ils ont tissés des liens partout dans le monde. Il
est difficile de prévoir où et quand ils frapperont et quelles seront leurs cibles. S’il est vrai que
la technologie a toujours fait partie de l’arsenal terroriste, Internet facilitent aujourd’hui les
échanges et leur permettent de joindre un auditoire plus vaste. De plus, l’immense intérêt que
suscitent les terroristes dans les médias a favorisé la diffusion d’images de leurs attentats bien
au-delà de l’endroit où ceux-ci sont perpétrés, ce qui fait apparaître, de manière artificielle, la
lutte des musulmans intégristes contre les puissances occidentales comme la revanche des
pays pauvres face aux pays industrialisés.
Si la plupart des experts considèrent les attentats du 11 septembre 2001 comme le point de
passage à l’hyperterrorisme; les attentats qui les ont précédés, en particulier ceux qui ont
frappé en août 1998, les ambassades US au Kenya et en Tanzanie, voire le premier attentat
raté du World Trade Center en 1993, constituaient déjà les premiers indicateurs de nouveaux
modes opératoires terroristes. Ils sont caractérisés par une simultanéité d’actions parfois
situées dans des Etats différents touchant aussi bien des sites sécurisés que des
infrastructures propres aux grandes mégalopoles : gares multimodales, vecteurs de
transports en commun, … A la complexité du (des) site(s) choisi(s), vient s’ajouter un effet
destructeur majeur lié à l’emploi d’explosifs, certes artisanaux mais à haut pouvoir de
destruction2.
2
Les bombes sont de plus en plus perfectionnées, fiables et le rapport poids/puissance est sans cesse amélioré.
Le mélange nitrate ammonium/fioul reste redoutable, comme le TATP (Tripéroxyde de Tricycloacétone ou
Péroxyde d’acétone) qui compose les ceintures d’explosifs, ou l’obtention d’un effet fuel/air explosive lors de
l’explosion d’un camion citerne (attentat de la synagogue de Djerba, le 11 avril 2002)
2
Réflexions sur des menaces futures :
A l’heure actuelle, la forme la plus pernicieuse, la plus organisée et la plus élaborée de
la menace concerne essentiellement le terrorisme d’origine islamique pratiqué dans le
cadre du Djihad régional ou mondial. Toutefois, il convient de ne pas négliger le
risque découlant des agissements de groupes minoritaires (sectes religieuses,
mouvements de contestation sociétaux [les altermondialistes, les antipub, les anti
marques, les @busters, les éco terroristes, les animalistes, les anti-avortement, , …])
qui faute de caisse de résonnance et en quête de publicité, pourraient ne pas hésiter à
recourir à des actions radicales et spectaculaires. Le passage à l’action violente de ces
groupuscules est non négligeable par la fusion des menaces, qui pourrait avoir lieu
par :
connexion terroristes / criminalité, pour l’approvisionnement en « armes » ;
connexion terroristes / mouvements contestataires ; pour l’action.
Enfin, il perdurera, encore et toujours, la manipulation de groupes terroristes par des
États à des fins de stratégie régionale (terrorisme d’organisation écran).
Les nouveaux risques actuels :
Le Cyberterrorisme :
La dépendance accrue des États à l’égard des communications par ordinateur et des
technologies informatiques contribue à créer un monde où des conflits pourraient être
menés dans le cyberespace et des attentats perpétrés contre l’infrastructure
d’information d’un État. Si de simples pirates adolescents peuvent réussir à
compromettre l’intégrité de réseaux, en utilisant seulement leurs connaissances de
base et des outils obtenus sur Internet, il est inquiétant d’imaginer ce que pourraient
accomplir des groupes ou des États terroristes hautement motivés et dotés de
ressources beaucoup plus importantes.
L’hyperterrorisme :
L’hyperterrorisme est un néologisme désignant un type de terrorisme se caractérisant à
la fois par un objectif de destructions massives, et par une maîtrise technologique
rendant réalisables des destructions à grande échelle. En fait l’hyperterrorisme peut
prendre un aspect « conventionnel » de type attentat majeur ou attentats multi sites ou
« non-conventionnel » de type NRBC.
Cependant, même si la technologie est de plus en plus accessible, les terroristes
continuent, à l’heure actuelle, de privilégier les armes conventionnelles lors de leurs
attentats.
L’expérience du 11 septembre 2001 (World Trade Center 2700 morts – Pentagone :
189 morts), de l’attentat de Bali le 12 octobre 2002 (202 morts), de l’attentat de
Madrid le 11 mars 2004 (190 morts – 1900 blessés dont 200 UA), de l’attentat de
Londres le 7 juillet 2005 (56 morts – 800 blessés dont 70 UA) et enfin de l’attentat de
Mumbaï (Inde) le 11 juillet 2006 (200 morts – plus de 700 blessés) nous font penser
que le(s) prochain(s) attentat(s), dans une (voire plusieurs) grande(s) ville(s)
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occidentale(s) et au même moment, sera(ont) majeur(s) soit sur un seul site soit
réparti sur plusieurs sites.
L’importance du nombre des victimes va entraîner la saturation rapide des équipes
médicales, en particulier en raison du nombre élevé de blessés graves ; et
l’engorgement des hôpitaux de proximité, rendant aléatoire la prise en charge des plus
gravement atteints. De même, l’importance numérique des blessés plus légèrement
atteints contribuera à neutraliser les capacités de traitement et d’évacuation des
équipes de secours.
Le terrorisme NRBC :
Si la primauté a été, pour l’instant au terrorisme conventionnel, il est à craindre que
les groupes terroristes réussissent à se procurer des agents chimiques, bactériologiques
ou radionucléaires. Ainsi, depuis l’attentat au sarin commis en mars 1995 dans le
métro de Tokyo, la menace d’utilisation d’armes NRBC est de plus en plus prégnante.
Une vaste gamme d’agents chimiques et biologiques susceptibles de causer la mort,
dont divers insecticides, des produits chimiques industriels et de puissantes toxines
comme le ricin, peuvent être relativement faciles à fabriquer ou à obtenir. Certains
agents pathogènes meurtriers peuvent être récoltés dans la nature ou encore « cultivés
chez soi » avec un matériel relativement simple et des connaissances limitées. Il est
toujours possible de voler des agents meurtriers dans des installations de recherche
civiles ou des stocks militaires. Il n’est pas inconcevable non plus que les États qui
appuient le terrorisme, et qui pour la plupart, ont des programmes actifs de production
d’armes de « destruction massive », soient disposés à fournir délibérément à des
terroristes des armes ou des substances chimiques, biologiques ou radionucléaires.
•
Les « armes » biologiques :
Il peut s’agir de bactéries (tel l’anthrax), de virus (tel la variole) ou de toxines (tel
la ricine ou la toxine botulique).
Les scénarii possibles de menace terroriste de nature biologique sont
classiquement les suivants :
L’envoi de colis ou lettres piégés ;
La dispersion d’un aérosol à partir d’un engin volant ou explosant au dessus
d’une cité ;
L’aérosol dispersé dans un lieu public ;
Le commando kamikaze infecté, entrant en contact avec un grand nombre de
personnes ;
La contamination d’aliments ou de réseau d’eau ;
Le sabotage d’un laboratoire P4.
•
Les « armes » chimiquess :
Il peut s’agir de de toxiques industriels (tel le chlore, le phosgène, le cyanure, …)
ou de toxiques dits « militaires » (tel l’Ypérite, les neurotoxiques
organophosphorés, …)
La possibilité d’acquisition peut se faire par différents modes :
La fabrication locale (comme lors de l’attentat de Tokyo);
L’achat via la criminalité transnationale ou la cession par l’intermédiaire d’un
état-voyou ;
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Le sabotage d’un site de stockage ou de production ;
L’attentat visant un Transport de Matières Dangereuses.
•
Les « armes » radio-nucléaires :
Il peut s’agir de produits radioactifs sous forme de poudres ou de liquides ou de
sources scellées radioactives d’origine médicales ou industrielles. Bien que peu
probable, il est toujours à redouter l’utilisation du potentiel radioactif d’une
centrale nucléaire ; de détourner une arme nucléaire voire de la fabriquer.
La saisie de matières fissibles sur le marché noir en Europe, en particulier de l’Est,
au cours des dernières années, a conféré une nouvelle crédibilité à cette menace.
En effet, fin septembre 2004, un homme a été arrêté au Kirghizstan en possession
de 60 conteneurs de Plutonium239 …… Mais est-ce un cas isolé ? Plusieurs
exemples montrent qu’il n’en est rien :
Décembre 1994 : Saisie à Prague de 2,722Kg d’U235 à 87,5% et arrestation
d’un scientifique Tchèque ;
Avril 1995 : 4 conteneurs de 2Kg contenant de l ’Américium241 et du Cs137
volés en Pologne ;
Novembre 1995 : 32 Kg de Cs137 retrouvés dans un parc en Russie.
Proviendrait de l’hôpital Budyonovsk aux mains des rebelles tchétchènes ;
Décembre 1995 : Les russes arrêtent 9 personnes qui cherchaient à vendre de
l’U235 provenant du Kazakhstan ;
Juillet 1998 : 4 trafiquants arrêtés à Bakou en train de vendre un conteneur de
césium d’origine militaire ;
Mars 2000 : les tchétchènes menacent d’utiliser des matériaux nucléaires
entreposés à 30 Km de Groznyï. ;
Juillet 2001 : à Paris, arrestation de 2 trafiquants avec 5 g d ’U235 à 80% de
qualité militaire, aurait été volé dans un centre de recherches ou un centre de
démantèlement de sous-marins ;
Octobre 2001 : Procès des terroristes soupçonnés des attentats du Kenya et de
Tanzanie : un des accusés raconte avoir été chargé de se procurer de
l ’Uranium.
…….
Début mars 2007, Le chef des services de recherche nucléaire de la République
Démocratique du Congo (RDC), a été arrêté après le vol de plusieurs barres
d'uranium au sein du centre régional de l'énergie atomique (centre qui a servi à
fabriquer des bombes américaines). Il est à noter que cet arsenal suffit
amplement à fabriquer une bombe sale. Enfin, pour mémoire, cohabitent à
Kinshasa, le H'zbollah et les ambassades iraniennes et nord-coréennes.
Les scénarii possibles de menace terroriste de nature radionucléaires sont
classiquement les suivants :
L’épandage dans un lieu de passage ou dissémination de substances
radioactives dans la ventilation d’un établissement recevant du public, dans la
nourriture ou dans les eaux de boissons ;
La dissémination de sources radioactives telle le Cs137 - Ir192 ;
La dispersion de grandes quantités de radioactivité par explosion d’une bombe
conventionnelle (Dirty Bumb) ;
Le sabotage ou l’attaque aérienne du bâtiment d’un réacteur nucléaire (Deux
hommes soupçonnés d’avoir préparé un sabotage dans une centrale nucléaire
5
du sud-est de la Suède ont été arrêtés par la police le 21 mai 2008, après que
l’un d’eux a tenté d’entrer dans le bâtiment avec de petites quantités d’un
explosif puissant [TATP]).
Le détournement d’une arme nucléaire. Le vol d’une arme nucléaire intacte
n’est pas considéré comme potentiellement possible, étant donné les mesures
de sécurité rigoureuses adoptées par la plupart des États dotés de telles armes,
quoique l’instabilité politique et la dégradation de la situation socioéconomique dans certains de ces États, dont ceux de l’ex-Bloc soviétique,
puissent susciter certaines préoccupations. À cet égard, les armes nucléaires
tactiques, dont les dispositifs de sécurité pourraient être plus facilement
trafiqués, suscitent davantage de préoccupations que les armes nucléaires
stratégiques.
Le terrorisme radiologique, c’est-à-dire la dispersion de matières radioactives dans
le but de contaminer l’air ou l’eau ou de rendre inutilisable une installation ou un
secteur donné, représenterait la menace la plus probable de terrorisme
radionucléaire. Les matières radioactives qui pourraient être utilisées pour causer
une telle contamination se trouvent dans une vaste gamme d’installations
relativement peu sécurisées, comme les hôpitaux, les laboratoires médicaux et de
recherche, les universités, …. La gravité intrinsèque de la contamination serait
certainement beaucoup moins importante qu’on ne le croit généralement, mais
étant donné l’inquiétude que le radionucléaire sous toutes ses formes suscite
largement dans le public, la simple menace d’utiliser des matières radioactives
pourrait être un outil puissant aux mains de terroristes.
•
Terrorisme NRBC mythes ou réalité ? :
Des terroristes ont déjà utilisé des agents chimiques et biologiques, mais de façon
limitée. Si de nombreuses menaces, non corroborées, de faire exploser un
dispositif radionucléaire ont été proférées ; il y a eu au moins un cas signalé
d’utilisation de matières radiologiques, bien que de façon très limitée (une capsule
de césium a été déposée dans un parc de Moscou par des rebelles tchétchènes en
novembre 1995). Néanmoins, même si la menace est largement médiatisée, peu de
terroristes ont vraiment tenté de faire de grands nombres de victimes civiles en
utilisant des agents chimiques, biologiques, radiologiques ou nucléaires. Font
toutefois exceptions, la contamination de 750 personnes (dont aucune n’est
décédée) au moyen du bacille de la typhoïde par la secte Rajneesh en Orégon en
1984 et les diverses tentatives de la secte Aum Shinri Kyo, qui s’est servie
d’agents chimiques et biologiques, dont les plus « réussies » ont fait 7 morts et 270
intoxiqués à Matsumoto, et 12 morts et 5 500 intoxiqués à Tokyo.
Certains groupes terroristes traditionnels continueront probablement d’éviter ces
armes, notamment parce qu’ils les connaissent mal ou estiment leur utilité
politique douteuse, mais le risque que d’autres terroristes utilisent des armes
chimiques, biologiques, radiologiques ou nucléaires est croissant, étant donné les
tendances actuelles caractérisées par :
l’augmentation du nombre des attentats aveugles, en général plus meurtriers
tels les attentats à la bombe du 11 septembre 2001 ;
la prolifération mondiale des armes nucléaires, biologiques et chimiques, ainsi
que des substances, des connaissances et des technologies connexes,
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notamment la disponibilité de l’expertise en matière de substances et d’armes
provenant de programmes d’États existants ou disparus;
l’augmentation de la violence interethnique et d’inspiration religieuse, qui
s’accompagne d’une diminution du nombre des interdits d’ordre humanitaire.
L’intérêt des terroristes pour l’utilisation des armes NRBC a beaucoup progressé
depuis l’attentat dans le métro de Tokyo. De nombreuses informations selon
lesquelles plusieurs groupes terroristes internationaux traditionnels, dont le
Hezbollah, Al Qaïda au Magrheb Islamique (ex GSPC), le Jihad islamique
égyptien, le Hamas, des terroristes sikhs et tchétchènes, le Parti des travailleurs du
Kurdistan (PKK), les Khmers rouges et les Tigres libérateurs de l’Eélam Tamoul
(TLET), manifestent un intérêt nouveau ou renouvelé pour ces armes. Ces
informations sont habituellement assez vagues et ne sont pas toutes
particulièrement crédibles, mais la tendance est inquiétante. De nombreuses
informations ont confirmés que la nébuleuse terroriste recherchait activement des
armes chimiques, biologiques et nucléaires qu’il projette d’utiliser contre des
cibles occidentales. Les troubles US en Irak ont été l’objet d’attaque à la chlorine.
Il est impossible d’évaluer, avec précision, le risque qu’un attentat terroriste
commis au moyen de substances chimiques, biologiques, radiologiques ou
nucléaires fasse un grand nombre de victimes ; mais les obstacles techniques à la
perpétration d’un tel attentat ne sont nullement insurmontables.
Malgré l’attention accrue accordée à la menace depuis l’attentat de Tokyo, la
société demeure très vulnérable à de tels attentats, dont les conséquences
pourraient être exceptionnellement déstructurantes.
Même les canulars, de plus en plus nombreux et de plus en plus crédibles, peuvent
perturber énormément la société et, dans certains cas, permettre même aux
terroristes d’atteindre leurs objectifs sans même commettre de véritables attentats.
Le risque de sur-attentat :
Le dimanche 8 juin 2008, deux bombes ont explosé dans une gare ferroviaire en
Kabylie, à 110 km à l'est d'Alger, cet attentat fit 13 morts, dont un ingénieur français.
La seconde bombe, fut actionnée vraisemblablement à distance, elle a explosé, au
moment de l'arrivée des secours et des forces de sécurité. Huit militaires et trois
pompiers ont été tués dans cette seconde explosion. Cet exemple très récent, corroboré
aux expériences israéliennes, nous incite à prendre en compte le risque de sur-attentat
lors de l’engagement des secours. Sur-attentat qui peut être intentionnel (comme
l’attentat sus-décrit), voire « accidentel » (à Madrid, deux bombes n’avaient pas
explosé dans les trains).
Quelles réponses en terme d’organisation des secours face à l’hyperterrorisme ? :
Face au risque d’attentats multiples :
Les terroristes recherchent l’exploitation médiatique des vulnérabilités dans les
systèmes de secours par :
La saturation des équipes médicales;
L’engorgement des hôpitaux de proximité;
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Les délais pour l’évacuation de l’ensemble des blessés;
La complexité de l’organisation sur sites.
L’objectif est donc l’efficience de la réponse dans l’organisation des secours, afin
de casser la « surenchère médiatique terroriste » et souligner la résilience de l’Etat.
Face au risque d’attentats multiples, et après analyse des attentats de Londres et de
Madrid, nous sommes convaincus que les secours doivent adapter leur réponse
opérationnelle. La stratégie d’organisation doit intégrer la notion d’afflux de victimes,
d’attaques multi-sites, de sur-attentat et de levée de doute NRBC et reposer sur une
réponse globale incluant, certes les moyens de secours médicaux pré hospitaliers
(sapeurs pompiers et SAMU), mais également celle des structures hospitalières
régionales.
Le plan rouge doit être adapté, tant sa conception que dans sa finalité :
L’organisation du commandement doit avoir pour objectifs :
L’anticipation;
L’adaptation;
La réactivité;
La réversibilité.
Les objectifs opérationnels sont clairement définis :
L’appréciation rapide de la situation (la nature de l’agression, le nombre de sites
touchés, le nombre de frappes, la levée de doute NRBC et enfin le bilan
numérique approximatif des victimes);
La constitution précoce d’une réserve « stratégique »;
La hiérarchisation des différents sites et l’identification de l’axe d’effort
(fonctionnel et géographique) conséquence de l’exploitation rapide de
l’information;
Le contrôle du niveau de dégradation de la couverture opérationnelle des secours.
L’organisation des secours sur plusieurs sites nécessitera obligatoirement un processus
de « Command and Control » caractérisé par :
L’unicité de commandement ;
La coordination des différents acteurs de secours ;
La centralisation précoce de l’information afin que la coordination se fasse de
manière globale sous la direction du couple COS/DSM (de l’ensemble du
dispositif), en relation avec le COZ (Centre Opérationnel Zonal) et le SAMU zonal
afin de, respectivement, demander et acheminer les renforts médicaux et non
médicaux et faire l’interface avec le Plan Blanc interdépartemental ;
L’organisation délocalisée sur site sous la direction d’un couple COS/DSM
(local).
La stratégie de prise en charge médicale sur site doit être repensée :
En effet, si l’organisation des secours de type Plan Rouge classique est
particulièrement adapté aux Accidents Catastrophiques à Effets Limités (ACEL), elle
n’est plus adapté à ce que l’on peu dénommé Accidents Catastrophiques à Effets
Majeurs (ACEM). Dans le cadre d’un ACEL, l’organisation médicale des secours
repose sur un triage binaire des victimes en Urgences Absolues (UA) et Urgences
Relatives (UR). Le principe de prise en charge se caractérise par la mise à disposition
d’une équipe médicale par UA avec placement hospitalier sélectif pour chaque victime
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de cette catégorie. Les UR étant fractionnées afin de les confiés à différents Services
d’Accueil des Urgences.
En cas d’attentat hyperterroriste générant un ACEM, le nombre de victimes, et en
particulier le nombre d’UA, serait tel, qu’il sera illusoire de vouloir confier chaque UA
à une équipe de réanimation pré-hospitalière. Dans ce cadre, afin d’optimiser la prise
en charge d’un nombre important de victimes sur plusieurs sites, la pierre angulaire de
l’organisation médicale reposera sur la mise en place d’un véritable triage
discriminant sur site. L’objectif de cette stratégie est d’éviter une dégradation de la
qualité des soins d’urgence pour les blessés les plus graves, due à une inadéquation
majeure de l’offre en moyens médicalisés et de la demande sanitaire, en optimisant
l’utilisation des équipes médicales pré-hospitalières et des structures hospitalières
existantes dans la zone de Défense (voire au-delà).
Si la classification duale, faite par les premiers intervenants, entre U.A. et U.R. restera
valable dans un premier temps ; elle devra être rapidement affinée sous la
responsabilité d’un médecin-chef du triage désigné par le Directeur des Secours
Médicaux.
Les victimes seront alors réparties en quatre groupes :
Les extrêmes urgences (E.U.) :
Ces victimes très graves, dont le pronostic vital est immédiatement menacé, doivent
être médicalement prises en charge sur site par les équipes de réanimation préhospitalières (pompiers et SAMU) et bénéficier d’une évacuation rapide vers des
structures hospitalières pouvant accueillir, après régulation, ce type de patients.
Les premières urgences (U.1):
Ces victimes graves, dont le pronostic vital est potentiellement menacé, doivent
bénéficier d’une médicalisation adaptée (1 équipe médicale pour 3 à 5 victimes),
voire paramédicalisée. Elles devront être rapidement évacuées par V.S.A.V. vers des
structures hospitalières ciblées capables de prendre en charge, après déclenchement de
Plan Blanc interdépartemental, plusieurs blessés de ce type.
Les deuxièmes et troisièmes urgences :
Ce sont des urgences relatives dont le pronostic vital n’est pas engagé et qui doivent
être rapidement évacuées, après déclenchement du Plan Blanc interdépartemental,
vers des structures hospitalières à distance de l’évènement. On différentiera alors :
o Les deuxièmes urgences (U.2). Ces victimes n’étant pas valides, elles nécessitent
un transport unitaire par VSAV. ou ambulances;
o Les troisièmes urgences (U.3). Il s’agit de victimes valides qui peuvent être
évacuées par groupe d’une dizaine, au moyen d’un transport collectif (pompiers,
bus de transport).
Face risque de sur-attentat :
Face au risque de sur-attentat frappant les secours, les sapeurs-pompiers et les SAMU
se doivent d’adapter leurs modalités d’engagement.
La stratégie d’engagement des secours doit être impérativement être
conceptualisée en amont de manière tripartite (Sapeurs Pompiers-SAMU-Police).
Cette stratégie repose sur :
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La sensibilisation et la formation des équipes de secours à ce risque nouveau et
ceci en collaboration avec la police;
L’extraction, si possible, des victimes du site avec l’engagement minimal des
secours sur l’extrême-avant;
La sécurisation rapide de la zone par la police avec intervention des équipes de
déminage de manière systématique et précoce permettant une sanctuarisation de la
zone de regroupement des victimes;
La sensibilisation des équipes de secours aux risques liés à la présence d’objets
pouvant être suspects (sacs) et au risques liés au déshabillage d’un éventuel
kamikaze;
Eventuellement le port de gilet pare-éclats pour les équipes de secours (cf : Magen
David Adom en Israël et SAMUR Proteccion Civil à Madrid).
Face risque NRBC :
Le concept tactique vise à coordonner l’engagement des moyens de secours humains
et matériels, spécialisés ou non, pour faire face à une intervention majeure à caractère
NRBC entraînant de nombreuses victimes.
Ces actions ont pour objectif une prise en compte rapide des victimes selon quatre
principes suivants :
L’extraction rapide de toutes les personnes présentes dans la zone qui les expose
à un danger NRBC immédiat ;
Le tri visuel permettant la différenciation rapide entre les impliqués et les victimes
blessées ou présentant des signes d’atteinte par des agents NRBC ;
La prise en charge des victimes par une médicalisation de l’avant et une
décontamination d’urgence et éventuellement de masse ;
La prise en charge spécifique des premiers intervenants.
Deux cas de figure bien distincts sont possibles :
L’évènement NRBC est suspecté dès l’alerte ;
Aucun élément probant ne peut faire suspecter un évènement NRBC au moment de
l’engagement des secours.
Dans ce dernier cas, la levée de doute doit être systématique, en parallèle de la montée
en puissance des secours sans altérer leur qualité.
En Conclusion :
Étant donné la combinaison des tendances, tant sur le plan des capacités (ou de la
disponibilité des moyens) que sur le plan des motivations, et les preuves empiriques d’un
intérêt réel ; il semble que la menace augmente. En 2008, il ne faut plus se demander « si » un
attentat majeur surviendra, mais «quand » il surviendra.
Trois grands principes doivent donc guider notre réflexion et notre mode opératoire :
Un attentat doit être considéré, jusqu’à preuve du contraire, comme le premier
d’une série ;
L’organisation des secours sur site doit prendre en compte un possible surattentat ;
La levée de doute NRBC doit être la règle.
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Bibliographie :
1. La France face au terrorisme - Livre blanc du Gouvernement sur la sécurité intérieure face
au terrorisme - Editions La Documentation Française, 2006
2. Documentation sur le terrorisme – Institut National des Hautes Etudes de Sécurité
(http://www.inhes.interieur.gouv.fr)
3. Documentation sur le terrorisme - Service canadien du renseignement de sécurité
(http://www.scrs.gc.ca)
4. Documentation sur le terrorisme – Centre Français de Recherche sur le Renseignement
(http://www.cf2r.org)
5. Documentation sur le terrorisme – Département de Recherche sur les Menaces
Criminelles Contemporaines (http://www.drmcc.org)
6. Vareilles T. - Encyclopédie du terrorisme international - Editions L’Harmattan, 2001
7. Chaliand G. - Histoire du terrorisme, de l’antiquité à Al Quëda - Editions Bayard, 2004
8. Bertrand Y. - Je ne sais rien, mais je dirai presque tout - Editions Plon, 2007
9. L’Atlas du Terrorisme - Hors-série du Courrier International, 2008
10. Binder P. - Les armes biologiques - T. Editions P.U.F., 2001
11. Jacquard R, Tazaghart A.- Ben Laden, la destruction programmée de l’Occident Editions Jean Piccolec, 2004
12. Denecé E, Rodier A, Huyghe FB, Raggi Ph - Al-Qaeda : Les nouveaux réseaux de la
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13. De Ceballos JP, Turégano Fuentes F, Perez Diaz D, Sanz Sanchez M, Martin Llorente C,
Guerrero Sanz J E. 11 March 2004: The terrorist bomb explosions in Madrid, Spain: an
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19. Note Temporaire n° 2007-110300/NTEMP/BOPE/CFRT/D2 de la Brigade de Sapeurs
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