«Le vampire de Ropraz, c`est mon double, mon frère!»
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«Le vampire de Ropraz, c`est mon double, mon frère!»
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C’est au café de la Poste, à Ropraz, que Jacques Chessex nous a donné rendezvous pour parler de son dernier livre: Le vampire de Ropraz. Un lieu qui n’a pas été choisi au hasard. Le cafetier n’est autre que le petit-neveu de l’oncle Jules, qui a mis en bière, en 1903, la victime du vampire: la virginale Rosa Gilliéron (lire encadré). Et le café se trouve à deux pas du cimetière, où il nous emmènera ensuite. Rosa y a reposé en paix, deux jours seulement. La maison de l’écrivain fait face au cimetière, dans lequel il aime flâner, parfois travailler. Il s’habitue ainsi à ce qui l’attend, dit-il. «Hodie mihi, cras tibi. Aujourd’hui c’est moi qui meurs. Demain, c’est toi», lancera-t-il avant le baisemain de l’adieu. Pourquoi ce livre, pourquoi maintenant? Jacques Chessex: Ce livre, j’aurais pu l’écrire il y a une quarantaine d’années. Lorsque j’ai commencé à rôder à Ropraz, avant même que je n’y habite, j’avais entendu l’histoire du vampire. C’est à l’époque Jean Gilliéron, le paysan-postier-cafetier, qui me l’avait racontée. Jean de la Poste, comme on l’appelait, m’avait rapporté les propos de son oncle Jules, qui avait aidé à mettre Rosa en bière. En outre, je m’étais rendu dans une ferme, plus bas. Celle de Marcel Danalet, le neveu de Rosa Gilliéron. Il est mort dans les années 1980, avec ses dits et ses non-dits… Mais, peu de temps auparavant, il m’avait prêté les carnets du père de Rosa, le juge de paix Gilliéron – homme soigneux et attentif aux détails – qui avait rédigé une espèce de procès-verbal sur la mort de sa fille: la méningite, la mort, le service funèbre, etc. J’avais là la trame du livre. Alors pourquoi avoir attendu? Nous étions à la fin des années 1970, je n’avais pas l’œuvre que j’ai aujourd’hui. Cette période voyait remettre à la mode le roman vampirique. On redécouvrait Bram Stocker, le père de Dracula, on passait des films sur le comte, etc. Je me suis dit alors que si j’écrivais cette histoire, j’allais être catalogué «écrivain fantastique». Ce que je ne voulais pas. Je racontais toutefois cette histoire dans mes classes au gymnase. Puis, il y a deux ans, alors que nous dînions sur ma terrasse avec Manuel Carcassonne, le directeur de publication de Grasset et une amie – qui avait été l’une de mes élèves –, elle en a parlé, en indiquant à Manuel que je la racontais au gymnase. Il a voulu que j’écrive ce Vampire au plus vite. Brusquement et formidablement, j’en ai eu envie. Il m’a fallu vingt et un jours. Vous êtes-vous plongé dans des archives? Mes archives, en fait, c’est moi. Voilà qui paraît très orgueilleux! Mais les années ont fait que j’ai de plus en plus confiance en moi, en ma façon quasiment médiumnique de sentir les gens, le monde. De capter le réel et ce qui est caché. Et puis je possède deux livres rarissimes: l’un sur le Jorat, paru en 1911. Une véritable étude ethnographique, qui prouve ce que je dis sur l’alcoolisme, l’inceste ou la solitude. Puis un autre de 1901: La contrée d’Oron, œuvre du président du tribunal Charles Pasche, qui a condamné le vampire. Curieusement, les archives de la com- L’écrivain Jacques Chessex, 73 ans, habite à Ropraz depuis une trentaine d’années, en face du cimetière qui le fascine mune étaient très pauvres. Il n’existait qu’un document, la Feuille d’avis de Lausanne du 23 février 1903. Sans oublier les carnets du père de Rosa et les sources orales du village. N’y fait-on jamais mention du vrai coupable? Vous n’en parlez pas dans votre livre… Je connais son nom. Mais, si je le disais, cela enlèverait au livre de son secret. Un indice: il fallait que la personne qui a découpé les corps soit extrêmement habile au maniement du couteau, comme l’est un boucher. Seule une personne qui a l’habitude de dépecer de la viande aurait pu faire Le Haut-Jorat en 1903, un pays non loin de la Transylvanie Ropraz, février 1903. Un pays où «les idées ne circulent pas, où la tradition pèse», écrit Jacques Chessex dans Le vampire de Ropraz. A cette époque-là, «on se pend beaucoup, dans les fermes du Haut-Jorat». Peut-être parce que la vie est rude. «On est même si pauvre qu’on vend nos vaches pour la viande, on se contente du cochon et on en mange tellement sous toutes ses formes, fumé, écouenné, haché, salé, qu’on finit par lui ressembler.» SOMMAIRE cela. De plus, l’oncle Justin avait rapporté des propos de la sorcière du village, qui lui avait dit: «Quand tu mettras dans sa bière le vrai coupable, au moment où tu fermeras définitivement le cercueil, il perdra tous ses cheveux sur ses épaules.» C’est arrivé! Horrifié, l’oncle Justin l’a raconté… Votre livre est davantage que la chronique d’un fait divers… Peut-être une critique de la religion, qui engendre culpabilité et crainte du diable? Non, pas du tout. Mais le livre va en effet au-delà du fait divers. D’abord, c’est un univers romanesque. Et puis, il ressemblerait plutôt à une espèce d’autoportrait, comme tous mes livres d’ailleurs… On doit sentir à sa lecture ma sympathie pour le vampire. En cet hiver qui souffle, Rosa Gilliéron, la fille du juge de paix, meurt d’une méningite à l’âge de vingt ans. Deux jours plus tard, un promeneur trouve le couvercle du cercueil soulevé, le cadavre violé, la main gauche coupée net, le sexe mastiqué, le cœur disparu. Stupéfaction villageoise, crainte du diable, soupçons de vampirisme, ail et crucifix accrochés aux maisons pourtant protestantes... En avril de la même année, deux autres profanations sont exécutées de manière semblable: à Carrouge, des gamins jouent à la balle avec la tête scalpée de Nadine; à Ferlens, c'est la blanche Justine qu'on profane. Monte alors la rumeur, comme une houle: il faut un coupable pour des crimes qui rappellent à chacun la «crasse primitive». Favez, un garçon de ferme un peu idiot, aux yeux rougis et aux longues canines, qu'on a surpris à l'étable abusant des génisses, sera le coupable idéal… PR C’est la raison pour laquelle vous écrivez, vers la fin du livre: «Vampire de Ropraz, mon double, mon frère!»? Oui. J’ai le sentiment, outre le destin que j’ai, que j’aurais pu en avoir beaucoup d’autres. Certainement pas celui d’un mathématicien ou d’un informaticien. Mais j’aurais pu être médecin, pasteur, ou vampire… J’ai en moi de quoi devenir un marginal, ou un fou. J’aurais pu, dans cette histoire-là, partager ce destin, voire le faire mien. VEVEYSE Le 3e Comptoir est mis sur les rails CINÉMA 2 AVIS MORTUAIRES-SERVICE 6 ORON-LA-VILLE La municipalité a été bridée dans ses investissements 3 5 PR Cela me paraît moins impossible que d’être informaticien. Je peux m’approprier le personnage du vampire, comme si j’étais capable de me fondre en lui, d’où «mon frère!» Je pourrais rôder avec lui, retourner sur la tombe de Rosa avec lui. Le couteau de boucher à la main… L’arme du crime est d’ailleurs en ma possession. Elle est en votre possession? Oui, c’est une histoire folle. Mon fils Jean et l’un de ses collaborateurs ont entrepris de faire un documentaire sur moi. Ils m’ont donc filmé dans la forêt, au cimetière, chez moi… Eux sont retournés, il y a un mois, pour filmer certains lieux. Et, tout à coup, dans une marmite des gorges en dessous du cimetière, ils voient briller quelque chose, plongent la main et ressortent un couteau de boucherie. Et ce couteau date des années 1900, comme ceux qu’il y avait chez ma grand-mère, née en 1878. Même fabrique, même manche, même bois, même fer trempé, même marque… C’est indéniable pour moi, c’est le couteau du vampire, celui avec lequel le corps de Rosa a été découpé… Propos recueillis par Priska Rauber LA VERRERIE Tinguely est de retour dans ses anciens ateliers 8