«Le vampire de Ropraz, c`est mon double, mon frère!»

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«Le vampire de Ropraz, c`est mon double, mon frère!»
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PUBLICATION ROPRAZ
«Le vampire de Ropraz, c’est
mon double, mon frère!»
Le dernier roman de Jacques Chessex est inspiré d’un fait
divers. Publié chez Grasset en février, «Le vampire de
Ropraz» court toujours, quatre mois plus tard. Rencontre
avec l’écrivain vaudois, auteur de «L’ogre», Prix Goncourt
en 1973.
C’est au café de la Poste, à Ropraz, que
Jacques Chessex nous a donné rendezvous pour parler de son dernier livre: Le
vampire de Ropraz. Un lieu qui n’a pas
été choisi au hasard. Le cafetier n’est
autre que le petit-neveu de l’oncle
Jules, qui a mis en bière, en 1903, la
victime du vampire: la virginale Rosa
Gilliéron (lire encadré). Et le café se
trouve à deux pas du cimetière, où il
nous emmènera ensuite. Rosa y a
reposé en paix, deux jours seulement.
La maison de l’écrivain fait face au
cimetière, dans lequel il aime flâner,
parfois travailler. Il s’habitue ainsi à ce
qui l’attend, dit-il. «Hodie mihi, cras
tibi. Aujourd’hui c’est moi qui meurs.
Demain, c’est toi», lancera-t-il avant le
baisemain de l’adieu.
Pourquoi ce livre, pourquoi maintenant?
Jacques Chessex: Ce livre, j’aurais pu
l’écrire il y a une quarantaine d’années.
Lorsque j’ai commencé à rôder à
Ropraz, avant même que je n’y habite,
j’avais entendu l’histoire du vampire.
C’est à l’époque Jean Gilliéron, le paysan-postier-cafetier, qui me l’avait
racontée. Jean de la Poste, comme on
l’appelait, m’avait rapporté les propos
de son oncle Jules, qui avait aidé à mettre Rosa en bière. En outre, je m’étais
rendu dans une ferme, plus bas. Celle
de Marcel Danalet, le neveu de Rosa
Gilliéron. Il est mort dans les années
1980, avec ses dits et ses non-dits…
Mais, peu de temps auparavant, il
m’avait prêté les carnets du père de
Rosa, le juge de paix Gilliéron –
homme soigneux et attentif aux détails
– qui avait rédigé une espèce de procès-verbal sur la mort de sa fille: la
méningite, la mort, le service funèbre,
etc. J’avais là la trame du livre.
Alors pourquoi avoir attendu?
Nous étions à la fin des années 1970, je
n’avais
pas
l’œuvre
que
j’ai
aujourd’hui. Cette période voyait
remettre à la mode le roman vampirique. On redécouvrait Bram Stocker, le
père de Dracula, on passait des films
sur le comte, etc. Je me suis dit alors
que si j’écrivais cette histoire, j’allais
être catalogué «écrivain fantastique».
Ce que je ne voulais pas. Je racontais
toutefois cette histoire dans mes classes
au gymnase. Puis, il y a deux ans, alors
que nous dînions sur ma terrasse avec
Manuel Carcassonne, le directeur de
publication de Grasset et une amie –
qui avait été l’une de mes élèves –, elle
en a parlé, en indiquant à Manuel que
je la racontais au gymnase. Il a voulu
que j’écrive ce Vampire au plus vite.
Brusquement et formidablement, j’en ai
eu envie. Il m’a fallu vingt et un jours.
Vous êtes-vous plongé dans des archives?
Mes archives, en fait, c’est moi. Voilà
qui paraît très orgueilleux! Mais les
années ont fait que j’ai de plus en plus
confiance en moi, en ma façon quasiment médiumnique de sentir les gens,
le monde. De capter le réel et ce qui
est caché. Et puis je possède deux livres
rarissimes: l’un sur le Jorat, paru en
1911. Une véritable étude ethnographique, qui prouve ce que je dis sur l’alcoolisme, l’inceste ou la solitude. Puis
un autre de 1901: La contrée d’Oron,
œuvre du président du tribunal Charles
Pasche, qui a condamné le vampire.
Curieusement, les archives de la com-
L’écrivain Jacques Chessex, 73 ans, habite à Ropraz depuis une trentaine d’années, en face du cimetière qui le fascine
mune étaient très pauvres. Il n’existait
qu’un document, la Feuille d’avis de
Lausanne du 23 février 1903. Sans
oublier les carnets du père de Rosa et
les sources orales du village.
N’y fait-on jamais mention du vrai
coupable? Vous n’en parlez pas dans
votre livre…
Je connais son nom. Mais, si je le
disais, cela enlèverait au livre de son
secret. Un indice: il fallait que la personne qui a découpé les corps soit
extrêmement habile au maniement du
couteau, comme l’est un boucher.
Seule une personne qui a l’habitude de
dépecer de la viande aurait pu faire
Le Haut-Jorat en 1903, un pays non loin de la Transylvanie
Ropraz, février 1903. Un pays où «les
idées ne circulent pas, où la tradition
pèse», écrit Jacques Chessex dans Le
vampire de Ropraz. A cette époque-là,
«on se pend beaucoup, dans les fermes
du Haut-Jorat». Peut-être parce que la
vie est rude. «On est même si pauvre
qu’on vend nos vaches pour la viande,
on se contente du cochon et on en
mange tellement sous toutes ses formes, fumé, écouenné, haché, salé, qu’on
finit par lui ressembler.»
SOMMAIRE
cela. De plus, l’oncle Justin avait rapporté des propos de la sorcière du village, qui lui avait dit: «Quand tu mettras dans sa bière le vrai coupable, au
moment où tu fermeras définitivement
le cercueil, il perdra tous ses cheveux
sur ses épaules.» C’est arrivé! Horrifié,
l’oncle Justin l’a raconté…
Votre livre est davantage que la chronique d’un fait divers… Peut-être une
critique de la religion, qui engendre
culpabilité et crainte du diable?
Non, pas du tout. Mais le livre va en
effet au-delà du fait divers. D’abord,
c’est un univers romanesque. Et puis, il
ressemblerait plutôt à une espèce d’autoportrait, comme tous mes livres d’ailleurs… On doit sentir à sa lecture ma
sympathie pour le vampire.
En cet hiver qui souffle, Rosa Gilliéron,
la fille du juge de paix, meurt d’une
méningite à l’âge de vingt ans. Deux
jours plus tard, un promeneur trouve le
couvercle du cercueil soulevé, le cadavre violé, la main gauche coupée net, le
sexe mastiqué, le cœur disparu.
Stupéfaction villageoise, crainte du diable, soupçons de vampirisme, ail et crucifix accrochés aux maisons pourtant
protestantes... En avril de la même
année, deux autres profanations sont
exécutées de manière semblable: à
Carrouge, des gamins jouent à la balle
avec la tête scalpée de Nadine; à
Ferlens, c'est la blanche Justine qu'on
profane. Monte alors la rumeur, comme
une houle: il faut un coupable pour des
crimes qui rappellent à chacun la
«crasse primitive». Favez, un garçon de
ferme un peu idiot, aux yeux rougis et
aux longues canines, qu'on a surpris à
l'étable abusant des génisses, sera le
coupable idéal…
PR
C’est la raison pour laquelle vous écrivez, vers la fin du livre: «Vampire de
Ropraz, mon double, mon frère!»?
Oui. J’ai le sentiment, outre le destin
que j’ai, que j’aurais pu en avoir beaucoup d’autres. Certainement pas celui
d’un mathématicien ou d’un informaticien. Mais j’aurais pu être médecin,
pasteur, ou vampire… J’ai en moi de
quoi devenir un marginal, ou un fou.
J’aurais pu, dans cette histoire-là, partager ce destin, voire le faire mien.
VEVEYSE
Le 3e Comptoir est mis
sur les rails
CINÉMA
2
AVIS MORTUAIRES-SERVICE
6
ORON-LA-VILLE
La municipalité a été bridée
dans ses investissements
3
5
PR
Cela me paraît moins impossible que
d’être informaticien. Je peux m’approprier le personnage du vampire,
comme si j’étais capable de me fondre
en lui, d’où «mon frère!» Je pourrais
rôder avec lui, retourner sur la tombe
de Rosa avec lui. Le couteau de boucher à la main… L’arme du crime est
d’ailleurs en ma possession.
Elle est en votre possession?
Oui, c’est une histoire folle. Mon fils
Jean et l’un de ses collaborateurs ont
entrepris de faire un documentaire sur
moi. Ils m’ont donc filmé dans la forêt,
au cimetière, chez moi… Eux sont
retournés, il y a un mois, pour filmer
certains lieux. Et, tout à coup, dans une
marmite des gorges en dessous du
cimetière, ils voient briller quelque
chose, plongent la main et ressortent un
couteau de boucherie. Et ce couteau
date des années 1900, comme ceux
qu’il y avait chez ma grand-mère, née
en 1878. Même fabrique, même manche, même bois, même fer trempé,
même marque… C’est indéniable pour
moi, c’est le couteau du vampire, celui
avec lequel le corps de Rosa a été
découpé…
Propos recueillis par
Priska Rauber
LA VERRERIE
Tinguely est de retour
dans ses anciens ateliers
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