Mixité sociale, égalité des droits et égalité des chances

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Mixité sociale, égalité des droits et égalité des chances
Fédération des Associations de Parents
de l’Enseignement Officiel
Mixité sociale, égalité des droits et
égalité des chances
Quelle justice scolaire ?
Les Analyses de la FAPEO
(Mai-juin 2008)
Fédération des Associations de Parents de l’Enseignement Officiel
Avenue du Onze novembre, 57
1040 Bruxelles
02/527.25.75 – 02/525.25.70
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M:\FAPEO\EDUCA_PERM\2008\Analyses
1
Mixité sociale, égalité des droits et égalité des chances
Quelle justice scolaire ?
Sommaire
Avant-propos .............................................................................................................................. 3
Etat de la question .................................................................................................................. 3
Contexte ................................................................................................................................. 3
Démarche ............................................................................................................................... 4
Justice scolaire : concepts centraux ............................................................................................ 4
Mixité sociale ......................................................................................................................... 4
Egalité des droits .................................................................................................................... 5
Egalité des chances................................................................................................................. 6
Equité ..................................................................................................................................... 8
Les enjeux de la mixité sociale .................................................................................................. 8
L’homogénéité des classes et égalité des acquis .................................................................... 8
Pluralisme et démocratie ........................................................................................................ 9
Pluralisme ........................................................................................................................... 9
Démocratie ......................................................................................................................... 9
Réduction des écarts des résultats ............................................................................................ 10
Conclusion(s) ........................................................................................................................... 11
BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................... 13
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2
Avant-propos
Cette vision de la mixité sociale vue en vis-à-vis de l’égalité des droits et des chances a été
posée à l’Assemblée générale de la FAPEO en avril 2007. Nous avons donc fait le choix
d’inférer une analyse sur ce thème.
De plus, celui-ci fait particulièrement écho en ce moment étant donné la récente actualité et la
naissance de ce nouveau ‘décret mixité’ (qui est une révision du ‘décret inscription’).
Etat de la question
Nous vivons actuellement dans une société fondée sur la valeur suprême de la modernité
démocratique, mais aussi dans une société du ‘grand écart’ où la marginalisation côtoie
l’excellence. C’est notamment, et ce malgré les objectifs de mixité et d’égalité, ce que nous
remarquons au sein même de l’école. Il n’y a qu’à ‘analyser’ les résultats scolaires de nos
enfants et/ou lire les résultats et conclusions des études PISA – ou autres évaluations externes
‘standardisées’ – pour nous rendre compte que l’enseignement en Communauté française de
Belgique est un des plus inégalitaires.
En effet, notre système scolaire ne semble pas satisfaire, malgré ses belles intentions, ses
finalités de mixité et d’égalité notamment formulée dans le Contrat stratégique pour l’école
(objectif 4 : favoriser la mixité sociale dans chaque établissement scolaire et dans chaque
filière).
En d’autres termes, nos enfants sont inégaux devant l’école (à l’entrée, dans et à la sortie).
Il y a une réelle inéquité dans les chances de réussir sa vie comme chacun le souhaite. Malgré
le fait que l’enseignement (officiel) ait pour base de « donner les mêmes chances à tous les
enfants de réussir leur apprentissage, les chances équivalentes de faire le métier qu’ils
souhaitent sans qu’ils soient pénalisés par le milieu social, les capacités personnelles, les
origines, les convictions…»1.
Contexte
« Dans une société compétitive, où le prix de la participation sociale a augmenté et où chacun
doit ‘se faire valoir’ par lui-même, l’échec scolaire signifie souvent un échec social et
personnel. Il affecte (plus que par le passé) la possibilité et la capacité des individus à être
sujet et acteur dans la société.
De ce point de vue, il y a massification (de l’enseignement) sans démocratisation.
…Il y a une tension entre l’ouverture apparente de l’école et la logique de sélection et de
hiérarchisation qui constitue encore le fondement de l’ordre scolaire. »2
En Belgique, force est de constater et notamment par un ensemble d’indicateurs de
l’enseignement3, que nos élèves sont répartis dans les diverses filières en fonction de leur
1
M. GAILLY in Trialogue n°27
BAJOIT, G. & FRANSSEN, A. ; « L’école au défi des jeunes »
3
« Indicateurs de l’enseignement »
http://www.enseignement.be/prof/dossiers/indicateurs/index.asp
2
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3
origine sociale… tous nos élèves ne bénéficient pas des mêmes chances de réussite
scolaire ou d’ascension sociale.
Démarche
Nous allons tenter de spéculer sur les mécanismes sous-jacents à ces inégalités de réussite,
pourquoi et comment nous en arrivons à des constats des situations d’un enseignement en
opposition avec ses buts visés ?
Pour répondre à cela, nous allons aborder une série de concepts centraux, à savoir : mixité
sociale, égalité (des droits, des chances), équité, méritocratie, théorie de la différence, justice
scolaire, etc. Envisagés les uns par rapport aux autres, nuancés et combinés, ils nous
orienterons sur la voie de la compréhension, nous permettant ainsi de proposer diverses pistes
de proposition pour une amélioration du système d’enseignement.
Justice scolaire : concepts centraux
Définitions et état des lieux
Mixité sociale
Cette mixité sociale est l’un des objectifs que vise le Contrat pour l’école4 ; le voici tel qu’il y
est formulé :
Objectif 4 (Contrat pour l’école) :
Favoriser la mixité sociale dans chaque établissement scolaire et dans chaque filière
Quelle richesse que la mixité, qu’elle soit sociale ou culturelle ! Or, osons le dire, la mixité
sociale à l’école n’a guère progressé. Les regroupements des élèves, qu’ils soient choisis ou
subis, s’opèrent selon le niveau, l’aisance sociale ou l’appétence culturelle. Actuellement, les
écarts de performances entre élèves s’expliquent, pour 56%, par le choix de l’établissement.
Si nous voulions créer, d’un coup de baguette magique, une réelle mixité de performance
dans chaque établissement, 60% des élèves devraient changer d’école.
La dualisation du système scolaire va à l’encontre des principes d’équité et ce sont les élèves
dont le profil socio-économique est le moins favorable qui en font les frais. Notre conception
de l’école comme lieu de vie où l’on apprend « en société », où l’on « fait société », appelle
immanquablement la mixité sociale et culturelle. Des études montrent que mélanger les
publics scolaires permet de gagner en efficacité, aux niveaux collectifs (le système conduit à
de meilleures performances moyennes) et individuel (chaque élève en bénéficie directement).
Il importe de définir et de mettre en œuvre des stratégies permettant :
- aux enseignants de détecter les mécanismes de ségrégation ;
- aux pouvoirs organisateurs de les supprimer.
4
http://www.contrateducation.be
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4
Le niveau de mixité culturelle et sociale dans les écoles se mesure notamment sur la base des
épreuves externes. Celles-ci permettent d’identifier les différences de performance entre
établissements et le niveau de ségrégation sociale. Ainsi, l’action menée doit permettre de :
ramener la part de variance des performances des élèves attribuable à l’établissement de
56% à 40% ; réduire le niveau de ségrégation scolaire à moins de 40%.
Les objectifs chiffrés choisis sont ceux communément observés dans les pays où les inégalités
en matière scolaire sont nettement moins importantes que chez nous et les résultats meilleurs.
Ces objectifs seront d’autant plus aisés à atteindre et à vérifier que les épreuves seront en
parfaite adéquation avec les référentiels légaux établis en termes de compétences de base à
atteindre par tous.
Intimement liée à la cohésion sociale, la mixité sociale semble être le remède (miracle ?), par
son objectif d’ascenseur social à la pauvreté dans les villes, à l’échec scolaire, au chômage, au
phénomène de ghettoïsation, à la fracture sociale et urbaine, etc.
Mais, « aujourd’hui, les politiques de mixité et de cohésion sociales se résument à imposer un
‘melting pot’ de populations socialement et culturellement différentes sur le plan spatial, sans
trop concerter de préférence. On place les gens côte à côte en espérant que ça prenne.
Toutefois, le ‘laisser-faire’ n’est pas non plus la solution »5. Autrement dit, adopter la
position ‘mixité sociale’ sans même méditer au sujet des ‘possibles’ ne permettra pas
d’atteindre les objectifs visés. Il est nécessaire de réfléchir en termes de positions, possibilités
et difficultés ; il faut aller au-delà de la simple formulation d’un idéal à atteindre.
Egalité des droits
Le droit à l’éducation (obligation scolaire) – l’égalité des droits – implique que l’enfant qui
est en difficulté a le droit d’être aidé. Il peut demander le soutien nécessaire pour éviter d’être
en échec. L’enfant doit pouvoir développer, par son droit à l’instruction, toutes ses
potentialités.
Cependant, « la qualité de l’apprentissage et l’acquisition de valeurs et de compétences sont
loin de répondre aux besoins et aux aspirations des individus et des sociétés »6.
L’égalité des droits n’est pas appliquée (ou mal) dans un système où l’enseignement ne
permet pas à chacun de suivre ses aspirations ou de répondre à ses besoins. Dans l’idéal, le
parcours de l’élève devrait refléter ses propres choix de vie et d’avenir.
Clôturons ce point avec un cadre d’action pour les droits de l’enfant à l’école proposé par J.
Legal, dont les trois caractéristiques principales sont :
- la reconnaissance de l’éducation comme un droit de l’Homme ;
- le renforcement de l’appel à la lutte contre l’exclusion sociale à travers l’éducation ;
- l’appel à ‘améliorer, sous tous ses aspects, la qualité de l’éducation dans un souci
d’excellence’.7
5
LOOPMANS, M. ; « Une mixité qui dérange »
Bureau International d’Education ; Information et Innovation ; 106 ; mars 2001 ; Genève in LEGAL, J. ; « Les
doits de l’enfant à l’école. Pour une éducation à la citoyenneté »
7
LEGAL, J. ; « Les doits de l’enfant à l’école. Pour une éducation à la citoyenneté »
6
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5
Egalité des chances
C’est au XXème siècle (années 1960-1970) qu’est apparu le principe d’égalité des chances (à
la place du principe d’égalité d’accès). Ce principe considère tous les individus comme étant
égaux, et donc comme ayant tous le même droit à la réussite scolaire. Evidemment, on ne peut
qu’être séduit par cette ‘nouvelle’ conception. Néanmoins, force est de constater que, dans les
faits, il rend légitime (malgré lui ? malgré ses tenants ?) la compétition et la réussite par le
mérite au sein même de l’école.
L’école devient le terrain d’une compétition à l’obtention des diplômes.
Pour y voir plus clair, nous vous proposons une brève description des quatre formes que peut
prendre l’égalité des chances, selon F. Dubet (2004)8 : égalité méritocratique des chances,
égalité distributive des chances, égalité sociale des chances et égalité individuelle des
chances.
• Egalité méritocratique des chances :
Nous venons de l’introduire, elle reste la figure cardinale de la justice scolaire.
En quelques mots, l’égalité méritocratique des chances veut que chaque enfant concoure dans
une même compétition, sans que les inégalités de la fortune et de la naissance ne soient
déterminantes dans leurs chances de succès et d’accès à des qualifications scolaires
relativement rares (en évacuant les inégalités sociales, sexuelles, ethniques et autres, qui
caractérisent tous les individus). Elle suit un principe de hiérarchisation, de classement des
élèves en fonction de leur seul mérite. Dans ce cas, il n’est pas admis que les individus soient
distribués dans des positions sociales inégales. Autrement dit, « l’égalité des chances est la
seule façon de produire des inégalités justes quand on considère que les individus sont
fondamentalement égaux et que seul le mérite peut justifier les différences de revenu, de
prestige, de pouvoir… »9.
C’est surtout sur base de cette interprétation, cette lame à double tranchant de l’égalité des
chances justifiant le réflexe de la méritocratie, que nous attirons votre attention. Car si,
l’égalité des chances semble rester la ‘meilleure’ philosophie à appliquer au sein des
établissements scolaires, la méritocratie en demeure malgré tout un versant néfaste pour la
scolarité de nos enfants.
« L’école juste n’est pas l’école parfaite qui appliquerait une seule conception de la justice et
de l’égalité, elle ne peut être qu’une école combinant des principes de justice différents ce qui
nous éloigne des jugements et des propositions trop simples qui font parfois office de remèdes
miracles. Sans doute devons-nous tendre vers l’égalité des chances méritocratiques. Mais
pour que ce principe de justice ne se retourne pas contre lui-même, l’école juste ne doit pas
creuser indûment les écarts, mais assurer le meilleur niveau au plus grand nombre et aux
plus faibles, faire que les formations soient utiles à tous et, en dépit des mécanismes sélectifs,
garantir l’autonomie et la dignité de tous. »10
8
DUBET, F. ; « L’école des chances. Qu’est-ce qu’une école juste ? »
Ib.
10
DUBET, F. ; « Justice scolaire »
9
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6
Enfin, selon le philosophe D. Kambouchner11, le principe de méritocratie répond en fait à
deux fonctions : une première ‘culturelle’ de/pour la ‘hiérarchisation des élèves’ et une
seconde plus ‘sociale’ de distinction symbolique. Nous nous trouvons donc là dans un constat
de situation ‘à la Develay’ qui propose une explication du lien qui unit l’école et la société en
suivant cette métaphore : « l’école apparaît comme une institution en crise dans une société
en crise. Lorsque la société s’enrhume, l’école tousse. L’inverse aussi est vrai : quand l’école
a de la fièvre, la société se sent fébrile […] tout ce qui affecte l’une rejaillit sur l’autre […].
L’école est malade de sa société. La société est malade de son école »12. L’école ne doit donc
pas être jugée comme étant la seule fautive dans la non-mise en place ou la mal-mise en place
d’une mixité scolaire et sociale.
• Egalité distributive des chances :
Ce type d’égalité veille à l’équité de l’offre scolaire en essayant d’atténuer les effets les plus
brutaux d’une compétition pure. Comment ? En donnant plus aux moins favorisés.
• Egalité sociale des chances :
C’est se soucier du sort des vaincus en suspendant les épreuves du mérite et de la sélection le
temps de la scolarité obligatoire. Il s’agit de spéculer une école juste se devant d’offrir un bien
commun, une culture commune indépendante des logiques sélectives.
• Egalité individuelle des chances :
Les qualifications scolaires sont envisagées tels des biens utiles et nécessaires à ceux qui les
acquièrent. En effet, les diplômes payent plus ou moins sur le marché du travail. Il s’agirait
que chacun puisse avoir des projets, que chacun vise et obtienne un diplôme qui lui permettra
d’accéder au marché de l’emploi.
•
BREF :
Résumons ces conceptions sous-jacentes à l’égalité des chances par le biais de mots clés, ceci
nous permettra d’aboutir à une vision plus claire et globale des formes que peut prendre cette
égalité des chances et donc les revers que cette conception peut présenter.
Egalité
méritocratique
des
chances
Egalité distributive des chances
Egalité sociale des chances
Egalité individuelle des chances
11
12
Concours,
compétition,
mérite,
méritocratie,
évacuation des inégalités (tous égaux)
A l’entrée du système : équité de l’offre
A la sortie du système : quel sort pour les vaincus ?
Tronc commun.
Valeurs des diplômes, marché de l’emploi
In TRUONG, N. ; « L’école, entre égalité, équité et mérite »
DEVELAY, M. ; « Donner du sens à l’école »
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7
Pour finir, remarquons qu’avec sa ‘théorie de la justice’13 J. Rawls souligne que « les
inégalités de naissance et de dons naturels sont imméritées, il convient donc de consacrer
plus d’attention aux plus démunis quant à leurs dons naturels et aux plus défavorisés
socialement par la naissance ». Il défend une justice où serait supprimée toute inégalité qui
ne soit pas dans l’intérêt des plus défavorisés.
Equité
La notion d’équité introduit, selon D. Meuret14 une nuance à celle d’égalité. L’équité désigne
en fait qui – quels élèves ? – devrai(en)t être traité(s) de la même manière. Elle repose sur une
prise de position quant à savoir qui est semblable à qui. On estime ce qui peut être comparé.
Cela reviendrait-il à établir des sous-catégories, des sous-groupes pour l’égalité des chances ?
Une nuance est introduite, mais tient-elle suffisamment compte des individualités ? Rappelons
que chaque individu a ses propres besoins, ses propres envies, ses propres projets, ses propres
attentes vis-à-vis de l’institution scolaire, etc.
Les enjeux de la mixité sociale
Au-delà des ‘propos sympathiques’ tenus pour la mixité sociale, c’est le :
« Tout le monde est pour la mixité mais pour les autres »15 qui est gravé dans l’esprit de la
majorité. Comment faire valoir ce principe d’égalité des chances, sans que l’élite ne se sente
menacée ?...
« On n’apprend pas tout seul, on apprend en compagnie d’autres élèves, et la relation avec
l’origine sociale se retrouve à ce niveau-là également : les acquis scolaires d’un(e) élève se
développent plus rapidement dans les établissements (et les classes) qui accueillent un public
socialement plus favorisé, quel que soit le milieu d’origine de cet(te) élève et son niveau
scolaire de départ. »16
L’homogénéité des classes et égalité des acquis
Les résultats scolaires des élèves sont trop souvent liés au revenu et au niveau socioéconomique de la famille. Ainsi, pour paraphraser P. Perrenoud (1997)17, soulignons que
même s’il y a démocratisation lente des études, le travail des professeurs n’est pas encore
assez orienté vers le traitement des différences. L’enseignant à la tâche de travailler avec une
classe composée d’élèves très différents (niveaux, projet personnel, rapport au savoir, rapport
à l’établissement scolaire, origine, etc.) en vue d’une égalité des acquis.
13
PAGE, L. ; « La radicalité négligée de la théorie de la justice de John Rawls »
MEURET, D. ; « La justice du système éducatif »
15
« Tout le monde est pour la mixité mais pour les autres »
GABILON, C. ; « La mixité sociale, oui… mais loin de chez moi »
16
DUMAY (2004), DUPRIEZ & CORNET (2005) ; « Mixité sociale et liberté de choix »
17
PERRENOUD, P. ; « Pédagogie différenciée : des intentions à l’action »
14
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8
Aujourd’hui, chaque fois qu’elle le peut l’école s’efforce de rendre les classes homogènes
(options, filières, classes de niveau, etc.)… Demain, ne pouvant plus nier les bienfaits du
métissage (que nous connaissons déjà), elle devra introduire de l’hétérogénéité.
« L’école obligatoire doit faire droit aux différences et leur permettre de s’exprimer dans un
creuset commun où les enfants apprennent à ‘faire société’. »18
Pluralisme et démocratie
Pluralisme
En éducation, le pluralisme crée la plus riche des situations mais également la plus complexe.
« On conçoit, en effet, qu’il est beaucoup plus facile d’enseigner dans une société totalitaire.
Une dictature dispose d’un système idéologique de référence, avec des valeurs précises et
des objectifs indiscutables. Les professeurs et même les parents n’ont pas à réfléchir pour
savoir comment éduquer les enfants puisqu’ils doivent simplement les préparer à adhérer au
système idéologique en vigueur »19.
Démocratie
« Le rôle de l’école est moins d’imposer des vérités aux enfants que de créer les conditions
pour que, devenus adultes, ils les trouvent ensemble. Elle est de préparer la démocratie, seul
cadre au sein duquel peuvent s’exprimer les singularités »20.
Ainsi, le but de la scolarité obligatoire étant de préparer l’enfant à vivre dans une société
démocratique, l’école doit forger des valeurs collectives et non pas satisfaire des intérêts
privés en maintenant une instruction d’une culture destinée à (former) une élite.
Finalement, pluralisme et hétérogénéité ou ressemblance homogénéité ?
Pour une égalité des acquis, il s’agirait de développer une réelle égalité des chances par
inégalité de traitement, et ce, en favorisant l’hétérogénéité des groupes classes. Tout enfant
pourra tirer avantage de la situation : richesse de la différence, multiplicité des points de vue,
ouverture vers le monde, esprit critique, apprentissage de la démocratie, et surtout plus de
possibilités de réussite pour tous (réduction des écarts entre plus faibles et plus forts, sans
diminution du niveau de l’élite).
18
MEIRIEU, P. & GUIRAUD, M. ; « L’école ou la guerre civile »
Ib.
20
Ib.
19
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9
Réduction des écarts des résultats
… En finir avec l’apartheid social ! Comment ?
- En agissant positivement en faveur des exclus
… en prenant des mesures remédiant aux situations inégalitaires qui se sont perpétuées.
- En « conjuguant unité et diversité »21.
- En partant du principe d’égal traitement par le droit, en développant une justice
restauratrice, en étant attentif aux différences.
- En « assurant une véritable égalité des chances ce qui suppose non seulement
d’écarter les discriminations, mais aussi de mettre en œuvre une égalisation
volontariste »22.
- En ne suivant la procédure d’une « distribution des compétences et de classification
des élèves, déterminant souverainement qui peut passer de classe et qui doit doubler
ou se ‘réorienter’ »23.
… Développer une école citoyenne24
-
Démocratique,
par démocratie interne,
solidaire : pas de compétition, ni entre les élèves, ni entre les écoles,
intégratrice : accueil de tous, sans exclusion, refus de l’échec et du décrochage
scolaire,
qui offre un service égal pour tous,
qui vise une juste égalité des chances,
à une vitesse (et non plus deux).
… Rendre effective l’égalité des chances, par renforcement des acteurs les plus défavorisés
« Pour cela, il ne s’agit pas d’édicter des normes mais surtout de renforcer les capacités
d’action des acteurs les plus faibles. La remédiation ne doit pas seulement porter sur le jeune
lui-même mais sur le système d’action global que constitue l’école dans son
environnement. »25
… Mettre fin à l’idéologie méritocratique et à la sélection sociale
Car l’effet d’entrainement positif par la mixité existe bel et bien. Il a notamment été prouvé
par le biais d’études conduites par H. Lagrange sur des adolescents, où le constat fut que
lorsque la proportion de cadres et de professions intermédiaires dépasse même très légèrement
les 5% dans les quartiers populaires, la « probabilité d’être impliqué dans des délits baisse
systématiquement »26.
21
CALAME, P. ; « Education et société à faire advenir »
RENAUT, A. ; « Egalité et discriminations »
23
BAJOIT, G. & FRANSSEN, A. ; « L’école au défi des jeunes »
24
BAJOIT, G. & FRANSSEN, A. ; « L’école au défi des jeunes »
25
BAJOIT, G. & FRANSSEN, A. ; « L’école au défi des jeunes »
26
« Tout le monde est pour la mixité mais pour les autres »
22
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10
… Postulat d’éducabilité27
Selon lequel il nous est possible d’apprendre à vivre ensemble, d’apprendre à articuler nos
libertés.
Conclusion(s)
« Tous les appareils de socialisation invitent les individus à être eux-mêmes, à s’épanouir, à
se singulariser. Partout, ceux-ci sont invités à la réflexivité vis-à-vis du social, à construire
leurs propres normes dans le dialogue avec les autres : sois toi-même, ou plutôt deviens toimême. […] Mais, ils vivent une autre réalité : les parents divorcent, l’école est sélective et ils
doivent s’y accrocher, la télévision et la publicité les manipulent et les mènent à
l’endettement, les liens affectifs sont fragiles et obéissent au marché du sexe, le monde du
travail est une jungle où ils doivent se battre pour survivre, les loisirs sont aliénants. C’est
l’autre version de l’Individu qu’on les contraint à réaliser : celle du compétiteur et du
consommateur»28.
… Il faut gérer l’intégration.
Pourtant l’école ne joue plus son rôle d’ascenseur social et d’intégration, au contraire, elle suit
à l’heure actuelle une démarche de relégation, de sélection et de méritocratie. Ainsi, selon
cette logique, seuls les plus armés pour la réussite (niveau socio-économique plus élevé,
logique de la réussite dans la famille, culture scolaire en adéquation avec la culture familiale,
etc…) sont encouragés en ce sens.
Dès lors, force est de constater un ‘grand écart’ entre les résultats scolaires des meilleurs
élèves et les résultats des moins bons. Les meilleurs ayant déjà les clés de la réussite sont
conduits par l’élitisme, et les moins bons n’étant pas suffisamment méritant sont orientés
(même si ce n’est pas leur propre choix de vie) vers des filières considérées comme moins
prestigieuses.
Nous suivons là, clairement ce constat de P. Meirieu et M. Guiraud selon lequel : « si l’entrée
dans l’école s’est démocratisée, la réussite n’est pas au rendez-vous : ceux qui échouent en
sont d’autant plus amers. On leur avait fait miroiter la possibilité d’une émancipation par le
savoir et la culture, un travail intéressant et une reconnaissance sociale »29.
Clairement, il ne s’agit pas d’investir uniquement une pensée positive des bienfaits de la
mixité sociale, encore faut-il en jeter les fondements et suivre de manière continue cette
logique dans tout enseignement, pour tout parcours scolaire.
Posons-nous ces questions : Souhaitons-nous une école de la sélection, ou une école de
l’intégration ? Souhaitons-nous une école du mérite ou une vraie école des chances ?
Souhaitons-nous une école suivant la logique de la richesse de la différence, ou une école
suivant une logique de différence perçue comme un frein dans son fonctionnement ?
GABILON, C. ; « La mixité sociale, oui… mais loin de chez moi »
27
DEFRANCE, B. ; « Le droit dans l’école. Les principes du droit appliqués à l’institution scolaire »
28
BAJOIT, G. ; « Le changement social. Approche sociologique des sociétés occidentales contemporaines »
29
MEIRIEU, P. & GUIRAUD, M. ; « L’école ou la guerre civile »
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11
Souhaitons-nous une école riche de toutes ses individualités ou une école de la hiérarchisation
scolaire et sociale ?
Pourquoi et comment arrivons-nous à des constats de situations d’un enseignement en
opposition avec ses buts visés ?
Au sein de cette société fondée sur la valeur suprême de la démocratie, force est de remarquer
que nos élèves sont inégaux devant, dans et hors de l’école et avant, pendant et après l’école.
Les enfants arrivent à l’école avec leur ‘paquage’ d’histoires familiales, de vécus, de
quotidien de famille et l’école qui mise sur l’égalité ‘stricte’ des chances, à l’entrée du
système ne tient pas compte de ce bagage.
Dès lors, pour répondre réellement à son objectif de mixité sociale par l’introduction d’une
égalité des chances, il est indispensable de (RE)penser cette égalité des chances. Celle-ci peut,
en effet, être interprétée de manières différentes et donc répondre à des objectifs divers.
Visons-nous une réussite scolaire (et professionnelle) fondée sur le mérite, cette réussite estelle déterminée par les mêmes conditions de départ pour tous ?
Non, et il est impossible de faire des individualités d’élèves à l’école un ensemble homogène
d’identités semblables où le mérite s’avèrerait être la seule valeur permettant de juger leurs
performances. Il y a donc lieu de veiller à plus d’équité de l’offre scolaire, et ce en donnant
plus aux moins favorisés (égalité distributive des chances). Mais également de pourvoir
chaque élève de possibilités lui permettant de s’offrir un parcours professionnel correspondant
réellement à ses attentes, à son choix de vie (égalité individuelle des chances). Enfin, il
importe de construire une école qui fournit une culture commune (qui n’est pas calquée sur la
culture des classes sociales ‘supérieures’), en évitant de suppléer en aiguillant vers des filières
de relégation dès qu’un obstacle (plus au moins important) encombre la voix de l’instruction.
« Il est admis maintenant que la justice ne requiert pas de traiter tout le monde
uniformément,… qu’on donne plus aux moins avantagés, soit qu’on ‘adapte’ les contenus, les
modalités d’enseignement à chacun. »30
Rappelons que l’enfant, par ses droits d’égalité, peut réclamer plus lorsqu’il est en difficulté.
Il peut demander l’aide qu’il jugera nécessaire pour développer toutes ses potentialités.
Finalement, la gestion de la classe hétérogène, de la classe multiple et multiculturelle doit
suivre cette optique de l’école citoyenne de l’égalité des chances pour une égalité des acquis.
Rassurons l’élite, ses résultats ne s’en verront pas altérés.
Plus de mixité, plus d’équité, plus d’égalité, justice
Ù
Ségrégation, variance élevée des résultats, méritocratie
30
MEURET, D. ; « La justice du système éducatif »
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12
BIBLIOGRAPHIE
APED ; « Raisons structurelles d’un enseignement inégalitaire »
http://www.enseignons.be/actualites/2007/03/04/ecole-commune-de-l-aped-raisons-structurelles-d-unenseignement-inegalitaire
BAJOIT, G. ; « Le changement social. Approche sociologique des sociétés occidentales
contemporaines » ; Parie : Armand Colin ; 2003
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