Histoire et mémoire
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Histoire et mémoire
Mémoire histoire Introduction : aujourd’hui la mémoire a de l’avenir… I. L’histoire est la fille de la mémoire Les deux mots, histoire et mémoire, sont souvent mis en rapport voire confondus. La confusion tient peut-être d'abord au fait que l'histoire est souvent considérée comme une discipline de mémoire : une matière qu'il suffit de mémoriser pour la maîtriser. la mémoire est un phénomène individuel Le mot mémoire est ici entendu dans un sens plus large et plus riche que celui de fonction cérébrale par laquelle s’opèrent l'acquisition, la conservation et le retour d'une connaissance chez un individu. . Chacun de nous possède une mémoire qui lui est propre. Elle est faite des souvenirs laissés par les événements, les bonheurs et les souffrances que nous avons vécus; elle conserve les traces du passé que nous avons intériorisées, qui font notre personnalité et déterminent nos sentiments d'appartenance. La mémoire est le constituant majeur de l’identité : en donnant à l’individu le sentiment de sa continuité elle lui donne aussi la possibilité de changer sans se perdre. La mémoire est un phénomène social la mémoire est également, par nature, affective sélective et faillible : elle a tendance à ne retenir que ce qui la conforte. Du fait de son rôle dans la construction de l’identité et de la continuité du soi, la mémoire a toujours un rôle légitimant, y compris dans les déformations qu’elle fabrique. Si l'on se place au niveau de la personne, il n'y a donc jamais deux mémoires totalement identiques. Pour qu'une mémoire collective puisse naître, il faut évidemment que plusieurs individus aient gardé le souvenir des mêmes expériences vécues. Néanmoins une mémoire collective n'est jamais le « reflet » fidèle des mémoires individuelles. Le passage de l'individuel au collectif nécessite tout un travail de sélection qui privilégie certains aspects du passé au détriment des autres. Ce travail de sélection est réalisé par des gens qui parlent au nom de leur groupe d'appartenance. Les sociologues appellent ces individus des « entrepreneurs de mémoire ». Grâce à eux les souvenirs disparates, souvent flous, voire confus, que chaque membre d'un groupe a gardé d'un passé commun deviennent plus homogènes, et acquièrent une visibilité dans l'espace public. les « entrepreneurs de mémoire » ? Au plus prêt de l’individu, la famille joue un grand rôle, mémoire familiale transmise par les récits plus ou moins formalisés, les albums de photos, par les fêtes de famille, par les rituels familiaux qui transmettent des modes de relation au monde (y compris dans les choix politiques : on est souvent « de gauche » et « de droite » d’abord par « tradition » familiale… Cette fonction d’entrepreneur de mémoire est d’ailleurs plus développée dans les familles communautaires que dans les familles nucléaires, dans les familles endogamiques que dans les familles exogamiques. Une partie de cette transmission mémorielle se fait dans l’implicite, à l’insu des acteurs. Une partie est volontaire, la transmission d’un « patrimoine » d’une « culture », d’une « identité » à travers la transmission d’une mémoire collective est une visée essentielle de l’éducation. A ce titre tous les lieux de socialisation des individus jouent un rôle dans la construction des mémoires collectives, au premier rang les autorités religieuses et scolaires. Entre ces instances (famille, religion, école, Etat…) des différences existent dans toutes les sociétés. Dans les sociétés fortement hiérarchisées, fortement soudée par une culture religieuse par exemple, dans les sociétés « traditionnelles » - au sens de société peu entraînées par le changement- ces différences sont plus faibles et donnent l’impression que le projet mémoriel est monolithique. A l’inverse dans les sociétés entraînées par le changement, la mobilité, les conflits peuvent être forts entre les « entrepreneurs de mémoire ». Sommes-nous prisonniers de notre mémoire ? Le processus historique d’individuation (accès à l’autonomie des individus dans la société) très largement développé dans les sociétés occidentales a modifié notre rapport à la mémoire. L’individu moderne ou post-moderne est engagé dans une dynamique de déconstruction des balises préétablies, des structures sociales et hiérarchiques où la place de chacun est en quelque sorte à établir. La mémoire est donc mouvante, plus active que passive, du moins dans sa définition, si ce n’est dans son expression. En principe au moins, « les êtres peuvent devenir ce qu’ils veulent être, dans les limites de leurs capacités ». Cet être individuel se définit à la fois par ce qu’il souhaite, par ce qu’il peut, et par ce que le groupe lui reconnaît. Il existe donc une relation dialectique vive entre mémoire et individuation. Plus une société est orientée vers le changement plus cette dialectique est active. La mémoire a engendré l’histoire. Sans revenir à Hérodote et Thucydide qui interrogeaient les témoins de la guerre du Péloponnèse et faisaient leur miel, on verra dans un cours prochain comment le genre biographique est né de l’hagiographie, c'est-à-dire de la transcription de la mémoire. Histoire et mémoire ont été confondues dans un rapport au passé où il s’agit de définir le « juste » plutôt que le vrai. Pendant très longtemps, ce rapport mémoriel au passé a exercé une domination sans partage. Ainsi jusqu'à la fin du XIXe siècle, en France, la quasi totalité des ouvrages dits « historiques » étaient rédigés par des « entrepreneurs de mémoire » : nobles désœuvrés, membres du clergé, avocat, etc. Lorsque les aristocrates ont été chassés du pouvoir après la révolution de 1848, leur premier réflexe a été d'utiliser l'arme de la mémoire pour tenter de discréditer la Révolution française et donc le camp républicain. A l'époque, même les universitaires, comme Jules Michelet ou Augustin Thierry, produisaient un savoir de type mémoriel au sens où ils répondaient à des préoccupations partisanes, en rapport direct avec les enjeux politiques de leur temps. L’histoire scientifique a tenté de « couper le cordon » En choisissant d'intituler son œuvre historie, c'est à dire enquête en grec, Hérodote, le père de l'histoire, donne dès le 5e siècle avant J.-C. au mot histoire une dimension de procédure de vérité. La IIIe République a voulu s’inscrire dans cette logique en réformant l'université de façon à confier l'étude du passé à un corps d'historiens professionnels uniquement animés par le souci de la vérité. La France n'a fait que suivre, à cet égard, une tendance commune à la plupart des pays d'Europe et d'Amérique du Nord, alors convaincus que la science et la démocratie pouvaient faire bon ménage. Les citoyens acceptent qu'une partie de leurs impôts serve à rémunérer des historiens professionnels car cette indépendance matérielle est nécessaire pour produire des connaissances sur le passé qui ne soient pas motivés par le souci de justifier tel ou tel intérêt partisan. Dans cette perspective, la différence majeure entre l'histoire et la mémoire ne réside pas dans la méthode ou dans le rapport aux archives. Elle se situe dans le type de questionnement adressé au passé. Les producteurs de mémoire ont surtout le souci de « sauver de l'oubli », ou de réhabiliter, les individus et les groupes qui ont leur faveur. Alors que le rôle de l'historien consiste à élaborer des questionnements qui lui permettront de mieux comprendre, voire d'expliquer, le passé, avec l'espoir que cela puisse aider les hommes d'aujourd'hui à « mieux vivre » comme disait déjà Marc Bloch. Une opposition terme à terme entre mémoire et histoire Du côté de la Mémoire : l’implication du sujet, l’identitaire, l’affectif, la conviction et /ou la croyance ; la continuité entre le passé et le présent ; la transmission, l’impératif de fidélité. La mémoire est inséparable de l’oubli qui en fait partie Du côté de l’Histoire : la prise de distance vis-à-vis du passé, le discours critique, la vérification, la raison ; l’élucidation, l’impératif de vérité ; l’histoire est inséparable du choix. Histoire et mémoire seraient deux pratiques du passé, deux modes de rapport au passé différents. En France, cette séparation a été affirmée par Fustel de Coulange et largement mise en œuvre par l’école des Annales. Cette dernière a développé une histoire scientifique beaucoup plus rigoureuse que l’école « méthodique ». Au prix sans doute d’un renoncement des historiens au rôle d’entrepreneurs de mémoire. Le choix des objets d’étude (économie, démographie) et l’insistance sur la « longue durée » allaient dans ce sens. Mais, nous dit Gérard Noiriel, il faut immédiatement ajouter que la distance que l'historien doit prendre à l'égard des enjeux de mémoire ne justifie nullement un repli dans sa tour d'ivoire. Les universitaires sont des enseignants-chercheurs. Cela signifie qu'ils doivent s'efforcer de diffuser leurs connaissances spécialisées grâce à des moyens pédagogiques adéquats. Lorsqu'ils accomplissent cette partie de leur mission, les historiens ne sont plus dans le domaine de la science historique pure. Ils interviennent à leur tour dans les enjeux de mémoire. En mettant à la portée des citoyens le savoir qu'ils ont élaboré, ils contribuent à enrichir la mémoire collective de l'humanité. Ils contribuent à diffuser ce qu'on appelle « l'esprit critique » grâce auquel les porteurs de mémoire examineront leur passé avec davantage de recul et plus de tolérance à l'égard des autres. Quand l’histoire dit la Vérité Les historiens de la III° République étaient convaincus que la Science, la Vérité et le Progrès étaient une et seule chose que la République rendait vivante. En construisant le discours de la République ils avaient le sentiment de dire la Vérité, voire de la rétablir dans le cas de l’affaire Dreyfus. Cela n'est certes pas propre à notre pays : l'histoire a été au 19e et au début du 20e siècle un moyen de donner aux nations européennes une mémoire authentifiée, de contribuer à la construction et à la légitimation de mémoires nationales. En France, Ernest Lavisse, a été de ce point de vue un véritable instituteur national (ce mot est de P. Nora), sous la Troisième République. Le petit Lavisse, manuel destiné aux élèves du primaire, dont la première édition est de 1884, et qui va rester en usage, à travers les éditions successives jusqu'au début des années 1950, est avant tout un récit de la construction de la nation française. L'auteur met en avant tout ce qui concourt à la construction de l'unité des Français, avec ses figures emblématiques. C'est une sorte de catéchisme républicain et patriotique. L'histoire sincère de la nation française ( 1933), de l'historien Charles Seignobos, procède de la même veine. la mémoire émancipe Il y a (eu) une écriture de l’histoire dont l’objectif était (est) la transmission et l’interprétation idéologique plus que la vérité, et une histoire qui laisse dans l’ombre certaines interrogations ; dans les régimes autoritaires ou face à des occultations (de culpabilités) y compris dans des pays démocratiques la mémoire a pu jouer le rôle d’une contre-histoire, dont l’objectif était la vérité, la critique… l’émancipation. l’histoire mémoire est morte à la guerre Deux guerres mondiales et deux mouvements d’émancipation (des individus et des peuples) ont fait volé les évidences en éclat. Les horreurs de la Grande Guerre ont déclenché une prise de distance par rapport au nationalisme que diffusaient les livres d'histoire. On s'aperçoit que l'histoire peut servir à faire la guerre. - après la Seconde Guerre mondiale, le mouvement de décolonisation fait paraître incongrue l'exaltation de la colonisation par les livres d'histoire. On découvre que l'histoire a servi aussi à justifier des conquêtes et une domination. - Le rôle assigné à l'histoire dans les Etats totalitaires, où il s'agit de manipuler systématiquement la mémoire collective et d'asservir les historiens au service d'une idéologie, en assassinant en fait et la mémoire et l'histoire, disqualifie toute forme d'utilisation de l'histoire dans un but mémoriel. Les historiens français se sont en partie mis en retrait de l’entreprise mémorielle, en privilégiant l’histoire médiévale et moderne, en privilégiant la longue durée. Mais les évolutions historiographiques que nous étudierons dans le chapitre suivant (histoire des mentalités, histoire politique, histoire des marges) les ont, en quelque sorte, rabattus sur cette question des rapports entre histoire et mémoire. II. Les historiens retrouvent la mémoire La fin du siècle dernier a été marquée par un véritable retour de la mémoire. Il s'est manifesté, particulièrement depuis les années 80 le moment mémoire selon P. Nora, sous des formes multiples : l'intérêt nouveau des historiens pour la mémoire, la vogue des commémorations, les mémoires plurielles qui surgissent (socio professionnelles, ethnolinguistiques, régionales, religieuses…), l'irruption de problèmes de mémoire dans le débat médiatique et politique, l'appel à la justice sur ces problèmes…On peut parler d'un véritable phénomène de société. Pourquoi un tel retour de la mémoire ? Désarroi devant la modernité et la perte de repères traditionnels ? Problème d'identité (cf. le livre posthume de l'historien F. Braudel l'identité de la France) ? Inquiétude alors que l'Etat nation n'est plus ce qu'il était et semble menacé par le haut (l'Europe qui se construit) et par le bas (les régions qui s'affirment) ? Les lieux de mémoire Un ouvrage collectif énorme : publication de 1983 à 1992, 7 volumes (la République – la Nation – les France) Des lieux matériels ou symboliques où la mémoire s’est incarnée et qui sont restés (au moins durant un temps significatif) des symboles de la mémoire nationale. – progressivement évolue vers la mémoire d’un groupe social ou politique cf. le titre « les France ». - mission d’inventaire - articulée sur l’histoire des représentations du passé et de leur usage - pour redonner à l’histoire un rôle dans l’élaboration collective du passé - et progressivement (transformation qui s’opère au fil de la publication et surtout de la réception sociale de l’histoire) pour refonder la mémoire nationale sur l’attachement à une culture dont les lieux patrimoniaux sont un emblème. Dans une tension entre les vestiges d’une lecture nationale du passé, fondée sur une histoire qui se confond avec une mémoire « vérifiée » de l’Etat nation et un nouveau modèle de rapport au passé que Nora appelle « mémoriel » qui multiplie les identités, les traces et les commémorations sans que se dessine une cohérence globale. Soulignons le poids social important qu’a pris l’expression forgée par Nora passe dans le langage courant (1993 : dans Le Robert) et dans le langage international au point que des « lieux de mémoires » sont publiés en Italie, En Allemagne, en Russie. Des lieux très fréquentés Le monument que constitue « les lieux de mémoire ne doit pas cacher l’important travail dont il n’est que la partie émergée. Dans les années 70 et 80 l’étude des représentations du passé débouche sur l’étude de la manière dont elles sont construites et transmises par des acteurs, des pratiques sociales, des objets… La commémoration (Namer, Sansom) la mémoire de la première guerre mondiale : les associations d’anciens combattants (Prost), les monuments aux morts (Becker) les lettres de soldats… L’histoire même comme vecteur culturel des représentations du passé, en particulier l’histoire scolaire largement étudiée à travers les manuels scolaires (Citron, le mythe national) L’appel au témoin Comment comprendre la brutalisation qu'a représentée la Première guerre mondiale sans le témoignage des poilus ? Comment comprendre toute l'atrocité des camps d'extermination sans le témoignage des rescapés ? L'historien travaille sur ces témoignages, qu'ils soient oraux (dans le cas de l'histoire du temps présent ou de l'histoire immédiate) ou qu'ils soient écrits (dans le cas d'une histoire plus lointaine). Il les recoupe, les confronte, les resitue dans leur contexte, les confronte également avec des traces matérielles de ce passé qu'il cherche à reconstituer. D'une part, selon la belle formule de Jacques Le Goff (Histoire et mémoire, 1988), la mémoire des témoins des événements est le plus beau matériau de l'histoire. Le rôle des témoignages est essentiel pour l'historien. Le développement de l'histoire orale depuis une trentaine d'année montre notamment l'intérêt que l'historien attache à cette source. En France c’est Philippe Joutard qui se fait le hérault de l’histoire orale d’une part avec l’objectif d’utiliser des sources spécifiques, d’autre part avec pour objectif de donner la parole aux exclus de l’histoire, aux dominés, aux ignorés. Mais aussi pour compléter le travail des archives classiques. Ex : Florence Descamps L’Historien, l’Archiviste et le Magnétophone - De la constitution de la source orale à son exploitation Comité pour l'histoire économique et financière 2001 Un travail de collecte est engagé. Aux Etats-Unis il prend des dimensions considérables : Yale university, à partir de 1982, « video archives for Holocaust testimonies », qui rassemblent des milliers de témoignages ; Spielberg « visual history fondation » a recueilli plusieurs dizaines de milliers récits de vie. Mais ces productions s’inscrivent dans des contextes politiques et idéologiques qui d’une certaine façon les instrumentalisent : les témoins inscrivent leur témoignage dans le discours ambiant, dans les attentes dominantes (même si c’est pour les dénoncer). L’ère du témoin Il faut ici reprendre la réflexion d’Anette Wievorka sur le rôle du témoin dans la construction de la mémoire, et en particulier sur l’impact du contexte de production du témoignage (à quelles fins ? selon quelles questions ? à quelle distance de l’événement ?). Elle souligne l’importance du contexte : l’émergence des témoins avec les années 1960 et le procès Eichmann. Témoins privilégiés : les survivants des camps d’extermination, et plus précisément les juifs (d’autant que souvent avaient écrits dans les ghettos créés par les nazis pour informer, pour apprendre au monde ce qui s’y était passé). Situé aussi à un moment-clé de la vie des témoins : non au moment de leur retour des camps, mais une fois qu’ils sont réinsérés dans la société et parfois qu’ils ont accepté une nouvelle rupture, celle d’une émigration (d’un exil) aux Etats Unis ou en Israël : ils peuvent transmettre leur expérience. Mémoires singulières, mais porteuses d’une mémoire collective et source pour l’historien. Annette Wieviorka souligne que la promotion du témoin s’inscrit dans un mouvement culturel de promotion de l’individu et de l’intimité qui se manifeste aussi par des publications, des émissions de TV ; c’est à partir des années 1970 qu’elle parle d’« ère du témoin » quand se manifeste un engouement du public pour les récits de vie d’être quelconques (démocratisation des acteurs de l’histoire), une orientation de l’histoire vers l’histoire des anonymes, une irruption dans les médias des états d’âmes et de la psychologie des gens ordinaires… « comment construire un discours historique cohérent s’il est constamment opposé à une autre vérité, qui est celle de la mémoire individuelle ? comment inciter à réfléchir, à penser, être rigoureux quand les sentiments et les émotions envahissent la scène publique ? » - le témoignage n’est pas fait pour faire œuvre de raison : il s’adresse au cœur, suscite la compassion, l’indignation… sa finalité peut être simplement de donner la parole à ceux qui en ont été privés, voire un but thérapeutique (avis des psychiatres sur les témoignages de l’holocauste) - la juxtaposition des témoignages ne produit pas une encyclopédie de l’événement mais des évocations juxtaposées ; il est rare qu’un témoignage s’inscrive dans une problématique – sauf évidemment si les questions de l’intervieweur l’orientent. - le témoignage demande à être soumis à une critique historique classique ; mais cette même critique peut apparaître comme un manque de respect de la personne : distinguer respect du témoin et critique du témoignage n’est pas facile (en particulier dans les classes). D’Auschwitz à Vichy Pendant plusieurs décennies l'histoire de la Shoah a été, en France, le fait d'un petit nombre d'historiens « amateurs », motivés par des raisons personnelles ou familiales. Ils se sont mobilisés pour lutter contre les tentatives d'occultation de ces événements horribles dans la mémoire collective. Ils voulaient que la nation honore les victimes, dénonce et punisse ceux qui ont cautionné, voire participé, à ces atrocités. Jusqu'à la fin des années 1970, les historiens patentés n'ont guère contribué à ce devoir civique. C'est seulement lorsque le combat des militants de la mémoire a commencé à porter ses fruits que le thème est devenu légitime dans la profession. De la Shoah, sujet relativement consensuel, les débats se déplacent en France vers Vichy et la Résistance… La démystification H. Rousso a bien montré dans son livre intitulé le syndrome de Vichy, comment la mémoire résistancialiste, cultivée après la guerre, des communistes aux gaullistes, a débouché sur un mythe, le mythe résistancialiste et sur une tendance à l'amnésie concernant Vichy : la grande majorité des Français aurait résisté, la collaboration ayant été le fait de quelques hommes perdus. Il en a résulté ce qu'Henry Rousso appelle une sorte de consensus de refoulement. Il faut attendre le début des années 70 quand paraît le livre de l'historien américain Paxton sur La France de Vichy et que sort le film Le chagrin et la pitié, longtemps interdit de télévision, pour assister à ce que H. Rousso appelle le retour du refoulé. La mémoire résistancialiste, qui fut largement partagée par le corps social jusqu'au années 60 et qui fut réactivée alors par le général de Gaulle, a fonctionné comme un verrou et a paralysé les historiens. Le déblocage va s'avérer très fructueux : dans les années 70-80, les historiens se sont mis au travail avec ardeur sur cette question et ont rattrapé le temps perdu. Vichy devient alors un sujet essentiel de recherche. L'opinion publique de cette époque, l'antisémitisme du régime de Vichy et sa complicité dans la solution finale sont largement abordés. Ce retour du refoulé se traduit dans les programmes et les manuels scolaires d'histoire : la période de la guerre est au programme depuis le début des années 60, mais Vichy est alors rapidement expédié et simplement accusé, dans les manuels, d'avoir laissé faire les Allemands. En revanche, à partir du début des années 80, les programmes et les manuels mettent clairement en évidence les responsabilités et la complicité active de Vichy. L’accusation d’amnésie Mais, paradoxalement, alors que la recherche historique se déploie et que les programmes scolaires intègrent largement l'histoire de Vichy, se développe l'idée que l'on nous cache tout, que les historiens ne font pas leur travail ou ne peuvent pas le faire à cause de la fermeture des archives, que les responsabilités de Vichy ne sont pas étudiées en classe. La presse se fait largement l'écho de cette idée dans un contexte d'affaires (Touvier, Bousquet, Papon) et d'actualité politique. Le judiciaire (cf. les procès), le politique (exemple : mise en cause de F. Mitterrand pour son amitié avec Bousquet et son passage à Vichy) tendent à prendre le pas sur le travail des historiens. L'enjeu de mémoire tend à prendre le pas sur l'histoire. H. Rousso et le journaliste E. Conan, dans leur livre Vichy, un passé qui ne passe pas, ont bien mis en évidence ce phénomène. De Vichy à Alger Le procès Papon fait le lien. Les débats sur la torture pratiquée par la police et l'armée françaises en Algérie répètent le même processus. Si l'on n'en croit certains la guerre d'Algérie serait encore un sujet tabou de notre histoire et on ne l'étudierait pas en classe. Qu'en est-il ? Les historiens français ont largement abordé ce sujet et il serait trop long de citer tous ceux qui s'y sont attachés. Rappelons simplement qu'en 2000 a eu lieu à la Sorbonne un colloque en l'honneur du grand spécialiste Ch.R. Ageron, qui a réuni de très nombreux historiens qui travaillent depuis des années sur la question. Rappelons aussi que, le 5 décembre 2000, une jeune universitaire, Raphaelle Branche, a soutenu à l'IEP de Paris une thèse sur L'armée et la torture dans la guerre d'Algérie Gallimard, 2001. Elle a pu pour cela largement consulté les archives. Les règles de consultation sont maintenant très assouplies : le délai est normalement de trente ans, quand il est allongé (par exemple 60 ans pour la protection de la vie privée, ou la sécurité de l'Etat et la défense), des dérogations sont très souvent accordées. Quand à la place de la guerre d'Algérie à l'école, rappelons qu'elle est étudiée en troisième et en terminale depuis le début des années 80 et que, lorsqu'on regarde les manuels, on constate que la torture ou le massacre du 17 octobre 1961 sont abordés dans le cadre de cette étude. Mais il semble que ce travail des historiens soit transparents tant la déferlante mémorielle semble forte. III. La mémoire contre-attaque « La mémoire est incontestablement d’actualité, si l’on peut dire : le terme revient aujourd’hui comme un leitmotiv dans les campagnes publicitaires des éditeurs, en France comme à l’étranger…Sans doute dans l’esprit de beaucoup de nos contemporains, la référence à la mémoire doit offrir une plus-value morale que l’histoire, si en vogue, il y a quelques années, semble désormais avoir du mal à assumer » H. Rousso, « La mémoire n’est plus ce qu’elle était », 1992 L’historien engagé Gérard Noiriel : « En distinguant clairement histoire et mémoire, on comprend mieux les liens étroits qui unissent ces deux types de rapport au passé. La dimension pédagogique que je viens d'évoquer illustre la liaison « en aval » qui existe entre les deux. Mais il ne faut pas oublier que cette relation s'établit d'abord « en amont ». Les historiens ne vivent pas en dehors de la société. Ils sont eux-mêmes pris dans les enjeux de mémoire qui dominent leur temps. Sur le plan personnel, ils sont porteurs de la mémoire des groupes dont ils font (ou ont fait) partie. L'origine sociale, la trajectoire, le sexe, l'appartenance nationale, voire régionale ou religieuse, la position institutionnelle, tous ces facteurs influent sur leur vision du monde, même lorsqu'ils s'efforcent de les tenir à distance. C'est pourquoi sur tous les sujets importants, les points de désaccord entre spécialistes sont nombreux. Il faut donc récuser l'idée qu'il existerait un Savoir Historique unique, à partir duquel on pourrait expertiser la mémoire. Dans la réalité, les choses sont beaucoup plus compliquées et entremêlées. Le fait que les historiens soient pris dans les enjeux de mémoire de leur époque explique aussi que, bien souvent, c'est sous l'aiguillon de la mémoire que la discipline s'ouvre à de nouveaux objets ». Pour les historiens l’issue a été cherchée dans la mise à plat de leurs propres présupposés : le développement de l’égo-histoire (Nora), l’édition de « mémoires » ou de journaux personnels (Winock, la République se meurt, Le Seuil, 1978) de façon plus complexe à analyser le mélange des genres (Winock : Jeanne et les siens, Le Seuil 2003 ; Stora, les trois exils, Stock 2006). L’histoire prise d’assaut par la mémoire L'évolution des modes de commémoration est significative : la commémoration traditionnelle supposait un ordre et une hiérarchie qui descendait des sommets de l'Etat jusqu'aux écoliers rassemblés autour des monuments et sur les places publiques. Actuellement la commémoration sourd, au contraire, des profondeurs de la société, elle émane plutôt de groupes de solidarité et tend à déserter le national pour s'enraciner dans le local. Enfin la mémoire est également, par nature, affective et sélective et faillible : elle a tendance à ne retenir que ce qui la conforte. Dans les débats sur la torture en Algérie, certaines associations répondent indignées, en mettant en avant leur propre mémoire fondée sur des atrocités commises par le FLN contre des civils et contre les Harkis. Cela peut déboucher sur un affrontement de mémoires antagonistes. (cf à ce propos l’excellente synthèse de Raphaelle Branche La guerre d’Algérie, une histoire apaisée ? le Seuil, 2005). Ces mémoires éclatées, sélectives, souvent contraires, ne sont pas, on le voit bien, synonyme d'histoire. « devoir de mémoire », « travail de mémoire » ? Tandis que les lieux de mémoire sont désertés (ex : la commémoration officielle du 11 novembre), la revendication du « devoir de mémoire » s’est étendue de la Shoah à tous les aspects du passé collectif où la responsabilité politique a té en jeu. La société s’en prend à l’état avec une frénésie dont on ne sait pas jusqu’où elle ira (cf le procès fait à la SNCF en 2006) Il faut sans doute voir dans cette frénésie une recherche d’identité, une revendication d’intégration, des pratiques qui semblent coïncider avec une difficulté à imaginer un « horizon d’attente » (Koselleck) qui oriente l’action et l’intelligibilité du monde. Or pour Koselleck c’est précisément l’existence de cet horizon d’attente qui permet l’écriture ‘moderne’ de l’histoire. Ce qui est frappant en particulier dans la commémoration des faits négatifs (16 juillet rafle du vel d’hiv), dont on ne sait en fonction de quel avenir on les commémore. Agitation mémorielle Face au développement du négationnisme et à la multiplication des procès mal qualifiés, le législateur a introduit en 1990 la loi Gayssot qui visait notamment à mettre Le Pen en difficulté dans le contexte du procès Touvier et de la multiplication des prises de position négationnistes. Les revendications se sont multipliées dans la société française dans un contexte d’accusation mutuelle de crispation : crispation identitaires communautariste contre crispation patrioticorépublicaine sur le thème de l’universalité. On parle de concurrence des mémoires, de course à la victimisation sur le modèle de la revendication issue de la question de la shoah (des descendants d’esclaves aux descendants de vendéens). L’état a tendance à suivre, à répondre aux revendications en légiférant. Les lois mémorielles Loi du 26 janvier 1964 sur l’imprescriptibilité des crimes contre l’humanité Loi du 13 juillet 1990 loi Gayssot. Loi du 29 janvier 2001 reconnaissant le génocide arménien. Loi du 21 mai 2001 (loi Taubira reconnaissant la traite et l’esclavage en tant que crime contre l’humanité) Loi du 23 février 2005 sur la reconnaissance de la France envers les rapatriés d’Afrique du Nord et d’Indochine (article 4 évoque les effets positifs de la colonisation). Loi du 12 octobre 2006 sanctionnant la négation du génocide arménien. Les historiens se sont mobilisés en ordre dispersé : les uns (Liauzu) demandant l’abrogation de l’article 4 de la loi du 23 février au nom de la vérité historique et des victimes de la colonisation et de la défense du métier d’historien, les autres (Rémond) l’abrogation de l’ensemble des lois dites mémorielles au nom de la liberté de l’historien. Un détour par le monde Les questions mémorielles qui touchent la France sont en fait partagées avec l’Allemagne l’Algérie, la Turquie, l’Arménie, l’Union Européenne, les pays d’Afrique noire où elle deviennent des enjeux diplomatiques. Il s’agit d’un phénomène mondial : les Etats-Unis on l’a vu ont fait une sorte d’OPA sur l’holocauste (le mémorial de Washington est devenu le modèle mondial). Mais les questions de mémoire sont soulevées un peu partout : dans les ex-pays soviétisés (mémoire et histoire de la période communiste), les pays d’Amérique Latine (mémoire et histoire des dictatures), en Afrique du Sud, au Rwanda, entre le Japon et la Corée, en Amérique du Nord autour des indigènes… chaque situation est particulière, chaque débat est spécifique, les états démocratiques répondent à la demande de façon variée : là où la société demeure largement encadrée, ou la démocratie libérale n’est pas totalement installée les manuels scolaires substituent une vulgate à une autre (Roumanie, Bulgarie, Algérie, Turquie, Japon) et produisent un discours officiel univoque. A l’inverse dans les démocraties médiatiques les discours officiels ont tendance à se disperser, comme en France, entre des commémorations multiples, des ouvertures de crédit, des appels, des discours officiels de proclamation solennelle dont la liste est interminable. Trois attitudes des historiens Les historiens s’emparent de la question de trois façons : 1) certains s’engagent directement dans les entreprises qui les concernent en faisant l’histoire de la colonisation et de ses discours (Ferro, histoire des colonisations, XII°-XX°siècle, Le Seuil 1994, Blanchard…) de l’esclavage (Pétré-Grenouilleau, les Traites négrières, essai d’histoire globale, Gallimard 2004) de l’immigration (Noiriel), de la guerre d’Algérie (Stora) des relations entre la France et l’Islam (Mohammed Arkoun-J. Le Goff, 2006). C’est le sens de l’introduction progressive de ces sujets dans les programmes (Shoah, Vichy, guerre d’Algérie, colonisation et décolonisation sont déjà fortement présentes en 4° 3° 1ere et Terminale, l’histoire de l’immigration pose un problème cependant du fait de l’orientation très « événementielle » des programmes actuels qui font mal leur place aux phénomènes de société de moyenne durée 2) certains font un pas de côté pour étudier le phénomène ex : Colloque « Se soucier d’un juste passé : juste mémoire, juste histoire, juste oubli… » Jeudi 10 juin 2004 Université Laval, Régine Robin, la Mémoire saturée, Stock, 2003), ce sont souvent les mêmes d’ailleurs qui travaillent sur le phénomène et sur sa mémoire (Blanchard, la Fracture coloniale). Cette approche trouve également un écho dans les programmes du secondaire : en terminale l’étude de la « mémoire de la seconde guerre mondiale » est orientée dans cette perspective. 3) certains enfin acceptent de mettre la main à la pâte dans des entreprises de construction d’une histoire publique (musée, commémoration, commissions officielles). Ex Noiriel pour le lieu de mémoire de l’immigration. La rédaction du manuel d’histoire franco-allemand relève de la même démarche. Là encore c’est en accompagnant cet engagement d’un travail réflexif immédiat qui confine l’autojustification (voir l’article de Noiriel dans « Hommes et migrations « de janvier 2004. Cette dimension est absente des programmes mais elle constitue une source quasi inépuisable de thèmes de TPE. Cela ne clôt pas vraiment les débats et nous renvoie à la question du rapport de l’histoire à la vérité. Dans un article paru dans la Revue d’histoire de la culture matérielle, Brian S. Osborne, l’auteur propose une représentation des différents rapports au passé qui correspondent chacun à une fonction sociale et à un régime de vérité. C’est sur cette question que je vais conclure. conclusion : des régimes de vérité différents Le débat est vif dans la société, il l’est aussi entre historiens. Gérard Noiriel cherche une position médiane : « tout cela montre que l'histoire et la mémoire sont deux rapports au passé qui ont chacun leur logique propre et qu'on ne peut pas hiérarchiser. Elles peuvent être parfois en conflit, mais elles ont besoin l'une de l'autre. Je ne partage pas, pour ma part, les vues de certains historiens du « temps présent » qui font la leçon aux producteurs de mémoire au nom d'une conception naïve de l'objectivité et de la vérité historiques ». Henri Moniot choisit l’histoire contre la mémoire [...] l’histoire passe pour une activité critique, une enquête fondée sur l’étude de traces sérieuses [...], cumulative, analytique, distante, soucieuse d’intelligibilité explicitement construite, aujourd’hui instituée et légitimée donc publique, faite pour être socialement utile mais après le détour et le temps d’une parenthèse savante. La mémoire passe pour affective, sélective, complaisante, synthétique, immédiatement utile, plurielle (en ce sens qu’il en est autant que de groupes et d’individus) et donc limitée, et possiblement privée, du moins si quelque légitimité instituée ne vient pas la bénir elle aussi. Affirmation toute emprunte d’un néopositivisme qu’il faut, au moins nuancer comme le fait Pierre Nora qui définit l’histoire comme : « une reconstruction problématique et incomplète de ce qui n'est plus ». Reconstruction par un sujet (l'historien) d'un objet (le fait historique). L'histoire est donc un mixte indissoluble de sujet et d'objet (pour reprendre l'expression de H. I. Marrou). Paul Ricoeur analyse l’histoire comme « représentance du passé », c’est-à-dire se donnant pour objet des personnages et des situations ayant existé, qui sont représentés dans une intention de vérité. Certes le fait historique, est construction mais cela ne veut pas dire subjectivisme : il y a bien une réalité du vécu des hommes dans le passé. Il y a donc une objectivité du passé humain que l'on ne peut travestir sans perdre la qualité même d'historien. Intentionnalistes et fonctionnalistes peuvent débattre de la genèse de la solution finale, ce sont des historiens. Mais les négationnistes qui nient la matérialité de l'extermination n'ont pas le droit de se dire historiens. Ce qu'ils prétendent est faux car contraire à la réalité attestée par des traces, des documents officiels et de nombreux témoignages. Ces falsificateurs doivent être désignés comme des négationnistes. Il ne faut pas les qualifier de révisionnistes : ils n'attendent que cela pour se voir reconnaître un titre auquel ils n'ont pas droit. En effet l'histoire est révisionniste dans la mesure où c'est une opération qui appelle l'analyse et le discours critique. Ce qui rend la mémoire suspecte à l’historien est donc son rapport à la vérité : la mémoire tend à installer le souvenir dans le sacré, l'histoire, procédure de vérité et discours critique, l'en débusque. Alors que la mémoire se pose délibérément en un absolu, l'histoire se situe dans le relatif Véracité du vécu, de la souffrance ? versus véracité de ce qui est attesté par les traces, de ce qui paraît conforme au réel objectif. La mémoire est aussi une reconstruction, elle prend aussi appui sur des traces qui font office d’ancrage matériel mais cette reconstruction n’est pas objectivé et donc n’est pas soumis à critique parce que ce qui l’oriente n’est pas un projet de savoir mais un projet de définition identitaire. Il parle de « travail de mémoire » par analogie avec le travail de deuil en psychanalyse, qui permettrait à la fois d’évacuer un trop-plein de mémoire qui sature la vie sociale et empêche de penser présent et avenir et un oubli total. Repris par des historiens (Joutard) en particulier pour parler de ce qu’il convient de faire en classe, pour sortir de l’injonction du devoir de mémoire, et restaurer une réflexion critique, une vérification raisonnée, qui ne nie pas pour autant la souffrance des victimes (qui est d’un autre ordre que la « vérité »). Deux expressions sont galvaudées aujourd’hui : « devoir de mémoire » et « droit à l’histoire » (ex article de Souad Bellhaddad dans Libération 29 novembre 2006 qui se termine par « Je n'ai pas à montrer tête dévoilée ou patte «blanche» sur ce que je pense ou pas de l'islam ou de l'islamisme pour avoir droit à mon histoire en France ». Ne vaudrait pas mieux parler de devoir d'histoire et de droit à la mémoire ? Ricoeur parle de « travail de mémoire » par analogie avec le travail de deuil en psychanalyse, qui permettrait à la fois d’évacuer un trop-plein de mémoire qui sature la vie sociale et empêche de penser présent et avenir et un oubli total. Repris par des historiens (Joutard) en particulier pour parler de ce qu’il convient de faire en classe, pour sortir de l’injonction du devoir de mémoire, et restaurer une réflexion critique, une vérification raisonnée, qui ne nie pas pour autant la souffrance des victimes (qui est d’un autre ordre que la « vérité »). Compléments bibliographiques Maurice Halbwachs, les cadres sociaux de la mémoire, 1925 Maurice Halbwachs la mémoire collective, (1950), Albin Michel 1995. Ernest Lavisse, histoire de France, 1884 Charles Seignobos L'histoire sincère de la nation française, 1933 F. Braudel l'identité de la France, Flammarion, 1986 Pierre Nora (dir) Les lieux de Mémoire, Gallimard, 1983-1992. 7 volumes (la République – la Nation – les France) Gérard Namer, la commémoration en France de 1945 à nos jours, L’Harmattan 1987 Rosemonde Sanson, les 14 juillet, fête et conscience nationale, 1789-1975, Flammarion, 1975. Gérard Belloin, Entendez-vous dans nos mémoires… ?, les Français et leur Révolution, la Découverte, 1988. André Simon, Vercingétorix et l’idéologie française, Imago, 1989 Louis Berges, Valmy, le mythe de la République, Privat, 2001 Antoine Prost, Les anciens combattants, Gallimard, 1977. Annette Becker, les monuments aux morts, mémoire de la grande guerre, Ed. Errance, 1991 Suzanne Citron, le mythe national, Editions ouvrières, 1987 Jacques Le Goff Histoire et mémoire, Gallimard, 1988 Philippe Joutard, Ces voix qui nous viennent du passé, Paris, Hachette, 1983 : Florence Descamps, L’Historien, l’Archiviste et le Magnétophone - De la constitution de la source orale à son exploitation Comité pour l'histoire économique et financière 2001 Florence Descamps (dir), les sources orales et l’histoire, récits de vie, entretiens et témoignages oraux, Bréal, 2006 Henry Rousso, le syndrome de Vichy, Le Seuil, 1987 Eric Conan et Henri Rouso, Vichy, un passé qui ne passe pas, Le Seuil, 1996 Annette Wieviorka, Auschwitz, 60 ans après, Robert Laffont, 2005 Benjamin Stora, la gangrène et l’oubli, La Découverte, 1998 Raphaelle Branche, L'armée et la torture dans la guerre d'Algérie Gallimard, 2001. Pierre Nora (dir) Essais d’égo-histoire, Gallimard, 1987 Michel Winock, la République se meurt, Le Seuil, 1978 Michel Winock : Jeanne et les siens, Le Seuil 2003 Benjamin Stora, les trois exils, Stock 2006 Raphaelle Branche La guerre d’Algérie, une histoire apaisée ? le Seuil, 2005 R. Kosseleck, Le futur passé, contribution à la sémantique des temps historiques, Ed de EHESS, 1979. René Rémond, Quand l’état se mêle de l’histoire, Stock, 2006 La politique des mémoires en France, Controverse, Revue d’idées, N° 2 juin 2006 Marc Ferro, histoire des colonisations, XII°-XX°siècle, Le Seuil 1994 Pascal Blanchard et Sandrine Lemaire, cultures coloniale, la France conquise par son empire, Ed Autrement, 2003 Olivier Pétré-Grenouilleau, les Traites négrières, essai d’histoire globale, Gallimard 2004 Mohammed Arkoun-J. Le Goff, Histoire de l’islam et des musulmans en France du Moyen-Age à nos jours, Albin Michel 2006 Colloque « Se soucier d’un juste passé : juste mémoire, juste histoire, juste oubli… » Jeudi 10 juin 2004 Université Laval, Régine Robin, la Mémoire saturée, Stock, 2003 Pascal Blanchard, Nicolas Bancel et Sandrine Lemaire, La fracture coloniale, La Découverte, 2005 Gérard Noiriel Histoire, mémoire et engagement civique, article paru dans « Hommes et migrations « de janvier 2004. Brian S. Osborne, « Moose Jaw’s ‘Great Escape’ : Constructing Tunnels, Deconstructing Heritage, Marketing Places », Revue d’histoire de la culture matérielle , Printemps 2002 Henri Moniot, cité dans Patrice Groulx, « La commémoration de la bataille de Sainte-Foy du discours de la loyauté à la fusion des races », Revue d’histoire de l’Amérique Française, 55, no 1, été 2001 Paul Ricoeur, La mémoire, l'histoire, l'oubli, Le Seuil, 2001