La gratuité en bibliothèque - Médiathèque Départementale du Jura

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La gratuité en bibliothèque - Médiathèque Départementale du Jura
La gratuité en bibliothèque
18 novembre 2014
Médiathèque départementale du Doubs
intervention de Nicole Larderet (matin) et table ronde (après-midi)
Gratuit / pas gratuit ?
La question est un des serpents de mer du monde des bibliothèques. On en a
beaucoup parlé durant la dernière décennie, mais v oilà que le sujet v ient de
reparaître tout récemment en Bourgogne-Franche-Comté : La médiathèque
départementale du Doubs et l’ACCOLAD a organisé le 18 nov embre une journée
d’étude sur la gratuité en bibliothèque
Ce qu’il faut retenir
Deux bdpistes du Jura (Rozenn et moi) ont assisté pour v ous aux échanges. Voici une
petite synthèse susceptible de v ous forger une opinion sur la question.
Rien n’est gratuit en ce bas monde
La décision de rendre l’accès complet gratuit à la médiathèque est
politique
Les bibliothécaires donnent des out ils pour aider à la décision
Arguments pour la gratuité :
 égalité de t raitement (déjà 30 % des lect eurs sont exemptés)
 augment ation des inscrits et de la fréquent ation
 proposer un service de base (= école)
 rendre la bibliothèque attractive
 donner une image réelle du lect orat (1 cart e = 1 usager)
 changer l’image de la médiathèque (usager = classe moyenne)
Impact de la gratuité dans les bibliothèques qui l’ont mise en place :
 augment ation des inscrits
 augment ation de la fréquent ation
 relat ion entre les bibliothécaires et les usagers plus conviviale
Pour une mise en place réussie de la gratuité, il faut :
 Faire un bilan de l’existant et faire des st atistiques
 Préparer le projet dans le t emps (rét ro planning)
 Communiquer abondamment auprès de la populat ion par t ous
moyens
Introduction : la gratuité à toutes les sauces
 Une fois la grat uité réalisée faire des bilans d’ét ape puis un bilan
au bout d’un an
 Ut iliser le t emps gagné pour ouvrir de nouveaux services, faire vivre la
bibliothèque
Introduction
Posons-nous un peu et cherchons au-delà des effets d’annonce : qu’est-ce qui est
v raiment gratuit aujourd’hui ?
Le troisième paquet de gâteau à condition que vous en achetiez deux en
supermarché ?
Non, car cela v ous fait consommer plus sans nécessité et permet au gérant du
supermarché de faire une opération de déstockage.
Un don à une ONG ?
Pas v raiment : ce que v ous donnez à une ONG, v ous le déduisez de v os impôts : ces
ONG sont au final financées par la collectivité.
Ne pas faire payer de cotisation pour emprunter des documents dans une
médiathèque dont les élus ont souhaité pratiquer la gratuité ?
Non plus : ce sont de toute façon les taxes locales qui financent le serv ice et donc
la communauté.
Alors à l’év idence ce qu’on appelle gratuité relève d’une politique culturelle avec
un ou des objectifs bien précis ; réfléchir aux tenants et aux aboutissants de cette
politique a fait l’objet de cette journée d’étude.
1. Etat des lieux de la gratuité des bibliothèques en France, par Nicole Larderet.
Nous la pratiquons déjà sans y penser : un certain nombre de serv ice ne sont pas
payants pour l’usager : l’accueil de classes ; le portage à domicile ; les heures du
conte, la consultation des documents, etc….
Ce qui se pratique le plus souv ent c’est la gratuité pour les enfants jusqu’à 14 ans et
de plus en plus jusqu’à 18 ans. Mais aussi : pour les jeunes étudiants, les personnes
handicapées, les personnes bénéficiant du minimum v ieillesse, les derniers arrivants
dans la commune, etc… Au bout du compte déjà 30 % du public des bibliothèques
bénéficie de la gratuité.
D’autres cas de figure : l’emprunt des liv res est gratuit mais pas les CD et les DVD.
A Roubaix, tous les serv ices sont gratuits pour tous les habitants de la v ille, mais pas
pour les extérieurs.
Quelques bibliothèques pratiquent une gratuité plus large : Limoges, Arles, Metz.
Mais elle n’est jamais totale :
ALimoges, les cartes perdues sont à racheter et il y a des pénalités de retard.
A Metz, la bibliothèque était payante jusqu'à décembre 2003, mais les usagers
pouv aient emprunter jusqu’à 60 documents tout support confondus. A partir de
janv ier 2004, date d’entrée en v igueur de la gratuité, les quotas sont redescendus à
5 (15 pour les moins de 12 ans) ; si on v eut les dépasser, il faut… payer une carte
spéciale.
Et à l’étranger ?
En Europe du Nord, les bibliothèques sont gratuites. La fréquentation est d’ailleurs
bien plus importante qu’en France et dans le Sud de l’Europe.
Et les BDP ?
Quelques-unes demandent par conv ention la gratuité comme en Haute Marne où
dans le Calv ados, département où 58 % des bibliothèques sont gratuites.
Qui fréquente les bibliothèques en France ?
Un public diplômé v oire surdiplômé (58 % des utilisateurs ont bac +…) ; ce sont des
usagers qui ont les moyens de payer et qui ont une approche naturelle au liv re.
Seulement 20 % de la population fréquente les bibliothèques. Ceux qui ne la
fréquentent pas sont des personnes souvent âgées des zones rurales, mais aussi les
personnes très fortunées et les sous-diplômés et/ou en difficulté sociale. 5% des moins
de 17 ans sont illettrés.
La décision
Elle est politique. Pour aider les élus dans leurs décisions, les bibliothécaires se doivent
de leur fournir les éléments de réflexion.
Lorsqu’une médiathèque se crée, la question doit être examinée ; lorsqu’une
bibliothèque dev ient intercommunale et fusionne avec d’autres aussi.
La tarification
Ses objectifs :
Partage des coûts de fonctionnement. La bibliothèque n’étant utilisée que par une
partie de la population, il est normal que ceux-ci payent une part supplémentaire
(image élitiste de la bibliothèque).
Son impact :
La gratuité pour faire v enir ce public n’est pas le remède miracle, mais la tarification
est un frein supplémentaire. Par ailleurs celle-ci provoque des comportements de
contournement : une personne emprunte souv ent avec sa carte pour toute la
famille : ce sont les usagers inv isibles (selon le Credoc –enquête 2005 : 15 % des
usagers).
Mais une fois inscrit et la carte payée les lecteurs ont tendance à utiliser les services
d’une manière intense : il faut rentabiliser la carte.
Moins il y a d’inscrits, plus les inscrits sont actifs et empruntent.
La gratuité
Ses objectifs (non exhaustif) :
Démocratisation de la culture, rendre la culture accessible à tous, rendre la
bibliothèque attractive, favoriser l’égalité de traitement entre les citoyens, changer
l’image de l’élite, limiter les obstacles à l’accès au liv re, proposer un service de base
comme est celui de l’école, etc… mais aussi simplifier les procédures et recentrer le
personnel dans sa mission première non marchande.
Quelques exemples concrets de l’impact de la gratuité
Augmentation de la fréquentation à…
Fontaine (I sère) : 120 %
Saint-Brieuc en 2008 : passe de 14, 5 à 15, 8 % en un an
Senlis : 42 % en un an
Saint-Herblain en 2008 : 15 % la première année
Tours : on passe de 6000 inscrits à 10 000 la première année. En 2010 la
bibliothèque redevient payante : la fréquentation baisse à nouv eau.
Autun gratuit en 1998, payant depuis peu : la fréquentation a baissé de 30 %
Metz : 2553 inscriptions supplémentaires en un trimestre
Quelles sont les craintes qui peuvent freiner les élus (et parfois le personnel) :
Que les bibliothèques croulent sous la foule déchaînée comme pour certaines
expositions dans les musées parisiens. Contre-Argument : les nouv eaux usagers
coûtent peu par rapport au nombre de personnes accueillis, ils dev iennent
autonomes assez v ite.
Que l’activ ité soit dévalorisée : en fait c’est l’effet inv erse qui survient : il y a plus de
v isibilité car la carte ‘multi emprunteurs disparaît (autant de cartes que
d’emprunteurs).
Que cela déresponsabilise l’usager : il n’y a pas d’enquête qui prouv e que l’usager
est déresponsabilisé, il n’y a pas plus de v andalisme qu’av ant.
Que cela fasse une concurrence déloyale aux libraires : on sait qu’un bon lecteur
achète aussi des liv res.
Que les recettes générées par les adhésions ne sont pas à négliger... Lille a fait le
calcul : manque à gagner 100 000 € : cela représente à peine 3% du coût de
fonctionnement. En fait faire payer coûte aussi cher : il faut compter le temps passé
à gérer l’argent par le bibliothécaire, la mairie, le trésor public (comptes
d’apothicaires). I l ne faut pas regarder seulement la transaction mais l’ensemble de
la recette.
La bibliothèque de Fresne a calculé que le temps passé aux inscriptions coûte 30 000
€.
Après la décision et avant la mise en place de la gratuité : comment procéder ?
Faire les statistiques av ant d’appliquer la gratuité… Sinon impossible de faire un
comparatif précis.
Rev oir le fonctionnement de la médiathèque, l’adapter aux nouv elles pratiques.
Etudier le discours à tenir v is à v is du public, l’accompagner.
Trav ailler sur l’accueil et les nouv eaux services.
Etablir un v éritable projet de v ie pour l’établissement.
Communiquer, communiquer.
Et après ?
Faire des statistiques régulièrement (3 mois, 6 mois).
Se remettre en question et trav ailler constamment sur le v ivre ensemble avec le
public.
2. Exemples en Bourgogne et en Franche-comté : Table Ronde
Dijon
155 000 habitants ; bibliothèques en réseau : 5 bibliothèques de quartier, 1 bibliobus.
Consensus de la part du personnel : rev oir les tarifs ; un groupe de trav ail s’était
constitué ; le maire a pris une décision clairement politique à l’automne 2012 av ec
une mise en place de la gratuité en av ril 2013 ; cela a posé des problèmes : le guide
du lecteur était annuel par exemple ; il a fallu changer les heures d’ouv erture,
l’accessibilité.
L’état des lieux, dans la hâte s’est fait d’une manière incomplète, mais on peut tout
de même év aluer l’augmentation de la fréquentation à 15 % ; la gratuité a amené
un public nouv eau ; les prêts ont aussi augmenté légèrement : 3,5 %.
Besançon
La bibliothèque est gratuite depuis début 2012 ; il n’y a pas de pénalité non plus, ce
qui a plutôt été choisi, c’est la suspension du prêt et la facturation des liv res
manquants après 3 lettres de rappel. La plupart des agents de la médiathèque
étaient conv aincus ; par rapport à la gestion de la régie, c’était un v rai
soulagement.
Les adhésions sont passées de 13 000 à 18 000 ; c’est un succès, cela a amené plus
de public adulte notamment (mais beaucoup de communication : conférence de
presse, annonces, etc…).
Vesoul
C’est toujours 8 € : c’est trop cher par rapport au service rendu. Par contre un
progrès depuis 1998 : c’est dev enu gratuit pour les jeunes et pour les comités
d’entreprises. Les agents de la v ille ont une carte gratuite. Les habitants de Vesoul
sont plutôt contre la gratuité. Un test de gratuité pour les nouv eaux arrivants dans la
v ille a été tenté sans succès.
Cas d’une ville de 3200 habitants (expérience étant plutôt négative par défaut
d’organisation, je préfère ne pas révéler le nom de la ville concernée).
Lors de la construction d’une nouv elle bibliothèque en octobre 2007, la gratuité
av ait été env isagée, le maire a refusé.
Après les élections au mois de mars, le nouv eau maire a imposé sans concertation et
sans communication la gratuité. Les lecteurs qui av aient déjà payés leurs
abonnements en janv ier / février étaient furieux et ont demandé le remboursement
de leurs cartes.
Pas d’augmentation significativ e du nombre d’inscrits par manque de
communication (beaucoup d’habitants ne sav ent pas que c’est gratuit) et parce
que la décision n’a pas été portée par un projet.
Mandeure 4900 habitants
Payant pour tout le monde, cotisation familiale. L’emménagement dans de
nouv eaux locaux a entraîné une légère réduction des tarifs, mais la gratuité a été
refusée
Pirey 2200 habitants
Bibliothèque gratuite depuis 30 ans 10 bénév oles. 380 lecteurs actifs la gratuité a été
choisie car la gestion de la régie paraissait une charge trop lourde
Planoise (Besançon), médiathèque Nelson Mandela
Elle est gratuite ; elle attire 3400 inscrits contre 1500 auparav ant ; il y a beaucoup
d’enfants.
Question aux participants : y a-t-il plus de dégradations et de vols ?
Aucune augmentation n’a été constatée dans les bibliothèques pratiquant la
gratuité.
Conclusion
Au terme de cette journée beaucoup d’éléments en faveur de la gratuité d’accès
et du prêt ont été av ancés ; cela ne v eut pas dire que tout doit être gratuit dans les
médiathèques : certains participants pensent que des services particuliers
concernant un certain type d’usagers pourraient sans problème être payants
comme le sont par exemple certaines activités dans les MJC (ateliers de
calligraphie, de dessins, etc..) I l s’agit av ant tout d’une décision politique selon
l’usage que l’on v eut faire de ces beaux outils fédérateurs et consensuels que
dev raient toujours être les médiathèques.
Françoise
Vous trouverez un autre compte-rendu de cette journée, plus général, sur le site ci-dessous
ainsi qu’une bibliographie et une sitothèque : http://mondedulivre.hypotheses.org/3422