3 questions à Carbon de Sèze, avocat à la Cour

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3 questions à Carbon de Sèze, avocat à la Cour
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AVOCATS
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« Un bâtonnier 100 % “avocat des avocats” »
3 questions à Carbon de Sèze, avocat à la Cour
Les élections 2018 au bâtonnat du barreau de Paris se dérouleront les 29 novembre et le 1er décembre
2016 et non en juin 2017 comme initialement prévu. Le bâtonnier Frédéric Sicard a décidé de rétablir un
dauphinat d’une année, prévu à compter du 1er janvier 2017 pour une prise de fonctions le 1er janvier 2018.
La Semaine juridique, Édition générale donne la parole à chacun des candidats avant le scrutin. Cette semaine Carbon
de Sèze répond à nos questions (V. déjà JCP G 2016, prat. 1195 ; JCP G 2016, prat. 1228 ; JCP G 2016, prat. 1261 ;
JCP G 2016, prat. 1300).
Pourquoi vous présentezvous à cette élection ?
Carbon de Sèze : Pour « faire le
job ». Je ne me méprends pas
sur ce que peut faire un bâtonnier, mais je sais aussi à quel
point nos confrères souhaitent
retrouver la plénitude de cette
fonction : un bâtonnier qui assume et assure le magistère de
la parole face aux pouvoirs publics, un bâtonnier qui contrôle
notre tableau et sanctionne les
abus, un bâtonnier qui remet de
l’ordre à l’Ordre en adoptant un
mode de gestion de nos finances
efficace et économe, un bâtonnier qui anticipe et prépare l’avenir de son barreau. Un bâtonnier
100 % « avocat des avocats ».
Ma candidature part d’un constat
simple : notre Ordre a besoin
d’un bâtonnat de réforme, d’un
bâtonnier qui ose sortir du statu
quo sans tomber dans la démagogie. Le navire ordinal tangue,
certains souhaitent le brûler,
d’autres ne rien changer. Je veux
le réparer pour mieux le relancer.
Signe de cet engagement dans
la réforme, je me présente sans
candidat au vice-bâtonnat, cette
institution qui n’a su, ni pu, transformer l’essai de ses créateurs
et nous coûte chaque année
plusieurs centaines de milliers
d’euros.
Quelles sont les grandes
idées-force de votre
programme ?
C. de Sèze : Mon programme ne
m’est pas livré par des agences
de communication. Il est pragmatique, concentré sur les priorités de nos confrères et calibré
sur la durée du mandat de bâtonnier. Ceux d’entre mes com-
pétiteurs qui proposent des projets de plusieurs pages en plus
de trente points se trompent
d’élection, et de fonction. Le
bâtonnier n’est pas le président
de la République des avocats et
l’Ordre n’est pas, et ne doit pas
être, le palais de l’Elysée.
Je propose trois projets principaux pour la mandature qui
vient :
- créer une agence d’arbitrage
et de recouvrement de nos honoraires. L’Ordre mettra à notre
disposition une force de recouvrement et un service d’affacturage. L’argent est le moyen de
notre indépendance. L’Ordre
doit nous aider à récupérer
l’argent que nos clients nous
doivent ;
- faire du digital la « grande
cause », l’œuvre de mon bâtonnat, avec un programme de services, de formations et d’outils
pour reprendre le leadership sur
le marché du numérique ;
- un plan d’économies du train
de vie et des coûts de fonctionnement ordinaux avec en première ligne la remise à plat, dès
mon élection, du projet de 100
millions d’euros de la nouvelle
Maison de l’Ordre des Avocats.
J’ai lancé une pétition qui a recueilli près de 1 000 signatures
de confrères pour demander un
moratoire et un référendum sur
ce projet qui nécessite un large
débat et un audit de nos besoins réels. Si je suis élu, je soumettrai ce projet au vote de tous
nos confrères qui décideront du
sort de cette « MOdA ».
Quel regard portez-vous sur
l’avenir de la profession ?
C. de Sèze : Notre profession
LA SEMAINE JURIDIQUE - ÉDITION GÉNÉRALE - N° 48 - 28 NOVEMBRE 2016
a d’éternels atouts et de nouveaux défis devant elle. La révolution digitale ouvre aux juristes
un champ quasi-infini de développement. La « civilisation des
algorithmes » qui se construit
sous nos yeux est celle du syllogisme. Les juristes de droit
latin « codent » donc depuis
des siècles ! Ils seront ainsi aux
avant-postes de ces évolutions
radicales. À notre profession de
se structurer pour accompagner
les avocats qui souhaitent s’investir pleinement dans ce nouveau monde. À nous de toiletter
notre déontologie pour qu’elle
s’adapte à ces nouvelles pratiques et pas le contraire. Je veux
aussi combattre la fracture numérique qui touche certains de
nos confrères, en leur permettant, avec mon pack digital, de
s’adapter aux nouveaux usages
du numérique.
Mais l’avenir de notre profession ne dépend pas que de
nouvelles orientations économiques ou technologiques. Les
échéances politiques en France
et en Europe nous concernent au
premier plan. Le futur Gouvernement, quel que soit son orientation politique, sera sécuritaire
et opposé à notre secret professionnel. L’Europe promeut une
dissolution de celui-ci dans le
grand « bain » de la confidentialité à l’anglo-saxonne. Nous devrons donc nous battre et je préconise de changer de stratégie.
Nous avons trop longtemps défendu « notre » secret de façon
purement corporatiste, si bien
que, dans l’esprit des pouvoirs
publics, ce secret n’est plus celui de nos clients, mais le privilège indu des avocats. Si je suis
élu, j’aurai à coeur d’associer à
notre combat la société civile
afin de construire un nouveau
rapport de forces : le secret ne
sera plus notre « chose » mais
une cause citoyenne partagée,
unie pour défendre un droit inaliénable et indivisible au secret.
L’avenir de notre profession
passe aussi par un meilleur accueil et une meilleure orientation
des jeunes avocats et un meilleur accompagnement de la fin
de carrière de nos confrères les
plus âgés.
Pour les jeunes, je suis fermement opposé à l’instauration de
la « formation qualifiante » que
le CNB met en place actuellement, sans concertation avec
les principaux intéressés. Je ne
veux pas d’un barreau où les
jeunes avocats, après l’EFB, se
verraient imposer une nouvelle
période de formation. Soit nous
supprimons l’EFB (qui coûte très
cher à la profession) et nous rétablissons le stage, soit nous restons avec une EFB qui doit être
une véritable école qualifiante.
Mais il est hors de question de
condamner nos jeunes futurs
confrères à la « double peine »
de l’école ET du stage !
Pour les plus âgés d’entre nous
qui souhaitent réduire ou arrêter leur activité, je propose dans
mon programme des mesures
d’accompagnement et d’assistance spécifiques. Je mettrai
également en place des cycles
de rencontres entre jeunes avocats et confrères expérimentés
afin que les cabinets et l’expérience puissent mieux se transmettre au sein de notre barreau.
Propos recueillis par
Florence Creux-Thomas
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