01-12 CR Rencontre sur la sous-traitance

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01-12 CR Rencontre sur la sous-traitance
Rencontre du 17 janvier 2012– Risques et enjeux en droit social de la Sous-traitance
RENCONTRE DU MARDI 17 JANVIER 2012
RISQUES ET ENJEUX EN DROIT SOCIAL DE LA SOUS-TRAITANCE
Benoît ROBIN, Délégué de l’AFERP
Je vous adresse au nom du Conseil d’Administration (CA) de l’AFERP tous nos meilleurs
vœux pour cette année 2012. Pour 2012 nous avons un certain nombre de projets, vous avez
pu voir les différentes thématiques qui vont être abordées dans le cadre des rencontres de
l’AFERP organisées régulièrement, peut-être est-ce l’occasion aussi de vous faire part que
lors de la dernière réunion du C.A. de l’AFERP, nous avons arrêté le principe sur l’année
2012 de lancer en direction des adhérents de l’AFERP une enquête afin de recueillir leurs
avis et leurs opinions, à la fois sur les rythmes, sur les formules, sur l’organisation de ces
manifestations, auxquelles nous remercions les uns et les autres de participer, d’où la
préconisation de la proposition faite par le C.A. de l’AFERP à ce sujet.
Pour cette nouvelle année, nous aurons également une pensée pour notre Président, M. JeanMichel OLIVIER qui vous prie de bien vouloir l’excuser. Il a des ennuis de santé, il envisage
lors des prochaines manifestations d’essayer de se joindre à nous, néanmoins, mais
aujourd’hui, cela ne lui était pas possible.
Nous avons le plaisir d’accueillir Mme Jany JOUE-DEGORGUE qui est également la
Trésorière de l’AFERP.
Elle nous fait le privilège d’intervenir sur un sujet juridique pointu et particulier, qui l’a
conduite, dans la discussion préparatoire que l’on a pu avoir avec elle, à explorer des
nombreux documents afin de pouvoir faire un état des lieux sur les risques et les enjeux en
droit social des questions de la sous-traitance ; les uns et les autres, vous en disposez
certainement d’un panorama ou de représentations de cas particuliers.
On voit régulièrement des articles de jurisprudence sortir ici ou là, mais nous aurons
précisément un éclairage extrêmement large et enrichi.
Dans un deuxième temps, nous aurons le plaisir d’avoir avec vous des débats et discussions
sur ces questions de sous-traitance qui posent parfois des difficultés, d’où tout l’intérêt de
pouvoir s’atteler à explorer ceci. Sans attendre, je vous propose de passer la parole à Jany,
afin qu’elle puisse nous exposer les éléments en la matière. Merci.
Jany JOUE-DEGORGUE, Avocat à la Cour
Je suis aussi avocate et travaille un peu, quand je le peux sur les questions de droit social,
c’est même le fond de mon activité.
Quand on parle des risques et des enjeux en droit social de la sous-traitance, il faut se
demander finalement de quoi on parle. Qu’est-ce que l’on a voulu faire ? Qu’est-ce que l’on
fait vraiment ? Comment cela évolue-t-il ? Sachez que les premières dispositions dont je vous
parlerai rapidement tout à l’heure, sur le travail dissimulé, datent de 1991 ; c’est un droit
sorti ex nihilo de rien, le droit du travail dissimulé, disons du travail illégal, n’existe dans
aucun autre pays du monde.
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Rencontre du 17 janvier 2012– Risques et enjeux en droit social de la Sous-traitance
Quand vous discutez, avec des confrères ou des juristes du "Common Law" et que vous leur
parlez du code de la sécurité sociale, ils vous regardent avec des yeux assez ahuris, mais
quand vous leur parlez du droit pénal du travail, alors là, ils en sont « baba ».
C’est vrai que ce droit qui existe depuis 1991 était au départ un droit un peu tâtonnant, pas
très calé juridiquement. Au fil du temps, depuis trente ans, il a acquis ses lettres de noblesse
et aujourd’hui, il est un droit redoutable et craint, en particulier des donneurs d’ordres qui,
dans le cadre des contrats de sous-traitance ont tout à s’en prémunir.
Deux objectifs ont été privilégiés :
Premièrement, utiliser le donneur d’ordres, pour assainir la sous-traitance, (quand on dit "la
sous-traitance", il faut que vous sachiez qu’en droit social, à part quelques petites spécificités
de la sous-traitance, la prestation de services et la sous-traitance engendrent les mêmes
risques et ont les mêmes enjeux). Les enjeux pour la collectivité sont d’obliger le donneur
d’ordres à intervenir dans la chaîne d’activités pour que cette chaîne d’activités devienne
vertueuse. L’idée est de créer des zones de risques chez le donneur d’ordres pour
lui complexifier le travail pour l’inciter à privilégier l’activité auprès de partenaires vertueux
et se retirer des zones grises ou noires de l’économie.
Et puis, vous savez que l’on parle beaucoup de la fraude en ce moment, de plus en plus
même, car l’enjeu financier est immense. Quand on parle des enjeux, c’est évidemment pour
la société de récupérer de l’argent, argent que le sous-traitant ou le prestataire de service
indélicat n’a pas versé, par exemple aux organismes de sécurité sociale, ou aux salariés, mais
aussi au fisc. Toutes ces sommes peuvent être mises à la charge du donneur d’ordres et je dois
vous dire que les pouvoirs publics affinent et complètent lois avec de plus en plus
d’imagination (Ex. aujourd'hui ce n'est plus simplement la personne morale qui peut être en
solidarité financière, mais aussi son dirigeant en tant que personne physique).
L’enjeu pour la société est clair et, évidemment en creux, il dessine le risque pour le donneur
d’ordres. Effectivement, le risque est extrêmement important, il est financier mais aussi pénal,
et nous allons y revenir.
Donc voilà le cadre du travail illégal pour le donneur d’ordres : il y a non seulement la
responsabilité du donneur d’ordres dans le cadre d’une solidarité financière, mais aussi une
infraction pénale du donneur d’ordres, le travail dissimulé indirect.
Qu’est-ce que le travail illégal ? Il est codifié aux articles L 8211-1 et suivants du code du
travail, (le droit pénal du travail est codifié à 90% dans le code du travail, seuls quelques
articles étant dans le code de la sécurité sociale, plus, certainement quelques autres que je ne
connais pas parce que ma compétence est une compétence sociale et pas fiscale, dans le code
général des impôts et j’imagine qu'il doit y en avoir aussi dans le code de l’immigration, mais
sachez que le « corpus » des dispositions est dans le code du travail).
Je vous conseille, si vous avez un jour à traiter de cette question là, de ne pas acheter un code
du travail uniquement pour l’occasion et de bien regarder sa date, parce que cette matière
évolue à une rapidité que vous ne pouvez même pas soupçonner. Compte tenu de cette
rapidité, je vous conseille vivement d’aller voire d’abord sur « Legifrance » les dispositions
qui sont applicables au jour J avant d’acheter un code qui a déjà six ou huit mois, voire un an,
(je ne vous parle pas des vieilleries qui traînent parfois dans les rayonnages). En commençant
par Legifrance, vous êtes sûrs que vous éviterez les plus gros contresens pour ne pas avoir vu
quelque chose de neuf, quelque chose d’important.
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Pour votre information, notez que la loi du 16 juin 2011 sur l’immigration, a changé beaucoup
de choses sur la partie « emploi d’étrangers sans titre de travail ». Depuis, une autre loi, celle
de financement de la sécurité sociale du 21 décembre 2011 et un décret du 26 novembre 2011,
refondent la définition des infractions et réactualisent l’attestation de donneur d’ordres ; c’est
pour cela que je vous dis que, si vous devez travailler, que ce soit pour une entreprise, un
cabinet de conseils, comme avocat, et pour n’importe qui, dans cette matière, franchement
mieux vaut d’abord aller chercher le texte à jour et ensuite seulement voir des textes et les
commentaires, parce que sinon c’est trop risqué.
J’avoue d’ailleurs que pour travailler cet exposé, j’ai dû me replonger dans la loi de
financement de la sécurité sociale de 2012 et essayé, dans la mesure du possible, d’être à jour,
sur ce que je vous donne comme informations.
Le travail illégal est constitué de six infractions. Pour le donneur d’ordres, on va le voir, ce
n’est quand même pas la totalité de ces six infractions qui peut le concerner.
La première des infractions, en réalité des délits, c’est le travail dissimulé sur lequel je
reviendrai tout à l’heure. Ensuite, viennent le marchandage, le prêt de main d’œuvre illicite,
puis l’emploi d’étrangers sans titre de travail. Je vous prie de m’excuser, mais à chaque fois
que je dis, dans le corps de mon exposé, " étrangers en situation irrégulière", (ce n’est pas en
situation irrégulière, au sens des cartes de séjour, c’est en situation irrégulière au regard d’une
autorisation de travail, c’est plus facile de dire "en situation irrégulière", mais sachez que, là,
ce qui nous intéresse, c'est la situation irrégulière au regard d’un titre de travail.
En dernier lieu, sont constitutifs du travail illégal, les cumuls irréguliers d’emplois qui ne
concernent absolument pas les donneurs d’ordres et puis les fraudes ou fausses déclarations
prévues à divers articles du code du travail qui sont essentiellement des complicités pour
obtenir des allocations chômage, des aides à l’emploi, etc.
Les deux infractions, sur lesquelles le donneur d’ordres est en première ligne, sont le travail
dissimulé et l’emploi d’étrangers sans titre de séjour. Pour le donneur d’ordres, en effet, la
solidarité financière peut trouver à s’appliquer même s’il n’a, lui-même, commis aucune
infraction.
Au contraire, le délit de marchandage souvent associé au travail dissimulé, n'a pas, pour le
donneur d’ordres, la même ampleur que les deux autres délits. En effet, pour que le donneur
d’ordres soit condamné au titre du délit de marchandage, il faut qu’il ait commis lui-même ce
délit. Ainsi, même si le marchandage peut être associé au travail dissimulé, la nécessité d’une
commission directe de l’infraction étant indispensable, exclut, de fait, toute solidarité
financière du donneur d’ordres au sens de celle évoquée dans nos travaux de ce matin.
Une petite particularité, pour que l’on sache bien de quoi on parle, sur la sous-traitance. Je
vous ai dit précédemment, qu’il y a deux grands mécanismes de délégation d’activité, la soustraitance et la prestation de services. Les deux, d’un point de vue « sécurité sociale »,
notamment en matière de travail dissimulé, sont gérés à peu près de la même manière, sauf
qu’une ordonnance du 28 octobre 2010 a modifié la loi sur la sous-traitance. Pour l’instant
nous n’avons aucun recul sur le point de savoir ce que cela va changer dans les matières qui
nous intéressent. Toutefois, je rappelle que la loi de 1975 récemment modifiée nécessite
désormais, pour que la sous-traitance soit conforme aux dispositions légales, que la chaîne de
sous-traitance soit agréée par le maître d’ouvrage, le donneur d’ouvrage, bref l’organe
économique qui se situe au sommet de la chaîne de sous-traitance. Cela a une implication
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extrêmement importante, que je ne mesure pas aujourd’hui mais une chose est certaine,
aujourd’hui, le maître d’ouvrage, le donneur d’ouvrage, celui qui est tout en haut de la chaîne
de sous-traitance, est informé et doit agréer chacun des sous-traitants : chaque fois qu’un un
sous-traitant entre dans la chaîne, il doit être agréé en haut lieu et l’information le concernant
doit remonter la chaîne jusqu’au maître d’ouvrage.
Pour l’instant, je n’ai pas d’exemples d’application, mais j’imagine qu’à partir du moment où
le maître d’ouvrage agréera le sous-traitant, même en énième position, il ne pourra plus être la
situation dans laquelle il était auparavant, celle où il pouvait ne pas savoir et attendre
finalement qu’un syndicat, ou qu’un agent de contrôle, etc. lui donne l’information pour qu’il
soit obligé d’agir. Là quelque chose s’est passé et ce quelque chose n’est pas pour l’instant
totalement mesuré.
Le travail dissimulé a commencé en 1991 ; nous avons aujourd’hui 30-31 ans de recul. On
constate deux choses :
Premièrement, on est en période électorale, mais je peux vous dire – gauche ou droite sur ces
questions là, c’est pareil- ; les mesures ont été initiées par la gauche, reprises par la droite ;
elles constituent une tendance lourde de notre société ; c’est le tribut à payer pour une
protection sociale finalement d’un certain niveau et qui coûte cher, surtout quand les
difficultés économiques s’amoncellent.
Deuxièmement, cette matière a évolué : au départ, elle n’était pas très assurée d’un point de
vue juridique ; on ne savait pas très bien qui faisait quoi, on ne savait pas quel était réellement
le contentieux ; il y avait beaucoup d’incertitudes juridiques. Aujourd’hui, ces incertitudes
juridiques s’estompent, au fur et à mesure que les lois, les décrets, les arrêtés arrivent et
clarifient le droit.
Parallèlement, on constate de fait, une spécialisation des différents agents de contrôle ;
l’URSSAF globalement pour le travail dissimulé, je crois qu’elle fait 80 ou 90% du travail.
Elle n’est pas toute seule, il y a aussi la police, l’inspection du travail, le fisc, mais, d’une
manière générale, c’est quand même l’URSSAF qui fait, sauf pour le travail dissimulé à
l’étranger (cas du sous-traitant établi à l’étranger, plutôt réservé au fisc). L’inspection du
travail reste concentrée sur le marchandage, le prêt de main d’œuvre illicite ; les intervenants
comme la police, mais aussi la « Direccte » et l’Office français de l’immigration prennent en
charge l’emploi d’étrangers en situation irrégulière.
Pour mémoire, en matière de droit des étrangers, les URSSAF peuvent déceler que quelque
chose ne va pas, et en saisir une autre administration, mais elles ne sont pas outillées pour
constater le délit d’emploi de salariés en situation irrégulière.
Vous connaissez ma spécialité, ma compétence est essentiellement centrée sur le droit de la
sécurité sociale, droit de l’Urssaf, qui représente une grosse partie de mon activité et donc,
vous m’en excuserez, mais je vais vous parler avant tout de ce que je connais le mieux, c’està-dire, du travail dissimulé.
Le travail dissimulé. Il fut une époque où cohabitaient trois délits, trois infractions. Il y avait
le délit pour dissimulation d’activités (l’entreprise n’est pas inscrite auprès des différents
registres, ou est inscrite pour une activité qui n’est pas celle qu’elle exerce). Ensuite, venait la
dissimulation d’emplois de salariés qui jusqu’à une date récente était dissociée d’une autre
infraction, la dissimulation d’heures de travail. Toutefois, les juridictions avaient beaucoup
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de mal à se saisir de cette troisième infraction, cela ne marchait pas, on a donc regroupé les
deux infractions d’emplois de travailleurs salariés en une seule et aujourd’hui, c’est l’emploi
du travail dissimulé par dissimulation du salarié, que cette dissimulation soit totale ou
partielle, et on y a ajouté la minoration de charges sociales.
Concernant la minoration d’heures, elle est désormais examinée au travers du prisme de la
minoration de charges.
Or, la dissimulation d’emplois salariés s’apprécie au travers de ce qui figure sur la fiche de
paie et on va effectivement regarder si la fiche de paie correspond, non pas au temps de travail
réellement effectué par le salarié au titre de la période d’emploi, mais à celui résultant des
modalités d’aménagement du temps de travail de l’entreprise (aménagement, annualisation,
cycles, lissages), (cette précision résulte de contentieux : on ne regarde pas le nombre
d’heures réellement effectuées, mais le nombre d’heures qui doivent figurer sur la fiche de
paie).
Il existe trois infractions alternatives de dissimulation d’emploi :
- La première, c’est l'absence de déclaration préalable à l’embauche,
- La deuxième est la non-délivrance du bulletin de paie où l'on doit avoir mentionné un
nombre d’heures conforme soit à ce que le salarié a fait, soit à ce que l’entreprise a
aménagé comme temps de travail pour lui,
- La troisième, redoutable, celle-là, est de s'être soustrait intentionnellement aux
déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises auprès des
organismes de recouvrement de contributions et de cotisations sociales et de
l’administration fiscale en vertu des dispositions légales ; dès l’instant que l’URSSAF
va pouvoir prouver que l’entreprise a voulu faire une optimisation irrégulière, (ce qui
est souvent sous-jacent à certaines sous-traitances), il y aura verbalisation.
La sous-traitance et la prestation de service sont des mécanismes économiques nécessaires.
Ainsi, réunir des entreprises pour réaliser un gros marché avec des spécialités et des
compétences différentes est positif : on en voit bien l’intérêt technique et économique, Sauf
que si vous discutez avec des entreprises, elles vous expliquent que c’est, certes, plus pratique
mais aussi que cela évite d’embaucher : pour réaliser une tâche ponctuelle qui n’est pas le
cœur de l’activité de l’entreprise, l’entreprise préfère ne pas embaucher quelqu’un, ne pas
créer tout un système dans l’entreprise mais plutôt sous-traiter.
Là commence la difficulté car si l’entreprise sous-traite le cœur de son activité habituelle les
tribunaux veillent et sanctionnent un motif qui ne serait que financier et éluderait les droits
des salariés et ceux de la société.
Définition du délit d’emploi de salariés en situation irrégulière : on ne peut pas embaucher un
étranger qui n’est pas muni du titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France et en
plus, cette autorisation est parfois limitée à une certaine activité, ou une certaine
zone géographique et il faut que l’activité et la zone géographique qui figurent l’autorisation
de travail soient respectées.
Définition du délit de marchandage, qui n’entraîne aucune solidarité financière ; toute
opération lucrative de fourniture de main d’œuvre qui a pour objet de causer un préjudice aux
salariés qu’elle concerne ou d’éluder l’application de dispositions légales ou de stipulations
d’une convention d’un accord collectif de travail ; cela me donne l’occasion de dire quelque
chose tant sur la sous-traitance que la prestation de services.
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Il y a un aspect de la sous-traitance et de la prestation de services qu’il ne faut jamais oublier,
quand vous rédigez des contrats de sous-traitance ou des contrats de prestations de services :
ne jamais indiquer ou laisser supposer que ce sont les salariés que vous sous-traiter ; ce que
vous sous-traitez, ce n’est pas du personnel, ce que vous sous-traitez c’est du travail, c’est
une activité, cela doit avoir un fond et un sens, c’est un marché, un tronçon d’activité, ce
n’est pas 10 ou 20 salariés pour faire telle partie de l’activité, qu’en règle générale vous-même
avez dans votre corpus d’activités. Sinon, cela s’appelle le prêt de main d’œuvre illicite ou le
marchandage et, c’est interdit.
Je dois aussi vous dire, concernant l’objet de certains contrats de sous-traitance, qu’il existe
de très gros risques (ex. : dans certains domaines, si on vient me voir, j’ouvre des tas de mises
en garde dans tous les sens). En effet, évitez de faire de la sous-traitance sur des activités
chaque fois qu’il existe des présomptions de salariat ; avec les journalistes, par exemple, les
entreprises de presse sont souvent tentées de faire appel à des auto-entrepreneurs pour rédiger
leurs articles, c’est interdit. Je vous le dis franchement : vous faites ce que vous voulez mais
c’est retoqué si l’Urssaf s’en aperçoit, au moins une requalification en tant que salariés, voire
du travail dissimulé.
Quand on parle des risques du donneur d’ordres, on parle essentiellement du mécanisme de
solidarité financière, hors toute condamnation du donneur d’ordres. Cependant, s’il est luimême condamné pour travail dissimulé indirect, il va aussi être entièrement responsable,
solidairement, c’est évident.
Là, ce qui nous intéresse plus particulièrement, c’est la solidarité financière du donneur
d’ordres qui n’a pas lui-même commis l’infraction (c’est son sous-traitant ou son prestataire
de services qui l’a commise). La question de déterminer s’il savait ou s’il ne savait pas est
ouverte, mais en tout cas, il ne l’a pas commise ni directement ni indirectement. Or, quand on
parle du mécanisme de solidarité financière, c’est la situation d’absence de commission de
l’infraction qu’on évoque car elle est surprenante que le mécanisme de solidarité financière du
donneur d’ordres qui, finalement, est déclaré complice de la chaîne de travail dissimulé qu’il a
mis lui-même en place ou qu’il savait exister et dont il a profité.
On parle du donneur d’ordres, je ne veux pas dire qu’il est de bonne foi, la bonne foi ou la
mauvaise foi dans ces matières là, c’est toujours un peu compliqué, mais en tout cas, qui n’a
pas commis l’infraction.
Sa responsabilité est solidaire ; la responsabilité solidaire, en principe n’intervient qu’après
que l’on ait essayé de récupérer auprès du débiteur principal ; vous imaginez bien que le soustraitant indélicat n’a souvent pas les moyens de régler sa dette même s’il le veut : "si, je veux
bien payer, mais j’ai besoin de dix ans pour payer tout cela". L’Urssaf ne va jamais accepter
des délais aussi longs, surtout pour une entreprise qui est en zone grise ou noire. Donc,
elle risque de lui refuser les délais et vous vous allez, en tant que donneur d’ordres, vous
trouver en première ligne. C’est le donneur d’ordres qui va devoir assumer le manque à
gagner de la société et c’est l’idée même de la solidarité financière, que d’aller chercher
l’argent auprès de celui qui est solvable, de celui qui est en zone blanche. On ne va pas
chercher l’argent auprès de celui qui est en zone grise ou en zone noire.
Donc, attention à cette solidarité financière qui s’est beaucoup clarifiée en droit. Au départ on
ne savait pas très bien si l’URSSAF pouvait délivrer une mise en demeure, quelle était la
nature de la lettre d’observations, quelle sorte de contrôle elle diligentait, est-ce qu’elle
pouvait mettre en œuvre la procédure de contrainte, etc. etc… On ne savait pas trop bien ce
qu’était cette solidarité financière. Maintenant, c’est plus clair : la solidarité financière existe
dans le cadre du travail dissimulé et on a créé des dispositions à l’intérieur du code de la
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sécurité sociale pour que les contrôles de travail ou d'emploi dissimulé aient une existence
juridique propre.
En conclusions, la mise en demeure, la contrainte, le contentieux de la sécurité sociale, tout
cela est désormais prévu, ce qui n’était pas tout à fait le cas au départ. Même constat pour la
procédure de contrôle de travail dissimulé. Là encore on a inséré à l’intérieur du code de la
sécurité sociale, des dispositions spécifiques. Il ne s’agit pas du contrôle classique, triennal,
contradictoire qui intervient dans une entreprise, sur avis de passage, et au cours duquel on
regarde, par exemple, si les paniers ont été bien exonérés ou si l’intéressement a été bien
calculé etc.
En matière de travail dissimulé, l’URSSAF agit hors contrôle triennal et sa créance sera le
volet civil du procès-verbal de travail dissimulé transmis au Procureur de la République. Dès
l’instant qu’il y a un procès-verbal de travail dissimulé, la procédure de la notification du
contrôle n’est plus contradictoire. La Cour de Cassation emploie l’expression, pour ne pas
dire que le contrôle n’est plus contradictoire : de « la contradiction par l’envoi de la lettre
d’observations ». Il faut vraiment intégrer que l'on peut discuter comme pour un contrôle
normal. On n’est pas dans un cadre contradictoire de discussion, mais le donneur d’ordres
garde le droit d’être informé et dans le cadre de ces informations, il peut donner sa position et
se défendre.
Je dois vous dire que le droit du travail dissimulé a été beaucoup amélioré par la Cour de
Cassation. Divers arrêts de la Cour de Cassation sont d’ailleurs « fondateurs ».
Sur le chiffrage, qu’est-ce que l’on demande au donneur d’ordres ?
Pendant très longtemps il y a eu des tâtonnements. On a vu jusqu’à des prorata de la part de
chiffres d’affaires TTC : or, tout change, selon que c’est du TTC ou du hors taxe. On a admis
des prorata sur travaux réalisés. On a admis des calculs d’assiette en fonction des factures
qu’on transformait en salaires. Tout cela était validé par la Cour de Cassation.
La loi de financement de la sécurité sociale 2012, nous a créé une petite surprise dont
d’ailleurs je n’ai pas vu beaucoup de commentaires, et qui, à mon avis, signifie « exit les
prorata au moins lorsque le donneur d’ordres a indirectement commis l’infraction » car sa
solidarité est désormais entière pour la totalité des cotisations qui se rapportent aux périodes
pendant lesquelles le contrat de sous-traitance ou de prestations de services a été en œuvre. Il
en résulte qu’il n’existe plus de prorata sur une période en fonction de divers donneurs
d’ordres, c’est pour 100% des cotisations éludées sur la période de contrat, qu’il est
responsable en temps que donneur d’ordres.
Voilà ma lecture de la dernière loi financement de la sécurité sociale, maintenant, cela
n’engage que moi, même si je pense que ma lecture est bonne.
Quant aux méthodes de contrôle : elles sont totalement libres en cas de travail
dissimulé, l’inspecteur fait absolument ce qu’il veut et tout ce qui est interdit dans les
contrôles triennaux… l’audition des salariés, l’envoi de questionnaires aux salariés, etc., est
permis. L’inspecteur peut même interroger des gens qui n’ont « rien à voir » avec l’entreprise,
des témoins ; toutes les auditions sont autorisées car on est dans un cadre qui n’est pas le
cadre habituel des contrôles de l’URSSAF.
Seule contrainte pour l’URSSAF, le contrôle du donneur d’ordres, s’accroche au contrôle du
sous-traitant qui a exercé en situation de travail dissimulé et doit faire référence au procèsverbal de travail dissimulé.
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Ainsi, s’il n’y a pas de procès-verbal de travail dissimulé, il n’y a pas de solidarité, le contrôle
est accroché au procès-verbal de son sous-traitant. Mais le PV n’a pas à lui être remis, vous
pensez bien que cela a été plaidé : on a soutenu que ce procès-verbal constituait une pièce
essentielle que le donneur d’ordres devait avoir en mains. Eh bien, point du tout, la Cour de
Cassation dans plusieurs arrêts juge que ce n’est pas exigé. Récemment, on a d’ailleurs,
inscrit dans le code de la sécurité sociale que la lettre d’observations de travail dissimulé
devait indiquer la référence, c’est-à-dire, le numéro du procès-verbal du travail dissimulé, sa
date, la date de sa transmission au procureur, etc. La transmission du PV au donneur d’ordres
n’est pas prévue.
Autre anomalie soumise à la Haute juridiction : elle concerne l’URSSAF compétente ; quelle
URSSAF peut envoyer la mise en demeure au donneur d’ordres ? Exemple : j’habite Paris,
j’ai mon établissement principal à Paris, mon siège social à Paris, et mon sous-traitant est, par
exemple, en Bretagne ou en Région PACA. C’est peut-être l’URSSAF de Paca ou de
Bretagne, qui a procédé au contrôle de travail dissimulé et c’est cette URSSAF, que je ne
connais pas, qui n’est absolument pas mon URSSAF de référence, puisque je paie mes
cotisations à Paris, qui m’envoie une mise en demeure en tant que donneur d’ordres. Cela a
été plaidé et, là encore, la Cour de Cassation a validé : c’est tout à fait possible, parce que ce
n’est pas finalement le paiement des cotisations du donneur d’ordres mais une solidarité
financière exorbitante du droit commun des compétences URSSAF.
Je pense vous avoir communiqué toutes les particularités du contrôle tel qu’il est fait par
l’URSSAF en cas de travail dissimulé.
Je connais beaucoup moins bien les dispositions du contrôle pour l’emploi du travailleur
étranger en situation irrégulière, et je me dispenserai de vous donner des informations sur une
question que je ne maîtrise pas.
Examinons maintenant la mise en œuvre de la solidarité financière du donneur d’ordres.
Cette solidarité financière est conditionnée par un manquement civil et non pénal. Ainsi, sauf
si le donneur d’ordres a lui-même commis une infraction, il est redevable aux lieu et place de
son sous-traitant (URSSAF, impôts, parfois l’Office d’Immigration, etc.) uniquement parce
qu’il n’a pas effectué un certain nombre de vérifications.
Ces vérifications sont obligatoires et si elles ne sont pas faites, cela entraîne les conséquences
la responsabilité financière. Et, comme toutes les administrations communiquent, la
responsabilité émanera de divers organismes, ce qui peut vite, la rendre écrasante.
Chacun sait qu’en cas de contrôle de travail dissimulé initié, par exemple par l’URSSAF,
vous êtes sûr d’avoir ensuite un contrôle approfondi du fisc, et si c’est le fisc qui, le premier,
a découvert l’infraction de travail dissimulé, il transmet l’information à l’URSSAF qui
recouvre les cotisations directement sur la base du PV fiscal. La Cour de Cassation l'a
autorisé, l’URSSAF peut par exemple tout à fait notifier, au vu du procès-verbal établi par le
fisc, une mise en solidarité financière du donneur d’ordres.
Tous les organismes communiquent, se voient régulièrement avec le Procureur de la
République et chacun utilise le travail de l’autre, sans avoir à refaire lui-même la totalité de la
procédure de verbalisation.
Quelques mots sur les maîtres d’ouvrage. En principe, sous réserve de ce que je vous disais
tout à l’heure sur les nouvelles obligations de la sous-traitance, ils sont dans une situation plus
avantageuse, dans la mesure où ils peuvent ne pas connaître les pratiques illégales des soustraitants en cascade tant qu’ils ne sont pas officiellement informés. C’est alors qu’ils doivent
immédiatement réagir. Les personnes publiques peuvent même rompre le contrat.
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Rencontre du 17 janvier 2012– Risques et enjeux en droit social de la Sous-traitance
Pour les salariés étrangers sans autorisation de travail, là encore, le donneur d’ordres qui n’a
pas effectué toutes les vérifications qui lui incombent est solidaire des impositions,
des contributions spéciales, des cotisations, et des salaires y compris si le salarié a été
reconduit à l’étranger (dans ce cas c’est l’Office Français d’Immigration qui se charge de
recouvrer et de réexpédier l’argent directement au salarié).
Quelles sont les vérifications qui doivent être faites ?
Pour le travail dissimulé, on a plusieurs formalités, plus ce que l’on appelle, l’attestation du
donneur d’ordres tous les 6 mois (contrat supérieurs à 3000 €).
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 a mis un terme à une lacune qui
arrangeait bien les donneurs d’ordres. Ils devaient faire les vérifications de Kbis, vérifier que
l’entreprise avait bien un numéro de TVA intra communautaire, qu’elle était bien déclarée,
qu’elle avait accompli ses formalités CFE, etc. et les donneurs d’ordres avaient l’obligation de
demander en sus des attestations sur papier libre à leurs sous-traitants et prestataires de
services : ils y indiquaient que leurs salariés étaient en situation régulière. Ces attestations
évidemment entraient en concurrence avec d’autres obligations mises à la charge du donneur
d’ordres et tout particulièrement les attestations dites du donneur d’ordres à fournir tous les 6
mois, parfaitement intangibles car elles émanent de l’URSSAF et sont numérotées.
Ces attestations sur papier libre pour l’emploi régulier des salariés étaient très courantes.
Evidemment, nul ne pouvait jamais certifier ou exclure qu’il s’agissait d’attestation de
circonstance. Maintenant à partir de 2012, il faut et il suffit, d’une part, de vérifier
l’immatriculation de l’entreprise et d’autre part d’obtenir de son sous-traitant le formulaire,
d’attestation de donneur d’ordres (pour ses salariés).
Pour les travailleurs indépendants, l’attestation relative à leur situation personnelle doit
émaner du RSI et là je peux vous dire que c’est très difficile. Le RSI ne fonctionne pas
idylliquement, et on a beaucoup de mal à obtenir des attestations d’autant que les sous-traitant
ont parfois même du mal à obtenir leurs propres appels de cotisations; donc pour un donneur
d’ordres qui travaille dans ce cadre là, c’est risqué et compliqué, parce que rien n’est assuré :
autant avec l’URSSAF on sait, que l'on obtient les attestations et que si le sous-traitant ne la
produit pas c’est parce qu’il n’est pas en règle, autant pour les travailleurs indépendants c’est
plus aléatoire, ce qui exige du donneur d’ordres une vigilance toute particulière et la nécessité
de se faire communiquer tous les éléments en possession du sous-traitant susceptibles de
prouver que sa situation est régulière.
Quel est le contenu des attestations de donneurs d’ordre délivrées par l’URSSAF pour
l’emploi régulier de salariés ?
Tout d’abord, il faut savoir qu’elles sont numérotées. Si un jour on vous remet une attestation
de donneur d’ordres qui émane de l’URSSAF, vous avez un petit numéro sur l’attestation et
quand vous allez sur le site des URSSAF vous avez une case sur la droite accessible aux
donneurs. Si vous tapez le code de cette attestation, vous saurez si c’est une vraie ou une
fausse ; c’est très important pour le donneur d’ordres de pouvoir se protéger contre tout
« trafic » de fausses attestations car avec une photocopieuse on réussit des merveilles ! Or, le
donneur d’ordres a l’obligation de s’assurer de l’authenticité de l’attestation que lui remet son
sous-traitant. Depuis le 26 novembre 2011, l’attestation a, de plus, a été augmentée d’un
certain nombre d’informations pour mieux informer encore le donneur d’ordres : tout
particulièrement, on y fait figurer désormais, le nombre de salariés déclarés à l’URSSAF sur
le dernier bordereau de cotisations et l’assiette des cotisations qui y a été déclarée.
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Cela ne donne pas au donneur d’ordres, l’assurance qu’il n’y a pas de salarié au noir chez le
sous-traitant, mais cela lui permet de voir en cohérence si, pour le peu qu’il connaît de son
sous-traitant, le nombre de salariés et l’assiette des cotisations sont cohérents avec la réalité.
Ces attestations sont sécurisées informent mieux les donneurs d’ordres d’autant qu’elles
doivent faire figurer aussi, depuis le 26 novembre 2011, que le sous-traitant est à jour de ses
cotisations, (avant on indiquait s’il était à jour de ses déclarations sans chercher à savoir s’il
avait payé ou pas), maintenant l’attestation est délivrée si le sous-traitant est à jour de ses
paiements. Si le paiement n’est pas intervenu, l’attestation ne sera pas délivrée, sauf si le
paiement n’est pas intervenu pour une bonne raison, par exemple, il y a eu un contrôle
triennal (pas un contrôle de travail dissimulé), et une contestation a été régularisée ou des
délais de paiement ont été accordés. Evidemment, en cas de contrôle pour travail dissimulé il
n’y aura pas délivrance d’attestation.
Ainsi, malgré la difficulté de conclure « autrement », le donneur d’ordres dispose aujourd’hui
de moyens bien supérieurs à ceux qu’il avait auparavant.
Tout refus de présenter l’attestation URSSAF au titre de l’emploi de salariés doit, a priori,
alerter le donneur d’ordres d’une situation sinon anormale tout du moins « hors du commun »
qu’il convient de clarifier avant de contracter.
J’ai vu des donneurs d’ordres qui, par le passé, était contraints de se faire communiquer la
copie des déclarations préalables à l’embauche puis des bulletins de paie des salariés qui
allaient travailler à la réalisation de leur contrat de prestation de services. Cela représentait
une immixtion insupportable dans la gestion RH du sous-traitant. Exemple : quelqu’un
arrivait sur site, on lui demandait son nom puis on téléphonait au sous-traitant « envoyez moi
sa déclaration préalable à l’embauche », cela commençait à ressembler à une immixtion dans
la vie de l’entreprise sous-traitante. Ces demandes, pétries de bonnes intentions, cachaient un
autre piège car très gentiment, tout benoîtement, le donneur d’ordres se comportait, de plus en
plus, anormalement avec les salariés d’un autre entrepreneur ce qui pouvait le requalifier
comme l’employeur direct des salariés de son sous-traitant. Donc, voilà pour ces attestations
qui constituent un mieux mais plus encadré.
L’attestation pour l’emploi de salariés étrangers en situation irrégulière. Elle doit être
renouvelée tous les six mois. Vous devez vous la faire communiquer, tous les six mois si la
prestation de services excède 3 000 euros (contrat de prestations de service ou de contrat de
sous-traitance). En deçà, le donneur d’ordres n’a pas d’obligation de vigilance
A savoir, c’est au donneur d’ordres de prouver que ce montant n’a pas été dépassé.
L’attestation prend la forme d’une liste des salariés étrangers que le donneur d’ordres doit
obtenir tous les six mois : liste des salariés étrangers, avec leur date d’embauche, le numéro
de leur autorisation de travail, leur nationalité, le type et le numéro d’ordre du titre valant
autorisation de travail, ce qui permet au donneur d’ordres de vérifier si ce salarié existait déjà,
s’il est nouveau, s'il est présumé parti, s’il peut travailler dans votre secteur et dans votre
région, toutes informations à croiser avec la réalité « visible » de terrain.
En fait, le donneur d’ordres a l’obligation d’être curieux, de s’intéresser, non pas en tant
qu’employeur, à ce qui se passe chez son sous-traitant, mais en tant que donneur d’ordres,
sans jamais se départir de son rôle de donneur d’ordres ni se substituer à quelqu’autre
employeur. Rien n’empêche de discuter avec un salarié pour savoir de quelle nationalité il est,
comment il s’appelle etc. pour savoir s’il figure sur la liste qui vous a été communiquée, par
exemple.
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Concernant le marchandage, il n’y a pas de solidarité financière donc pas d’attestation de
donneur d’ordres à recueillir : il n’y a pas de vérification à faire pour le compte d’autrui mais
uniquement pour soi (ne pas commettre soi-même le délit de marchandage).
Portée et limite de la fourniture des attestations de donneurs d’ordres. Si les obligations de
vérifications n’ont pas été faites et si le sous-traitant ou le prestataire de services est en
situation de travail dissimulé, le donneur d’ordres sera automatiquement en solidarité
financière.
Mais quid de la situation où toutes les vérifications ont bien été faites : est-on préservé de tout
risque ?
Oui, sauf dans deux cas :
Le premier cas, c’est la requalification. L’URSSAF peut considérer que le donneur d’ordres
s’est tellement immiscé dans l’activité de son sous-traitant, qu’il est devenu l’employeur de
ses salariés. Cette situation est relevée quand le donneur d’ordres est l’unique donneur de
travail du sous-traitant., quand il intervient trop dans la gestion RH de son sous-traitant, quand
ce dernier est en situation de dépendance complète vis-à-vis du donneur d’ordres et que ses
tarifs ne lui permettent pas de prospérer tout en payant ses charges sociales, quand le contrat
de prestations porte sur un objet interdit, par exemple, la mise à disposition de personnels,
l’emploi de journalistes, etc.
Le rejet du caractère exonératoire des attestations relève toujours de cas très particuliers où le
donneur d’ordres devient lui-même l’employeur des salariés de son sous-traitant. Selon que
l’inspecteur de l’URSSAF est compréhensif ou pas, selon que le donneur d’ordres s’est
montré convaincant ou non, il a deux possibilités : soit il requalifie le donneur d’ordres en
employeur et c’est tout, soit en plus, il considère que cette qualité d’employeur est
constitutive d’une situation de travail dissimulé (le donneur d’ordres n’a pas établi de DPAE,
ni fourni de bulletins de paie, etc. …puisqu’il ne s’est pas comporté comme l’employeur).
Attention, la requalification s’effectue salarié par salarié sauf que si la comptabilité du soustraitant est rejetée comme non probante (cela arrive assez souvent dans les entreprises en
zones noires ou grises), l’URSSAF peut procéder par voie de taxation forfaitaire. En effet, nul
ne sait pas exactement combien gagnaient ces salariés, combien d’heures ils faisaient etc... En
pareil cas, les URSSAF ont toute latitude pour reconstituer les paies en fonction des usages,
des informations obtenues sur place ou sur les chantiers, de l’ampleur du marché sous-traité,
du nombre d’heures moyen et du salaire moyen dans la profession, et ces salaires taxés sont
opposables au donneur d’ordres et très difficile à remettre en cause
Le deuxième risque du donneur d’ordres, c’est sa complicité avec son sous-traitant. Le
donneur d’ordres est considéré comme ayant commis lui-même l’infraction indirecte (travail
dissimulé indirect), il a en quelque sorte été à l’initiative ou il a profité d’une chaîne de soustraitance ou de prestations de services non vertueuse dans le but d’éluder les charges sociales
qu’il aurait dû acquitter et dont il s’est dispensé en répercutant la minoration sur des
prestataires de services éloignés de lui, ce qui suppose qu’il savait qu’au bout de la chaîne il y
avait des salariés en situation de travail dissimulé ou sans titres de séjour. Cette complicité, a
plusieurs impacts.
Tout d’abord, s’agissant d’une complicité dans la commission de l’infraction reconnue au
pénal par une juridiction, la solidarité financière est automatique : il n’y aucun moyen de la
discuter ou de s’en exempter, elle est de droit. Elle frappe également le donneur d’ordres qui a
procédé à toutes les vérifications possibles et imaginables et dont les attestations sont en
règle. Cette rigueur se retourne contre lui et devient le marqueur de sa complicité avec le
sous-traitant.
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Si le donneur d’ordres est considéré comme ayant commis l’infraction indirecte de travail
dissimulé, les URSSAF mais aussi d’autres organismes, le fisc, etc. vont immédiatement lui
réclamer leur dû : la solidarité financière est de droit.
Quant aux peines encourues au pénal, elles sont sévères pour le donneur d’ordres en travail
dissimulé indirect : trois ans d’emprisonnement, amende de 45 000 euros, doublée en cas de
récidive, majorée en cas d’emploi d’un mineur soumis à l’obligation scolaire, et pour les
personnes morales, montant pouvant aller jusqu’à 225 000 euros d’amende, fermeture de
l’établissement, interdiction des marchés publics pendant 5 ans, suppression des allégements
et même leur remboursement pour les douze mois précédents (depuis la loi de financement de
la sécurité sociale pour 2012), ainsi que des aides .
Enfin, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, a prévu que si le donneur
d’ordres était une personne morale, son dirigeant, pouvait être mis personnellement en
solidarité. Avant, le dirigeant ne pouvait être en solidarité financière personnelle que devant le
tribunal de grande instance.
J’espère avoir suffisamment attiré votre attention sur les risques sociaux de la sous-traitance
et montré comment les pouvoirs publics pèsent sur le donneur d’ordres pour qu’il ait intérêt à
assainir lui-même le marché de l’activité dans lequel il évolue. Il se trouve à la croisée des
chemins : d’un côté l’avantage qu’il va recueillir en recourant à la sous-traitance et d’un
autres les risques qu’il encourt.
Petite digression sur le pénal. Ce n’est pas parce que vous obtenez une relaxe au pénal qu’en
tant que donneur d’ordres, vous n’avez plus de solidarité financière du tout. Vous échappez à
la solidarité du complice mais pas forcément à celle du donneur d’ordres. Ainsi, même si la
complicité n’est pas avérée, encore faut-il démontrer que vous avez accompli toutes les
obligations de vigilance du donneur d’ordres. La responsabilité civile peut donc demeurer
même en cas de relaxe
J’ajoute que, depuis 2008, l’autorité absolue de la chose liée au Pénal n’existant plus, chaque
juridiction n’engage plus les autres pour ce qu’elle a elle-même jugé.
Si une juridiction statue sur la non-commission de telle infraction avec tels faits, une autre ou
un PV de travail dissimulé peut maintenir une infraction sur d’autres faits ou d’autres
qualifications. Seul ce qui est jugé par une juridiction peut être opposé à une autre juridiction.
J’en ai terminé, je suis à votre disposition pour répondre à vos questions.
APPLAUDISSEMENTS.
Benoît ROBIN, Délégué de l’AFERP
Merci pour la présentation vivante du sujet qu’incontestablement tu maîtrises sur le bout des
doigts et qui donne un panorama de ce sujet particulier de la sous-traitance. On a pu voir que
les dispositions législatives évoluent très rapidement, avec des incidences assez fortes. Tu as
évoqué les incidences financières et les sanctions qui sont susceptibles d’être appliquées par
les différentes juridictions, c’est assez impressionnant. En tant qu’économiste cela
m’interpelle par rapport au poids que peut représenter la sous-traitance dans notre économie,
parce que c’est vrai que lorsqu’on voit l’interaction qui peut être générée et les obligations qui
sont exigées au plan juridique, je mesure l’importance et les pressions qui peuvent être
exercées avec plusieurs dimensions telles que tu les as déclinées dans ta présentation.
Peut-être y a-t-il des interrogations ou des questions sur ces risques et ces enjeux qui ont été
clairement identifiés.
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Rencontre du 17 janvier 2012– Risques et enjeux en droit social de la Sous-traitance
DE LA SALLE
Au-delà des pratiques et de la légalité des pratiques d’entreprises, ce qui se pose aussi c’est la
question du dumping social au sein de la sous-traitance, puisque les donneurs d’ordres mettent
fortement en concurrence leurs sous-traitants, ce qui pose la question notamment du dumping
conventionnel.
C’est-à-dire, les entreprises au titre de différentes conventions collectives peuvent émarger et
remplir les conditions pour un contrat de prestations de services et la difficulté c’est comment
peut-on éviter ces pratiques qui conduisent, finalement à la marge du droit, à ce que justement
le moins disant social des entreprises, les moins disantes pratiquant les conventions les moins
favorables, gagnent les marchés et notamment quant il s’agit de marchés avec des transferts
de personnels qui doivent subir ces activités. Généralement les personnels refusent d’aller
dans les entreprises moins disantes et donc restent dans des entreprises les mieux disantes et
du coup les entreprises les mieux disantes ont une double peine, c’est-à-dire, qu'elles ont à la
fois perdu leur marché et gardé leur personnel.
Par rapport à ces pratiques, elles ne sont pas illégales en soi. Quels sont collectivement, (c’est
aussi une question posée à l’assistance), les moyens de les contrer, notamment par la
responsabilisation des donneurs d’ordres et pas seulement la responsabilité pénale, que vous
avez pu mentionner, mais aussi la responsabilité sociale, sociétale. Quels sont collectivement
les moyens de cette responsabilisation des donneurs d’ordres ?
Jany JOUE-DEGORGUE, Avocat à la Cour
En-dehors du délit de marchandage, je n’ai pas de solution « éthique ».
Soit on entre dans le cadre de quelque chose qui relève du délit de marchandage, c’est-à-dire,
que le donneur d’ordres a finalement sous-traité, alors que les salariés du sous-traitant
auraient dû être les siens. Le donneur d’ordres, n’aurait pas dû les « délocaliser » chez le
sous-traitant, car il l’a fait dans le but d’éluder les dispositions légales conventionnelles. En
dehors de cela et vous le disiez, c’est légal. Concernant, la responsabilité, que vous voudriez
évoquer de la part des collectivités publiques, par exemple : je crains que vous ne soyez
inaudibles car ces collectivités sont les décideurs des plus gros contrats et ils sont astreints à
des contraintes budgétaires strictes. La responsabilité au-delà, c’est le sens civique. Donc je
n’ai pas solution.
DE LA SALLE
Je vais compléter la réponse que tu viens de faire ; on ne peut pas demander au droit de régler
les problèmes de société. Le droit est là pour bien cadrer les choses, mais il n’est pas là pour
dire le bon et le mauvais, il est là pour dire la règle que l’on doit avoir dans une entreprise,
dans une société donnée, et à ce moment là, on rejoint effectivement ce que tu viens
d’évoquer, à savoir, ou bien la règle existe, elle est prévue, et il y a des sanctions qui en
découlent et à ce moment là, on l’applique. Ou bien il n’y a rien et on ne peut pas demander
au droit de faire de la morale en permanence ; c’est tout à fait autre chose car à ce moment là,
les appels d’offre n'ont plus de sens, dans n’importe quel marché public ; le problème se pose
de cette façon là, de façon globale, et, comme tu l’as très justement dit, ce sont les
collectivités locales, voire l’Etat, qui sont les principaux donneurs d’ordres dans ces affaires.
Une des premières affaires, dont j’ai eu à connaître professionnellement, était des soustraitants travaillant au sein de l’entreprise, à travers les problèmes de sécurité que cela posait,
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Rencontre du 17 janvier 2012– Risques et enjeux en droit social de la Sous-traitance
car il fallait qu’il y ait tout un mécanisme qui se mette en place avec même des comités
d’entreprises qui étaient dans le coup, des CHSCT, qui visaient justement à limiter autant
que faire se peut, les risques en terme de sécurité pour l’ensemble du personnel de l’entreprise
et du sous-traitant.
Cela est tout à fait important et a été relativement bien appliqué et je tire un coup de chapeau
d’ailleurs à certaines fédérations professionnelles patronales pour ce modèle exact et qui ont
conseillé utilement et notamment dans le bâtiment, les entreprises pour faire correctement ce
travail et qui n’ont pas hésité à rappeler à l’ordre certaines entreprises qui ne le faisaient pas.
Je tiens aussi à le dire que cela va aussi dans un sens de la moralisation que l’on évoquait tout
à l’heure, mais qui n’est pas.
Une dernière chose, l’un des premiers sous-traitants que l’on rencontre dans une entreprise,
c’est quoi? C’est le ménage et là avec une volatilité du personnel qui est très grande. Je me
demande comment on pourra satisfaire les obligations qui petit à petit se sont accumulées en
matière de connaissance de ce personnel.
DE LA SALLE
Dans les transports, on a presque une dérogation par rapport au code du travail, parce qu’il y a
désormais un code du transport, qui parle notamment du contrat de sous-traitance et que,
grosso modo, tous les modes de transports sont sous-traités avec même parfois une mission
compliquée, par exemple une mission de service public et se pose la question de « Peut-on
sous-traiter une mission de service public », puisque quand on attribue un marché public, si
on sous-traite, se pose la question de la légalité de sous-traiter un marché public, alors que
l’on n’est pas bénéficiaire de l’appel d’offre, c’est une question qui est compliquée, cela
pourrait être interdit ; pour autant, effectivement, dans les transports, la sous-traitance est
extrêmement fréquente et il se pose un certain nombre de questions, dont une est celle de la
requalification, sachant que les chaînes sont très complexes. Moi j’ai vu quelques dossiers
avec la lettre de licenciement du sous-traitant, mais on y voit aussi la demande du client. Estce que cela peut constituer un indice pour une requalification ?
Jany JOUE-DEGORGUE, Avocat à la Cour
Pour moi oui, mais ce n’est peut-être pas le seul, mais c’est un indice parce que c’est une
immixtion. En tant que donneur d’ordres, ce que vous avez le droit de faire, vis à vis de votre
sous-traitant est de dire « la prestation que je vous ai commandée, votre entreprise ne
l’assume pas, j’ai une prestation pour faire telle chose et je constate que l’obligation n’est pas
remplie », mais vous n’avez jamais à demander que la personne qui a accompli cette
prestation soit licenciée. Ce n’est pas votre rôle, et si vous vous en mêlez, c’est très risqué.
DE LA SALLE
Il n'est pas rare que le sous-traitant invoque ce moyen là pour licencier.
Jany JOUE DEGORGUE, Avocat à la Cour
Cala ne me choque pas. C’est la responsabilité du sous-traitant, qui ayant affaire au
mécontentement du donneur d’ordres et risquant de perdre le marché, décide d’agir contre un
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ou plusieurs de ses salariés s’il constate que ceux-ci ne respectent pas les consignes qu’il leur
a, lui-même, données. Je pense même que dans certains cas, il peut aller sur la faute grave.
DE LA SALLE
Se posent des questions par rapport aux indices, généralement les conditions de travail ne
dépendent en aucune manière du sous-traitant, puisqu'il travaille sur le site du donneur
d’ordres ; le problème des conditions de travail du sous-traitant cela ne le concerne pas
puisque les problèmes des conditions de travail des salariés qui travaillent dans les locaux du
donneur d’ordres. Il ne peut rien faire puisque ce ne sont pas ses locaux, avec en plus une
autre difficulté : jusqu’à la loi de 2008 les salariés du sous-traitant pouvaient voter dans
l’entreprise pour l’élection dans l’entreprise du donneur d’ordres.
La loi de 2008, pour des raisons de représentativité syndicale l'a restreint, il y a un
droit d’option, je ne vais pas entrer dans les détails, mais finalement les salariés des
entreprises du sous-traitant, par rapport à leurs conditions de travail, ne pourront jamais voter
et jamais leur problématique de conditions de travail ne pourra être traitée.
J’ai un cas où dans les locaux du donneur d’ordres il y a des rats, cela n’a jamais été traité,
techniquement qu’est-ce que l’on peut faire ? Strictement rien, cela fait quelque temps que la
situation perdure et cela permet finalement que personne ne soit jamais responsable ; je ne
parle pas des problèmes de salaires ; on sait que l'avantage dans un certain nombre de cas du
fait des règles concurrentielles des appels d’offre, est que les rémunérations sont tirées vers le
bas, donc les, les salaires finalement sont très faibles ; on s’approche du SMIC ou à peine
plus.
Ma question est : est-ce que cet indice peut constituer le fait que finalement les donneurs
d’ordres, en utilisant le problème de la sous-traitance souvent en cascade, ont pour objectif de
détourner la réglementation à la fois sur les conditions de travail et sur les règles salariales sur
les cotisations sociales ?
Jany JOUE-DEGORGUE, Avocat à la Cour
Je ne suis pas sûre que ce soit suffisant, je n’ai pas le dossier. De plus, l’exposé étant assez
dense, je n’ai pas du tout parlé de tout ce qui est représentativité, hygiène et sécurité etc… qui
mériterait à mon avis un exposé à part.
Je pense que sur le terrain de l’hygiène et la sécurité vous pouvez faire quelque chose, les
salariés mis à disposition dans des locaux du donneur d’ordres ont des droits.
Maintenant sur le fait que les contrats de prestations de service sont faits finalement pour
baisser les prix, on est tenté de dire que c’est une lapalissade pour 90% des cas ; certes, il y a
des cas où c’est une nécessité parce que vous avez des métiers différents qui vont venir
s’articuler, etc., mais dans d’autres cas comme ceux que vous évoquez l’impératif de
rationalisation des coûts prédomine. C’est d’autant plus vrai intervient que la sous-traitance
entre des transporteurs routiers qui exercent tous la même activité ; on trouve cela aussi dans
le gardiennage où, en fait, on sous-traite de la main d’œuvre. Dès l’instant où il n’y a pas de
perversion au niveau du SMIC, que le salarié n’est pas lésé, que les conventions collectives
sont respectées en terme d’avantages sociaux, et que les charges sont payées etc. vous ne
pouvez pas faire grand chose.
Dans certains pays, peut-être qu'à travail égal, le routier du sous-traitant est payé moins cher
que le salarié du donneur d’ordres qui va faire exactement la même chose, mais, lui, il va le
faire en étant salarié du donneur d’ordres, alors que l’autre va le faire étant salarié du sous15/17
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Rencontre du 17 janvier 2012– Risques et enjeux en droit social de la Sous-traitance
traitant, et il va gagner moins. Le donneur d’ordres devra certes vérifier que son sous-traitant
est déclaré dans son pays d’origine mais ça ne résout pas la difficulté que vous soulevez.
Benoît ROBIN, Délégué de l’AFERP
Un bon nombre de chartes sociales ou de codes de conduite de responsabilité sociale des
entreprises comprennent un volet touchant la question de la sous-traitance. Aussi, par rapport
au problème posé, a-t-il été possible d’observer une influence, dans quel sens et quel regard
portes-tu en conséquence sur ces dispositifs ou instruments de « soft law » ?
Jany JOUE-DEGORGUE, Avocat à la Cour
Les annexes et conventions d’éthique, sont effectivement le seul élément qui permette de
contractualiser ce qui, en droit, n’est pas obligatoire. On a vu cela par rapport au travail des
enfants (quoique le cas soit un peu différent puisqu’il existe sur ce point des traités
internationaux). Un certain nombre de grands groupes contractualisent effectivement des
règles éthiques. On peut très bien imaginer un certain civisme dans les contrats de soustraitance, cela n’a pas de caractère obligatoire et je serais tentée de dire que je n’en ai pas vu
beaucoup. Maintenant si vous avez des expériences ou des retours d’expériences, je suis
preneur. En tout cas rien n’empêche le donneur d’ordres d’être vertueux au-delà de ce que la
loi lui impose de faire, de faire en sorte que son sous-traitant ait les coudées franchement
larges pour pouvoir rémunérer ses propres salariés de la même manière qu’il rémunère les
siens.
C’est tout à fait possible, sauf que, pour reprendre l’exemple du contrat de sous-traitance dans
le transport routier, pour moi, cela réduit complètement l’intérêt de la sous-traitance. Je
trouve, en fait, qu’il y a une certaine hypocrisie dans cette mesure.
Quand la sous-traitance a un vrai fond, une véritable consistance technique (ex., un plombier,
un maçon, un peintre, ensemble pour réaliser le chantier d’une maison) : chacun apporte sa
compétence technique. Cela a du sens et d'ailleurs cette sous-traitance là, pose finalement
assez peu de problèmes. Celle qui pose problème, c’est la sous-traitance, qui a comme
finalité non avouée, de baisser le coût de la réalisation du travail (au même titre que les
délocalisations). Pour une tâche à accomplir, si c’est le donneur d’ordres qui l’accomplit, cela
va lui coûter X, s’il la sous-traite, en direct, voire en cascade, il économise tel pourcentage, et
cela lui permet de devenir mieux disant. Franchement, on n’a pas de solutions et on ne peut
pas non plus tout graver dans le marbre de la loi, l’économie a aussi ses impératifs.
On peut dire que les dispositions dont on vient de parler, ont déjà empêché un certain nombre
d’abus. Etre dans le « encore mieux », est très bien, mais il y a le « encore pire », il n’y a pas
si longtemps on était dans une situation pire et on l’a beaucoup améliorée, En effet, nombre
de contrats de fausse sous-traitance ont disparu ou se sont exilés. Des abus sont accessibles à
diverses sanctions, que ce soit le marchandage, le travail dissimulé, la requalification : on
arrive à les appréhender et à les enrayer. Aujourd’hui, on dispose d’un matériel juridique plus
performant, mais il n’atteint pas la vraie sous-traitance faite pour des raisons financières
parfois pas tout à fait avouables.
Benoît ROBIN, Délégué de l’AFERP
Deux questions, tu évoques des dispositions gravées dans le marbre, c’est cela qui m’a
troublé, dans ton exposé, car tu as parlé des différentes procédures de contrôle qui se sont
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renforcées au fil du temps ; j’ai bien entendu les dispositions spécifiques qui ont été adoptées
en terme de contrôle avec le contournement de la procédure contradictoire, de même tu
évoquais les différents intervenants sur les délits en matière de sous-traitance, avec les
URSSAF, les Direcctes et la police également. Aussi, je me posais une question : est-ce que
l’on sait ce qu’il en est des transformations de l’administration publique territoriale, en
particulier par rapport aux Direcctes dont le champ de compétence et d’interventions se
trouvaient élargis et où se pose la question de voir d’un côté les dispositions législatives
renforcées et de l’autre, les outils de contrôle restés en l’état. Est-ce que véritablement les
administrations disposent des moyens en adéquation avec les ambitions définies au plan
légal ?
Jany JOUE-DEGORGUE, Avocat à la Cour
A l’URSSAF, ça marche plutôt bien, d’ailleurs le corps de contrôle des URSSAF est un des
rares corps qui recrute. Dans l’Inspection du travail, je ne sais pas, je pense que c’est à effectif
constant, mais, ce corps est peut-être moins en première ligne sur le travail dissimulé. Je me
souviens que beaucoup d’inspecteurs du travail ne souhaitaient pas entrer dans la logique des
reconduites à la frontière et du contrôle des travailleurs étrangers. Reste que les DIRECCTE
ont bénéficié de l’apport du volet « concurrence » qui a permis un rééquilibrage vers
l’économique : elles ont un rôle important sur le contrôle de l’emploi des salariés étrangers
sans titre de travail car les URSSAF ne sont pas outillées pour faire cela.
En tout cas, les URSSAF sont craintes et très efficaces. Quand on regarde la jurisprudence, on
se rend compte que cela fait 30 ans, que le dispositif monte en puissance.
Pour autant, comme tout corps de contrôle, les URSSAF sont constituées d’être humains et
moi, je pense qu’on rien à perdre et peut-être à gagner, à les rencontrer pour faire valoir sa
bonne foi ou sa non-intentionnalité dans l’infraction.
On reproche souvent aux URSSAF de manquer encore de sens économique. C’est vrai.
Les URSSAF ont toujours conduit une politique tout à fait différente de celle du fisc par
exemple, elles sont à l’initiative de nombre de liquidations judiciaires d’entreprises mais avec
la crise de 2008, les lignes ont un peu bougé.
Benoît ROBIN, Délégué de l’AFERP
On va remercier Jany pour son intervention, passionnée et passionnante.
APPLAUDISSEMENTS
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