Aspects réglementaires de la sous-traitance, de la
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Aspects réglementaires de la sous-traitance, de la
Association des Responsables de Services Généraux Facilities Managers Association Aspects réglementaires de la sous-traitance, de la cotraitance et du travail illégal dans le droit des chantiers D'après la définition du Conseil économique et social, la sous-traitance est une "opération par laquelle une entreprise, le donneur d'ordre, confie à une autre, le preneur d'ordre, le soin d'exécuter pour elle et selon un cahier des charges préétabli un acte de production ou de service dont elle conserve la responsabilité économique finale", son caractère d'ordre public a été reconnu à l'article 1er de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975. Egalement, aux termes de l'article 112 du Code des marchés publics et de la loi du 31 décembre 1975, l'opération doit mettre en présence deux contrats d'entreprise : le marché principal qui lie la collectivité à l'entrepreneur principal et le sous-traité ou contrat de sous-traitance qui lie l'entrepreneur principal au sous-traitant. Pour les entreprises du bâtiment qui emploient une main d'œuvre importante sur leurs chantiers, le recours à la sous-traitance est extrêmement fréquent, il leur est donc important de prendre connaissance du droit applicable et d'éviter de se voir ainsi incriminées lorsqu'une infraction au droit du travail est commise à leur insu chez un de leurs sous-traitants. Pour cela, il paraît nécessaire de renforcer la sécurité juridique des contrats de sous-traitance. De fait, la sous-traitance est un mode d'organisation courant mais dans la pratique, l'application de ses règles est parfois problématique. Notamment, en ce qui concerne les donneurs d'ordres, il est essentiel qu'ils puissent donner des instructions à leur encadrement pour ne pas voir leur entreprise sanctionnée pour ne s'être pas assurée que leurs cocontractants sont en règle avec l'administration alors même qu'ils penseraient avoir fait tout ce que la loi attend d'eux. 1. Les responsabilités encourues en cas de travail illégal De fait, la responsabilité pénale ou civile des maîtres d'ouvrages et entrepreneurs peut être engagée, même s'ils ne sont pas les auteurs directs des infractions de travail illégal. Ainsi, les maîtres d'ouvrage passent commande et sont de ce fait, à l'origine du processus économique. Ils font appel à un ou plusieurs entrepreneurs principaux et doivent agréer leurs sous-traitants éventuels. Leur responsabilité pénale peut être mise en cause en cas de recours indirect au travail dissimulé. Sur le plan civil, ils peuvent être tenus, sous certaines conditions, au paiement solidaire de sommes dues par une des entreprises auxquelles ils ont fait appel en cas de travail dissimulé ou d'emploi d'étrangers sans titre de travail. Ils doivent enjoindre l'entrepreneur principal de mettre fin immédiatement à la situation de travail illégal dès qu'elle est portée à leur connaissance (C. Trav., art. L. 324-14-1). De la même façon, pour éviter de voir leur responsabilité mise en cause, ils se doivent, avant de consulter une entreprise, de vérifier qu'elle est bien inscrite au registre obligatoire relevant de son activité. Il leur est aussi recommandé d'être vigilants sur les prix et notamment les prix trop bas qui ne permettent pas d'exécuter la prestation dans le respect des obligations sociales, de vérifier que l'entrepreneur principal aura la capacité humaine et technique d'exécuter la prestation demandée dans les délais fixés et prévoir de façon précise, dans les pièces contractuelles, les modalités de recours à la sous-traitance. De même il est souhaitable d'exiger de l'entrepreneur principal qu'il leur fasse accepter son sous-traitant et agréer les conditions de paiement du contrat de sous traitance, de préconiser l'identification des salariés employés sur le chantier, notamment par le port d'un badge et de s'assurer que les affichages obligatoires ont été effectués sur le chantier (raison sociale et adresse des parties (maître d'ouvrage, entreprise (s) principale(s) et sous-traitant(s))). Concernant les entrepreneurs principaux, ils confient, sous leur responsabilité, à une autre personne appelée sous-traitant, tout ou partie de l'exécution du contrat d'entreprise ou d'une partie du marché public conclu avec le maître d'ouvrage. Leur responsabilité pénale peut être engagée en cas de recours direct ou indirect au travail dissimulé, en cas d'emploi direct ou par personne interposée d'étrangers sans titre de travail ou en cas de prêt illicite de main d'œuvre ou de marchandage. En outre, sur le plan civil, ils peuvent être tenus au paiement solidaire de sommes dues par un sous-traitant en cas de travail dissimulé ou d'emploi d'étranger sans titre de travail. Afin d'éviter de voir leur responsabilité engagée, ils doivent, se faire remettre par le sous-traitant, avant le début de la prestation, puis tous les 6 mois, les documents obligatoires attestant de son existence et de la régularité de sa situation, (C. Trav., art. L. 324-14 et R. 324-4), tenir à la disposition des agents de contrôle une copie du contrat de sous-traitance ou ce qui en tient lieu (devis ou bon de commande) ainsi que des documents et attestations fournis lors de la conclusion du contrat (C. Trav., art. L. 324-12), déclarer le sous-traitant au maître d'ouvrage, le faire agréer et lui fournir une garantie de paiement (paiement direct, caution bancaire ou délégation de paiement) (loi du 31 décembre 1975), et informer le sous-traitant de ses obligations liées à la coordination en matière de sécurité et de protection de la santé (C. Trav., art. R. 238-29) Ils sont également tenus, avant de consulter une entreprise, de vérifier qu'elle est bien inscrite au registre obligatoire relevant de son activité, d' être vigilant sur les prix et notamment les prix trop bas qui ne permettent pas d'exécuter la prestation dans le respect les obligations sociales de vérifier que le sous-traitant a la capacité humaine et technique d'exécuter la prestation demandée dans les délais fixés et de faire établir un devis précis avant le début des travaux. De plus, ils doivent conclure un contrat de sous-traitance indiquant avec précision, le contenu de la prestation à réaliser, le prix et le délai de réalisation en utilisant à cette fin, le contrat type de sous-traitance du BTP (version 2005). La prestation peut être matérielle ou intellectuelle mais il ne peut s'agir d'un simple prêt de main d'œuvre organisé dans un but lucratif. Pour terminer, ils doivent exiger de leur sous-traitant qu'il obtienne leur autorisation avant de sous-traiter, préconiser l'identification des salariés employés sur le chantier, notamment, par le port d'un badge, afficher sur le chantier leur raison sociale et leur adresse et exiger du sous-traitant qu'il fasse de même, et rappeler au sous -traitant établi à l'étranger qu'il a l'obligation d'adresser une déclaration de détachement à l'inspection du travail avant le début de sa prestation et que ses salariés restent soumis, pour la durée de la prestation, à la législation française, notamment en ce qui concerne la rémunération minimale, la durée du travail, l'hygiène et la sécurité au travail (C. Trav., art. D. 341-5). Les sous-traitants quant à eux agissent en toute indépendance en conservant l'initiative de leurs décisions et la gestion de leur activité. Ils peuvent même faire appel à un ou plusieurs sous-traitants et deviennent alors à leur tour entrepreneur principal. Ils peuvent être poursuivis pénalement en cas de travail dissimulé, d'emploi d'étranger sans titre ou de prêt illicite de main d'œuvre et marchandage. Dans le cadre de leur contrat, ils sont tenus de remettre, avant le début de la prestation, puis tous les 6 mois, au donneur d'ordre, les documents obligatoires attestant de votre existence et de la régularité de votre situation, établis en français (C. Trav., art. L. 324-14 et R. 324-7). S'ils sont établis à l'étranger, ils doivent, solliciter et obtenir des autorisations provisoires de travail pour les salariés extracommunautaires (C. Trav., art. L. 341-2), adresser une déclaration temporaire de détachement de salariés (C. Trav., art. D. 341-5-7), et respecter la législation française, notamment en ce qui concerne la rémunération minimale, la durée du travail, l'hygiène et la sécurité au travail (C. Trav., art. D. 341-5-3 et s.) Ils doivent, également, indiquer sur les devis et factures leur numéro d'inscription aux registres obligatoires relevant de leur activité, demander l'autorisation à l'entrepreneur principal de recourir à un sous-traitant, faciliter l'identification des salariés employés sur le chantier, notamment, par le port d'un badge et afficher sur le chantier leur raison sociale et leur adresse. 2. Les sanctions pénales encourues au cas de travail illégal Plusieurs types de peines sont prévus en cas de travail illégal au sein d'une entreprise de bâtiment. Ainsi, en cas de travail dissimulé constaté dans une entreprise ou dans celle d'un de ses sous-traitants Le chef d'entreprise encoure jusqu'à 3 ans d'emprisonnement et/ou 45 000 euros d'amende et 225 000 euros d'amende pour la personne morale ainsi que des peines complémentaires éventuelles (affichage, interdiction d'exercer, etc.) (C. Trav., art., L. 362-3). Le fait d'avoir recours à des travailleurs indépendants pour maquiller une relation salariale s'analyse comme de la dissimulation de salariés. Les conséquences sont les mêmes. Concernant l'emploi d'un étranger extracommunautaire dépourvu de titre de travail dans une entreprise ou dans celle d'un de ses sous-traitants, lorsqu'un tel titre est requis, le chef d'entreprise encoure une peine de 5 ans d'emprisonnement et/ou 15 000 euros d'amende (prononcée autant de fois que d'étrangers employés irrégulièrement) et 75 000 euros d'amende pour la personne morale, ainsi que des peines complémentaires. L. 364-1 et suivants du Code du travail Dans des cas de prêt illicite de main d'œuvre ou marchandage, l'entreprise prêteuse de main d'œuvre et l'entreprise utilisatrice sont poursuivies. La loi prévoit jusqu'à 2 ans d'emprisonnement et/ou une amende de 30 000 euros pour la personne physique, et 150 000 euros pour la personne morale ainsi que des peines complémentaires éventuelles (C. Trav., art. L. 152-3 et s.) Enfin, les maîtres d'ouvrage et donneurs d'ordre peuvent être tenus solidairement avec leur sous-traitant, et sous certaines conditions, au paiement des impôts, taxes et cotisations obligatoires, au paiement des rémunérations, indemnités et charges dues par celui-ci pour l'emploi de salariés non déclarés, etc. Mais la condamnation du travail illégal ne se résume pas uniquement à des sanctions pénales ; il existe en effet également des conséquences administratives du travail dissimulé. Ainsi, le juge peut prononcer, en peine complémentaire, une interdiction d'exercer et/ou l'exclusion des marchés publics pendant 5 ans. L'autorité administrative peut refuser toutes les aides publiques à l'emploi et à la formation professionnelle pour cinq ans. La loi n° 91-1383 du 31 décembre 1991 a mis en plac e ou élargi un arsenal de mesures destiné à prévenir et sanctionner le travail "clandestin" et la loi n° 97-210 du 11 mars 1997, prise alors que le gouvernement français de l'époque, érigeait "en priorité nationale la lutte contre toute les formes de dissimulation d'emploi et de trafic de main-d’œuvre " dont la lutte contre le " travail clandestin " devenu à cette occasion " travail dissimulé ". A ce titre, le Code du Travail dans lequel ces lois sont codifiées, sanctionne tout d'abord dans son article L. 324-11 le donneur d'ordre qui n'a pas procédé aux divers contrôles définis dans ses articles R. 324-4 et R. 324-7 du Code du travail avant de passer commande. Par ailleurs, dans un autre article, le L. 324-9, il dispose également en ce qui concerne les donneurs d'ordres, après une interdiction générale du travail dissimulé, "est également interdit d'avoir recours sciemment, directement ou par personne interposée, aux services de celui qui exerce un travail dissimulé". Cette obligation et cette interdiction sont assorties de sanctions pénales, financières et professionnelles. Mais si les obligations sont définies de façon précise, il semble au vu d'une jurisprudence de la Cour de cassation de novembre 2002 que la seconde peut se prêter à une interprétation plus extensive. Conclusion On distingue quatre situations dans lesquelles des donneurs d'ordres, maîtres d'ouvrages et entreprises, peuvent voir leur responsabilité pénale engagée au titre d'un recours indirect à du travail dissimulé. La première correspond au non-respect de l'article L. 324-14 du Code du travail si les documents définis dans ces articles R. 324-4 et R. 324-7 n'ont pas été demandés et obtenus par le donneur d'ordres avant que la commande soit passée. Dans ce cas et ce cas seul le délit prévu à l'article L. 324-14 du Code du travail est sanctionné. Dans le deuxième cas de figure, le prétendu sous-traitant n'est en fait qu'un fournisseur de main d'œuvre. Le délit de travail dissimulé est commis dans le cadre d'une fausse sous-traitance. Le juge relève alors que le donneur d'ordres est en fait le véritable employeur des salariés et que c'est sciemment qu'il utilise celui ou ceux qui exercent le travail dissimulé. Le prétendu donneur d'ordres sera dans ce cas passible de plusieurs délits dont celui de l'article L. 324-9 du Code du travail. Dans un troisième cas de figure, l'enquête menée par l'inspection du travail, établit que le donneur d'ordres tout en ayant respecté les exigences de l'article L. 324 -14 a eu effectivement connaissance de ce que son vrai sous-traitant n'était pas en règle, voire même qu'il l'a encouragé dans cette voie. Dans ce cas, le caractère intentionnel de l'infraction à l'article L. 324-9, alinéa 2, du Code du travail et la volonté de fraude sont démontrés. Les conditions du délit sont incontestablement réunies. Dans la dernière situation, le donneur d'ordres a rempli son obligation légale de contrôle préalable et il n'est pas établi qu'il avait connaissance du délit de travail dissimulé commis par son cocontractant mais, dans son intime conviction, le juge estime qu'il aurait bien dû se douter, à l'occasion de la supervision du travail effectué par son sous-traitant, que ce dernier pouvait ne pas être en règle vis à vis de certains salariés et en conséquence effectuer une enquête plus approfondie. L'arrêt de la Cour de cassation du 5 novembre 2002 valide ainsi un arrêt qui a condamné une entreprise de bâtiment pour n'avoir pas recherché si l'entreprise de peinture qui travaillait sur son chantier avait respecté ses obligations sociales à l'égard de nouveaux ouvriers de son équipe. Il ne s'agit pas, là, d'un arrêt de principe (mais son intérêt est de faire réfléchir, à l'occasion d'un arrêt de routine sur l'intime conviction du juge du fond, sur un certain contexte idéologique qui sous-tend ce type de condamnation).