Profil de prescription des psychotropes dans un organisme de
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ÉPIDÉMIOLOGIE Profil de prescription des psychotropes dans un organisme de Sécurité sociale marocain A. BELKACEM, F. EL OMARI, J.E. KHADRI, M. PAES, J.E. KTIOUET (1) Profile of prescription of psychotropic drugs in a National Fund of Social Foresight Organisation in Morocco Summary. Introduction. Psychotropic drugs have undergone significant development in the last few years and their prescription is no longer limited to psychiatrists alone but also to other specialists and general practitioners. In Morocco, many topical questions arise regarding the profile of the prescription of psychotropic drugs. Design of the study. The present work is a transverse epidemiological study carried out by the CNOPS (National Fund of Social Foresight Organisations) consisting on the random selection of prescriptions drawn-up during the year 1997. The research work consisted at first in making the whole prescriptions including at least one psychotropic drug. Subsequently, we considered various parameters (age, gender, number and family of psychotropic drugs, prescriber, associations between psychotropic drugs…). Results. Four percent of prescriptions included at least one psychotropic drug, 64.1 % included one psychotropic drug and more than 33 % included 2 to 3 psychotropic drugs. We have noticed a slight female predominance and half of the prescribed psychotropics was prescribed to patients aged between 40 and 60 years. General practitioners ranked first among doctors who prescribed psychotropic drugs (27.7 %) followed by psychiatrics (19 %). Among psychotic-type drugs, anxiolytics dominated in the prescriptions (44.9 %) followed by neuroleptics (25.2 %), antidepressants (18.7 %) and finally hypnotics (3 %). Women consumed more anxiolytics and antidepressants than men. Among prescriptions drawn-up by general practitioners 52.4 % were composed of anxiolytics. Psychiatrists prescribed neuroleptics in 35.3 % of cases, then anxiolytics in 35.2 %, and antidepressants in 28.7 % of cases. Hypnotics concerned only 2.2 % of their prescriptions. For the other specialists, the majority of prescriptions were for anxiolytics. Monotherapy was respected in 64.1 % of cases. Antidepressants were combined associated with anxiolytics in more than 55 % of cases. Conclusion. Psychotropic drugs are prescriped more by general practitioners than by psychiatrics, and anxiolytics constitute the main component of the prescriptions, bearing in mind that women consume more anxiolytics and antidepressants than men. Key words : Consumption ; Epidemiology ; Psychotropic drugs. Résumé. Les psychotropes ont connu une grande évolution durant ces dernières années et leur prescription n’est plus l’apanage des psychiatres. L’enquête présentée est une étude épidémiologique transversale réalisée dans un organisme de Sécurité sociale marocain, la CNOPS (Caisse nationale des organismes de prévoyance sociale), ayant consisté à tirer au hasard 10 200 ordonnances prescrites au cours de l’année 1997 ; 4 % des ordonnances comprenaient au moins un psychotrope dont 64,1 % comprenaient un seul psychotrope. On a noté une légère prédominance féminine et les psychotropes seraient prescrits dans la moitié des cas entre 40 et 60 ans. Les généralistes sont au premier rang des prescripteurs (27,2 %), viennent ensuite les psychiatres (19 %). Les anxiolytiques sont les plus prescrits (44,9 %) des psychotropes, ensuite viennent les neuroleptiques (25,2 %) puis les antidépresseurs (18,7 %), enfin les hypnotiques dans 3 % des cas. Les femmes consommaient plus d’anxiolytiques et d’antidépresseurs que les hommes ; 52,4 % de l’ensemble (1) Clinique Psychiatrique Universitaire de l’Hôpital Arrazi de Salé, CHU Rabat, Salé, Maroc. Travail reçu le 27 janvier 2004 et accepté le 28 janvier 2005. Tirés à part : A. Belkacem (à l’adresse ci-dessus). L’Encéphale, 2006 ; 32 : 335-40, cahier 1 335 A. Belkacem et al. L’Encéphale, 2006 ; 32 : 335-40, cahier 1 Mots clés : Consommation ; Épidémiologie ; Psychotropes. – qu’en est-t-il de cette prescription ? – la prise en charge des troubles psychiatriques se faitelle uniquement par les psychiatres ? – quelles sont les autres catégories de médecins prescripteurs ? – quels sont les psychotropes les plus prescrits ? – comment sont-ils prescrits (indication, posologie et durée) ? Pour tenter de répondre à ces questions, nous avons mené une enquête au niveau d’un organisme de Sécurité sociale marocain, la CNOPS (Caisse nationale des organismes de prévoyance sociale) pour avoir une idée sur le profil de prescription des psychotropes au Maroc. INTRODUCTION MÉTHODOLOGIE Les psychotropes, médicaments spécifiques pour les troubles psychiatriques, ont connu une évolution considérable au cours de ces dernières années. Ils ont permis d’approcher les versants neurobiologique et psychopharmacologique de la maladie mentale. Au fil des années, la recherche a permis d’affiner les modes d’action avec plus de spécificité et une meilleure tolérance, d’où l’apparition de nouvelles générations de psychotropes. Notre enquête est une étude épidémiologique transversale ayant consisté à tirer au hasard 10 200 ordonnances, prescrites au cours de l’année 1997. Notre choix a porté sur cette année 1997, pour la facilité d’accès à un maximum de dossiers, étant donné qu’elle représentait au moment de l’étude l’année la plus récente de l’archivage complet des dossiers. La CNOPS a été choisie comme lieu d’étude du fait de la possibilité d’accéder à un nombre important d’ordonnances provenant de différentes régions du royaume et prescrites par toutes les catégories de médecins ; cet organisme de la mutuelle ne couvre que les fonctionnaires du secteur public, leurs conjoints et leurs enfants. L’étude a été réalisée par deux psychiatres en formation de l’hôpital Arrazi. Le travail consistait dans un premier temps à repérer toutes les ordonnances comprenant au moins un psychotrope. Dans un second temps, nous avons tenu compte d’un certain nombre de paramètres : 1) la famille de psychotropes prescrits ; 2) le nombre de psychotropes prescrits ; 3) l’âge (quand il est mentionné) ; 4) le sexe (quand il est mentionné) ; 5) la spécialité du médecin prescripteur ; 6) le type de psychotrope prescrit par spécialité ; 7) l’association de psychotropes. des prescriptions des généralistes sont faites d’anxiolytiques. Les psychiatres prescrivaient les neuroleptiques dans 35,3 % des cas, puis les anxiolytiques (35,2 %) et les antidépresseurs sont prescrits dans 28,7 % des cas. La monothérapie a été respectée dans 64,1 % des cas, les antidépresseurs étaient associés dans plus de 55 % des cas à des anxiolytiques. La prescription des psychotropes est plus l’apanage du généraliste que du psychiatre, les anxiolytiques constituent leur principale prescription ; les femmes consomment plus d’anxiolytiques et d’antidépresseurs que les hommes. Par ailleurs, parallèlement à cette évolution, la compréhension et l’acceptation de la maladie mentale font que les sujets consultent plus facilement, la demande est par conséquent plus importante, réelle et effective en matière de soins de santé. On notera par ailleurs que la vulgarisation de certaines classes de psychotropes (les benzodiazépines, les hypnotiques), et de certains antidépresseurs par les mass média « pilule du bonheur », fait que, dans de nombreux pays développés, la consommation de psychotropes constitue un problème de santé. Sur le plan médical, la prescription des psychotropes n’est plus l’apanage des psychiatres mais elle s’étend du généraliste à toutes les spécialités médico-chirurgicales (20). Cela ne va pas sans poser problème, sur le plan de l’indication, de la posologie ou de la durée du traitement (4, 13). En France, le nombre d’unités de vente des médicaments psychotropes a augmenté de 7 % entre 1991 et 1997 (1) ; cette augmentation, comme dans les autres pays occidentaux, est principalement liée à la hausse des ventes des antidépresseurs et essentiellement en faveur des inhibiteurs spécifiques de la recapture de la sérotonine (IRSS). La consommation des tranquillisants et des hypnotiques est restée régulière durant les dernières décennies (1, 7, 8, 10, 11, 14). En France, les psychotropes représentaient, en 1997, environ 6 % du marché officinal et 2,6 % du marché hospitalier (1). En Grande-Bretagne, la prescription des psychotropes a été estimée à 3,4 % en 1998 (12). En Suède, la consommation des psychotropes était de 6 % entre 1980 et 1981 (1). Au Maroc, plusieurs questions d’actualité se posent concernant le profil de la prescription des psychotropes : 336 Une liste de médicaments psychotropes tenant compte des classifications internationales, celle de Delay et Deniker, a été établie pour ne retenir que les médicaments dotés de cette spécificité (antidépresseur, anxiolytique, hypnotique, neuroleptique, régulateur de l’humeur), seuls les hypnotiques non benzodiazépiniques ont été mis dans la classe des hypnotiques. Certains produits qui peuvent être prescrits pour leur effet antihistaminique (Théralène®, Atarax®, etc.), ou myorolaxant (Myolastan®, etc.) ou certaines vitamines (vitamine C) ou oligoéléments (magnésium, calcium, etc.) n’ont pas été considérés comme psychotropes dans notre travail, même si leur prescription peut se faire parfois dans un but anxiolytique ou psychostimulant. Nos résultats ont été analysés sur logiciel épi info.5. L’Encéphale, 2006 ; 32 : 335-40, cahier 1 Profil de prescription des psychotropes dans un organisme de Sécurité sociale marocain RÉSULTATS Sur 10 200 feuilles de mutuelles consultées, nous avons relevé 413 ordonnances comprenant au moins un psychotrope, soit 4 % de l’ensemble des ordonnances consultées. Nombre de médicaments psychotropes prescrits par ordonnance Sur les ordonnances contenant des psychotropes, 64 % ne comprenaient qu’un seul psychotrope et plus de 36 % comprenaient 2 à 3 psychotropes (tableau I). TABLEAU I. — Nombre de médicaments psychotropes prescrits par ordonnance. Nombre de psychotropes Nombre d’ordonnances 1 2 3 4 5 265 99 40 8 1 64,1 24,0 9,7 1,9 0,2 Total 413 100,0 % Cumul 64,1 88,1 97,8 99,8 100,0 Dans notre étude, le sexe n’a été relevé que sur les 2/3 environ des ordonnances retenues. On a noté une légère prédominance féminine (54 % des cas, p = 0,81). Répartition par groupe d’âge des patients L’âge n’a été mentionné que dans 45 % des cas, ce qui rend l’interprétation de nos résultats difficile. Les psychotropes seraient plus prescrits dans la moitié des cas dans la tranche d’âge allant de 40 à 60 ans (p = 0,17) (tableau II). TABLEAU II. — Répartition par groupe d’âge des patients, quand l’âge est mentionné. Moins de 20 ans 20 à 40 ans 40 à 60 ans 60 à 80 ans On relève que les généralistes sont au premier rang des prescripteurs avec au total 27,2 % des ordonnances retenues. Les psychiatres sont au deuxième rang avec 19 % de cas. Pour les spécialistes autres que psychiatres, les prescriptions ont émané des autres spécialités médicales dans 31 % des cas ( 9,4 % des cardiologues, 9,2 % des gastroentérologues, 5,1 % des neurologues…) tandis qu’elles sont de 12 % en chirurgie (neurochirurgiens dans 5,6 % des cas, ORL dans 4,4 % des cas, chirurgie générale dans 1 % des cas et gynécologues dans 3,4 % des cas). Répartition par groupe de médicaments psychotropes Les anxiolytiques prennent le premier rang, constituant ainsi 44,9 % des psychotropes prescrits dans notre échantillon, ensuite viennent les neuroleptiques (25,2 %), puis les antidépresseurs (18,7 %), enfin les hypnotiques (3 %) (tableau III). TABLEAU III. — Répartition par groupe de médicament psychotrope. Groupe de médicament Répartition par sexe des patients Tranche d’âge Répartition par spécialité du prescripteur d’ordonnance Psychotropes Nombre % 15 106 135 19 5,5 38,5 49,1 6,9 Nombre % Anxiolytique Neuroleptique Antidépresseur Régulateur de l’humeur Hypnotique 278 156 116 50 19 44,9 25,2 18,7 8,1 3,0 Total 619 100,0 Répartition des médicaments psychotropes selon le groupe d’âge Les anxiolytiques, les antidépresseurs et les neuroleptiques ont été plus prescrits entre 40 et 60 ans (figure 1). Répartition des médicaments psychotropes selon le sexe Le sexe n’a pas été mentionné dans le tiers des cas. Les femmes consommeraient plus d’anxiolytiques et d’antidépresseurs que les hommes (p = 0,81; figure 2). Répartition des médicaments psychotropes selon le prescripteur Les généralistes viennent en tête des prescripteurs avec 28 % du total des ordonnances retenues ; 52,4 % de leur prescription est faite d’anxiolytiques, les neuroleptiques constituent 27,2 % et les antidépresseurs 15,8 %. 337 A. Belkacem et al. L’Encéphale, 2006 ; 32 : 335-40, cahier 1 Les psychiatres viennent en deuxième position, avec 19,1 % des prescriptions ; ils ont prescrit dans le tiers des cas des neuroleptiques (35,3 %), dans l’autre tiers des anxiolytiques (35,2 %), les antidépresseurs sont prescrits dans 28,7 % des cas, les hypnotiques ne constituaient que 2,2 % des prescriptions. Pour les autres spécialistes, la majorité des prescriptions est faite d’anxiolytiques : chez les cardiologues dans 65,9 % des cas, les gastro-entérologues dans 48,8 % des cas, les ORL dans 54,5 % des cas. Les régulateurs de l’humeur sont plutôt prescrits par les neurologues, 43,3 %, par les neurochirurgiens dans 31 % des cas et les ORL dans 18 % de leurs ordonnances. Association de psychotropes La monothérapie a été respectée dans 64 % des cas, la coprescription entre psychotropes était relevée dans 36 % des cas. En ce qui concerne les associations entre les psychotropes, les antidépresseurs sont associés dans plus de 55 % des cas à des anxiolytiques, dans 27 % des cas aux neuroleptiques. Les neuroleptiques sont associés aux anxiolytiques dans 25 % des cas. 30,0 Féminin 25,0 Masculin 20,0 15,0 10,0 5,0 0,0 Antidépresseur Anxiolytique Hypnotique Neuroleptique Régulateur de l’humeur FIG. 1. — Répartition des psychotropes selon le sexe (quand le sexe est mentionné). 25,0 – 20ans 20,0 20-40ans 40-60ans 60-80ans 15,0 10,0 5,0 0,0 Antidépresseur Anxiolytique Hypnotique Neuroleptique Régulateur de l’humeur FIG. 2. — Répartition des médicaments psychotropes selon le groupe d’âge (quand l’âge est mentionné). 338 L’Encéphale, 2006 ; 32 : 335-40, cahier 1 Profil de prescription des psychotropes dans un organisme de Sécurité sociale marocain DISCUSSION 1) De notre échantillon, nous n’avons retenu que 413 ordonnances comprennent au moins un psychotrope. Ce chiffre est certes faible si l’on tient compte de la population qui bénéficie d’une mutuelle au Maroc. Les ordonnances comprenant au moins un psychotrope représentent 4 % des ordonnances consultées. En 1988, une enquête réalisée au sein de la CNOPS, par Semchaoui et al. (19), a relevé que 25,7 % des ordonnances consultées contenaient un psychotrope ; ce chiffre élevé pourrait s’expliquer par le fait que la liste des médicaments psychotropes utilisée par les auteurs était très élargie. Plusieurs études épidémiologiques sur la consommation des psychotropes ont été réalisées dans plusieurs pays : en France par exemple, l’étude à partir de l’Enquête Décennale Santé (1991/1992) indique que 11,3 % de la population générale âgée de plus de 18 ans a consommé un ou plusieurs psychotropes régulièrement sur une période de 6 mois (1). Une autre enquête multicentrique faite en France, en Allemagne, en Italie et au RoyaumeUni concernant la consommation des psychotropes en population générale a montré que 6,4 % de la population prenaient des psychotropes (13). 2) Pour ce qui est du sexe des consommateurs de psychotropes, nous avons constaté une prédominance féminine, mais la non-identification du sexe dans le tiers des cas rend les résultats non significatifs. Dans les études de Isacson et al. (3) et Ohayon et al. (12), les femmes consomment 2 fois plus de psychotropes que les hommes ; d’autres études ont montré que la prévalence de la prescription des psychotropes est plus élevée chez la femme que chez l’homme (2, 3, 4, 7, 13). Ceci pourrait être expliqué par le fait que pour quelle que pathologie que ce soit à niveau de gravité équivalent, les femmes sont plus demandeuses de soins que les hommes (14). En France, 3 femmes pour 1 homme consomment un antidépresseur, d’après une enquête SOFRES réalisée en population générale par Olié et al. (14) et la consommation des tranquillisants et des hypnotiques est de 7 % et semble augmentée chez les femmes, d’après Legrain et al. (7). Une autre étude effectuée en Italie (2) a montré que les benzodiazépines sont plus prescrites chez les femmes que chez les hommes. 3) L’âge, dans notre étude, n’a pas été mentionné dans environ 55 % des cas, ce qui rend nos résultats difficiles à interpréter. Dans les ordonnances dont l’âge a été mentionné, les psychotropes ont été prescrits dans plus de la moitié des cas entre 40 et 60 ans. La consommation des psychotropes semble augmenter avec l’âge (2, 3, 4, 7, 13, 20). 4) Les généralistes viennent en tête des prescripteurs avec 27,8 % du total des ordonnances retenues. Les psychiatres viennent en deuxième position (19,1 % du total des prescriptions). En France, le généraliste serait responsable de 60 % des prescriptions d’antidépresseurs contre 35 % pour les psychiatres (14). Par ailleurs, la prescription en matière de psychotropes pour les médecins spécialistes non psychiatres est variable en fonction de leur spécialité. Ainsi, les cardiologues sont probablement amenés à voir des patients qui présentent des troubles anxieux et notamment des troubles panique, ce qui expliquerait que les anxiolytiques représentent 48,9 % de l’ensemble de leurs prescriptions. Les neurologues et les neurochirurgiens prennent en charge des épileptiques et des patients souffrant de névralgies, et plus de la moitié de leurs prescriptions dans notre échantillon est faite de régulateurs de l’humeur. 5) De notre travail, il ressort que les anxiolytiques sont les psychotropes les plus prescrits et ce dans 45 % des prescriptions de psychotropes, suivis des neuroleptiques dans 25,2 % des cas ; les antidépresseurs sont au troisième rang avec 18,7 % des prescriptions et les hypnotiques ne sont prescrits que dans 3 % des cas. Wancata et al. (20) ont trouvé que chez 729 patients hospitalisés dans des hôpitaux généraux, les anxiolytiques sont prescrits dans 39,6 % des cas, suivis des hypnotiques dans 16,9 % des cas puis des neuroleptiques dans 10,7 % des cas, et des antidépresseurs dans 7 % des cas. Une enquête menée auprès des médecins généralistes (2) a trouvé que les benzodiazépines sont plus prescrites chez les femmes, et ce dans 72,8 % des cas. Une autre étude italienne effectuée en population générale (13) a trouvé que les psychotropes les plus prescrits étaient les anxiolytiques, puis viennent les hypnotiques, ensuite les antidépresseurs et enfin les neuroleptiques en quatrième position. Dans notre travail, les neuroleptiques viennent au deuxième rang des psychotropes prescrits, ils sont plus prescrits par les psychiatres qui sont censés voir le plus de troubles psychotiques. Ce deuxième rang est également respecté dans l’étude de Semchaoui et al. (21,70 %) (19). Les antidépresseurs viennent en troisième position des psychotropes prescrits. La proportion est en revanche variable entre notre étude (18,7 %) et dans l’enquête de Semchaoui et al. (3 % uniquement) (19). Cette différence pourrait être attribuée à l’augmentation du nombre de psychiatres, à la demande et à la facilité d’accès aux soins de plus en plus importante, ou à une certaine « vulgarisation » des antidépresseurs par les mass média, et aussi à l’augmentation en chiffres des troubles dépressifs. Dans les pays occidentaux, l’utilisation des antidépresseurs a été durant les dernières années en augmentation régulière ; elle a par exemple presque doublé en une décennie aux États-Unis (1, 7, 14), tandis que l’usage des tranquillisants est resté durant la même période relativement stable (1, 14). L’augmentation des prescriptions d’antidépresseurs concerne essentiellement les antidépresseurs sérotoninergiques (1, 7, 8, 10, 11, 14). 6) La monothérapie a été respectée dans la majorité des cas, soit 64,1 % ; elle est de règle et recommandée par la majorité des auteurs. Dans 33,3 % des cas les associations de psychotropes se sont faites essentiellement entre antidépresseurs et anxiolytiques, neuroleptiques et anxiolytiques et enfin neuroleptiques et antidépresseurs. Presque la moitié des associations est faite entre anxiolytiques et 339 A. Belkacem et al. antidépresseurs. Ces associations médicamenteuses sont souvent préconisées en cas de coexistence de symptômes, anxieux et dépressifs ou psychotiques. Dans les différentes études, les associations de psychotropes sont fréquentes et indépendantes de l’âge et du sexe (2, 17). 7) Le versant qualitatif, qui prend en considération le diagnostic établi, la durée du traitement et la posologie, ne peut être discuté par manque de données. En effet, les anxiolytiques qui sont les psychotropes les plus prescrits : – sont-ils proportionnels aux troubles anxieux diagnostiqués ? – respectent-ils les recommandations des auteurs et l’AMM (Autorisation de mise sur le marché) ? – sont-ils prescrits comme traitement symptomatique dans des affections psychiatriques ou somatiques ? Les études qui tiennent compte de ces différents paramètres s’avèrent difficilement réalisables (4, 13). Plusieurs points doivent être pris en considération et constituent les limites de notre travail : – la différenciation entre les secteurs public, privé et universitaire n’a pas été faite et semble importante pour avoir une idée plus réaliste de la prescription des psychotropes. La population consultant en privé est différente de celle consultant en public, surtout en ce qui concerne le niveau socio-économique. De plus certaines pathologies, par exemple certains troubles anxieux, sont plus fréquemment vus en privé qu’en public, de même que certaines classes de médicaments sont plus aisément prescrites dans un secteur et pas dans l’autre ; – la différenciation entre milieu urbain et milieu rural n’a pas été faite et aurait apporté un autre aspect à notre travail. Enfin, prescription est loin d’être synonyme de consommation, même si la demande émane du patient lui-même, et encore moins de l’observance. Ainsi, l’extrapolation en population générale est difficile car les mutualistes de la CNOPS sont des salariés de l’État qui ne représentent qu’un chiffre réduit de la population générale. CONCLUSION Les psychotropes sont prescrits actuellement et dans une très large mesure, d’une part par les généralistes, et d’autre part, par l’ensemble des spécialistes. Les psychiatres ne représentent pour cette prescription que 20 % environ, ce qui suppose que les psychotropes peuvent être prescrits pour d’autres problèmes organiques, ou encore qu’il existe toujours dans notre pays une réticence à l’égard de la consultation en milieu psychiatrique. Les anxiolytiques restent largement les plus prescrits par le généraliste. La prescription de psychotropes ne représente qu’un aspect d’un projet thérapeutique en matière de santé mentale. Ainsi, elle doit être pertinente avec le respect du diagnostic, des indications, des règles de prescription, et il ne devrait pas y avoir de réticence à faire appel à l’avis du psychiatre. 340 L’Encéphale, 2006 ; 32 : 335-40, cahier 1 La consommation des psychotropes a connu dans plusieurs pays une augmentation régulière, des études plus élargies extrapolées en population générale sont nécessaires pour déterminer la prescription des psychotropes au Maroc. Références 1. AGENCE DU MÉDICAMENT. 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