Le renouvellement de la gestion passive

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Le renouvellement de la gestion passive
Le renouvellement
de la gestion passive
par Mario Lavallée
Lorsque les investisseurs
s’interrogent sur la
pertinence de faire de la gestion active plutôt que de la gestion
passive, l’alternative de facto en gestion passive est la gestion
indicielle traditionnelle. Celle-ci consiste à répliquer les indices
de références couramment utilisés comme le S&PSTX pour les
actions canadiennes ou le S&P500 pour les actions américaines.
Les indices actuels utilisent une pondération déterminée par la
capitalisation boursière de chaque société. Or, cette façon de faire
repose sur des hypothèses assez fortes. L’une d’elles, l’efficience
des marchés, ne semble pas tenir en pratique puisque les
investisseurs ont des biais systématiques. Cela fait en sorte que
certains titres sont surévalués et d’autres sont sous-évalués. La
gestion active vise justement à profiter de ces erreurs des
participants dans le marché. La pondération par la capitalisation
boursière, par contre, tend à répliquer ces erreurs. Les titres
surévalués ont des valeurs plus grandes que les autres et sont donc
pondérés plus que les autres dans l’indice… et le portefeuille. La
même chose, mais à l’inverse, pour les titres sous-évalués.
32 décembre 2010
AVANTAGES
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L’approche traditionnelle de gestion
passive offre cependant deux avantages :
elle exige peu de transactions car les poids
s’ajustent automatiquement avec les variations
de prix et elle ne comporte aucun risque de
comparaison puisqu’elle réplique fidèlement
les indices de référence les plus utilisés. Ces
avantages sont toutefois ceux de la facilité.
Un exemple concret
ne façon de voir la gestion indicielle
U
actuelle est la suivante. Un comité de retraite
embaucherait la firme Standard & Poor’s et
la Bourse de Toronto avec le mandat de
déterminer les titres à inclure dans son
portefeuille d’actions canadiennes. Ces
deux « consultants » sélectionnent ensemble
les titres en utilisant des critères qu’ils
déterminent eux-mêmes sans nécessairement
tenir compte des objectifs de la caisse de
retraite.
Un deuxième groupe de « consultants »
aurait ensuite le mandat de déterminer le
poids de chaque titre dans le portefeuille. Ce
deuxième groupe est formé des investisseurs
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dans le marché. Certains sont sophistiqués,
alors que d’autres ne le sont pas. Avec une
telle approche, la caisse de retraite ne
pourrait soutenir que son portefeuille
d’actions canadiennes soit construit pour
répondre à ses besoins. Si jamais il l’était, ce
serait le fruit du hasard.
Le principe soutenant la gestion passive
est qu’il est difficile de prévoir le rendement
des titres. Dans un tel contexte, tenter de
« sélectionner » les meilleurs titres est une
activité qui ne peut se justifier compte tenu
des coûts. Ceux qui adhèrent à cette opinion
préfèrent donc la gestion passive.
La gestion passive et
l’approche traditionnelle
À partir du moment où une approche passive
est retenue, il y a lieu de sélectionner celle
qui correspond le mieux aux besoins ou aux
croyances de placement de l’investisseur.
Trois approches de gestion passive font
maintenant compétition à l’approche
traditionnelle basée sur les capitalisations
boursières.
AVANTAGES
La première de ces approches repose sur
l’hypothèse que ni le rendement futur ni le
risque ne peuvent être estimés correctement.
Le passé ne nous dirait rien sur le futur.
Dans ce contexte, la solution ayant le plus
de sens est celui qui pondère également
chacun des titres dans le portefeuille. Avec
50 titres, chacun se verrait attribuer un poids
de 2 %.
Un rééquilibrage périodique doit
évidemment être fait afin de maintenir les
titres au poids désiré. Cette approche a
l’avantage d’incorporer automatiquement
un biais de petite capitalisation car elle met
autant de poids sur le plus petit des 50 titres
que sur le plus grand. Cette façon de faire
permet également d’éviter les excès du
marché. En effet, lorsqu’un titre s’emballe à
la suite d’une réaction exagérée de la part
des investisseurs, cette règle de pondération
fait en sorte qu’il sera graduellement vendu
puisque son poids dans le portefeuille doit
demeurer constant. Par le même phénomène,
un titre négligé sera graduellement acheté à
mesure que son prix baisse.
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Le renouvellement de la gestion passive
Indices
traditionnels
Pondérations
égales
Pondérations
fondamentales
Faible volatilité
Hypothèses
ou croyances
Le marché est efficient.
Le rendement attendu répond
au modèle d’équilibre
« CAPM »
Ni le rendement ni la
volatilité ne peuvent
être prévus.
Les données comptables
constituent une meilleure
approximation de la valeur d’une
entreprise que son prix boursier.
Le rendement ne peut être
prévu, mais la volatilité
peut l’être.
Système de
pondération
Les titres ont un poids relatif
déterminé par leur
capitalisation boursière totale.
Tous les titres ont un
poids identique.
Les titres ont un poids relatif
déterminé par l’importance relative
de certaines de leurs données
comptables.
Le poids des titres est
déterminé de façon à
réduire la volatilité du
portefeuille.
Certaines contraintes
peuvent être exigées.
Avantages
Ajustement automatique des
poids aux variations de prix.
Stratégie très liquide.
Pas de risque de comparaison.
Évite les excès
du marché.
Biais automatique
pour les petites
capitalisations.
Inconvénients Réplique automatiquement les
Rééquilibrage
excès du marché.
périodique nécessaire.
Risque de comparaison
avec les indices
habituels.
Cette discipline d’acheter ce qui vient de
baisser et de vendre ce qui vient de monter
permet ainsi d’obtenir de bons rendements à
long terme tout en évitant les plus importances
erreurs du marché.
Une deuxième façon de pondérer
passivement les titres dans un portefeuille est
d’utiliser les valeurs comptables. Ces
pondérations fondamentales reposent sur
l’hypothèse que la véritable valeur d’une
firme est plus en ligne avec ses données
comptables qu’avec son prix boursier. Encore
une fois, la discipline de conserver un poids
moins volatile permet d’éviter les excès du
marché. Un mix de données comptables
(avoir des actionnaires, flux monétaire total,
ventes totales, etc.) détermine l’importance
relative de chacune des sociétés dans le
portefeuille. Un rééquilibrage régulier
ramène les poids dans le portefeuille à leurs
cibles fondamentales. Cette approche a
l’avantage d’être un peu plus liquide que la
pondération égale car elle accorde
automatiquement plus d’importance aux
grandes sociétés. Cette approche a aussi
démontré sa supériorité au fil des années par
rapport aux indices traditionnels. Elle a
procuré des rendements supérieurs sans
augmentation de volatilité.
La dernière des trois approches les plus
mentionnées est celle consistant à pondérer
les titres de façon à minimiser la volatilité.
34 décembre 2010
Évite les excès du marché.
Évite les excès du marché.
Approche « valeur » à peu de frais.
Meilleure protection
Stratégie assez liquide car elle
du capital.
favorise les grandes sociétés
Rééquilibrage périodique
nécessaire.
Risque de comparaison avec les
indices habituels.
Cette approche pose l’hypothèse que la
volatilité future peut être estimée à partir des
données historiques même si le rendement
espéré ne peut l’être. Sans possibilité
d’estimer le rendement, la seule option est
donc de réduire le risque. La constatation
qu’un portefeuille « minimum variance »
domine l’indice boursier construit de façon
traditionnelle n’est pas nouvelle. Par contre,
la disponibilité de portefeuilles utilisant cette
approche est très récente. L’approche de
faible volatilité a procuré des rendements
supérieurs aux indices traditionnels tout en
maintenant une volatilité beaucoup plus
faible. En fait, cette volatilité plus faible
l’aide à faire mieux car les rendements
négatifs extrêmes sont moins fréquents et
plombent moins le rendement à long terme.
Comme plusieurs l’ont réalisé en 2008, un
rendement négatif de 33 % doit être suivi
d’un rendement positif de 50 % juste pour
revenir au point de départ. L’approche de
faible volatilité réduit l’impact de ces
mauvais rendements sur le rendement
cumulatif du portefeuille.
Des questions à se poser
e fait que ces approches passives aient
L
connu une bonne performance historique
devrait nous amener à nous questionner sur
le succès de certains gestionnaires actifs. En
effet, un gestionnaire peut faire mieux que
AVANTAGES
Rééquilibrage périodique
nécessaire.
Risque de comparaison
avec les indices habituels.
son indice de référence pour deux raisons :
il sélectionne de meilleurs titres et il les
pondère différemment. Son avantage
provient donc soit de sa sélection, soit de
son mécanisme de pondération ou encore
des deux à la fois.
Si vous observez que votre gestionnaire
a tendance à investir des sommes à peu près
égales dans chaque titre, il faut vous
demander si sa performance historique
provient vraiment de la sélection ou plutôt
de sa discipline d’investir une somme égale
dans chaque titre. Certains gestionnaires
affirment protéger le capital en ayant une
approche « défensive ». Ils construisent des
portefeuilles ayant une volatilité nettement
inférieure à celle de l’indice. S’ils font
mieux à long terme, est-ce par le choix des
titres ou la réduction du risque ? Doit-on
payer des honoraires de gestion active pour
profiter de l’impact d’une volatilité réduite ?
Il semblerait bien que non.
Les nouvelles approches en gestion
passive doivent faire partie des stratégies
étudiées pour la gestion des portefeuilles
d’actions. La gestion passive n’a pas à
être naïve. s
Mario Lavallée, Ph.D. CFA,
est vice-président principal chez
Aon Hewitt à Montréal.
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