Trends à l`école

Transcription

Trends à l`école
www.tendances.be
NOVEMBRE 2005
La mondialisation
Danger ou opportunité ?
S’installer comme
commerçant
La réforme des fins
de carrière
par
Michèle Audrit
Trends à l’école:
première!
ous tenez entre les mains la nouvelle initiative de
l’hebdomadaire économico-financier TrendsTendances : Trends à l’école. Sa particularité : ce
mini-Trends-Tendances de 16 pages, conçu comme
son grand frère destiné à tous les décideurs que comporte la Belgique francophone, n’est pas rédigé par
des journalistes mais par des enseignants qui ont osé le
défi de se muer en reporters : Pascale Haine (Athénée
royal d’Athus), Lut Vandevelde (Collège Saint Guibert à Gembloux) et Frédéric Wauters (Athénée royal
d’Evere). Une équipe supportée par Michel Brull, directeur de l’asbl Jeunes Entreprises, par Sylvie Wodon, directrice de CCI Namur et chargée de promotion
des projets Roularta-Wallonie (Roularta est l’éditeur
de Trends-Tendances), et cornaquée par notre journaliste Jean-Marc Damry, par ailleurs enseignant à la
haute école HEMES à Liège. Une double casquette
idéale pour ce genre d’exercice.
Leur but: vulgariser l’économie, la vie de l’entreprise, le droit social, fiscal, la gestion. Parce que tous ces
sujets, aussi abruptes semblent-ils, peuvent se raconter
comme une histoire. Une histoire qui pousse à réfléchir, à susciter le débat. Le tout à destination des
élèves du troisième degré de l’enseignement secondaire mais aussi de leurs enseignants, qui, tous, disposeront d’un outil pédagogique de premier plan.
V
Trends à l’école
Trends à l’école est une initiative de Trends-Tendances,
rue de la Fusée, 50, bte 9, 1130 Bruxelles.
Rédacteur en chef
Amid Faljaoui
Rédacteur en chef adjoint
Michèle Audrit
Coordination
Jean-Marc Damry
Mise en page
Marc Deby, Geert Deceuninck
Content manager
Christophe Charlot
2
TRENDS À L’ÉCOLE NOVEMBRE 2005
Lancé il y a deux ans en Flandre, Trends op School
connaît un succès remarquable. D’où l’idée de lancer
une initiative analogue en région francophone. Vu
l’enthousiasme des participants à ce projet, que nous
remercions vivement, le succès devrait être identique.
Trends à l’école (soutenu également par le projet
Dream, qui veut susciter l’esprit entrepreneurial chez
les jeunes) est aussi visible sur notre site
www.trends.be/fr/trendsalecole où, en plus, vous découvrirez une bibliothèque des articles sélectionnés,
une explication des termes économiques, une foire
aux questions, le magazine en format PDF, un module
d’inscription pour les professeurs et les élèves qui veulent recevoir le magazine. Sans oublier de fabuleux
concours.
Pour son premier numéro, Trends-Tendances à
l’école vous emmène dans les méandres de la mondialisation, du parcours du combattant pour la création
d’entreprise, des petits caractères des conditions de
ventes et de la problèmatique des pensions. Nous vous
donnons d’ores et déjà rendez-vous pour mars 2006,
pour un second numéro.
N’hésitez pas à nous communiquer vos remarques,
vos critiques, les sujets que vous aimeriez découvrir,
où toutes autres choses qui vous tiennent à cœur sur
[email protected]. ■
Ont collaboré à ce numéro
Fabienne Blaise, Michel Brull, Jean-Marc Damry, Pascale Haine, Lut Vandevelde, Frédéric Wauters, Sylvie Wodon.
Documentation: Anne-Lise Castiaux
Photo de couverture: Corbis
Photographes: Reporters, Isopix
Editeur: Dirk Vandekerckhove
Editeur responsable: Wim Criel
Aucune partie du présent ouvrage ne peut être reproduite et/ou
rendue publique sous forme imprimée, photocopiée, microfilmée ou sous quelque autre forme que ce soit, sans l’autorisation écrite préalable de l’éditeur.
Website: www.trends.be/fr/trendsalecole
Trends à l’école est une publication de Roularta Media Group
S.A., Meiboomlaan, 33, 8800 Roulers.
GD
FOCUS EDITORIAL
SOMMAIRE FOCUS
SOMMAIRE
4
NOVEMBRE 2005
La mondialisation
est-elle un danger
ou une
opportunité?
Trends à l’école
4 La mondialisation n’a rien a voir avec le Mundial. Quoique...
On l’entend partout, elle n’a pas de visage, personne ne sait d’où
elle vient ni où elle va. Ce n’est pas une actrice ni le nom d’une maladie épidémique. Pourtant, on n’arrête pas de nous parler de mondialisation. De quoi s’agit-il ? Faut-il s’en méfier ou ouvre-t-elle la porte à de nouvelles opportunités ?
13 Les conditions générales de vente: conseils pratiques
Une ou plusieurs pages, en tout petits caractères. ça ne donne pas
envie de lire, c’est sûr ! Même lorsqu’on se prépare à signer un bon
de commande ou un contrat d’abonnement. Et pourtant, une lecture
attentive est de rigueur.
14 Pourquoi une réforme des fins de carrière?
Pour la première fois depuis plus de 10 ans, le pays a été, ces derniers temps, paralysé par des grèves générales. Leur cause ? Des
nouvelles mesures pensions regroupées sous l’intitulé «Pacte pour la
solidarité entre générations». Pourquoi prendre des mesures impopulaires, et pourquoi parler de solidarité entre générations? Le point.
15 Le phénomène Ryanair
Première compagnie européenne, Ryanair est actuellement le
chef de file des compagnies aériennes à bas tarifs, telles que Easy
Jet, City Jet, Virgin... Cette compagnie low-cost constitue le prototype d’un nouveau phénomène économique engendré par la libéralisation du ciel.
CORBIS
10
Se lancer
comme
commerçant :
tout savoir
avant de
débuter.
CO
RB
IS
10 S’installer en tant que commerçant
Avoir un projet, réaliser un rêve... Génial ! Mais entre le rêve et la
réalité, il peut y avoir quelques nuances. Créer son affaire ressemble
assez à un parcours du combattant, mais le jeu en vaut la chandelle.
Ryanair :
les recettes
d’une
success-story.
15
REPORTERS
PG
Trends à l’école t’offre des cadeaux sur son site Web
A gagner: 5 logiciels Magix Music Maker 2006 pour transformer ton PC
en véritable machine à hits. Grâce à ce programme, tu peux créer de la musique,
appliquer des effets sonores exceptionnels à tes chansons préférées ou encore
utiliser des samples. Le tout avec une interface super facile à utiliser. Music Maker,
c’est un studio sur ton PC.
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NOVEMBRE 2005TRENDS À L’ÉCOLE
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FOCUS ECONOMIE
DANGER OU OPPORTUNITÉ?
La mondialisation
n’a rien à voir
avec le «mundial».
Quoique...
On l’entend partout, elle n’a pas de visage,
personne ne sait d’où elle vient ni où elle va.
Ce n’est pas une actrice ni le nom d’une maladie
épidémique. Pourtant, on n’arrête pas de nous
parler de mondialisation. De quoi s’agit-il?
Faut-il s’en méfier ou ouvre-t-elle la porte
à de nouvelles opportunités?
ien de tel que le bon vieux Petit Robert pour trouver la
définition de mondialisation: fait de devenir mondial.
Nous ne sommes guère avancés. Voyons à «mondialiser» : donner à quelque chose un caractère mondial. Il va
falloir nous débrouiller autrement. Nous avons déjà été tellement imbibés de ce terme que nous en avons une idée
propre, presque instinctive, comme les mots appris de nos
parents lorsque nous étions petits. Le tout est d’en avoir une
idée juste, fondée et argumentée.
On peut être pour ou contre. Mais à quoi cela servirait-il ?
Chacun a son avis, mais impossible d’être un acteur puissant dans le contexte aussi énorme que celui de la mondialisation puisque, comme le dit le Petit Robert, ça couvre la
planète entière ! Par contre, on peut en voir les avantages et
les inconvénients. Vouloir développer les premiers, réduire
les seconds. Que pensent les protagonistes de ce mouvement ?
R
Le petit déjeuner et la casquette
Comment ? Nous serions «atteints» de la mondialisation
dès notre petit déjeuner ? Eh oui. Il suffit de regarder le défilé de chariots aux caisses des grandes surfaces, le ballet des
céréales, café, chocolat, kiwis, oranges, bananes sur le tapis
roulant pour s’en rendre compte. Allons, pas de visage traumatisé, c’est si bon! D’ailleurs, les clientes ne tirent pas cet4
TRENDS À L’ÉCOLE NOVEMBRE 2005
te tête. Or ce sont elles qui sont les décideuses de ce qui sera
dans notre assiette, non ? Et elles n’affichent aucun sentiment particulier face à la provenance de ces produits. Peutêtre n’en sont-elles même pas conscientes, sauf peut être si
elles achètent de la viande d’autruche ou de bison, persuadées que l’une vient d’Australie, et l’autre chassée par les
Indiens d’Amérique, alors que ce sont des animaux élevés
aujourd’hui chez nous ! Comme quoi, tout le monde peut
avoir une idée bien erronée de la mondialisation.
Mais le petit déjeuner n’est pas le seul moyen de voir si
nous sommes «envahis». Visitons notre maison: télévision,
Playstation, matériel informatique, GSM,... Ne proviennent-ils pas d’Asie? Meubles Ikea? N’est-ce pas nordique ?
Robot ménager français ? Voiture allemande ? Essence koweïtienne ? La mondialisation est rentrée chez nous et est
même bien installée!
Si nous demandons dans les foyers s’ils se sentent
concernés par la mondialisation, le choix des réponses flottera entre «ça ne me concerne pas», «j’en suis ravi car je ne
peux pas commencer une journée sans mon café (colombien)» et «j’essaye d’acheter éthique et équitable, mais
c’est cher». Bref, ils sont très contents d’en profiter et ne se
posent pas trop de questions.
Le consommateur fait donc un lien direct entre la mondialisation et le commerce international, produits exotiques
et bonheur de l’assiette ou plaisir du confort. C’est tout. Il
n’a pas tort, mais c’est un point de vue assez limité. Lorsqu’il quitte son domicile pour se rendre à son travail, l’individu change de casquette, et de consommateur, il devient
travailleur. Et comme si sa réflexion était attachée à ce
couvre-chef, il a un point de vue tout à fait différent.
Coté pile: les optimistes. La mondialisation c’est :
✓ l’ouverture sur d’autres marchés de nos produits belges
(ou européens),
✓ l’ouverture de notre marché à des produits nouveaux,
✓ une opportunité d’aller travailler à l’étranger, de découvrir d’autres gens, de travailler son ouverture d’esprit,
✓ la possibilité pour l’entreprise de devenir leader sur le
marché, de devenir experte,
✓ la reconnaissance de nos industries à l’étranger.
Coté face, les pessimistes. La mondialisation devient une
bête immonde, cruelle et égoïste.
✓ C’est de la concurrence déloyale (qui n’a jamais entendu
parler du plombier polonais, du carreleur croate, de l’analyste programmeur indien?),
✓ impossible de concurrencer des multinationales,
✓ aucune garantie d’emploi : les maisons mères sont «planquées» à l’étranger et sont carrément au-dessus des lois,
✓ les syndicats sont impuissants car ils n’ont de possibilité
d’agir que sur le territoire national,
✓ c’est la délocalisation, car ils vont tous chercher de la
main-d’œuvre bon marché, etc.
CORBIS
Que fait la police?
Comme à chaque problème, il y a un responsable, on
cherche également la solution. Et dans l’esprit de la plupart
d’entre nous, notre Zorro, notre sauveur masqué, c’est
l’Etat. Il faut être honnête, la Belgique est une fourmi sur la
carte du monde, et ne fait guère le poids face aux mammouths des pays économiquement puissants. Notre Zorro
est donc peu armé pour contrer. Mais le veut-il vraiment ?
Notre pays est un pays capitaliste, ouvert aux autres.
Vivre en autarcie, pour nous, serait impossible. Aussi, nos
dirigeants ont-ils toujours comme leitmotiv de nous montrer, de nous faire valoir, de nous exporter. Qui n’a jamais
entendu parler de notre capacité à exporter ? Il faut voir les
avions affrétés pour l’étranger: Maroc, Asie, Chine, Tanzanie, Afrique centrale,... Comme des sportifs de haut niveau,
l’équipe est constituée de représentants de nos plus
vaillantes et dynamiques entreprises, le coach étant le Prince Philippe, garantie humaine, s’il en faut, de notre sérieux.
Le sponsor : le commerce extérieur (ex–OBCE régionalisé
depuis).
Nos frontières économiques sont des portes ouvertes,
certes, mais comme celles qui mènent de la cuisine à la salle
d’un restaurant : que l’on pousse ou tire sur la porte, on
réussit à passer de toute façon. Ce qui signifie que nos relations commerciales sont aussi des possibilités à l’importation. Faut-il s’en inquiéter ? Certes l’Etat reste vigilant à
l’équilibre de la balance commerciale. L’inégalité «exportations > importations» fait toujours notre bonheur. Et nous
y parvenons. Nous sommes capables de transformer des
cailloux en diamant (Anvers), du sable en verre (Glaverbel)
ou en cristal (Val St Lambert)... C’est la force de la fourmi:
sa capacité à ajouter de la valeur aux matières premières, à
donner de la valeur ajoutée à des produits semi-finis. Le
problème n’est donc pas là.
Ce qui fait peur à nos dirigeants, c’est la délocalisation.
Elle est à la mondialisation ce que le virus est au PC, la griffe au CD de Pascal Obispo, la pluie au pot de gel ! Le coté
obscure de la force! Et on ne croit pas si bien dire! Délocalisation et faillites sur notre territoire national sont les bêtes
noires de nos chefs. Pourquoi ? Moins de ventes, c’est
moins de bénéfice, donc, moins de TVA, moins d’impôts
des sociétés, donc, moins de rentrées pour l’Etat. Moins de
ventes, c’est moins produire, donc, une perte d’emploi, un
surplus de chômage, et donc, un coût pour l’Etat.
Chômage et licenciement signifient grèves, autoroutes
bloquées, et perte de revenu pour tout le monde. Perte
d’emploi égale moins de cotisations (calculées sur les revenus) et donc augmentation de notre trou financier de la sécurité sociale, etc.
La fermeture d’une entreprise, que ce soit définitivement
ou pour s’implanter en Orient ou dans les pays de l’Est ne
fait plaisir à personne. Néanmoins, il y a une petite flamme
positive : l’arme de la fourmi, c’est son savoir- ■ ■ ■
NOVEMBRE 2005 TRENDS À L’ÉCOLE
5
FOCUS ECONOMIE
CORBIS
La culture
(via la musique,
le cinéma,...),
la connaissance et
donc la recherche
(via la médecine,
les prix Nobel,...),
le sport
(via les Jeux
Olympiques,
le «Mundial»,...)
font partie de
la mondialisation.
■■■
faire. On a vu des entreprises partir à l’étranger et revenir tel l’enfant prodige au pays. Petit cocorico : notre
main-d’œuvre est de grande qualité. Esprit d’initiative,
d’analyse, formation, culture d’entreprise, prises de responsabilités, multilinguisme,... sont autant de qualités reconnues dans le monde entier. Les travailleurs belges se sentent
concernés par leur entreprise, par leur travail et ils le font
bien. Et ça se sait !
Qui sont nos empêcheurs de tourner en rond?
Il n’y a pas de liste secrète, de liste noire. Leurs noms
sont connus, et au vu et au su de tous : regarder les étiquettes
dans vos t-shirts, dans vos chaussures, dans vos équipements de sport, sur les lecteurs MP3 et vous aurez le nom
des coupables : Chine, Taiwan, Inde... Ils ne s’en cachent
pas ! Il y a peu encore, les USA eux-mêmes négociaient
avec la Chine pour calmer le taux d’envahissement des tshirts asiatiques sur le marché américain. Les Européens
ont agi de même. Font-ils donc trembler tout le monde?
Prenons l’exemple de la Chine En simplifiant, on peut dire que depuis 5 ans elle a complètement viré son orientation.
Pour rappel, la Chine était une dictature communiste, aux
ouvertures économiques grandes comme des trous de souris.
Or, suite à différents évènements qui ont marqué l’Europe
dans les années 90 (chute du mur de Berlin, effondrement de
l’URSS, démocratisation des pays de l’ex-bloc de l’Est,...),
la Chine s’est retrouvée bien isolée dans sa dictature vieillot-
te et guère plus convaincante, coincée entre une Russie nouvellement ouverte à l’économie de marché et au reste du
monde, et un Japon économiquement puissant. En simplifiant le raisonnement, la Chine, pays de plus d’un milliard
d’individus, était un pouvoir économique latent.
11 décembre 2001. La Chine fait son entrée dans l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC). On disait d’elle
dans le Trends-Tendances : «Elle aspire les matières premières de toute la planète, utilise sa main-d’œuvre bon marché pour transformer celle-ci en une multitude de produits
finis qui à leur tour inondent les marchés mondiaux.» Cela
ne s’est pas fait tout seul : dans La Libre Belgique, on pouvait y lire qu’ «elle a importé métiers à tisser, machines,
produits chimiques, cotons américains, en se laissant tenter
par des vêtements de luxe au passage». Et l’affaire est dans
le sac : soieries, t-shirts, chaussettes, téléphones portables,
appareils photos numériques... chinois envahissent le monde. «Leurs carnets de commande sont pleins.» Mais ils ne
se privent pas pour envahir le marché avec des contrefaçons
et le justifient par le fait que «l’idée de protection industrielle est récente dans notre pays où tout était étatisé», faisaiton remarquer dans le quotidien français Le Monde.
Mais qu’en pensent-ils, eux? Les travailleurs soumis à des
patrons chinois ne voient guère de différences : beaucoup
continuent à subir de longues journées de travail pour un salaire de misère, dans des conditions de travail minables, dont
le mot «loisir» doit même leur être inconnu, et la vie de famil-
Ne pas confondre!
✓ Globalisation: tendance des entreprises multinationales à concevoir des stratégies à l’échelle planétaire, conduisant à la mise en place
d’un marché mondial unifié, à la mondialisation (Petit Robert). C’est concevoir la planète comme un seul marché, avec une seule façon
d’agir pour tous, sans différences juridique, culturelle, économique, commerciale,...
✓ Commerce international: faire du commerce entre nations (vision trop réductrice de la mondialisation).
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TRENDS À L’ÉCOLE NOVEMBRE 2005
Pourquoi le commerce international?
Les économistes sont de curieux personnages. Ils chantent les louanges de la rapidité
et de l’efficacité, mais pourtant, il leur a fallu très longtemps avant de trouver une explication
satisfaisante à l’existence du commerce international. Cette explication, nous la devons
à l’économiste anglais David Ricardo.
A
pose de laisser un instant de côté la notion
de pays et d’imaginer un chirurgien. Ce
brave homme est excellent dans sa discipline, mais il est également plus rapide
que n’importe quelle secrétaire pour taper
à la machine et classer le courrier. D’après
la théorie des avantages absolus, puisqu’il
n’y a aucune secrétaire plus efficace que
lui pour les travaux de bureau, il n’a aucun
intérêt à en engager une, puisqu’il peut
travailler plus vite, et donc à moindre coût.
DAVID RICARDO
Il est l’auteur de la théorie des avantages
comparatifs qui explique l’existence du
commerce international.
CORBIS
vant Ricardo, l’explication à la mode
était la «théorie des avantages absolus»: deux pays s’engageront dans des relations commerciales seulement si chacun
d’entre eux dispose d’un avantage absolu
dans la production d’un bien, c’est-à-dire
est capable de produire ce bien à un coût
moindre que l’autre pays. Prenons par
exemple la Belgique et la Côte d’Ivoire. Il
serait impossible, ou très coûteux, de produire des bananes en Belgique. Par contre,
les producteurs belges de médicaments
sont plus efficaces que leurs homologues
ivoiriens. La Belgique et la Côte d’Ivoire ont
donc intérêt à commercer ensemble : les
Ivoiriens importeront des médicaments
belges et les Belges des bananes ivoiriennes. Belges et Ivoiriens y gagnent,
puisque les produits importés leur coûtent
moins cher que s’ils les avaient produits
chez eux.
Tout cela semble très logique. Mais il y
a un petit problème: comment fera le pays
qui ne dispose d’aucun avantage absolu ?
Est-il condamné à l’isolement économique? L’histoire nous prouve que le commerce a touché toutes les nations, c’est
donc qu’il y a un défaut dans la théorie.
Mais lequel?
C’est Ricardo qui trouve la solution,
qu’il appelle «théorie des avantages comparatifs». Il est cependant facile de la comprendre de façon intuitive : le professeur
d’économie Philippe Simmonot nous pro-
le incompatible. Ils sont logés dans des dortoirs gratuits, clapiers pour 6 ou 7 travailleurs dans quelques mètres carrés. Esclavage? Presque, car de plus en plus de travailleurs chinois
commencent à prendre conscience de leurs droits.
Les plus chanceux, paradoxalement, sont ceux qui travaillent pour les entreprises étrangères. Il y a peu, Nokia
acceptait que des caméras de télévisions filment ce qu’ils
voulaient voir imposer comme conditions de travail décentes dans leurs entreprises sous-traitantes chinoises. Des
audits de grande envergure où tout est passé au crible,
conditions de travail mais aussi sécurité des travailleurs :
interviews à huis clos des ouvrières sur leur salaire net,
leurs horaires, leurs heures supplémentaires, leurs jours de
repos, leur âge ; surveillance des locaux, de la cantine, des
produits dangereux à mettre en lieux sûrs ; respect des
droits de l’homme.
L’Orient se réveille et se révèle ambitieux : l’Inde, déjà
reconnue comme un centre d’excellence en programmation et en sous-traitance informatique, est sur la même voie
avec son petit milliard d’individus. Nous n’en entendons
guère parler à cause de sa bureaucratie et de son manque
d’infrastructure. Mais le jour où...
Mais notre chirurgien gagne de l’argent
quand il opère, pas quand il s’occupe de
son courrier. Le temps qu’il passe à taper
son courrier lui «coûte» donc en quelque
sorte de l’argent, puisqu’il n’est pas en
train de gagner sa vie en opérant un malade. Notre chirurgien sait, et nous aussi,
que le salaire horaire d’une secrétaire est
beaucoup moins élevé que celui d’un chirurgien. Donc, même s’il effectue mieux
les tâches administratives, il a intérêt à engager quelqu’un pour s’occuper de son secrétariat et ainsi lui permettre de passer
plus de temps derrière une table d’opération. Le gain financier qu’il en retirera sera
beaucoup plus élevé que le salaire qu’il
devra payer à sa secrétaire. On dit que la
secrétaire dispose d’un avantage comparatif: bien que le chirurgien soit plus efficace qu’elle, lorsqu’il compare le rendement
qu’il retire des deux activités dans lesquelles il excelle, il se rend compte qu’il
gagnerait mieux sa vie en se consacrant
uniquement à la chirurgie. Le même raisonnement peut être appliqué à deux
pays. Même si l’un d’entre eux est moins
coûteux que l’autre quel que soit le produit
envisagé, il y aura toujours des produits
plus rentables dans lesquels il aura intérêt
à se spécialiser. Ce qui permettra aux habitants de l’autre pays, malgré un handicap
de départ, de participer aux échanges internationaux et d’en tirer un avantage.
Frédéric Wauters ■
La pieuvre et John Lennon
L’association d’idées entre mondialisation et commerce,
argent, importation et exportation est facile, mais la bête est
non seulement large, mais massive. Une pieuvre ! Si nous
ne perdons pas le point de vue des salariés, on se rend
compte que la mondialisation va bien au-delà d’un problème économique.
Tout salarié qui se respecte défend bec et ongles ses acquis sociaux : conditions de travail, congés payés, vacances
annuelles, chômage, pension. Or, il est aisé de se rendre
compte que tous les travailleurs du monde n’ont pas les
mêmes droits. Et partir travailler à l’étranger ne se fera que
si l’on est sûr de se voir garantir ces droits. Quant au travailleur étranger, il n’attend qu’une chose: en plus d’un salaire décent, d’obtenir les mêmes avantages que nous. La
mondialisation, c’est cela aussi : le contrat de travail et tout
ce qu’il y a autour de façon indirecte.
Le phénomène serait–il social? La mondialisation ne serait donc pas un gros mot en plaqué or ? Pourrait-on donc
défendre la mondialisation? Quand on constate que de plus
en plus de consommateurs cherchent à consommer
éthique, via Oxfam, les magasins du monde, les la- ■ ■ ■
NOVEMBRE 2005 TRENDS À L’ÉCOLE
7
FOCUS ECONOMIE
La vision du
président de la FEB
La vision des
partenaires wallons
T
R
rends à l’école a demandé à Jean-Claude Daoust, président
de la Fédération des entreprises de Belgique (FEB) et par
ailleurs patron de la société d’intérim qui porte son nom, ce qu’il
pensait de la mondialisation.
Quel regard portez-vous sur le phénomène de la mondialisation?
REPORTERS
J’ai vu, au cours de ma carrière, beaucoup d’entreprises
échouer dans leur internationalisation et d’autres réussir magnifiquement: à chacun son choix et son calcul de risques!
J’attire par ailleurs l’attention sur le fait que plusieurs entreprises belges ont ouvert des filiales hors de nos frontières de façon à pouvoir assurer leur continuité en Belgique et ceci n’est
pas toujours suffisamment mis en valeur. Cette délocalisation
leur a permis de se développer et de sauvegarder leur filiale
principale sise en Belgique. Diaboliser la mondialisation n’est
pas une solution. Il s’agit simplement de pouvoir saisir les
opportunités de se montrer
habile dans ce jeu économique.
Quelles attitudes devrait, selon
vous, adopter une personne
voulant créer une entreprise
aujourd’hui, dans le contexte
de la mondialisation?
Il me semble d’abord que toute personne n’est pas destinée à devenir patron d’entreJEAN-CLAUDE DAOUST,
PRÉSIDENT DE LA FEB
prise. Il faut donc avoir, en soi,
«Diaboliser la mondialisation
le gène de l’entreprenariat et
n’est pas une solution. Il s’agit
être capable de lui permettre
simplement de pouvoir saisir
de se développer, notamment
les opportunités de se montrer
en s’entourant de managers
habile dans ce jeu économique.» de qualité, prodiguant une série de conseils et habiles à
mettre à l’épreuve le projet d’entreprise ébauché.
Si, une fois les remarques essuyées, le projet reste valide, il importe d’étudier l’environnement économique et notamment le
marché concurrentiel immédiat, avec objectivité. Cette étude
déterminera en grande partie la survie et le développement de
l’entreprise.
Il s’agit également de bien se tenir informé au niveau des méthodes possibles de financement. J’ai pu constater que les problèmes liés au sous-financement causaient, bien souvent, la
faillite d’une entreprise. Je dirai enfin que si l’on parvient à réunir toutes ces conditions qualitatives et financières, il reste à
oser, à se lancer, sans plus tergiverser.
Propos recueillis par Fabienne Blaise ■
oger Mené, le président de l’Union des Classes Moyennes
(mouvement de défense, de représentation et de promotion
des indépendants), n’a jamais été l’apôtre de la langue de bois.
Pour lui, la mondialisation ne se construit pas dans un contexte
optimal. «Quand un événement survient, il faut essayer de l’appréhender positivement. On a vu ce que l’ouverture des frontières
a pu amener en termes de mobilité des personnes. Au niveau des
marchandises aussi. Malheureusement, l’ouverture des frontières ne s’est pas pour autant accompagnée d’un rapprochement suffisant des législations à l’échelle internationale. Nul doute q’une plus grande harmonisation des textes légaux aurait probablement fait moins mal à nos économies», regrette-t-il.
«Les entreprises les plus exposés à la concurrence internationale souffriraient déjà moins si la mondialisation était mieux encadrée qu’elle ne l’est aujourd’hui, souligne de son côté Josly
Piette, secrétaire général de la Confédération des Syndicats
Chrétiens (CSC). L’Europe a évidemment un grand rôle à jouer en
la matière mais la Commission Barroso est malheureusement
trop affaiblie pour prendre de bonnes initiatives. Pour nous, la
bonne mondialisation va de pair avec le développement du bienêtre de l’humanité, avec évidemment à la clef des retombées po-
■ ■ ■ bels Max Havelaar,... afin que les producteurs des
pays les moins avancés puissent recevoir une part correcte
du prix de vente, la réponse est «oui». Quand des consommateurs refusent d’acheter 5 € des t-shirts venant d’Asie,
afin de ne pas donner crédit aux entreprises qui ne respectent pas les droits des enfants, la réponse est «oui». Quand
on constate que des entreprises investissant dans les pays
les moins avancés se font fort de montrer patte blanche sur
les conditions de travail dans ces usines (cf : Nokia, Ikea,
Nike,...), on se dit que «oui». Enfin, quand on sait qu’environ 10% de l’actionnariat américain n’investissent plus que
dans des entreprises éthiques, c’est sûr, c’est oui. Bien sûr,
acheter des produits mêmes non éthiques, c’est déjà leur
permettre de vivre. Mais si cela pouvait être plus décemment ? Attention, cela le devient très lentement, et la partie
n’est pas gagnée. Ce ne sont donc pas les bras les plus forts
de la pieuvre...
Par contre, un aspect grandissant est l’écologie. Les problèmes de la couche d’ozone, du réchauffement de la planète, du tri et du recyclage des déchets sont discutés au sein
des plus grandes instances supranationales. Le problème
est devenu planétaire. Il ne peut être résolu qu’avec les entreprises, polluantes évidemment. Et l’une de se valoriser
des efforts qu’elle contribue à faire pour ses émanations de
CO2, et l’autre d’avancer les qualités de ses produits «écologiquement correctes». Cela commence à devenir doucement contagieux. L’Europe, la Russie ont signé les accords
Ne pas confondre!
✓ Altermondialiste : position d’un groupe d’individus qui sont d’accord sur le principe de mondialisation, pour les avantages
répartis entre tous. Ils luttent pour en réduire les inconvénients. Ils souhaitent un autre monde, plus juste, et plus équitable,
au sein même du processus de mondialisation.
✓ Antimondialiste: position d’un autre groupe d’individus qui ne sont pas d’accord avec le principe de mondialisation.
Ni pour les avantages ni pour ces inconvénients. Ils n’en veulent pas.
8
TRENDS À L’ÉCOLE NOVEMBRE 2005
ISOPIX
VINCENT REUTER,
UWE
Au lieu de
se demander
comment stopper
ou réguler la
mondialisation,
il serait préférable
d’essayer d’en tirer
parti...
ROGER MENE,
UCM
L’ouverture des
frontières ne s’est
pas pour autant
accompagnée
d’un rapprochement suffisant
des législations à
l’échelle
internationale...
JOSLY PIETTE,
CSC
Les entreprises
les plus exposées
à la concurrence
internationale
souffriraient déjà
moins si la
mondialisation
était mieux
encadrée...
ISOPIX
sitives sur les pays en voie de développement, à commencer par
le continent africain. Il faut donc que la Commission européenne
se ressaisisse, sans quoi, si on laisse le train de la mondialisation
s’emballer, on court tout droit à la catastrophe économique, sociale et environnementale ! Le capitalisme débridé, tel qu’il est
prôné par les Etats-Unis, ne va pas dans le sens d’un développement durable (notre environnement souffre et les ressources naturelles s’épuisent) et ne permet pas non plus aux pays les plus
pauvres de rattraper le peloton!».
CORBIS
«POSITIVONS !»
Vincent Reuter, administrateur délégué de l’Union wallonne
des entreprises (UWE), se montre plus nuancé : «La mondialisation n’a rien de nouveau. Elle était déjà de mise à l’époque de la
Grèce antique. A sa manière, Marco Polo était-il autre chose
qu’un mondialiste? La mondialisation est un phénomène impos-
L’information, les médias, ont un rôle
déterminant dans la mondialisation.
On est branché. On sait tout, tout
le temps, parfois même en direct.
ISOPIX
sible à arrêter, d’autant que, de tous temps, les hommes ont toujours manifesté une certaine curiosité par rapport à ce qui se fait
ou se passe ailleurs. Il s’agit-là d’un des fondements du développement. Dès lors, au lieu de se demander comment stopper ou
réguler la mondialisation, il serait préférable d’essayer d’en tirer
parti. Certes, l’Europe est pour le moment défavorisée, parce
qu’elle est sclérosée par les droits acquis et des coûts trop importants. Fort heureusement, nous gardons de formidables atouts, à
commencer par notre savoir-faire, à quasi tous les niveaux.» Le
mot de la fin reviendra à Roger Mené (UCM) : «Les moyens de
communication et de transport font que la concurrence est à nos
portes. Pour rester compétitifs, nous devons avant tout valoriser
ce que nous faisons de mieux, et mettons en exergue le service,
la qualité et la disponibilité, pour que la mondialisation ne soit pas
synonyme de banalisation!»
Jean-Marc Damry ■
de Kyoto. Les Américains commencent à susurrer du bout
des lèvres leurs noms. On le sait.
L’information, les médias, ont un rôle déterminant dans
le phénomène. On sait tout, tout le temps, parfois même en
direct. La chute du mur de Berlin, mais hélas aussi l’effondrement des deux tours du World Trade Center. La misère
en Afrique, qui ne profite guère de l’élan de générosité suscité par les images qui ont fait le tour de la terre pour le Tsunami. Rien ne nous serait épargné. Guerres, terrorisme, mariage princier... ne rien savoir de ce qui se passe à l’extérieur de nos frontières relève d’un défi herculéen. Noyé
dans des bouquets plus ou moins fleuris de télévision,
nous sommes gavés d’informations. Vraies ou fausses,
manipulées, transformées ou, au contraire, fouillées,
recherchées, objectives. Nous avons des informations
du monde entier. Les cours de Bourse sont des petits
flotteurs, témoins volatils des évènements qui s’y passent dans les quatre coins du monde. Cours de Bourse,
vous avez dit cours de Bourse ? Mais c’est économique
et mondial ! Eh oui.. Retour à la case départ.
Combien de bras a notre pieuvre ? On pourrait étendre
ce phénomène à tout. Comme le disait notre Petit Robert,
c’est le fait d’être mondial. Donc la culture (via la musique,
le cinéma,...), la connaissance et donc la recherche (via la
médecine, les prix Nobel,...), le sport (via les jeux olympiques, le «Mundial»,...) font partie de la mondialisation.
Restent les impôts et les taxes, mais tant que les Etats seront rois en leur pays, la fiscalité ne sera pas prise dans le
tourbillon. Et ce n’est pas demain la veille que les pays lâcheront leurs droits sur leurs revenus.
John Lennon chantait : «Imagine there’s no country...».
Se rendait-il compte qu’il parlait mondialisation?
Pascale Haine ■
Retrouvez des informations complémentaires sur
la mondialisation sur www.trendsalecole
NOVEMBRE 2005 TRENDS À L’ÉCOLE
9
FOCUS GESTION
LES DÉMARCHES À FAIRE
S’installer
Avoir un projet,réaliser un rêve... Génial! Mais entre le
rêve et la réalité, il peut y avoir quelques nuances.
Créer son affaire ressemble assez à un parcours
du combattant, mais le jeu en vaut la chandelle.
ierre est jeune et fraîchement diplômé en hôtellerie. Il a fait une spécialisation en pâtisserie. Son rêve : un salon de thé où ces dames viendraient papoter des derniers
chiffons, soldes ou tracas sur leurs maris et/ou petits enfants, où des adolescentes
dynamiques viendraient pouffer devant une montagne de calories auxquelles elles
ne résisteraient pas. Un endroit où elles seraient bien, et où elles dégusteraient ses
magnifiques petits gâteaux, ses gourmands pâtés au chocolat, aux fruits, à la
crème, etc.
Mais voilà, entre ce que Pierre sait exécuter sur sa table de travail et les
obligations que la loi lui impose ou les démarches qu’elle conseille, il y
a une montagne de travail. Et devenir commerçant, c’est comme s’offrir une belle voiture, ni plus ni moins, ça représente beaucoup d’argent, et donc, mieux vaut ne pas se tromper !
P
Le plan financier permet de juger
de la viabilité d’un projet.
10
TRENDS À L’ÉCOLE NOVEMBRE 2005
CO
RB
IS
Ficeler son projet
Comparons. On a tous déjà vu un de nos proches acquérir une
superbe voiture. Plusieurs points sont à vérifier. D’abord, les
principales : ma voiture roule-t-elle, et si oui, combien de temps
risque-t-elle de durer ? Et c’est pareil pour Pierre ! Ce n’est pas
tout d’avoir un rêve, il faut savoir s’il tient la route, s’il est sérieux et viable. Aussi devra-t-il tenir compte de nombreux éléments, avant même d’avoir le titre de «conducteur» de son projet.
Il faut bien y réfléchir. Lors de l’achat d’une voiture, on n’hésite
pas à se faire conseiller, non seulement par d’autres conducteurs,
mais également par des professionnels, des garagistes, des mécaniciens, surtout si on n’a pas d’expérience. C’est pareil pour Pierre: les
experts ne manquent pas pour l’aider à regarder le «moteur» de son salon
de thé : comptable, banquier, chambre de commerce, collègues boulangers
déjà installés,...
que commerçant
Ensuite, voyons, si ce «bolide» lui est bien utile. Si Pierre
veut installer son salon au milieu de la campagne, avec 40
tables et 300 petits fours prêts à être avalés par de gourmandes dames, son projet risque de tomber à l’eau et le
cadre bucolique n’y changera rien. Il faut être raisonnable.
C’est à cela que sert le plan financier.
Ok, le projet tient la route. Il a l’air sérieux. Voyons ce
que nous comptons faire de cette «voiture» : voiture privée,
ou taxi ? Ce n’est pas pareil. Et pour la boulangerie, ce sera
la même chose. Si Pierre veut ne «faire qu’un» avec son
commerce, il sera indépendant, et les démarches pour s’installer seront réduites au minimum. Si par contre, il veut séparer son patrimoine privé du professionnel, il devra créer
une société. Et les démarches seront un peu plus longues.
Pas question de conduire une voiture sans permis. Etre
commerçant ne s’improvise pas : il faut aussi un «permis»!
Pierre doit donc prouver qu’on il est capable de gérer une
entreprise, aussi petite soit-elle. Pour cela, il faut le
«certificat de gestion», un diplôme ou une expérience qui prouve que Pierre sait ce qu’est un
chiffre d’affaires, des comptes, un bénéfice... Comme le permis de conduire qui
démontre que vous connaissez le
code de la route. Ensuite, selon
les professions, on vous demandera un diplôme ou
des expériences sup-
AVOIR UNE IDÉE C’EST BIEN
Mais il importe de bien ficeler son projet.
SE LANCER COMME INDÉPENDANT
Il y a bien des démarches à suivre
avant de crier victoire.
CORBIS
plémentaires : Pierre est boulanger pâtisser, pas coiffeur ou
chauffagiste ! Confieriez vous votre chevelure ou votre installation de chauffage à un boulanger? Non, évidemment!
Il ne s’agit encore que de démarches de réflexion. Jusqu’ici rien n’est fait ! Mais notre ami Pierre a bien réfléchi à
son projet. Il sait que son salon de thé au milieu de cette petite rue commerçante est bien placé, et que 10 tables suffiront largement. En plus, il a un petit jardin, qu’il pourrait
ouvrir en été à ces mamys qui seraient ravies de profiter du
cadre. Oui, son projet est bien ficelé!
■■■
NOVEMBRE 2005 TRENDS À L’ÉCOLE
11
FOCUS GESTION
Créer son entreprise: la check list
S’il s’agit de créer une société, les
formalités particulières ci-après doivent
être accomplies :
✓ Contacter un réviseur d’entreprise
pour les apports en nature.
✓ Rédiger un plan financier (obligatoire
pour SPRL-SCRL-SA).
✓ Ouvrir un compte bancaire au nom de
la société en formation.
✓ Faire rédiger les statuts de la société
(acte sous seing privé en SCRIS-SNCSCS / acte authentique chez un notaire
en SPRL-SCRL-SA).
✓ Dépôt des actes au greffe du Tribunal
de Commerce, publication au Moniteur
belge.
Tant en personne physique qu’en
société, il convient d’accomplir les formalités ci après :
✓ Constitution du dossier d’accès à la
profession.
✓ Inscription auprès de la Banque-carrefour des entreprises via un guichet
d’entreprises.
- Vérification du respect des autorisations diverses : licence de boucher, licence de détaillants en produit de la viande,
carte professionnelle, carte d’ambulant,
permis d’environnement,...
✓ Ouvrir un compte bancaire.
✓ S’immatriculer ou immatriculer la société à la TVA auprès de l’Office de
contrôle de la TVA compétent pour la
commune du domicile (si activité exer-
cée en personne physique) ou, pour
les sociétés, du siège administratif
réel (siège social dans la majorité des
cas).
✓ S’affilier et/ou affilier la société auprès
d’une Caisse d’Assurances Sociales
(dans les 90 jours du début de l’activité).
✓ S’inscrire à une mutuelle : cotiser,
éventuellement, auprès de celle-ci,
pour les petits risques.
✓ Prévoir la souscription d’assurances
appropriées (RC exploitation,...)
Jean-Marc Damry,
avec l’Office de création d’entreprises
de l’Union des Classes Moyennes ■
Il ne fallait pas trop rêver, l’Etat compte bien prendre sa
part du gâteau dans les petits fours. Lui aussi est gourmand !
Grâce aux impôts et taxes dont la plus connue: la TVA (taxe
sur la valeur ajoutée) ! Mais le guichet entreprise s’est déjà
occupé de faire les démarches pour l’y inscrire. A Pierre de
faire sa déclaration régulièrement. Selon le chiffre d’affaires, trimestriellement ou mensuellement.
La TVA demandera également à
Pierre de faire chaque année un listing
Les Chambres de commerce des clients assujettis avec lesquels il
traité pour plus de € 250. Mais
sont là pour aider à lancer aura
pour son petit salon de thé, il y a peu de
chance qu’il y en ait beaucoup...
votre entreprise.
Notre Pierre va arriver au bout de ses
démarches obligatoires : comme il devient son patron, il doit aussi songer à
sa sécurité sociale. Il devra ainsi s’affilier auprès d’une caisse d’assurances sociales pour travailleurs indépendants et d’une mutuelle. C’est tout à fait
normal car si Pierre devait un jour être hospitalisé pour une
pénible maladie ou être victime d’un grave accident de voiture, il ne pourrait payer une telle addition. Il est dont obligé
■ ■ ■ Se lancer dans l’aventure
Ok. Maintenant, il faut passer à l’action. Pierre veut de- de se couvrir contre les «gros» risques. Il peut également
venir indépendant : quelles seront les démarches qu’il se couvrir pour les «petits» risques (visites chez le médecin
et le dentiste), mais ce n’est pas obligatoire.
DOIT absolument faire?
Enfin, si Pierre travaille seul, il en aura fini avec les déTout d’abord, les formalités comptables et bancaires :
passer par une banque et ouvrir un compte bancaire dis- marches ! Mais s’il engage une petite vendeuse, par
tinct du compte privé. C’est logique, puisque personne n’a exemple la jolie Samira, sa voisine de 21 ans, il sera obligé
envie qu’on vienne trifouiller dans ses comptes personnels. de faire d’autres démarches en tant que patron ayant du perEnsuite, se munir du matériel adéquat pour tenir sa comp- sonnel. Il devra donc prélever sur le salaire de Samira des
tabilité. En tant que petit commerce, au départ, Pierre pour- cotisations sociales et lui même en payer en tant que patron
ra se contenter de tenir une comptabilité simplifiée, mais (cotisations patronales). Il devra la couvrir contre les accis’il venait à se développer, il pourrait devoir un jour passer dents du travail, et donc, prendre une assurance loi. Il devra
l’inscrire auprès d’une caisse d’allocations familiales si par
en «comptabilité en partie double».
Ensuite, faire valider ses autorisations par l’entremise malchance, Samira épousait le musclé Majid, (et non lui), et
d’un guichet d’entreprise. Pierre y apportera la preuve de qu’elle lui faisait un bout chou.
Bref, tout cela semble bien compliqué. Mais encore heuses connaissances de gestion et de ses capacités professionnelles, et il pourra ainsi s’inscrire comme commerçant. Il reux, d’innombrables organismes (Chambres de commerrecevra en échange son numéro d’entreprise. Son commer- ce, offices de création d’entreprises,...) et professionnels
(comptables, experts-comptables, avocats, consultants,...)
ce sera ainsi né !
Attention : si Pierre veut créer une société (sprl, scrl, sont là pour aider notre Pierre. Quand on a un si beau projet,
s.a.), cela ne peut se faire qu’avec le concours d’un notaire. ce serait en effet dommage de se décourager pour quelques
Et c’est seulement quand la société sera créée qu’il se ren- papiers.
dra à la banque carrefour des entreprises.
Pascale Haine ■
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TRENDS À L’ÉCOLE NOVEMBRE 2005
CONSOMMATION FOCUS
EVITER LES PIÈGES
Les conditions générales de vente:
conseils pratiques
Une ou plusieurs pages, en tout petits
caractères. Ça ne donne pas envie de lire, c’est
sûr! Même lorsqu’on se prépare à signer un bon
de commande ou un contrat d’abonnement.
Et pourtant, une lecture attentive est de rigueur.
amia s’inscrit pour un an dans un club de fitness.
Après quelques semaines, elles se rend compte que
l’ambiance ne lui convient pas et décide de quitter le
club. Hélas, le responsable est clair : les conditions générales stipulent que si Samia veut résilier son abonnement
avant la date convenue, elle devra payer «une indemnité
équivalente à la durée restant à courir jusqu’à la fin du
contrat». Rester et payer ou payer sans rester : la voilà coincée dans son club de fitness jusqu’à l’expiration des douze
mois !
Kevin veut changer de fournisseur de téléphonie mobile.
Il a déjà pris un abonnement chez un concurrent et appelle
son fournisseur actuel pour résilier son contrat.
Catastrophe! D’après les conditions générales, cela ne peut
se faire qu’à la date anniversaire de signature, et à condition
d’avoir envoyé un recommandé plus d’un mois à l’avance.
Pas de chance pour Kevin, le délai est dépassé depuis deux
semaines.
Ni Kevin ni Samia ne se doutaient au moment de signer
leur demande d’abonnement que les petits caractères au dos
du formulaire allaient leur jouer un si mauvais tour. Pourtant, apposer sa signature sur un tel document, c’est comme
signer un contrat. Et les conditions générales de vente font
partie de ce contrat, même si on ne les a pas lues. Souvent,
on doit écrire «lu et approuvé» avant la signature. Attention,
ce n’est pas une formule innocente : on confirme noir sur
blanc qu’on a tout lu!
S
Précautions à prendre
Que faire alors ? Lire les conditions générales en entier
avant de signer ? Ce serait plus prudent, mais soyons honnêtes, rares sont ceux qui le font ! Rassurons-nous : il est inutile de tout lire. Seules quelques informations nous intéressent vraiment au moment de signer. Pour le reste, il sera
encore temps d’y revenir plus tard, quand ce sera nécessaire
(par exemple pour contester une facture).
Comment trouver ces informations utiles? C’est beaucoup plus facile qu’on ne le croit : les conditions générales
sont divisées en articles numérotés. Souvent, ils ont même
un titre. Et si ce n’est pas le cas, il suffit simplement de lire
la première ligne de l’article pour savoir de quoi il parle.
Notre «corvée» se réduira donc à deux tâches simples :
avant de signer, rechercher quelques informations dans les
conditions générales et conserver en lieu sûr le contrat et les
conditions générales.
Avant de signer
S’il s’agit d’un abonnement: au fond, la seule question
importante c’est«pour combien de temps ce contrat m’en-
LIRE LES CONDITIONS GÉNÉRALES DE VENTE
Un exercice utile afin d’éviter les ennuis éventuels.
gage-t-il ?» La réponse se trouvera dans un article intitulé
«contrat», ou «durée du contrat». Pour savoir — et c’est
important — s’il est possible d’annuler le contrat après signature, il faudra consulter la section «résiliation» ou «annulation».
S’il s’agit d’un bon de commande, plusieurs points
nous intéressent : peut-on annuler la commande et à quel
prix ? Le vendeur prévoit souvent des indemnités qui peuvent être très élevées, parfois bien plus que l’acompte. Autant le savoir avant de signer.
Le délai de livraison est-il ferme ou donné «à titre indicatif» ? Peut-on annuler la commande si la livraison tarde
trop? Que faire si ce qu’on reçoit ne correspond pas à ce qui
a été commandé? Dans la plupart des cas, il sera difficile de
faire changer les termes du contrat. Mais au moins, tant que
rien n’est signé, il reste la possibilité d’aller voir ailleurs.
Mieux vaut prévenir que guérir.
Après la signature
Il vaut toujours mieux conserver les documents fournis
par le vendeur jusqu’à la fin de l’abonnement ou de la période de garantie. Ainsi, il sera toujours possible de les consulter. En cas de problème, cela nous permettra de savoir quels
sont nos droits et comment agir. Par exemple, pour signaler
un problème ou contester une facture, si un simple coup de
téléphone suffit ou si il faut envoyer un recommandé.
Réfléchir avant d’agir
Samia aurait sans doute hésité si elle avait su qu’il était
impossible de résilier son contrat une fois celui-ci signé.
Quant à Kevin, s’il avait relu son contrat avant de foncer tête baissée en signer un nouveau, il se serait évité bien des
soucis.
Nous savons à présent que faire pour nous épargner les
mêmes mésaventures. Seules quelques minutes de réflexion et d’attention sont nécessaires. Et que de temps gagné et d’ennuis évités!
Frédéric Wauters ■
NOVEMBRE 2005 TRENDS À L’ÉCOLE
13
FOCUS SOCIAL
DÉBAT SUR LES PENSIONS
Pourquoi une réforme
des fins de carrière?
Pour la première fois depuis plus de 10 ans, le pays a été, ces derniers temps, paralysé
par des grèves générales. Leur cause? Des nouvelles mesures pensions regroupées
sous l’intitulé «Pacte pour la solidarité entre générations». Pourquoi prendre des
mesures impopulaires, et pourquoi parler de solidarité entre générations? Le point.
e système de sécurité sociale tel que nous le connaissons date de la fin de la Seconde Guerre mondiale. A
cette époque, gouvernements, patrons et syndicats sont
désireux de relancer au plus vite le pays. Entre autres choses,
ils se mettent d’accord sur un système de protection sociale
géré par l’Etat. Ce système comprend un mécanisme de pension par répartition. De quoi s’agit-il? Cela consiste à faire
supporter le coût des pensions par les travailleurs encore actifs: chaque travailleur paie des cotisations de sécurité sociale, et une partie de celles-ci sert à financer les allocations de
retraite. Le système tient compte des contributions faites par
chacun au long de sa carrière pour calculer l’allocation mensuelle à laquelle il aura droit à l’âge de la retraite.
INSTITUT NATIONAL DE STATISTIQUE
Une situation intenable
A l’époque où ce système a été conçu, la structure de la
population belge était très différente d’aujourd’hui. Regardons la «pyramide des âges» de l’année 1948 (voir graphique). Les plus de 60 ans ne constituaient qu’une petite
partie de la population. La charge que faisait peser le financement des pensions sur le salaire des actifs était donc plutôt
réduite. De plus, l’espérance de vie à la sortie de la guerre
était à peine de 65 ans. Même si la mise à la retraite avait lieu
plus tôt, cela signifie que le décès survenait quelques années
à peine après la pension. En plus de cinquante ans, la situation a beaucoup changé. L’espérance de vie en Belgique est
aujourd’hui de près de 79 ans. C’est évidemment une bonne
chose, mais cela met en péril notre système de pensions. De
quelques années à peine de retraite bien méritée, nous arrivons en effet à 14 ans. De plus, la structure de la population
s’est aussi modifiée, ainsi qu’on peut le constater sur la «pyramide des âges» de l’année 2004. La part des plus de
soixante ans dans la population a fortement augmenté. Pour
REPORTERS
L
LE FRONT COMMUN SYNDICAL AUX BARRICADES
Le pacte pour la solidarité entre les générations est loin de faire
l’unanimité. Grèves et manifestations ont récemment paralysé le pays.
une personne à la retraite, il y a aujourd’hui à peine 2,5 personnes en âge de travailler (c’est ce qu’on appelle le taux de
support potentiel). La charge que font peser les pensions sur
les revenus des travailleurs a donc considérablement augmenté. Et les statisticiens prévoient que d’ici 2050, le taux
de support potentiel passera à seulement 1,45! Ajoutez à cela qu’entre temps s’est créé un système de «prépensions»
qui permet aux travailleurs qui le souhaitent de partir à la retraite à partir de 58 ans, et la conclusion s’impose d’elle-même: il sera impossible de maintenir tel quel le système actuel
des pensions. C’est pour cela que le gouvernement tente à
présent de le réformer.
Mais les mesures actuellement proposées, comme relever
l’âge de la prépension, ne vont-elles pas mettre en péril
l’emploi des jeunes? Maintenir les plus âgés sur le circuit du
travail, n’est-ce pas réduire les
possibilités d’emploi pour les
LES PYRAMIDES DES ÂGES
nouveaux
travailleurs ?
De moins en moins d’actifs pour financer de plus en plus d’inactifs...
D’après les économistes, ce
n’est pas le cas, et c’est même
1948*
2004*
le contraire. Dans les pays
scandinaves, comme par
Hommes
Femmes
Hommes
Femmes
exemple la Suède, le pourcentage de plus de cinquante ans
encore au travail est largement
plus élevé que chez nous. Et on
constate aussi qu’il y a là bas
également moins de jeunes au
chômage. Aucun danger, donc,
de voir les «âgés» prendre les
emplois des «jeunes»...
* Structure de la population du Royaume au 1er janvier, par classes d’âge de 5 ans et pour 1.000 habitants.
Frédéric Wauters ■
14
TRENDS À L’ÉCOLE NOVEMBRE 2005
DROIT SOCIAL FOCUS
EXPLICATIONS D’UN SUCCÈS
Le phénomène Ryanair
Première compagnie européenne, Ryanair est actuellement le chef de file des compagnies
aériennes à bas tarifs, telles que Easy Jet, City Jet, Virgin... Cette compagnie low-cost constitue
le prototype d’un nouveau phénomène économique engendré par la libéralisation du ciel.
ociété de droit irlandais, Ryanair a son siège à Dublin,
ses avions sont irlandais, ses contrats de travail sont
régis par le droit irlandais. Avec seulement un comptoir commercial à Charleroi, Ryanair est désormais bien
connue du public belge et son bénéfice record au cours du
premier trimestre de 2005 ne fait que confirmer son succès
grandissant.
La clé de ce succès ? Le principe du low-cost se résume
en quelques mots : écraser les coûts, casser les prix et
communiquer efficacement. La philosophie : «A quoi le
client est-il prêt de renoncer en échange d’un prix
plancher ?» L’avancée technologique a donné un coup de
pouce : l’Internet, qui permet de commander ses billets en
direct, a ainsi permis le développement spectaculaire des
entreprises à bas tarifs. Il s’agit de ne produire que l’essentiel pour mieux agir sur les prix. Exemples, Ryanair
a supprimé ou simplifié une série de services : pas de repas à bord mais des collations simples et payantes,
sièges non numérotés, pas de garantie sur le transfert
des bagages, présence dans des aéroports secondaires
(faibles taxes à payer), marketing et publicité allégés
(vente de billets uniquement par Internet), un seul type
d’avion (pas besoin donc de pilotes pour différents modèles), des distances moyennes uniquement en Europe,
personnel peu exigeant sur ses conditions salariales et
de travail. Résultat : le prix moyen des billets est de 38
euros !
S
Réactions de la concurrence et des passagers
La réaction des compagnies traditionnelles ? Elles se
sont recentrées sur le réseau du long- courrier, sur les
produits et services de haute qualité ou encore ont lancé
elles aussi des produits low-cost. Elles exercent une
pression importante auprès de l’Union européenne
pour qu’elle impose à toutes les compagnies les mêmes
conditions et aussi des obligations d’indemnisation des
passagers. Si des directives européennes précises pour
les indemnisations de retard, les surréservations et les
annulations de vols ont été élaborées, Ryanair s’avère
être frileux pour leur application : rares sont les passagers qui obtiennent gain de cause en cas de plainte.
Qui a recours aux services de Ryanair ? Une nouvelle génération de voyageurs avertis qui traquent les vols à bas tarifs et tirent profit de ce chamboulement des règles de la
concurrence. Ce consommateur se résigne à subir des retards, annulations sans disposer du moindre recours. Il
s’offre en échange les tarifs les moins chers, à condition
d’acheter son billet entre 28 ou 14 jours à l’avance ou en
profitant des offres promotionnelles régulières.
Les limites du phénomène du low-cost? Il est certain que
le marché n’est pas extensible à l’infini. La hausse du prix
du kérosène et la concurrence grandissante entre opérateurs
à bas tarifs sont de redoutables facteurs de vulnérabilité de
Ryanair. Il n’est d’ailleurs pas certain que l’environnement
tarifaire bénéfique dont Ryanair profite actuellement soit
garanti à long terme (voir la pression des grandes compagnies aériennes) et la compagnie irlandaise cite elle-même
les attentats récents à Londres comme une menace de son
rendement. Ajoutons encore les critiques croissantes provenant des organisations syndicales qui dénoncent le dumping social exercé par Ryanair ainsi que son attitude antisyndicale.
Mode de déplacement durable
L’été meurtrier du transport aérien pourrait entraîner
Ryanair dans une spirale de méfiance envers les low-cost si
les statistiques ne venaient confirmer qu’il s’agit d’une
compagnie qui ne brade pas la sécurité et n’utilise que des
avions récents et nouveaux.
REPORTERS
MICHAEL O’LEARY, LE BOUILLANT PATRON DE RYANAIR
Arrogance, audace de gestion, communication efficace ont fait
de sa compagnie aérienne le n°1 des low-cost.
Le roi du ciel semble donc être plus qu’une mode passagère pour devenir un mode de déplacement durable. A
Charleroi, Ryanair a dépassé en 2004, avec 1.012.793 unités, Bruxelles-National en nombre de passagers low-cost.
Parler d’un «oiseau» pour le chat relève d’un franc pessimisme et contraste avec le réel engouement des clients.
Ryanair souhaite d’ailleurs augmenter son potentiel au départ de Charleroi et n’hésite pas à assortir cette perspective
d’une nécessaire modification du décret sur les quotas de
bruit en vigueur.
Arrogance et audace de gestion font planer Ryanair audessus de la concurrence et contribuent à en faire un cas
d’étude fascinant. A vous de juger si la compagnie traverse
le mur du son?
Lut Vandevelde ■
NOVEMBRE 2005 TRENDS À L’ÉCOLE
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