LE QUATUOR HAYDN DE LONDRES
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LE QUATUOR HAYDN DE LONDRES
LE QUATUOR HAYDN DE LONDRES FRANZ SCHUBERT (1797-1828) QUATUOR À CORDES NO 36 EN SI BÉMOL MAJEUR, HOB, III:44, OP 50, NO 1 1820 Dès qu’il reçoit un exemplaire des symphonies «Paris» d’Haydn, le roi de Prusse, violoncelliste amateur, fait envoyer une bague en or au compositeur qui, touché par ce présent, s’empresse de lui dédier sa série de quatuors suivants. Le premier de ces quatuors, op. 50, s’ouvre sur un mouvement rendant sûrement hommage à son dédicataire – deux mesures de violoncelle seul. Nous entrons immédiatement, avec ces deux mesures, dans un univers mystérieux; une note basse est répétée comme si elle accompagnait une mélodie inconnue ou peut-être venant de prendre naissance. Étant donné qu’il n’y a pas d’autre contexte, il nous est impossible de dire s’il s’agit d’un mouvement lent ou rapide ou si nous sommes dans un ton majeur ou mineur. Des éclaircissements sont apportés alors que les autres instruments font leur apparition – les figures rythmiques qui devraient normalement constituer la fin se retrouvent au début et nous avons l’impression de poursuivre une conversation qui a commencé bien avant. La nature surprenante des figures rythmiques continue à hanter le mouvement tout au long du développement tandis que nous examinons lesdites figures sous tous les angles, dans différents tons et dans tous les registres. Et même toute la partie, relativement rapide, qui précède la récapitulation, donne l’impression de déboucher sur quelque chose de presque accidentel. et rarement utilisées (en ré bémol majeur et en mi bémol mineur) crée un univers magnifique – mais fortement instable – avec la septième mineure issue du premier mouvement qui a toujours un rôle prépondérant. Dans les variations de l’Adagio, chaque instrument semble s’évertuer à surpasser l’autre au gré d’une ornementation de plus en plus complexe bien que le lyrisme et la sagesse caractéristiques de Haydn transparaissent dans la douce simplicité de la fin du mouvement. Alors que la précédente série des six quatuors, opus 33, aurait pu laisser présager, en ce moment précis, un mouvement scherzo, nous trouvons à la place un vieux et traditionnel Menuetto, contenant toutefois autant d’humour que n’importe quel scherzo. L’œuvre s’achève sur un mouvement plein d’action qui semble, de prime abord, s’apparenter à un simple Rondo, mais se révèle être plutôt un mouvement de forme sonate. Les joyaux de la couronne des œuvres de Mozart pour clarinette sont sans conteste le Quintette pour clarinette et cordes en la majeur (K. 581) et le Concerto pour clarinette en la majeur (K. 622), pièces écrites à l’intention de son ami Anton Stadler. En 1789, Stadler n’avait plus rien du pauvre bougre (arme Schlucker) comme l’a mentionné Mozart en 1782 et occupait une place enviable dans la vie musicale viennoise. En 1787, ce dernier et son frère sont nommés musiciens à la K.K. Hofkapelle, où ils reçoivent le salaire considérable de 400 florins par an. À propos de l’inscription du quintette dans le catalogue de Mozart (Verzeichnüss aller meiner Werke), nous savons que cet opus, K. 581, a été achevé en septembre 1789. Malheureusement l’autographe a été perdu mais divers éléments de preuve concernant les opus K. 581 et K. 622 peuvent être reconstitués et donner lieu à une version convaincante et en harmonie avec les intentions du compositeur. Indubitablement, Stadler possédait une clarinette spéciale, une clarinette «de basset», à même de jouer une tierce plus bas que la clarinette conventionnelle. La forme et la conception de cet instrument ont été révélées lorsque l’on a mis la main, dans une bibliothèque de Riga, sur des programmes contenant des illustrations représentant l’instrument de Sadler. Mozart a fait grand usage de ces notes graves dans ses deux œuvres, généralement par le biais d’arpèges étendus et, occasionnellement, dans des figures mélodiques. L’échelle musicale couvre plus de trois octaves permettant à la clarinette d’agir comme un soprano ou comme un baryton, souvent en alternance dans une sorte d’étrange dialogue lyrique. Étant donné que Mozart and Haydn se sont rencontrés en 1784, peu avant la composition de ces quatuors, opus 50, bon nombre de gens ont essayé de trouver des influences mozartiennes dans l’écriture de ces œuvres. Néanmoins, les quatuors de l’opus 50 sont plus que jamais haydéniens – leur logique rigoureusement définie s’appuis souvent sur une étonnant économie de matériaux et la musique offre des éclaircissements généreux et délicieusement pétillants. © Catherine Manson 2013 LUDWIG VAN BEETHOVEN (1770 – 1827) QUATUOR À CORDES NO 3 EN RÉ MAJEUR, OP. 18, NO 3 1798-1800 Pour commencer son quatuor en ré majeur, Beethoven utilise la même astuce que Haydn dans l’ouverture de l’opus 50, no 1, en faisant jouer un seul instrument pendant deux mesures. Néanmoins, là où Haydn fait intervenir l’instrument – à la sonorité la plus grave – répétant une note huit fois, Beethoven fait jouer deux notes par l’ instrument à la sonorité la plus aigu, notes qui introduisent l’intervalle à partir duquel l’œuvre trouve sa source; le choix de la septième mineure ascendante comme point de départ est un véritable trait de génie. La conjonction de la question posée par cet intervalle ambigu avec l’éclat du motif mélodique ascendant dans la ligne de basse est ressentie tout au long du morceau. Le choix (pour l’Andante) de la tonalité en si bémol majeur confère au mouvement une émotion suspendue comme si tout se déroulait dans un monde imaginaire. Certes son ample développement avec des incursions dans des tonalités éloignées Rejaillissant en ré majeur, le scherzo prend un ton espiègle, jouant avec des éléments tirés du premier mouvement et inventant de nouveaux agréments jusqu’au finale. La fougueuse danse de style tarentelle qui termine l’œuvre a assurément des similitudes avec les finales de Haydn (par exemple, l’opus 33 no 2) mais elle s’achève par une coda certainement influencée par la symphonie « Jupiter » de Mozart, en particulier dans sa forme d’ingéniosité. Ici, Beethoven conçoit un dénouement dans lequel il combine tous les éléments de l’œuvre; la septième originale est finalement remplacée par une octave triomphante et la gamme originale ascendante s’estompe et réapparaît en offrant, avec tout l’humour possible, une résolution pour chaque élément. © Catherine Manson 2013 WOLFGANG AMADEUS MOZART (1756 – 1791) QUINTETTE POUR CLARINETTE ET CORDES EN LA MAJEUR, K. 581 1789 Le Quintette a été créé le 22 décembre 1789, lors d’un concert donné au Hoftheater de Vienne, pour la Tonkünstler Societät (la Société des musiciens). Naturellement, avec le concours de Sadler et de sa clarinette spéciale. L’œuvre figure certainement parmi les compostions les plus prisées de Mozart. Elle comprend toutes les composantes que la musique de chambre doit englober. Alors que la clarinette s’associe à l’ensemble ou s’en détache, jouant un moment avec tous les musiciens («tutti»), puis sous les traits d’un glorieux soliste, nous écoutons la musique incessamment inventive, parfaitement maîtrisée de Mozart; cette musique à la fois intime, variée, expressive, teintée d’humour, harmonieuse et toujours attrayante. © Eric Hoeprich 2013