Mixt(e) - D`Days

MIXT(E)
PRINTEMPS/ETE 2013
Semestriel
22 RUE SAINT AUGUSTIN
75002 PARIS - 01 83 95 42 08
Surface approx. (cm²) : 3548
N° de page : 108-113
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FEMMES
DESIGNER'S2
3164065300509/GAW/ALZ/2
Eléments de recherche : DESIGNER'S DAYS : manifestation itinérante du 31/05 au 04/06/12 à Paris (75), toutes citations
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Sens de la coupe et du > oi u me,
féminité contemporaine,
> ision créa I i u1 aiguisée : ("lare
\V aight keller, directrice artistique
de (Hb I oe, et Sa bi* ina Tra ii si s k u s,
artiste plasticienne spécialisée dans
les oeuvres en papier, partagent
de nombreux points communs.
Renconlre croisée.,
Alexia Silvagm PROPOS RECUEILLIS PAR Nathalie Fraser.
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Eléments de recherche : DESIGNER'S DAYS : manifestation itinérante du 31/05 au 04/06/12 à Paris (75), toutes citations
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Un bureau tout blanc par un jour glacé de décembre, au siège
de la maison Chloé dans le 8e arrondissement. Les créations
imaginées par Clare Waight Keller pour le printemps-été 2013
animent l'espace, leurs volumes étonnants suspendus à un
portant en attendant les explications de la directrice artistique Sa troisième collection au sem de la maison a remporté
les suffrages de la presse tout en illustrant 60 années de création Chloé, marquées par une exposition au Palais de Tokyo
fin 2012 Le cadre est idéal pour une discussion tout en douceur entre Clare Waight Keller et Sabrma Transiskus, l'artiste
d'origine allemande basée à Paris dont le travail a cousu de
fil blanc ce numéro. Sabrma a également signé le coffret collector consacré à l'univers de Chloé, car entre son esthétique
précise et détaillée et la féminité contemporaine des créations
dc Clare se tissent de nombreux liens forts
Pouvez-vous nous parler de vos inspirations pour la collection Chloé printemps-été 2013 qu'on voit ici ?
Clare Waight Keller: En travaillant sur l'exposition, j'ai découvert des choses très intéressantes sur la personnalité de
la marque. Mes propres souvenirs de Chloé ont été totalement
transformés. Ce n'était plus cette fille fleurie, fraîche, éthérée,
maîs une fêtarde un rien déjantée avec une personnalité incroyable J'ai voulu faire une collection qui résonne avec l'instant actuel dans l'histoire de Chloé, avec cette vision différente
de l'esprit de la maison. C'était a la fois étonnant et inspirant.
Sabrina Transiskus : J'ai vu l'expo, elle était incroyable !
Clare : II y avait tellement de choses inattendues.. Lin chapeau
embroché sur des ciseaux, une robe-douche.. Il n'y a pas eu ce
genre d'esprit depuis longtemps - sauf peut-être pendant l'ère
de Stella [Mccartney].
Sabrina, vous étiez dans la mode vous aussi avant de travailler le papier ?
Sabrina : J'ai fait des études de stylisme à Munich, ce n'est pas
le plus branche (rires) J'ai choisi cette voie car j'adorais coudre,
et je me suis rendu compte que je préférais la recherche et les
dossiers aux idées à proprement parler. Je suis venue à Paris
pour travailler au studio haute couture Louis Féraud avec Yvan
Mispelaere, qui a d'ailleurs fait une saison chez Chloé. Je m'occupais des détails ct des broderies, on découpait beaucoup le
tissu pour voir quel rendu cela pouvait avoir.
Clare : Comment as-tu commencé avec le papier ?
Sabrina : Je suis très patiente, maîs pas poui tout Avec le tissu,
il faut coudre, faire des ourlets, alors qu'avec le papier il suffit
de coller. Tout a commencé par hasard : j'ai quitté mon travail
et je n'avais pas beaucoup d'argent, alors j'ai imaginé une petite collection de photophores à base de verres recouverts de
papier découpe, que j'offrais à mes amis pour leurs anniversaires. Beaucoup d'entre eux travaillent dans la mode ou la
photographie. Un jour, on m'a demande si je pouvais réaliser
un décor façon Alice au Pays A"> Merveilles pour lin shootmg.
Clare : Quel a été ton plus grand projet jusqu'à maintenant ?
Sabrina : C'était juste à l'extérieur de Paris, pendant les Designer's Days, dans un ancien studio d'enregistrement Je me
suis demande ce qui était arrivé à toutes les notes de musique
perdues, donc j'ai réalisé un grand micro et un ampli Marshall pour les capturer. Mais habituellement, je travaille sur une
échelle plus petite qui correspond mieux a mon bureau - les
appartements parisiens ne sont pas très grands !
Clare, vous avez dit que vous souhaitiez ramener un côté
artisanal chez Chloé...
Clare: fe trouvais que ce côté "embelli" manquait depuis
cinq ans environ Certes, la mode est de plus en plus sévère,
maîs chez Chloé ii y a toujours eu un esprit plus joueur et
spontané que je voulais exprimer en SD plutôt qu'à travers de
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simples imprimés. ]e voulais une silhouette dramatique tout
en étant téminme, quelque chose de puissant et de graphique.
La féminité joue un rôle clé dans vos créations, Sabrina,
comme dans l'ADN de la maison Chloé, Clare.
Clare : C'est assez difficile de capturer la féminité tout en lui
insufflant un aspect cool ou désirable - c'est donc un vrai défi
pour moi, que j'essaie d'appréhender d'une façon moderne.
Les femmes sont présentées comme fortes et dures - tout se
focalise sur la ligne du vêtement, sans se poser la question de
la sensualité La mode Chloé a toujours plu aux femmes car
elle permet de s'habiller pour soi-même maîs aussi pour son
copain ou son mari. Chloé a ce style très personnel et éclectique qui est assez difficile à interpréter de façon nouvelle et
moderne, maîs j'adore cet esprit et je pense qu'il y a un public énorme pour ce type de vêtements. Nous essayons de travailler cela de façon vraie et charmante : quand on voit une
publicité mettant en scène cette fille Chloé, on a envie d'être à
sa place ou sa meilleure amie.
Sabrina : Je n'ai jamais trop pensé à ce côté féminin - évidemment, si je travaille autour d'un parfum je prends en compte
le fait qu'il est destiné aux femmes. C'est peut-être parce que
je suis allemande, maîs cela relève plus pour moi de l'ordre de
l'émotionnel je suis très précise dans mon travail et j'essaie
d'atteindre une soi tc d'univers à la fois poétique et réfléchi [e
n'ai jamais considéré cela comme totalement féminin.
Clare : C'est peut-être parce que tes œuvres sont blanches,
qu'elles ont un côté éthéré, qu'elles évoquent la féminité Cette
collection Chloé est très blanche, à cause de la pureté, du côté
frais, ll y a aussi l'idée d'un nouveau départ, d'une toile vierge.
Sabrina : Pour moi, c'est aussi intéressant de réaliser des objets blancs qui ne le sont pas habituellement Cela leur donne
un nouveau contexte, chacun peut se les approprier, comme
les dessins d'un livre de coloriage pour enfants Les gens peuvent reprendre mes objets et les colorier de la façon qu'ils souhaitent Ça me plaît, cette idée de propre.
Comment travaillez-vous ? Justement, est-ce que vous commencez toutes les deux par une page blanche ?
Clare : Jamais '
Sabrina : Moi non plus ! [rires]
Clare : J'ai plein de choses avec moi, je lis, j'imprime, j'assemble.
Sabrina: |e commence toujours avec un bloc de post-it Ensuite, je sors, j'en pai le, je voyage. Mon copain habite à Anvers,
alors je prends très souvent le train
Vous êtes toutes les deux des étrangères vivant et travaillant à Paris, qu'est-ce que cela change ?
Clare : J'apporte avec moi le côté anglais - pour chacun de mes
jobs, le fait que je sois Anglaise a joué dans la balance
Sabrina : Je vis ici depuis onze ans, maîs j'ai l'impression de
devoir encore m'excuser pour mon français. Mon agent me dit
que c'est utile justement, car si je ne connais pas un mot je le
décris autrement ce qui donne a mon interlocuteur une liberté
d'interprétation.
Clare : Paris est sans aucun doute la ville la plus créative que
j'ai connue dans ma carrière - pouvoir travailler avec un atelier
est quelque chose d'unique, c'est un luxe On a plus de temps
pour développer les choses, et on est très pioche des gens qui
les réalisent. Dans d'autres pays, on travaille beaucoup à distance : on fait partir les protos, on attend qu'ils reviennent.
Sabrina : J'ai eu la même expérience quand je travaillais dans
l'atelier de haute couture, c'était un vrai privilège D'ailleurs,
cela a été un plaisir de discuter avec toi également, j'ai vraiment apprécié ce moment.
Clare : Moi aussi, c'est toujours intéressant de pouvoir discuter avec quelqu'un de créatif
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A white office on a cnsp December day at the Chloé
headquartcrs in the 8th Arrondissement of Paris ClareWaight
Keller's equally cnsp créations for Spring-Summer 2013 bang
fram a rail, awaitmg a description from the designer, whose
third collection for the house gamed glittermg ciiticaf praise
as well as illustrating a rich 60 years of creation at Chloe
The stage is set for a hvely discussion between Weight Keller
and Sabrina Transiskus, the German-born, Pans-based artist
whose délicate, whimsical paper créations form the backbone
of this issue of Mixt(e) as well as dressmg our collector's box
Between Sabnna's minimahst yet intncate aesthetic and the
contemporary femminity of Gare Waight Keiler's designs,
there are plenty of parallels for the two creative mmds to share
Can you tell us a little about the inspiration behind the
Chloé Spring-Summer 2013 collection we sec hère?
Clare Waight Keller: As we were workmg on the 60th
Anniversary exhibition, I discovered seine really mteresting
things about the brand's personahty - my own memones of
what Chloé was were turned on their head It was nothing
to do with a floaty, floral, ethereal girl but more an out-there
party girl with tons of personahty and character At this
particular point in Chloé's history, I wanted to put together a
collection with a différent way of viewmg the brand's spi! it Jt
was surprismg and quite enlightenmg 1
Sabrina Transiskus I saw the exhibition lt was fantastic
Clare: There were lots of thmgs you wouldn't expect - a hai
with scissors through it, a dress with a shower Other than
perhaps in Stella [Mccartney]'s era, there hasn't been much of
that spirit recently
Did you know that Sabrina starlet! out in fashion before
working with paper?
Sabrina: I did my fashion studies in Munich, so they weren't
the best (/avytis) I did it because I loved to sew, and I found
that I was more into the research and presentation than the
actual ideas I came to Paris to work at Feraud in the Haute
Couture studio with Yvan Mispelaere, vvho actually did one
season as head designer at Chloe I worked on the détails and
embroidery, we did lots of cutting into fabric to sec how it
would develop
dore: How did you start sculpting in paper?
Sabrina: I can be a very patient person, but sometimes Tm not
With fabric you have to hem and sew, whereas with paper you
canjustglueit lt all started by chance I leftmyjob and didn't
have much money, so I made a little collection of glasses with
tea lights and a paper shade for my fnends' birthdays Lots
of them worked in fashion or still-hfe photography, and one
day someone asked me if I could make an Alice in Wonderland
scene from paper foi a shoot
Clare: What's been your higgest project so far?
Sabrina: lt was just outside Paris during Designers' Days, in an
old recording studio I wondered what had happened to all the
lost notes of music, so I made a big microphone and a Marshall
amplifier to capture them But mainh/1 work on a smaller scale
to fit mydesk-apartments in Pans aie not that big 1
Clare, you've mentwned that you wanted to bring an
element of croft back to Chloé.,.
Clare: Something that I felt was missing over the last five
years was the idea of embelhshment Fashion nas become
much cleaner, but Chloé has always had a more spnntaneous
and playi'ul element that I wanted to b ri ng out in SD rather
than just in print, using textures etc I wanted a sensé of drama
with a feminine feeling, somethmg strong and graphie
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Femmimty appears to be key to the work of bath of you, as
well as bang inhérent to the house of Chloé.
Clare: It's quite hard to capture femininity but still make it
désirable or cool - it seems to bc somethmg of a dirty word in
fashion, and it's a constant challenge that I frv and address in
a modem manner Women are portrayed as tough and strong
it's more about the lme of a garment rather than whether
you are attractive to someone Chloe has always appealed to
women, because it's about dressmg for yourself as well as
for your boyfnend or your husband - you want to be pretty
and feminine, it's not just about trymg to outdo someone's
look Chloé has that personal, eclectic style - it's quite hard to
portray in a new and modem way, but I really like that feeling
and I thmk there's a huge audience out there for it We try
and approach it in such a way that it feels quite genume and
charming, so that when you sec an ad of the Chloé girl you
want to be her, or at least one of her friends
Sabrina: l've never really thought about that aspect - if Tm
asked to work for a perfume or somethmg, of course TII take
into account the feminine aspect I thmk it's an emotional
thmg, maybe because Tm German l'm very précise in my work
and I try to achieve a kmd of grown-up poetic élément I ncvor
saw it as bemg so totally feminine
Clare: Maybe because it's totally white 7 It gives it a more
ethereal aspect This collection has a lot of white in it, because
of the punty, but also because it has that fresh feeling - people
wear a lot of white in summer There's also a sensé of begmning
- "I start with a white piece of paper" - it's a blank canvas
Sabrina: For me it's also about making things white that
aien't usually that colour lt gives them a new context, as if
anyone could make them then own, like a child's colounng
book People could take my objects and colour them however
they want I like it, it's very clean
And how do your creative processes work? Do you start
with a blank piece of paper?
Clare: Never 1
Sabrina: Me neither (laughs)*
Clare: I have a ton of stuff in the room, then I read, edit, put
things together
Sabrina: I startwithablockofpost-its Then I go out,lalk, travel
MyboyfriendlivesinAntwerp,soIspendalotoftimeonthetrain
You're bath non-French working in Paris, docs that change
anythmg?
Clare: I brmgthe Enghsh thmgwith me-ineveryjob l've had,
my Enghshness was somethmg that was wanted in the mix
Sabrina: l've been hère for ll years, but I still feel I have to
apologise for my French My agent says it's actually better - if I
don't know the word in French TII lalk around it, so it gives the
person opposite me more freedom for interprétation
Clare: Paris dees have the most creativity l've encountered in
my career - havmg an atelier is a unique and very luxunous
way of working There's so much moi e time to develop things
and you are much closer to the people who create them In
othei countnes it's much moie distant- you sand things away
and wait for them to come back
Sabrina: I saw that when I was working in Haute Couture, it's
such a privilege And it's also been a rare pleasure to lalk to
you l've really enjoyed it
Clare: Yes, it's gréât to talk to someone else who does the
same kmd of thms
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"C'est assez difficile
de capturer la féminité
tout en lui insufflant
un aspect cool ou
désirable. C'est donc un
vrai défi pour moi,
que j'essaie
d'appréhender
d'une facon moderne
chez Chtoé. " Clare
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