Dossier AGROnews sur les maladies émergentes chez les plantes
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Dossier AGROnews sur les maladies émergentes chez les plantes
« Prévenir ou guérir ? chez les plantes Comment lutter contre les maladies émergentes chez les plantes ? Les étudier pour mieux les comprendre est la première étape avant de proposer des solutions préventives, répondent les chercheurs dans ce dossier, qui présentent les principaux résultats de leurs travaux. © C. Vernière, Cirad dossier « Agents pathogènes Maladies émergentes La bactérie Xanthomonas citri pv. citri. provoque le chancre des agrumes, maladie originaire d’Asie, présente à la Réunion depuis les années 60/70, aujourd’hui émergente en Afrique de l’Ouest et de l’Est. L es plantes sont menacées par des maladies engendrées par des micro-organismes : virus, bactéries ou encore champignons. Ces maladies causent d’importantes pertes de rendement, sur les cultures vivrières, fruitières, légumières et ornementales, en particulier dans les zones tropicale et tempérée chaude. Ce sont parfois des récoltes, voire des filières tout entières, qui sont anéanties. Et de nouvelles maladies émergent régulièrement, à cause de rassemblant 151 scientifiques à mutations des agents pathogènes, Saint-Denis de la Réunion en juin ou encore de leur adap2010, a dressé le bilan tation à de nouveaux Les scientifiques des dernières connaisenvironnements. Les cherchent à réduire sances sur les bactéries produits phytosani- les risques d’infection phytopathogènes. taires étant inefficaces des plantes cultivées Ce dossier vous offre contre les bactéries et par des bactéries un bref aperçu des réles virus, les chercheurs sultats de recherche ou virus. étudient le génome de qui ont été présentés ces agents et des plantes cultivées par le Cirad durant la conférence, pour trouver des moyens de réduire sans oublier de citer les virus qui les risques d’infection. font également l’objet de nombreux Une conférence internationale, travaux. Plus d’infos sur : http://reunion-mayotte.cirad.fr/actualites/icppb_2010 - 05 / 2011 7 L’Inra, le Cirad et le laboratoire de la santé des végétaux (Anses) développent à la Réunion une puce à ADN pour détecter plusieurs bactéries pathogènes de cultures. R alstonia solanacearum est une bactérie capable d’infecter plus de 250 espèces végétales en zone tropicale, subtropicale et tempérée chaude. Présente sur tous les continents, elle s’attaque à des cultures d’importance mondiale, comme la pomme de terre, la banane, le tabac, le manioc, l’arachide, la tomate ou encore l’aubergine. Des chercheurs du Cirad et de l’Inra, basés à la Réunion, en partenariat avec le Génoscope d’Evry, ont séquencé et annoté cinq génomes complets de cette bactérie, correspondant à ses quatre grandes lignées ÉVOLUTION « « « Mieux prédire les maladies émergentes : du mildiou à la peste… Si l’apparition du mildiou de la pomme de terre au 19e siècle est sans doute le cas le plus célèbre d’émergence en santé végétale, c’est durant la seconde moitié du 20e siècle que le nombre de maladies s’est accru, avec l’internationalisation des échanges et l’évolution des pratiques agricoles. Les études sur ces maladies, que ce soit chez les plantes, les hommes ou les animaux, visent à mieux comprendre les mécanismes de leur émergence pour mieux les prédire. Récemment, l’histoire évolutive de la peste, retracée grâce aux outils génétiques, a permis de mettre à jour les routes et modes de transmission de l’agent infectieux. 8 Plus d’infos sur : http://www.cirad.fr/actualites/toutes-les-actualites/ articles/2010/science/l-histoire-evolutive-de-la-peste phylogéniques mondiales (asiatique, américaine, africaine, indonésienne) et représentant ainsi une grande part de sa diversité génétique. Ils ont découvert des structures jusque-là inconnues chez cette bactérie : un opéron impliqué dans la synthèse d’une toxine empêchant la division cellulaire et deux plasmides, dont l’un pourrait jouer un rôle important sur le pouvoir pathogène de la bactérie. Ces résultats sont publiés et les séquences sont ouvertes à la communauté scientifique sur le site internet du Génoscope. Les chercheurs se consacrent désormais au développement d’une puce à ADN pour proposer un test de diagnostic sensible et universel de cette bactérie, mais aussi d’autres bactéries pathogènes de grandes cultures (pomme de terre, tomate, bananier). Contact : [email protected] HISTOIRES DE MOTS Génome ensemble du matériel génétique d’un individu ou d’une espèce. Opéron groupe de gènes régulés ensemble. Plasmide molécule d’ADN circulaire chez la bactérie, capable de se répliquer de manière autonome et de se transmettre à d’autres bactéries. Puce à ADN lame de verre sur laquelle sont fixées plusieurs dizaines de milliers de fragments d’ADN pouvant s’hybrider avec des fragments complémentaires. LA PAROLE À Olivier Pruvost et Philippe Prior Bactériologistes (Cirad/Inra) à la Réunion * Photos : © Cirad Le génome de la bactérie Ralstonia solanacearum décrypté © R.Carayol /Région dossier « Prévenir ou guérir ? DES BACTÉRIES ET DES GÈNES « Agents pathogènes Agents pathogènes « Des progrès fulgurants en séquençage de génome » Votre équipe a organisé l’an passé un congrès international sur les bactéries pathogènes des plantes. Quel bilan dressez-vous du congrès ? Très positif. C’était un véritable challenge de faire venir à la Réunion nos collègues scientifiques de 43 pays différents, en particulier des Etats-Unis, mais aussi et surtout de pays vivant sous le seuil de pauvreté. Cette réussite est due en grande partie aux soutiens que nous avons reçus**. D’un point de vue humain autant que scientifique, le congrès a été très enrichissant. Les avancées, qui nous ont été présentées, dans le domaine de la génomique des bactéries, mais aussi de la prévision du risque d’émergence des maladies bactériennes sont remarquables. Certains génomes de bactéries ont été entièrement séquencés, assemblés et annotés, comme celui de Pantoea ananatis par une équipe sud-africaine***: c’est la première bactérie phytopathogène africaine séquencée et une première publication mondiale pour le genre Pantoea. Les progrès en matière de séquençage de génome sont fulgurants ces dernières années et l’exploitation des données qui en découlent s’améliore. Ces résultats s’appliquent désormais en épidémiologie, en écologie, en matière d’interaction plante-bactérie et de lutte. Ils permettent de répondre à des questions scientifiques fondamentales. Sur quels sujets travaillez-vous ? Notre équipe s’intéresse aux facteurs et mécanismes impliqués dans l’émergence des bactéries et virus phytopathogènes. Nous analysons l’évolution de leurs génomes et des dynamiques épidémiologiques des maladies qu’ils provoquent sur les plantes. Nous travaillons essentiellement sur trois modèles de pathogènes : deux modèles bactériens : Ralstonia solanacearum et Xanthomonas citri et un modèle viral : les bégomovirus transmis par un insecte vecteur (Bemisia tabaci), c’est la principale famille de virus émergents dans la région du sud-ouest de l’océan Indien. Quelles collaborations scientifiques envisagez-vous à l’avenir ? A la suite du congrès ICPPB, des scientifiques français et américains ont prolongé leur séjour au sein de notre équipe pour achever la mise au point de méthodes innovantes de diagnostic moléculaire. Nous envisageons de renforcer nos liens avec les équipes de recherche sud-africaines et indiennes, sur l’annotation de génome d’une part, et le chancre citrique d’autre part. * UMR PVBMT, plate-forme de protection des plantes. ** Cirad, Inra, Université de la Réunion, Europe, Etat, Conseil régional, Conseil général. *** Forestry and Agricultural Biotechnology Institute, Université de Pretoria. - 05 / 2011 Prévenir ou guérir ? La prévention, à travers le diagnostic et la diffusion de variétés adaptées, reste l’un des meilleurs moyens de lutte contre les agents pathogènes des plantes. Les semences d’oignon peuvent être porteuses d’une bactérie provoquant un dépérissement. L De la maladie à l’épidémie a bactérie Xanthomonas axonopodis pv. allii provoque chez les alliacées, comme l’oignon (ou encore l’ail, le poireau, la ciboulette et l’échalotte), des lésions sur les tissus aériens de la plante qui se met à dépérir. Les bulbes s’amoindrissent, ce qui entraîne des pertes de rendement allant de 10 à 50 %. Un test de détection de la bactérie dans les semences a été élaboré et vient d’être publié. « Ce test est capable de détecter toutes les souches de la bactérie de manière plus sensible (seuil de 1 semence sur 30 000) que les méthodes classiques », explique Isabelle Robène, phytopathologiste au Cirad à la Réunion. Il est désormais utilisable à la Réunion, et dans le monde, pour contrôler l’état sanitaire des semences importées et produites localement. Cette méthode est proposée comme méthode de référence européenne auprès de l’Organisation européenne de protection des plantes (OEPP) qui a inscrit la bactérie sur ses listes de quarantaine en 2009. Dissémination à longue distance via les échanges commerciaux de semences Dissémination à courte distance via la pluie, le vent etc. Jusque 60 % de plants malades 4 graines infectées sur 10 000 2e année de culture Plantes relais et résidus de culture Illustration : F. Dolambi / L. Gagnevin © Cirad « La bactérie du dépérissement de l’oignon détectable dans les semences © R.Carayol - Région Réunion DIAGNOSTIC Plus d’infos sur : http://reunion-mayotte.cirad.fr/actualites/diagnostic_bacteriose_oignon Contact : [email protected] 1ère année de culture 2 à 16 % de plants malades Il suffit de 4 semences infectées d’oignon (sur 10 000) pour que plus de la moitié des plants d’oignon déclarent la maladie. DES VIRUS ÉMERGENTS « D’où viennent les redoutables capacités d’adaptation des bégomovirus ? Des variétés adaptées © R.Carayol - Région Réunion Maladie des feuilles jaunes en cuillère de la tomate. © P. Lefeuvre, Cirad . Haro sur les virus ! Plus d’infos sur : http://reunion-mayotte.cirad.fr/actualites/begomovirus et contact : [email protected] © A. Franck, Cirad ? Un aleurode vecteur de virus HLB ou greening des agrumes C’est une petite mouche blanche, de seulement un millimètre et demi, qui transmet des virus émergents, comme les bégomovirus et les crinivirus, à de nombreuses cultures, dont la tomate, l’aubergine, le tabac, etc. Cet aleurode, nommé Bemisia tabaci, est présent à la Réunion sous trois formes ou « types » génétiques : un type indigène des Mascareignes et deux exotiques, l’un arrivé fin des années 90 et l’autre détecté en 2010. Ce dernier, déjà répandu ailleurs dans le monde, transmet à la tomate deux sortes de virus, l’un provoquant la maladie des feuilles jaunes en cuillère et l’autre la chlorose. Le Huanglongbing (HLB), appelé aussi greening, est une maladie des agrumes, due à une bactérie transmise par des insectes psyllidés. Cette maladie menace la production d’agrumes brésilienne et américaine. A la Réunion, c’est une méthode de lutte biologique, associée à la diffusion de plants indemnes de maladies, qui a sauvé la filière agrumes dans les années 80. Aujourd’hui, les recherches s’orientent vers une stratégie de lutte modifiant la capacité des psylles à transmettre la bactérie. Plus d’infos sur : http://www.prpv.org/index.php /fr/actualites/alertes/une_nouvelle_espece_d_ aleurode_a_la_reunion - 05 / 2011 Plus d’infos sur : http://www.cirad.fr/publications-ressources/science-pour-tous/rapportsannuels/rapport-annuel-le-cirad-en-2006/ anticiper/risques-phytosanitaires-emergentsle-huanglongbing-des-agrumes Contacts : [email protected], michel. [email protected] et [email protected] Plus d’infos sur : http://reunion-mayotte.cirad.fr/ actualites/ail . Aubergine, tu ne flétriras plus ! © R.Carayol - Région Réunion LE SAVIEZ-VOUS Des méthodes d’assainissement de variétés d’ail, de passiflore et de vanillier sont mises au point par le Cirad, pour promouvoir des filières de production de semences et de plants indemnes de maladies. Deux variétés d’ail - Ti Rouge, Vacoa - et une variété de passiflore - Galéas débarrassées de leurs virus, seront bientôt diffusées par la société Flhorys. Les scientifiques du Cirad ont récemment mis à jour une source de résistance au flétrissement causé par la bactérie Ralstonia solanacearum dans le génome de l’aubergine. Cette découverte devrait permettre aux sélectionneurs de proposer, dans les prochaines années, une variété d’aubergine résistant à la maladie. Contacts : [email protected] Plus d’infos sur : http://reunion-mayotte.cirad.fr/ actualites/soutenances_de_these 9