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FICHE 32 : RECONSTRUCTION A L’IDENTIQUE D’UN BÂTIMENT DETRUIT OU DEMOLI SOMMAIRE I. - Conditions d’exercice du droit à reconstruire A. - Un bâtiment détruit ou démoli depuis moins de 10 ans B. - Le bâtiment doit avoir été régulièrement édifié C. - Le P.L.U., la carte communale ou le P.P.R. ne doivent pas comporter de dispositions contraires D. - La reconstruction ne peut se faire que dans une zone exempte de risques II. - Mise en œuvre du droit à reconstruire A. - Il convient de déposer une nouvelle demande de permis de construire B. - La reconstruction doit être identique au bâtiment détruit ou démoli COMMENTAIRE Le droit pour un propriétaire de reconstruire à l’identique un bâtiment détruit ou démoli a été reconnu par la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains (loi S.R.U.). Les conditions d’exercice de ce droit sont désormais inscrites à l’article L. 111-3 du code de l’urbanisme. I. - CONDITIONS D’EXERCICE DU DROIT À RECONSTRUIRE (3200) Un propriétaire ne peut invoquer son droit à reconstruire un bâtiment détruit ou démoli que lorsque 4 conditions cumulatives sont réunies [Sur la notion de bâtiment voir : C.A.A. Douai, 27 juin 2012, M. Pierre A., n° 11DA01139]. A. - Un bâtiment détruit ou démoli depuis moins de 10 ans (3201) La nature du « sinistre » (destruction ou démolition du bâtiment) n’a pas de conséquence sur le droit à reconstruire. Le sinistre peut ainsi résulter d’un évènement naturel : - tempête (C.E., 13 déc. 2000, M. et Mme A., n° 284237 ; C.A.A. Douai, 5 juill. 2007, SARL X., n° 06DA01662 ; C.A.A. Nantes, 19 fév. 2008, Mme Florence X., n° 07NT00925 : absence de preuve sur l’origine du sinistre) ; - incendie de forêt (C.A.A. Marseille, 29 mars 2007, M. et Mme Guérin, n° 05MA02547 ; C.A.A. Marseille, 7 fév. 2008, Mme Christine X., n° 05MA00811) ; - avalanche (C.E., 17 déc. 2008, M. Michel A., n° 305409 ; C.E., 23 nov. 2005, Cne de Bagnères-de-Bigorre, n° 279721) ; - inondation (C.A.A. Bordeaux, 29 mai 2007, Cne de Remire-Montjoly, n° 04BX01261) ; - orage de grêle (C.A.A. Marseille, 27 nov. 2008, M. Hubert X., n° 06MA01763) ; - etc. Ce sinistre peut également avoir été occasionné par d’autres évènements tels qu’un attentat (C.A.A. Marseille, 30 mars 2006, Préfet de Corse du Sud, n° 03MA01362), un incendie accidentel d’origine domestique (C.A.A. Marseille, 7 sept. 2006, Cne de Saint-Raphaël, n° 04MA01545), etc. [Sur la nature du sinistre permettant la mise en œuvre du droit à reconstruire voir : C.A.A. Paris, 12 fév. 2010, M. Aref A., n° 08PA02001 ; C.A.A. Marseille, 19 mars 2010, Sté les tamarines, n° 08MA00503 ; C.A.A. Marseille, 2 avr. 2010, M. Jean-Louis A., n° 08MA00888]. Le propriétaire d’un bâtiment détruit ou démoli doit déposer une demande de permis dans les 10 ans à compter du sinistre afin de bénéficier du droit de reconstruire (C.E., 9 mai 2012, Cne de Méria, n° 341259). B. - Le bâtiment doit avoir été régulièrement édifié (3202) Le droit de reconstruire à l’identique un bâtiment détruit ou démoli ne concerne que ceux qui ont été régulièrement édifiés c’est-à-dire conformément à une autorisation d’urbanisme devenue définitive. Les bâtiments construits à une époque où un permis de construire n’était pas exigible sont également considérés comme avoir été régulièrement édifiés. Sont notamment exclus du champ d’application du droit à reconstruire les bâtiments édifiés sans autorisations ainsi que ceux qui ne respectent pas les prescriptions de l’autorisation (C.A.A. Bordeaux, 31 mai 2007, Sté cabane au sel, n° 04BX02084). Cette régularité s’apprécie au jour de la construction de l’immeuble. Par conséquent, un bâtiment régulièrement édifié qui est devenu non conforme, en raison d’une modification des règles le régissant (modification du zonage du P.L.U., nouvelles prescriptions du règlement du P.L.U., etc.), entre dans le champ d’application du droit à reconstruire. C. - Le P.L.U., la carte communale ou le P.P.R. ne doivent pas comporter de dispositions contraires (3203) Le droit de reconstruire peut être refusé lorsque le P.L.U. [voir fiche 27 : Plan local d’urbanisme] ou la carte communale [voir fiche 28 : Carte communale] comporte des dispositions qui font explicitement obstacle à cette reconstruction (C.A.A. Marseille, 22 déc. 2005, M. Dominique X., n° 03MA01745). Pour être applicables, les dispositions de ces documents doivent interdire de manière très précise la reconstruction (les limitations ou interdictions de construire exprimées en termes généraux ne peuvent être utilisées pour refuser le bénéfice du droit à reconstruire) et justifier cette interdiction pour des raisons d’urbanisme liées à la situation de la zone (présence de risques naturels notamment). S’agissant des P.P.R., la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement permet explicitement à ces documents de comporter des dispositions faisant obstacles au droit de reconstruire à l’instar des P.L.U. ou cartes communales. Le juge administratif avait déjà estimé que ces documents pouvaient contenir des dispositions relatives à la reconstruction après sinistre. Ainsi, il a été jugé qu’un P.P.R. pouvait autoriser la reconstruction de biens sinistrés à la suite d’une catastrophe naturelle dans certains secteurs pourtant classés en zone inconstructible lorsqu’il est établi que le risque naturel ne met pas en péril les personnes qui demeurent dans ces zones (T.A. Melun, 12 fév. 2004, Cne de Joinville-le-Pont, n° 00-3393 ; sol. confirmée en appel : C.A.A. de Paris, 23 fév. 2006, Cne de Joinville-le-pont, n° 04PA01863 ; voir également : C.A.A. Bordeaux, 3 fév. 2009, Mme Brigitte X., n° 07BX01970). Un P.P.R. peut également interdire ou subordonner le droit de reconstruire les bâtiments détruits par un incendie et situés en zone d’aléa fort du plan à la mise en place d’infrastructures liées à la défendabilité de la reconstruction (T.A. Nîmes, 8 juin 2007, M. Henri X, n° 05-29027, sol. confirmée : C.A.A. Marseille, 12 fév. 2010, M. et Mme X., n° 07MA03378). Il peut également subordonner ce droit à la réalisation de travaux de voirie et d’équipement : construction d’un accès routier présentant des caractéristiques permettant le passage des véhicules de défense contre l’incendie, création de bornes à incendie et élargissement de chemins et création d’aires de retournement, etc. (C.A.A. Marseille, 31 mars 2011, M. Jean-Michel B., n° 09MA01299). Ces dispositions doivent toutefois concerner le ou les risques traités par ce document. Ainsi, un P.P.R. « inondation » ne peut valablement contenir des dispositions interdisant la reconstruction quelque soit l’origine de la catastrophe naturelle qui a provoqué le sinistre (T.A. Pau, 1er juill. 2008, Mme Françoise X., n° 05-02487). Par ailleurs, dans un arrêt du 17 décembre 2008, le Conseil d’Etat avait précisé que ces prescriptions du P.P.R., opposables aux demandes d’utilisation des sols et aux opérations d’aménagement, constituent des dispositions d’urbanisme susceptibles de faire obstacle à la reconstruction à l’identique d’un bâtiment détruit (C.E., 17 déc. 2008, M. Michel A., n° 305409). D. - La reconstruction ne peut se faire que dans une zone exempte de risques (3204) La reconstruction d’un bâtiment sinistré ne peut être accordée lorsque la zone demeure exposée aux risques. En effet, le Conseil d’Etat a estimé que l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme pouvait faire obstacle à ce principe, et justifier le refus du permis de construire sollicité, même en l’absence de toute interdiction expresse dans un document d’urbanisme (C.E. avis, 23 fév. 2005, Mme Hutin, n° 271270). Les dispositions de l’article L. 111-3 du code de l’urbanisme ne sauraient en effet conférer le droit de reconstruire un bâtiment dont les occupants seraient exposés à un risque certain et prévisible de nature à mettre gravement en danger leur sécurité (notamment lorsque le projet est situé dans une zone d’aléa fort d’un P.P.R. : C.A.A. Bordeaux, 29 mai 2007, Cne de Remire-Montjoly, n° 04BX01261 ; dans une zone fortement exposée aux incendies de forêt : C.A.A. Marseille, 29 mars 2007, M. et Mme Guérin, n° 05MA02547 ; dans une zone exposée aux avalanches : C.A.A. Lyon, 2 fév. 2006, Préfet de la Savoie, n° 02LY02286). Dans ce cas de figure, l’autorité compétente peut refuser le permis ou l’assortir de prescriptions spéciales (à condition que celles-ci soient suffisantes pour parer au risque) en se fondant sur l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme. L’article L. 123-5 du code de l’urbanisme permet d’ailleurs à l’autorité compétente en matière de permis de construire d’accorder des dérogations aux règles du P.L.U. qui feraient obstacle à la mise en œuvre des prescriptions constructives propres à assurer la sécurité des personnes et des biens lors de la reconstruction de bâtiments détruits à la suite d’une catastrophe naturelle survenue au cours de l’année écoulée. II. - MISE EN OEUVRE DU DROIT A RECONSTRUIRE (3205) A. - IL CONVIENT DE DÉPOSER UNE NOUVELLE DEMANDE DE PERMIS DE CONSTRUIRE (3206) Lorsque les quatre conditions évoquées précédemment sont réunies, l’autorité administrative est obligée d’accorder le permis. Néanmoins, l’obtention préalable d’un permis de construire est obligatoire lorsqu’une personne entend bénéficier des dispositions du code de l’urbanisme permettant la reconstruction à l’identique d’un bâtiment (C.E., 20 fév. 2002, M. Jean-Claude X., n° 235725 ; C.A.A. Marseille, 27 nov. 2008, M. Hubert X., n° 06MA01763). Le fait de procéder à la reconstruction du bâtiment sans l’obtention du permis est systématiquement sanctionné par le juge pénal (Cass. crim., 29 avr. 2003, M. Alain X., n° 02-85981 ; Cass., crim., 12 sept. 2006, M. Jean-François X, n° 06-80114 ; Cass. crim., 5 déc. 2006, M. Jean-Claude X., n° 06-82818 ; Cass., crim., 30 juin 2009, M. Claude X., n° 08-88022 ; Cass., crim., 3 mai 2011, M. Jozef Z., n° 10-81149). B. - La reconstruction doit être identique au bâtiment détruit ou démoli (3207) L’obligation de procéder à une nouvelle demande de permis de construire est justifiée par le fait que l’autorité administrative doit être en mesure de vérifier que le projet constitue bien une reconstruction à l’identique du bâtiment sinistré. En effet, le projet doit être strictement identique aux documents administratifs du bâtiment démoli pour pouvoir bénéficier des dispositions de l’article L. 111-3 du code de l’urbanisme. Le juge administratif est régulièrement amené à vérifier que le projet consistait bien en une « reconstruction à l’identique » (C.E., 13 déc. 2000, M. et Mme A., n° 284237 ; C.A.A. Nancy, 1er juin 2006, Mme Elsa X, n° 04NC00320 ; C.A.A. Douai, 5 juill. 2007, SARL X, n° 06DA01662 ; C.A.A. Marseille, 7 fév. 2008, Mme Christine X., n° 05MA00811 ; C.A.A. Nancy, 18 déc. 2008, Cne de Crissey, n° 07NC01286).