La «clause du monteur» selon l`article 15 (2) du Modèle de

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La «clause du monteur» selon l`article 15 (2) du Modèle de
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REVUE DE DROIT ADMINISTRATIF
ET DE DROIT FISCAL
REVU E G EN EVO ISE D E D ROI T P UB L I C
70e année
No 4
2014
La «clause du monteur» selon l’article 15 (2)
du Modèle de convention fiscale
concernant le revenu et la fortune de l’OCDE
Philippe DAL COL
Avocat à Pully, LL.M en droit fiscal international
1. Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
2. L'article 15 MC OCDE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
2.1. Le principe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
2.2. L'exception . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
3. Le test des 183 jours . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
3.1. En général . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
3.2. L'incapacité de travail . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
3.3. Le travail sur appel. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
3.4. Le délai de congé avec libération de l'obligation
de travailler . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
3.5. Les fractions de jour de présence physique . . . . . . . . . .
3.6. La période de 12 mois . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
3.7. Synthèse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
4. Le test de l'employeur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
4.1. Un employeur non-résident de l'État source . . . . . . . . .
4.2. La notion d'employeur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
4.2.1. Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
4.2.2. La solution adoptée par le Commentaire 2010 .
4.2.3. Synthèse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
4.3. Une rémunération payée par ou pour le compte de . . . .
5. Le test de l'établissement stable. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
6. Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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1. Introduction
L'accroissement de la mobilité des individus et la globalisation des
entreprises impliquent de plus en plus des emplois à caractère international, l'employé n'étant plus appelé à travailler uniquement dans l'État
de résidence mais également à l'étranger pour des périodes plus ou
moins longues.
Cette situation n'est pas sans conséquence sur la fiscalité du revenu
que l'employé retire de son travail. L'article 15 du Modèle de convention fiscale concernant le revenu et la fortune de l'OCDE, version 2010
(ci-après: «MC OCDE»), prévoit une règle d'allocation du revenu provenant d'un emploi obtenu dans un État par un employé, résident d'un
autre État. Toutefois, l'application de cette disposition est jonchée de
différents écueils, notamment son deuxième paragraphe appelé «clause
du monteur».
La présente contribution vise à mettre en lumière les différentes problématiques de cette «clause du monteur» et de tenter d'y apporter une
réponse.
2. L'article 15 MC OCDE
2.1. Le principe
Le premier paragraphe de l'article 15 MC OCDE pose la règle générale d'attribution du revenu du travail. Il consacre le principe de l'imposition du revenu au lieu de l'exercice de l'activité salariée avec la
disposition suivante:
«Sous réserve des dispositions des articles 16, 18 et 20, les salaires, traitements et autres rémunérations similaires qu'un résident d'un État contractant reçoit au titre d'un emploi salarié ne sont imposables que dans cet État, à
moins que l'emploi ne soit exercé dans l'autre État contractant. Si l'emploi y
est exercé, les rémunérations reçues à ce titre sont imposables dans cet autre
État».
Si le principe posé par l'article 15 (1) MC OCDE paraît clair, il n'est
pas sans soulever des difficultés: que faut-il comprendre par les notions
de «salaires, traitements et autres rémunérations similaires». En effet,
ni l'article 15, ni l'article 3 MC OCDE ne fournissent une définition de
ces notions. Nous ne nous arrêterons toutefois pas sur cette problématique, la présente contribution s'intéressant avant tout à l'application de
l'article 15 (2) MC OCDE.
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2.2 L'exception
L'article 15 (2) MC OCDE consacre une importante limitation au
principe de l'imposition du revenu au lieu de l'exercice de l'activité
salariale en réservant la compétence de l'État de la résidence d'imposer
le revenu de l'emploi dans le cas où ce dernier est de courte durée.
L'article 15 (2) MC OCDE, que l'on appelle aussi «clause du
monteur», pose les conditions cumulatives suivantes pour que l'exception soit applicable:
«Nonobstant les dispositions du paragraphe 1, les rémunérations qu'un
résident d'un État contractant reçoit au titre d'un emploi salarié exercé dans
l'autre État contractant ne sont imposables que dans le premier État si:
a) le bénéficiaire séjourne dans l'autre État pendant une période ou des
périodes n'excédant pas au total 183 jours durant toute période de douze mois
commençant ou se terminant durant l'année fiscale considérée, et
b) les rémunérations sont payées par un employeur, ou pour le compte d'un
employeur, qui n'est pas un résident de l'autre État, et
c) la charge des rémunérations n'est pas supportée par un établissement
stable que l'employeur a dans l'autre État».
En d'autres termes, si l'emploi est exercé par une personne résidente
d'un État contractant dans un autre État contractant1 pendant moins de
183 jours et que le salaire est payé par un employeur qui n'est pas
résident de l'autre État contractant, l'État de résidence conserve son
droit exclusif de taxer le revenu de l'emploi.
Le but de cette disposition est d'empêcher l'autre État contractant de
taxer le revenu de l'emploi résultant du travail de l'employé dans l'État
source pour une courte période2.
3. Le test des 183 jours
3.1 En général
Si les services fournis par l'employé dans l'État source couvrent une
période inférieure à 183 jours, le droit de taxer demeure à l'État de résidence. Avant 1992, la période de 183 jours considérée correspondait à
l'année fiscale concernée. Ainsi, un employé pouvait avoir travaillé
180 jours jusqu'à la fin d'une année et continuer son travail durant
1 Pour le propos de cet article, la notion «d’autre État contractant» se réfère à l’État
source, sans considération de la source du revenu et où l’emploi est exercé. L’État de résidence
est toujours l’État de résidence de l’employé, l’employeur pouvant être résident de l’État de résidence, de l’État source ou d’un État tiers.
2 Robert DANON, La notion d’employeur au sens de l’art. 15(2)(b) MC OCDE in IFF
forum for Steuerrecht 2012, p. 86.
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180 jours l'année suivante avec pour conséquence que l'article 15 (2)
MC OCDE s'applique en fait sur deux années fiscales.
Afin d'éviter cette situation, l'article 15 (2) (a) MC OCDE a été
modifié par l'introduction de la phrase «durant toute période de douze
mois commençant ou se terminant durant l'année fiscale considérée»,
en lieu et place de «au cours de l'année fiscale considérée»3. La Suisse
a émis une réserve quant à cette modification afin de pouvoir insérer
dans ses conventions de double imposition les mots «au cours de
l'année fiscale considérée»4.
La Suisse a fait usage de ce droit dans plusieurs conventions de
double imposition notamment conclues avec l'Autriche en 19745, la
France en 19666, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du
Nord en 1977 7 et l'Italie en 19768. La convention de double imposition
conclue avec l'Allemagne en 1971 mentionne «l'année civile considérée» ce qui ne modifie pas la portée de la disposition tant que l'année
fiscale correspond à l'année civile9. En revanche, la convention de
double imposition conclue en 1996 avec les États-Unis est identique à
l'article 15 (2) (a) MC OCDE10.
Pour calculer le nombre de jour de présence, le Commentaire du
Modèle de convention fiscale concernant le revenu et la fortune de
l'OCDE, version 2010 (ci-après: «Commentaire 2010») utilise la
méthode des «jours de présence physique»11. Selon cette méthode, sont
inclus dans les calculs les fractions de journée, le jour d'arrivée et de
départ, et tous les autres jours passés à l'intérieur de l'État où l'activité
est exercée tels que les samedis et dimanches, les jours fériés, les jours
de vacances pris avant, pendant et après la période d'activité, les brèves
3 Bernard PEETERS, Article 15 of the OECD Model Convention on «Income from
Employment» and its Undefined Terms, ET 2004, p. 72; Modèle de convention fiscale concernant le revenu et la fortune de l’OCDE, version de 1977; Modèle de convention fiscale concernant le revenu et la fortune de l’OCDE, version de juillet 2010, N 4 ad art. 15, pp. 269 et 270.
4 Modèle de convention fiscale concernant le revenu et la fortune de l’OCDE, version de
juillet 2010, N 19 ad art. 15, p. 287.
5 RS 0.672.916.31 (art. 15); étant précisé que cette convention, ainsi que celles avec la
France, le Royaume-Uni de Grande Bretagne, l’Italie et l’Allemagne ont été signées avant la
modification de 1992.
6 RS 0.672.934.91 (art. 17).
7 RS 0.672.936.712 (art. 15), étant précisé que cette convention a abrogé la convention de
double imposition de 1954, cette dernière restant tout de même applicable à certains territoires
(RS 0.672.936.711). L’article XI de cette convention mentionne l’année considérée sans faire de
distinction entre l’année fiscale et civile.
8 RS 0.672.945.41 (art. 15).
9 RS 0.672.913.62 (art. 15).
10 RS 0.672.933.61 (art. 15).
11 Modèle de convention fiscale concernant le revenu et la fortune de l’OCDE, version de
juillet 2010, N 5 ad art. 15, p. 270.
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interruptions en raison de formation, grèves, lock-out, délais de livraisons, les jours de maladie (à moins qu'ils n'empêchent le salarié de
partir alors qu'il aurait eu normalement le droit à l'exonération) et enfin
la survenance d'un décès ou d'une maladie dans sa famille12.
En revanche, les journées passées en transit dans l'État d'activité au
cours d'un trajet entre deux points extérieurs à cet État doivent être
exclues des calculs. En conséquence, toute journée entière passée en
dehors de l'État d'activité, que ce soit en vue de vacances, de voyages
d'affaires ou pour toute autre raison, ne doit pas être prise en compte13.
En définitive, tous les jours passés à l'intérieur de l'État d'activité
entrent dans le calcul de la règle des 183 jours14.
Si la situation paraît relativement claire, il n'en demeure pas moins
certaines incertitudes en pratique. Nous aborderons trois cas dans le
cadre de la présente contribution qui affecte non seulement le calcul des
183 jours, mais également la question du lieu de l'exercice de
l'emploi15: l'incapacité de travail, le travail sur appel et le délai de congé
avec libération de l'obligation de travailler.
3.2 L'incapacité de travail
Comment calcule-t-on la durée de présence physique dans l'État
source si l'employé est malade, mais qu'il rentre dans l'État de résidence
la durée de son incapacité de travail (en partant de l'hypothèse que
l'employé est capable de voyager malgré sa maladie)?
S'il n'avait pas été malade, il aurait travaillé durant cette période
dans l'État source. On devrait logiquement tenir compte des jours de
maladie passés dans l'État de résidence, créant ainsi un lieu fictif
d'exercice de l'activité16. Il serait toutefois possible d'objecter que
l'employeur a rapatrié son employé parce qu'il entend faire exécuter la
12 Modèle de convention fiscale concernant le revenu et la fortune de l’OCDE, version de
juillet 2010, N 5 ad art. 15, p. 270; Xavier OBERSON/Howard R. HULL, Switzerland in International Tax Law, IBFD, p. 150; Daniel DE VRIES REILINGH, Manuel de droit fiscal international,
Berne 2012, p. 208.
13 Modèle de convention fiscale concernant le revenu et la fortune de l’OCDE, version de
juillet 2010, N 5 ad art. 15, p. 270; Daniel DE VRIES REILINGH, Manuel de droit fiscal international, Berne 2012, p. 208
14 Bernard PEETERS, Article 15 of the OECD Model Convention on «Income from
Employment» and its Undefined Terms, ET 2004, p. 78.
15 Conformément à l’article 15(1) MC OCDE, le droit exclusif de taxer les salaires, traitements et autres rémunérations similaires appartient à l’État de résidence, sauf si l’emploi est
exercé dans l’autre État contractant. Or en cas de maladie ou de travail sur appel, l’employé peut
se trouver dans l’État de résidence avec pour conséquence que le lieu de l’exercice de l’activité
se situe dans cet État; la présente contribution traite uniquement des conséquences sur le test des
183 jours dans ces deux situations.
16 Frank P.G. Pötgens, Income from Inactivity under Article 15 of the OECD Model Tax
Convention – Part 1, BIT Octobre 2009, pp. 434 et 435.
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mission dans un délai inférieur à 183 jours sur une période de douze
mois.
Si l'on interprète strico sensu le Commentaire 201017, seuls les jours
de présence physique doivent être comptés, ce qui conduirait à ne pas
considérer les jours de maladie passés dans l'État de résidence. Toutefois, l'État source pourrait arguer que ces jours doivent être comptés
puisque l'employé serait resté sur son territoire s'il n'avait pas été
malade. C'est ainsi que la jurisprudence belge considère que les congés
maladies doivent être intégralement imputés à un séjour dans le pays
d'occupation lorsque la maladie s'est déclarée au cours d'une affectation
en Belgique et qu'après guérison, l'employé a repris son travail dans cet
État18. C'est également la position adoptée par la Cour suprême des
Pays-Bas qui a appliqué l'approche du revenu de compensation en
combinaison avec le lieu fictif d'exercice de l'activité («replacement of
income approach in combination with a fictitious place of exercise»)19.
Au contraire, la Cour fédérale allemande en matière fiscale a retenu que
le lieu de présence physique de l'employé pendant sa maladie était
déterminant. Si l'employé est présent dans l'État de résidence pendant
sa maladie, l'indemnité pour incapacité de travail n'est taxable que dans
cet État20.
Le Discussion Draft de l'OCDE au sujet du Tax Treaty Treatment
of Termination Payments (ci-après: «Discussion Draft») pourrait
plaider dans le sens de l'approche du revenu de compensation. En
effet, la rémunération perçue à l'issue d'un rapport de travail pour un
congé maladie non utilisé durant la période d'emploi peut être
taxée par l'État source si on peut la rattacher intégralement ou partiellement à la période d'activité dans cet État. La proposition de modification du Commentaire 2010 précise toutefois que cette indemnité
ne doit pas avoir été taxée par l'État de résidence durant l'année précédente21.
17 Modèle de convention fiscale concernant le revenu et la fortune de l’OCDE, version de
juillet 2010, N 5 ad art. 15, p. 270.
18 Astrid PIERON, L’impôt des non-résidents, 2005, p. 110 et l’arrêt cité.
19 Décision du 25 septembre 2005, BNB 2006/52 citée in Frank P.G. PÖTGENS, Stand-By
Fee Taxable in Residence State under Art. 15 of the OECD Model, Europen Taxation, Février
2008, p. 86.
20 Décision du 17 octobre 2003, BFII/NV 2004, 161 citée in Frank P.G. PÖTGENS, Income
from Inactivity under Article 15 of the OECD Model Tax Convention – Part 1, BIT Octobre
2009, p. 435.
21 OECD MODEL TAX CONVENTION: Tax Treaty Treatment of Termination Payments,
Discussion Draft: 25 June to 13 September 2013, pp. 4 et 5; les modifications proposées par ce
Discussion Draft ont été adoptées par le Comité des affaires fiscales le 26 juin 2014 et par le
Conseil de l’OCDE le 15 juillet 2014.
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Nous devons toutefois relever que si une telle indemnité est perçue
par l'employé, c'est qu'il n'a pas fait usage de son droit au congé maladie et, partant, qu'il a travaillé en lieu et place. Si cette indemnité est liée
à une activité dans l'autre État contractant, ces jours travaillés ont été
pris en compte dans le calcul des 183 jours. Cet argument n'est dès lors
d'aucun secours pour trancher la divergence jurisprudentielle précitée.
Les considérations de l'OCDE contenues dans le Discussion Draft
précité doivent être rattachées uniquement à la notion de «salaires,
traitements et autres rémunérations similaires»22, ainsi qu'au droit de
taxer de l'État de résidence de l'employé ou de l'autre État contractant,
les prestations perçues à la fin d'un emploi. Elles ont toutefois le
mérite de clarifier la situation sur le rattachement de l'indemnité pour
cause de maladie à l'article 15 MC OCDE et non aux articles 18 ou 21
MC OCDE que pourraient appliquer certains États en arguant que cette
rémunération n'est pas rattachée à un l'exercice d'un emploi puisque
l'employé est en incapacité de travail.
Dans la plupart des cas, l'indemnité pour incapacité de travail est
prévue dans le contrat de travail ou par la législation de l'État de résidence de l'employeur. Il en résulte un lien à notre sens plus étroit avec
cet État. Dans tous les cas, le principe de la présence physique s'oppose
au rattachement fictif des jours d'incapacité passés par l'employé dans
l'État de résidence à ceux de présence dans l'autre État contractant23.
Ainsi, les jours de maladie passés par l'employé dans l'État de résidence
pendant ou à la suite d'une activité exercée dans l'État source n'entre pas
dans le calcul des 183 jours.
À l'instar de Pötgens24, nous sommes d'avis qu'il convient d'adopter
une ligne claire afin d'éviter les approches divergentes entre États qui
peuvent aboutir à une double taxation ou à une double non-taxation. La
sécurité du droit et son application commandent de s'en tenir au
principe de la présence physique. Si chaque pays applique ce principe
strictement, il en résulte une saine et réciproque interprétation du test
des 183 jours en cas d'incapacité de travail.
22
Article 15(1) MC OCDE.
Frank P.G. PÖTGENS, Income from Inactivity under Article 15 of the OECD Model Tax
Convention – Part 2, BIT Novembre 2009, p. 506.
24 Décision du 17 octobre 2003, BFII/NV 2004, 161 citée in Frank P.G. PÖTGENS, Income
from Inactivity under Article 15 of the OECD Model Tax Convention – Part 1, BIT Octobre
2009, p. 435.
23
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3.3. Le travail sur appel
Dans le cadre du travail sur appel, l'employé reste inactif, à la
disposition de l'employeur dans l'attente d'exécuter une mission. Il peut
s'agir notamment de médecin, de pompiers, d'ingénieurs en informatique, etc.
Hormis la question de l'exercice de l'emploi permettant l'application
de l'article 15 (1) MC OCDE, doit-on compter les jours d'attente dans
l'État de résidence (ou dans un État tiers) dans le calcul de la période de
183 jours lorsque la mission se déroule dans l'autre État contractant?
La Cour suprême des Pays-Bas a considéré, dans le cas d'un présentateur de télévision résidant au Mexique et employé sur appel par une
société néerlandaise, que la rémunération perçue durant l'inactivité
tombait sous le coup de l'article 15 (1) MC OCDE. Cette autorité a
considéré que «l'exercice de l'activité» avait lieu dans l'État où
l'employé était physiquement présent25. Il en résulte que les jours
d'inactivité ne doivent pas être pris en compte dans le calcul de la
période de 183 jours, sauf s'ils ont lieu dans l'État source. Le principe
de la présence physique est à nouveau le seul critère déterminant26.
Pour Pötgens, le fait d'être prêt à exécuter un service à l'employeur
doit être considéré comme la fourniture d'une prestation de travail qui
entre dans le champ d'application de l'article 15 MC OCDE27. Il estime
en revanche sans importance le critère du lieu où l'employé est en
inactivité, notamment s'il a l'obligation d'être à sa place de travail28. Si
l'on peut adhérer à l'avis de cet auteur, qui analyse la notion d'exercice
d'un emploi sous l'angle de l'article 15 (1) MC OCDE, le principe de la
présence physique de l'employé durant la période d'attente reste applicable sous l'angle du test des 183 jours. Ainsi, les jours d'attente hors
de l'État source ne peuvent pas être comptés.
25 Décision du 22 décembre 2006, BNB 2007/97, citée in Frank P.G. PÖTGENS, Stand-By
Fee Taxable in Residence State under Art. 15 of the OECD Model, Europen Taxation, Février
2008, p. 86 et citée in Frank P.G. PÖTGENS, Income from Inactivity under Article 15 of the
OECD Model Tax Convention – Part 2, BIT Novembre 2009, p. 495.
26 Frank P.G. PÖTGENS, Stand-By Fee Taxable in Residence State under Art. 15 of the
OECD Model, Europen Taxation, Février 2008, p. 89.
27 Frank P.G. PÖTGENS, Income from Inactivity under Article 15 of the OECD Model Tax
Convention – Part 2, BIT Novembre 2009, p. 496.
28 Ibidem.
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3.4. Le délai de congé avec libération de l'obligation de travailler
Prenons l'hypothèse d'un employé qui travaille dans l'État source
pour le compte d'un employeur résidant de l'État de résidence ou d'un
État tiers. Son contrat de travail est résilié pendant cette période avec
un délai de congé. Si l'employé termine sa mission dans l'État source
jusqu'à l'issue du délai du congé, le critère de présence physique
implique que cette période doit être comptée dans le test des 183 jours.
En revanche, si l'employé est libéré immédiatement de l'obligation de
travailler et qu'il rentre dans l'État de résidence, l'autre État contractant
pourrait être tenté d'inclure le délai de congé dans le calcul des
183 jours estimant que cette période est en lien avec l'activité exercée
sur son territoire et que les rapports de travail perdurent en réalité
jusqu'à l'échéance du contrat.
Le Discussion Draft propose un amendement du Commentaire 2010
à propos de l'article 15 MC OCDE sur les paiements reçus au titre du
délai de congé avec libération de l'obligation de travailler («payment in
lieu of notice of termination») par l'introduction d'un nouveau paragraphe 2.6. Ce paragraphe prévoit que la rémunération reçue au titre de
délai de congé doit être rattachée à l'État dans lequel on peut raisonnablement considérer que l'employé aurait travaillé durant le délai de
congé29. Doit-on conclure que l'on doit allouer fictivement des jours de
présence dans l'État source si l'on peut considérer raisonnablement que
l'employé aurait travaillé dans cet État durant le délai de congé? Le
groupe de travail, auteur du Dicussion Draft, ne se prononce pas sur
cette question. Il semble toutefois qu'il n'entendait pas créer un jour de
présence fictif pour le calcul des 183 jours. En effet, le Discussion
Draft indique que l'État source pourrait taxer le revenu perçu au titre de
délai de congé si l'employé était présent physiquement plus 183 jours
sur son territoire, soit jusqu'à ce que l'employé se voit signifier son
congé30. Le délai de congé n'est ainsi pas inclus dans le calcul des
183 jours.
À nouveau, il convient de s'en tenir strictement au principe de la
présence physique. L'employé n'étant plus dans l'État source, le délai
de congé ne peut être compté dans le calcul des 183 jours. Cette position est la plus équilibrée et surtout la plus équitable puisqu'elle place
tous les États sur un même pied d'égalité.
29 OECD MODEL TAX CONVENTION: Tax Treaty Treatment of Termination Payments,
Discussion Draft: 25 June to 13 September 2013, p. 5; les modifications proposées par ce Discussion Draft ont été adoptées par le Comité des affaires fiscales le 26 juin 2014 et par le Conseil de
l’OCDE le 15 juillet 2014.
30 Ibidem.
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Une difficulté pourrait toutefois surgir si l'employé demeure dans
l'État source durant tout ou partie du délai de congé. Le Discussion
Draft n'indique pas s'il convient de traiter différemment l'hypothèse où
le contrat de travail a pris fin à la signification du congé (l'employé
étant libéré de toutes obligations envers son employeur, comme celles
de travailler ou de fidélité) de celle où les rapports de travail prennent
fin à l'échéance du délai de congé, le travailleur n'étant libéré que de
l'obligation de travailler.
Si la fin des rapports de travail est fixée au moment où l'employé
reçoit son congé, il n'exerce plus un emploi salarié à proprement parler
et les jours de présence physique après la fin des rapports de travail ne
peuvent être comptés dans les 183 jours. Dans la seconde hypothèse, la
situation est plus discutable. Qu'en est-il si l'employé compense des
vacances non prises durant le délai de congé? Le Commentaire 2010
dispose que les jours de vacances pris après la période d'activité
doivent être inclus dans le calcul des 183 jours31. À notre avis, l'obligation de travailler étant inexistante, l'employé n'exerce et ne peut
plus exercer d'activité à proprement parler pour l'employeur, ce qui
n'est pas le cas dans l'hypothèse du Commentaire 2010 où l'employé
peut toujours exercer une activité pour l'employeur. Ce constat vaut
également en l'absence de compensation de vacances.
La présence physique de l'employé dans l'État source pendant le
délai de congé dans le cas où les rapports de travail ne prennent fin qu'à
son échéance et que l'employé est libéré de l'obligation de travailler ne
peut pas ainsi entrer dans le calcul des 183 jours. Cette solution paraît
la plus praticable vu que l'interprétation des effets de la résiliation des
rapports de travail (moment de la fin des rapports de travail) risque de
se heurter à une interprétation divergente en se basant sur le droit
interne de chaque État en cause.
3.5. Les fractions de jour de présence physique
Le principe du jour de présence physique ne demeure toutefois pas
sans anicroche. Que se passe-t-il lorsqu'un employé se trouve le même
jour dans deux autres États contractants? Le Commentaire 2010 considère qu'une fraction de journée, même brève, pendant laquelle
l'employé est présent dans un État compte comme journée de présence
dans cet État pour le calcul de la période de 183 jours32. Dans l'hypo31 Modèle de convention fiscale concernant le revenu et la fortune de l’OCDE, version de
juillet 2010, N 5 ad art. 15, p. 270.
32 Modèle de convention fiscale concernant le revenu et la fortune de l’OCDE, version de
juillet 2010, N 5 ad art. 15, p. 270.
— 283 —
thèse d'un employé qui, pour le compte de son employeur situé dans
l'État de résidence, est détaché dans un autre État contractant (pays A)
pour une certaine période, puis quitte ce pays le jour N pour se rendre
dans un autre État contractant (pays B) et y arrive le même jour N, en
raison par exemple du décalage horaire, ledit jour N constitue un jour
de présence dans les deux États qui le prendront en compte dans le
calcul des 183 jours.
Cette situation peut aboutir à une double imposition effective si
l'employé exécute deux missions d'une durée de 182 jours sur la
même année dans deux autres États sans prendre en considération le
jour de voyage. Si les deux autres États ajoutent ce jour de voyage dans
le calcul des 183 jours, le revenu d'un jour sera taxé à deux reprises,
pour autant bien entendu que le revenu obtenu sur ce jour puisse
être rattaché aux deux missions ou difficilement distinguable parce
qu'il est payé par l'employeur formel. Même si l'on doit admettre que
ce cas risque d'être rare, il peut conduire à une double imposition effective. Or le principe de la présence physique ne permet pas d'éviter cette
double imposition, l'employé se trouvant des fractions de jour dans
chacun des deux autres États. Il n'est pas possible d'utiliser le critère de
la fraction la plus importante pour attribuer le jour en question à l'un ou
l'autre des autres États dans le cas d'un décalage horaire dans le sens
négatif.
Il s'agit d'une situation quasi-insoluble puisqu'elle nécessiterait que
les deux autres États se mettent d'accord pour éviter la double imposition, par exemple en répartissant le revenu du jour litigieux. Or
l'employé ne peut exiger une procédure amiable33 puisqu'il n'est pas un
résident des deux autres États. Il ne peut dès lors invoquer le bénéfice
d'une convention de double imposition qui lierait ces deux États34.
Pour résoudre cette problématique, il serait opportun de ne compter
que le jour d'arrivée dans l'État source puisqu'il marque en définitive
le commencement de l'activité dans cet État. Ainsi le jour de départ
vers un autre État source, constituant le jour d'arrivée dans cet
autre État – et partant le revenu afférent s'il ne peut être attribué
ou réparti entre les deux missions – ne serait imputable que dans celuici, ce qui évite toute double imposition. Cela implique toutefois
une modification du chiffre 5 du Commentaire 2010 de l'article 15
33
Article 25 MC OCDE.
Pour que la convention s’applique, l’employé doit être résident d’un des deux États
contractants, voire des deux. Il ne peut invoquer le bénéfice des conventions de double imposition conclue par l’État de résidence, respectivement avec les deux autres États contractants, ces
conventions ne permettant que de résoudre des doubles impositions entre l’État de résidence et
l’un ou l’autre des États sources.
34
— 284 —
MC OCDE35 et vu le faible risque que ce cas se présente, notamment
de ne pouvoir allouer le revenu à l'une ou l'autre des missions, cette
modification ne s'impose pas d'elle-même.
3.6. La période de 12 mois
L'article 15 (2) (a) prévoit que la ou les périodes de présence physique dans l'État source ne doivent pas excéder 183 jours durant douze
mois commençant ou se terminant durant l'année fiscale considérée.
Cette expression diffère de celle contenue dans le Modèle de
convention de 1977 qui prévoyait que la période de 183 jours ne
pouvait être dépassée «au cours de l'année fiscale considérée»36. Ce
système permettait toutefois à un employé d'être présent dans l'État
source pendant 180 jours sur la seconde moitié de l'année fiscale, puis
jusqu'à un nombre de jour équivalent la première moitié de l'année suivante sans que l'on puisse considérer une présence physique dans
l'autre État contractant de plus de 183 jours. Même si elle permettait
d'éviter des divergences lorsque les deux pays contractants n'avaient
pas la même période fiscale37, un séjour de plus de 183 jours courant
sur deux périodes fiscales ne pouvait être taxé par l'État source. La
modification de l'article 15 (2) (a) MC OCDE visait à corriger cette
situation38.
Cette période-cadre de douze mois dite «coulissante» peut être à
cheval sur deux exercices ou période fiscale39. Le premier jour ou dies
a quo de cette période-cadre est le premier jour de présence physique
de l'employé dans l'État source. Contrairement à ce que pourrait sousentendre le Commentaire 2010, il n'y a qu'un seul début de périodecadre par exercice fiscal40. Pendant ce délai-cadre, la période de
présence physique peut être continue ou discontinue41. À l'instar de
Noël42, nous sommes d'avis que la sécurité juridique du contribuable
35 Modèle de convention fiscale concernant le revenu et la fortune de l’OCDE, version de
juillet 2010, N 5 ad art. 15, p. 270.
36 Modèle de convention fiscale concernant le revenu et la fortune de l’OCDE, version de
juillet 2010, N 4 ad art. 15, p. 270.
37 Yves NOËL, Modèle de Convention fiscale OCDE concernant le revenu et la fortune,
Commentaire, éd. Danon/Gutmann/Oberson/Pistone, Bâle 2014, N 139 ad art. 15, p. 541.
38 Modèle de convention fiscale concernant le revenu et la fortune de l’OCDE, version de
juillet 2010, N 4 ad art. 15, p. 270.
39 Yves NOËL, Modèle de Convention fiscale OCDE concernant le revenu et la fortune,
Commentaire, éd. Danon/Gutmann/Oberson/Pistone, Bâle 2014, N 137 ad art. 15, p. 541.
40 Yves NOËL, Modèle de Convention fiscale OCDE concernant le revenu et la fortune,
Commentaire, éd. Danon/Gutmann/Oberson/Pistone, Bâle 2014, N 135 ad art. 15, p. 540.
41 Yves NOËL, Modèle de Convention fiscale OCDE concernant le revenu et la fortune,
Commentaire, éd. Danon/Gutmann/Oberson/Pistone, Bâle 2014, N 138 ad art. 15, p. 541.
42 Ibidem.
— 285 —
commande que l'État d'activité ne puisse pas choisir la période-cadre la
plus favorable. L'État source doit s'en tenir au premier jour de présence
physique qui fixe le point de départ du délai cadre de douze mois.
On notera que la Suisse a toutefois émis une réserve lui permettant
de maintenir dans ses conventions de double imposition le principe de
«l'année fiscale considérée»43.
3.7. Synthèse
La méthode de la présence physique de l'employé constitue le
moyen le plus correct de procéder au calcul des 183 jours. Ce principe
doit être appliqué strictement ce qui exclut l'inclusion par l’État source
de jours fictifs, même si le revenu perçu, par exemple un paiement pour
résiliation du contrat de travail avec libération de l'obligation de travailler pendant le délai de congé, peut être rattaché à l'activité exercée dans
cette État. Seuls comptent les jours de présence physique.
Le Commentaire 2010 introduit toutefois une certaine difficulté
avec la prise en compte de fraction de journée, notamment les jours
d'arrivée et de départ. La plupart du temps le jour de départ d'un État
coïncide avec celui d'arrivée dans un autre État, ce qui peut induire une
double imposition. Dans un souci de cohérence, seul le jour d'arrivée
dans l'État source devrait être inclus dans le calcul des 183 jours.
4. Le test de l'employeur
L'article 15 (2) (b) MC OCDE dispose que les rémunérations sont
payées par un employeur, ou pour le compte d'un employeur, qui n'est
pas un résident de l'État source. Cette disposition soulève diverses
questions depuis de nombreuses années, plus particulièrement sur la
notion de «l'employeur»44.
4.1. Un employeur non-résident de l'État source
L'employeur ne doit pas être résident de l'État dans lequel l'employé
exerce l'emploi salarié. Il s'agit d'une condition négative qui n'implique
pas que l'employeur soit résident de l'État de résidence de l'employé.
L'employeur peut être résident d'un État tiers45.
43 Cf. chiffre 3.1 supra; Modèle de convention fiscale concernant le revenu et la fortune de
l’OCDE, version de juillet 2010, N 19 ad art. 15, p. 286.
44 Bernard PEETERS, Article 15 of the OECD Model Convention on «Income from
Employment» and its Undefined Terms, ET 2004, p. 79; Frank P.G. PÖTGENS, Proposed Changes
to the Commentary on Art. 15(2) of the OECD Model and their Effect on the Interpretation of
“Employer” for Treaty Purposes, BIT Novembre 2007, p. 476.
45 Daniel DE VRIES REILINGH, Manuel de droit fiscal international, Berne 2012, p. 210.
— 286 —
La notion de résidence est définie par l'article 4 MC OCDE. Cette disposition étant applicable à l'intégralité du MC OCDE, il est possible de s'y
référer pour résoudre la question de l'État de résidence de l'employeur46.
Conformément à l'article 4 (1) MC OCDE, l'employeur est résident
de l'État dans lequel l'employé exerce l'emploi salarié, si selon le droit
interne de cet État il y est assujetti à l'impôt. C'est donc la législation
interne de l'État qui définira si l'employeur est résident de cet État ou
non. S'il résulte de cet exercice que l'employeur est considéré comme
résident de deux États, c'est-à-dire par l'État source (lieu de l'exercice
d'emploi salarié par l'employé) et par son État de résidence habituelle
(commun ou non à l'employé), peut-on appliquer les paragraphes 2 et 3
de l'article 4 MC OCDE? Schoueri estime que ces paragraphes sont
inapplicables à l'article 15 (2) (b) MC OCDE. Cet auteur considère que
la convention de double imposition applicable vise à éviter une double
imposition de l'employé et non de l'employeur. Il argue que la double
résidence de l'employeur n'est pas un conflit de double résidence du
contribuable, soit de l'employé. L'employeur ne peut donc se prévaloir
du bénéfice de la convention de double imposition. Il en conclut que les
paragraphes 2 et 3 de l'article 4 MC OCDE ne peuvent pas résoudre le
conflit de double résidence de l'employeur47.
Il ne fait aucun doute que l'employeur ne peut prétendre à la protection de la convention de double imposition. Il n'y a d'ailleurs aucun
intérêt puisque l'autre État contractant ne prétend pas qu'il y est assujetti. La problématique ne concerne que l'employé qui est considéré
comme soumis à un assujettissement limité dans l'autre État contractant
par l'application du droit interne et par celle de l'article 15 MC OCDE
en deuxième48. Toutefois, la question soulevée par Schoueri49 doit être
résolue d'une autre manière. En effet, l'article 4 MC OCDE constitue
avant tout la définition de la notion de «résident d'un État contractant»50 ce qui implique deux conséquences: i) cette disposition exclut
46 Luis Eduardo SCHOUERI, The Residence of the Employer in the “183-Day Clause”
(Article 15 of the OECD’s Model Double Taxation Convention, in Intertax 1993, p. 24; Daniel
DE VRIES REILINGH, Manuel de droit fiscal international, Berne 2012, p. 210.
47 Luis Eduardo SCHOUERI, The Residence of the Employer in the “183-Day Clause”
(Article 15 of the OECD’s Model Double Taxation Convention, in Intertax 1993, pp. 26 et 27.
48 On notera que si l’État source considère l’employeur comme résident selon son droit
interne, il devrait le traiter comme un assujetti illimité. L’employeur peut ainsi demander le bénéfice de la convention de double imposition applicable. Il peut s’agir du même traité applicable
dans le cas de l’employé ou un autre. Cela n’a d’ailleurs peu d’importance puisqu’il s’agit d’un
autre cas d’application d’un traité de double imposition qui ne saurait être confondu avec la
convention applicable à la problématique de l’employé.
49 Luis Eduardo SCHOUERI, The Residence of the Employer in the “183-Day Clause”
(Article 15 of the OECD’s Model Double Taxation Convention, in Intertax 1993, p. 24.
50 Modèle de convention fiscale concernant le revenu et la fortune de l’OCDE, version de
juillet 2010, N 8 ad art. 4, p. 91.
— 287 —
l'application de l'article 3 (2) MC OCDE qui aurait autorisé une
interprétation différente de cette notion et ii) cet article s'applique à
l'ensemble de la convention, l'article 4 commençant par «au sens de
la présente convention». On comprend dès lors mal pourquoi les
paragraphes 2 et 3 de cet article devraient être inapplicables à
l'article 15 (2) (b) MC OCDE ceux-ci faisant directement référence aux
dispositions du premier paragraphe.
Ce constat s'impose d'autant plus que l'article 31 de la Convention
de Vienne sur le droit des traités (ci-après: «CVDT») prévoit qu'un
«traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet
et de son but». Si les parties se sont accordées sur une définition d'un
terme et d'une méthode de résolution de conflit d'interprétation, il n'y a
pas de raisons de s'en écarter.
Un autre argument corrobore cette conclusion: si l'employeur,
résident du même État que l'employé, est considéré comme résident de
l'autre État contractant au sens de l'article 15 (2) (b) MC OCDE, il
devient logiquement assujetti de manière illimitée de cet autre État51.
Or l'employeur, dans le cadre de son propre assujettissement, pourrait
demander le bénéfice du traité de double imposition et de l'application
de l'intégralité de l'article 4 MC OCDE. Si l'application des paragraphes 2 et 3 de cette disposition, déniée dans le cas de l'employé qui
se prévalait de l'article 15 (2) MC OCDE, conduit à considérer
l'employeur comme non-résident de l'État source, on aboutirait à un
résultat contradictoire qui n'est pas acceptable au sens d'une application
uniforme du traité et de la sécurité du droit.
La résidence de l'employeur est donc déterminée conformément à
l'ensemble de la convention de double imposition, y compris des «tiebreaker-rules» de l'article 4 (2) et (3) MC OCDE52.
4.2. La notion d'employeur
4.2.1. Introduction
Le terme employeur mentionné à la lettre b du second paragraphe
de l'article 15 MC OCDE est une notion qui n'est pas définie dans le
Modèle de convention de l'OCDE. L'application de cette disposition est
51
Cf. note 47 ci-dessus.
Du même avis: Yves NOËL, Modèle de Convention fiscale OCDE concernant le revenu
et la fortune, Commentaire, éd. Danon/Gutmann/Oberson/Pistone, Bâle 2014, N 147 ad art. 15,
p. 543.
52
— 288 —
marquée par un manque considérable de clarté et une situation juridique incertaine53.
L'OCDE s'est préoccupée dès 1985 de l'interprétation de la
notion d'employeur, notamment dans son rapport sur «Taxation Issues
Relating to the International Hiring-out of Labour»54. A la suite de ce
rapport, le Commentaire de Modèle de convention a été modifié en
1992 avec l'introduction de critères permettant de distinguer
«l'employeur réel» de «l'employeur formel»55. Toutefois, ces modifications ne concernaient que la location internationale de personnel56.
Malgré ces modifications, une certaine incertitude demeurait et de
nombreux pays ont opté pour une approche économique de la notion
d'employeur même sans l'existence d'une structure abusive. Cette
approche n'était pourtant préconisée par le Commentaire 1992 qu’en
présence d'une telle structure. Toutefois la notion d'abus n'était pas
suffisamment définie, ouvrant la voie à des interprétations divergente
et une insécurité juridique57.
La situation demeurant insatisfaisante, l'OCDE a établi un premier
projet de discussion avec pour objectif de clarifier «la clause du monteur». Les propositions de modification ont toutefois fait l'objet de
controverses et n'ont pas été incluses dans la version 2008 du Modèle
de convention et son Commentaire. Ce n'est que dans la version 2010
que ces modifications ont été intégrées dans le Commentaire58.
53 Bernard PEETERS, Article 15 of the OECD Model Convention on «Income from
Employment» and its Undefined Terms, ET 2004, p. 72; Eva BURGSTALLER, “Employer” Issues
in Article 15(2) of the OECD Model Convention – Proposal to Amend the OECD Commentary
in Intertax 2005, pp. 123 et 124.
54 International hiring-out of labour, Taxation issues relating to the international hiring-out
of labour in Trends in International Taxation, OCDE, Paris 1985; Eva BURGSTALLER,
“Employer” Issues in Article 15(2) of the OECD Model Convention – Proposal to Amend the
OECD Commentary in Intertax 2005, p. 124; Walter ANDREONI, Update to the Commentary on
Article 15 of the OECD Model – Thoughts on the Interpretation of the Term “employer” for
Treaty Purposes in The 2010 OECD Updates – Model Tax Convention & Transfer Pricing
Guidelines, A Critical Review, éd. Denis Weber et Stef van Weeghel, 2011, p. 116.
55 Eva BURGSTALLER, “Employer” Issues in Article 15(2) of the OECD Model
Convention – Proposal to Amend the OECD Commentary in Intertax 2005, p. 124; Robert
DANON, La notion d’employeur au sens de l’article 15(2)(b) MC OCDE in IFF Forum for Steuerrecht 2012, p. 87.
56 Eva BURGSTALLER, “Employer” Issues in Article 15(2) of the OECD Model
Convention – Proposal to Amend the OECD Commentary in Intertax 2005, p. 124.
57 Frank P.G. PÖTGENS, Some Selected Interpretation and qualification Issues with
Respect to Article 15(2)(b) and (c) of the OECD Model in The 2010 OECD Updates – Model
Tax Convention & Transfer Pricing Guidelines, A Critical Review, éd. Denis Weber et Stef van
Weeghel, 2011, p. 126.
58 Walter ANDREONI, Update to the Commentary on Article 15 of the OECD Model –
Thoughts on the Interpretation of the Term “employer” for Treaty Purposes in The 2010 OECD
Updates – Model Tax Convention & Transfer Pricing Guidelines, A Critical Review, éd. Denis
Weber et Stef van Weeghel, 2011, p. 116.
— 289 —
4.2.2. La solution adoptée par le Commentaire 2010
Le Groupe de travail de l'OCDE a proposé deux approches. La première reposait sur une notion de l'employeur fondée sur le droit interne
de l'État source, mais qui devait respecter des critères autonomes. La
seconde consistait en une interprétation autonome de l'article 15 (2)
MC OCDE. L'objectif était d'éviter que la notion d'employeur, telle que
définie par la législation interne de l'État source, conduise à l'application de cette disposition dans des cas non-voulus, par exemple lorsque
«les services fournis par le salarié sont plus intégrés dans les activités
d'une entreprise exploitée par un résident que dans celles de son
employeur au sens formel»59.
Seule la première démarche a été finalement insérée dans le Commentaire 201060: la notion d'employeur est déterminée conformément
au droit interne de l'État source et son résultat, soit l'application ou non
de «la clause du monteur», étant imposée à l'État de résidence. Ce dernier devra ainsi éliminer la double imposition par le mécanisme des
articles 23 A ou B MC OCDE si l'État source écarte l'application de
l'article 15 (2) (b) MC OCDE61. S'il l'admet, l'État de résidence doit
accepter que le revenu ne soit pas imposable dans l'État source même
s'il parvient à la solution inverse62. En d'autres termes, l'État de résidence doit s'aligner sur la conception de l'État source. S'il conteste cette
conception, il doit recourir à la procédure amiable prévue par
l'article 25 (1) MC OCDE63.
Les nouveaux commentaires induisent toutefois une distinction
selon que l'État source consacre dans son droit interne une définition
formelle ou matérielle («substance over form» ou «primauté du fond
sur la forme») de la relation d'emploi64.
59 Robert DANON, La notion d’employeur au sens de l’article 15(2)(b) MC OCDE in IFF
Forum for Steuerrecht 2012, p. 89 qui cite Frank P.G. PÖTGENS, Proposed Changes to the Commentary on Art. 15(2) of the OECD Model and their Effect on the Interpretation of “Employer”
for Treaty Purposes, BIT Novembre 2007, pp. 479 et 480.
60 Modèle de convention fiscale concernant le revenu et la fortune de l’OCDE, version de
juillet 2010, N 8.2, 8.4, 8.7 et 8.11 ad art. 15, pp. 273 à 276.
61 Modèle de convention fiscale concernant le revenu et la fortune de l’OCDE, version de
juillet 2010, N 8.10 ad art. 15, p. 275.
62 Robert DANON, La notion d’employeur au sens de l’article 15(2)(b) MC OCDE in IFF
Forum for Steuerrecht 2012, p. 89; Kasper DZIURDZ, Article 15 of the OECD Model: The 183day Rule and the Meaning of “Employer” in BTR 2013, pp. 98 et 99.
63 Modèle de convention fiscale concernant le revenu et la fortune de l’OCDE, version de
juillet 2010, N 8.10 ad art. 15, p. 275.
64 Modèle de convention fiscale concernant le revenu et la fortune de l’OCDE, version de
juillet 2010, N 8.2, 8.4, 8.5 et 8.6 ad art. 15, pp. 273 et 274; Robert DANON, La notion
d’employeur au sens de l’article 15(2)(b) MC OCDE in IFF Forum for Steuerrecht 2012, p. 90;
Frank P.G. PÖTGENS, Some Selected Interpretation and qualification Issues with Respect to
Article 15(2)(b) and (c) of the OECD Model in The 2010 OECD Updates – Model Tax Convention & Transfer Pricing Guidelines, A Critical Review, éd. Denis Weber et Stef van Weeghel,
2011, p. 128.
— 290 —
4.2.2.1. Les notions de relation d'emploi et d'employeur
Avant d'aborder cette distinction définie par les nouveaux commentaires, il convient de s'arrêter sur le lien entre la notion de relation
d'emploi et celle d'employeur.
L'article 15 (2) (b) MC OCDE mentionne la notion d'employeur et
non celle de relation d'emploi. En revanche, l'article 15 (1) MC OCDE
n'est applicable qu'en présence d'une relation d'emploi. Or la clause du
monteur n’entre en ligne de compte que si le revenu concerné entre
dans le champ d'application du premier paragraphe de l'article 15
MC OCDE.
Les nouveaux commentaires ne font référence qu'à la notion de relation d'emploi pour définir la notion d'employeur65. Pötgens part de
l'hypothèse que les nouveaux commentaires numéros 8.2 et 8.3 citent
la notion de relation d'emploi à l'attention des États qui suivent une
définition formelle de la notion d'employeur. Il fonde cette hypothèse
sur une interprétation systématique et historique du Commentaire 2010
et sur le fait que seul l'article 15 (1) MC OCDE est concerné par la
notion de relation d'emploi66.
Pötgens estime toutefois, à juste titre, que les notions de relation
d'emploi et d'employeur sont intimement liées67. En effet, la relation
d'emploi lie par définition un employé et un employeur. Les critères qui
permettent de définir la relation d'emploi sont souvent identiques à
ceux qui conduisent à identifier l'employé et surtout l'employeur68. On
ne peut donc interpréter la notion d'employeur sans tenir compte de
celle de relation d'emploi. Le premier commentaire de l'article 15 MC
OCDE oblige à raisonner dans ce sens en renvoyant aux paragraphes 8.1 et suivants lorsqu'il est difficile de déterminer si le service
rendu est dans le cadre d'une relation d'emploi69. En d'autres termes, la
notion d'employeur de l'article 15 (2) MC OCDE ne peut être élucidé
65 Modèle de convention fiscale concernant le revenu et la fortune de l’OCDE, version de
juillet 2010, N 8.1 ss ad art. 15, pp. 273 ss.
66 Frank P.G. PÖTGENS, Some Selected Interpretation and qualification Issues with
Respect to Article 15(2)(b) and (c) of the OECD Model in The 2010 OECD Updates – Model
Tax Convention & Transfer Pricing Guidelines, A Critical Review, éd. Denis Weber et Stef van
Weeghel, 2011, p. 129, spéc. note de bas de page numéro 10.
67 Frank P.G. PÖTGENS, Some Selected Interpretation and qualification Issues with
Respect to Article 15(2)(b) and (c) of the OECD Model in The 2010 OECD Updates – Model
Tax Convention & Transfer Pricing Guidelines, A Critical Review, éd. Denis Weber et Stef van
Weeghel, 2011, p. 128.
68 Kasper DZIURDZ, Article 15 of the OECD Model: The 183-day Rule and the Meaning
of “Employer” in BTR 2013, p. 98.
69 Modèle de convention fiscale concernant le revenu et la fortune de l’OCDE, version de
juillet 2010, N 1 ad art. 15, p. 269; du même avis: Kasper DZIURDZ, Article 15 of the OECD
Model: The 183-day Rule and the Meaning of “Employer” in BTR 2013, p. 98.
— 291 —
qu'à la lumière de la notion de relation d'emploi, condition d'application
de l'article 15 MC OCDE dans son ensemble.
En d'autres termes, il convient dans un premier temps de définir s'il
existe une relation d'emploi, puis d'identifier l'employeur. La notion de
relation d'emploi n'étant pas définie dans le MC OCDE, l'article 3 (2)
MC OCDE est applicable. Cette disposition prévoit, pour l'application de
la convention, à moins que le contexte exige une interprétation différente, qu'il faut se référer au sens qu'attribue la loi fiscale interne de l'État
contractant concerné, sens qui prévaut sur celui des autres branches du
droit de cet État70. Ainsi le concept d'emploi salarié tel que défini dans
le droit interne de l'État source est déterminant71, sous réserve de la
limite décrite au paragraphe 8.11 du Commentaire 2010 et si le contexte
d'une convention particulière n'exige une autre interprétation72.
Si la loi interne applicable utilise tant la notion d'emploi salarié et
d'employeur, l'employeur est déterminé en même temps que l'emploi
salarié, vu que les critères se recoupent comme exposé ci-dessus73. Que
se passe-t-il si le droit interne de l'État prévoit une définition large de
la notion d'employeur ou ne définit simplement pas celle-ci? Divers
auteurs suggèrent que l'article 3 (2) MC OCDE n'est pas applicable en
raison de la proximité des notions d'emploi salarié et d'employeur. Ils
estiment que l'exception contenue dans l'article 3 (2) MC OCDE
s'applique, c'est-à-dire que «le contexte requiert une interprétation différente» que celle donnée par le droit interne de l'État contractant74.
Ainsi la notion d'employeur serait déterminée par référence au concept
d'emploi salarié, ce qui éliminerait la problématique d'une définition
trop large ou inexistante du terme «employeur»75.
Ainsi que le propose Dziurdz, cette approche doit être approuvée
pour des raisons historiques et systématiques. Cet auteur se réfère aux
différents rapports du Comité fiscal de l'Organisation européenne de
coopération économique (OECE). Même si le premier rapport men70
Article 3(2) MC OCDE.
Kasper DZIURDZ, Article 15 of the OECD Model: The 183-day Rule and the Meaning
of “Employer” in BTR 2013, p. 99.
72 Modèle de convention fiscale concernant le revenu et la fortune de l’OCDE, version de
juillet 2010, N 8.4 ad art. 15, p. 274.
73 Cf. chiffre 4.2.2.1 et note de bas de page numéro 68.
74 Kasper DZIURDZ, Article 15 of the OECD Model: The 183-day Rule and the Meaning
of “Employer” in BTR 2013, p. 99; Luc DE BROE, John AVERY JONES, Maarten ELLIS, Kee VAN
RAAD, Jean-Pierre LE GALL, Henri TORRIONE, Richard VANN, Toshio MIYATAKE, Sidney
ROBERTS, Stanford GOLDBERG, Jakob STROBL, Juergen KILIUS, Guglielmo MAISTO, Federico
GIULANI, David WARD, Bertil WIMAN, Interpretation of Article 15(2)(b) of the OECD Model
Coneention: “Remuneration Paid by, or on Behalf of, an Employer Who is not a Resident of the
Other State” in Bulletin – Tax Treaty Monitor, October 2000, IFBD, p. 507.
75 Kasper DZIURDZ, Article 15 of the OECD Model: The 183-day Rule and the Meaning
of “Employer” in BTR 2013, p. 99.
71
— 292 —
tionnait la notion d'employeur, le second rapport propose la rédaction
suivante de la lettre b de la clause du monteur: «the remuneration for
the services is paid by or on behalf of a person who is not a resident of
that other state»76. Lorsqu'ultérieurement, le groupe de travail a
remplacé le terme «personne» par «employeur» aucune explication
spécifique n'accompagnait ce changement, notamment si le but était
d'en modifier le sens. On peut en déduire que les rédacteurs des
commentaires n'attachaient pas principalement une importance à la
notion d'employeur, mais à celle de relation d'emploi. Par ailleurs, les
paragraphes 8.1 et suivants du Commentaire 2010 font référence à la
notion de «relation d'emploi» et non à celle d'employeur77.
L'analyse systématique de l'article 15 MC OCDE aboutit à une
conclusion identique. Le troisième paragraphe de cette disposition78
mentionne le terme «entreprise» et non celui d'employeur79. Or l'entreprise visée par ce paragraphe est la partie à la relation d'emploi salarié,
autre que l'employé, soit l'employeur.
4.2.2.2. La définition formelle de la relation d'emploi
Cette approche vise la situation où le droit interne de l'État source
prévoit une définition formelle de la relation d'emploi salarié. Est
reconnue comme employeur au sens fiscal, la personne qui possède
cette qualité selon le droit civil de cet État80. Selon cette conception,
l'État source n'est pas habilité à remettre en question la définition formelle donnée par son droit interne et requalifier la relation d'emploi
salarié81.
76 Kasper DZIURDZ, Article 15 of the OECD Model: The 183-day Rule and the Meaning
of “Employer” in BTR 2013, pp. 99 et 100; OEEC, Working party No. 10 of the Fiscal Committee (Sweden), Report on the taxation of profits or remuneration in respect of dependent and
independent personal services du 11 septembre 1957, FC/WP10(57)1 et Second report on the
taxation of profits or remuneration in respect of dependent and independent personal services du
31 janvier 1958, FC/WP10 (58)1, consultable sur le site Internet www.taxtreatieshistory.org.
77 Modèle de convention fiscale concernant le revenu et la fortune de l’OCDE, version de
juillet 2010, N 8.1 ss ad art. 15, pp. 273 ss.
78 Article 15(3) MC OCDE.
79 Kasper DZIURDZ, Article 15 of the OECD Model: The 183-day Rule and the Meaning
of “Employer” in BTR 2013, p. 99.
80 Robert DANON, La notion d’employeur au sens de l’article 15(2)(b) MC OCDE in IFF
Forum for Steuerrecht 2012, p. 90; Walter ANDREONI, Update to the Commentary on Article 15
of the OECD Model – Thoughts on the Interpretation of the Term “employer” for Treaty
Purposes in The 2010 OECD Updates – Model Tax Convention & Transfer Pricing Guidelines,
A Critical Review, éd. Denis Weber et Stef van Weeghel, 2011, p. 119.
81 Robert DANON, La notion d’employeur au sens de l’article 15(2)(b) MC OCDE in IFF
Forum for Steuerrecht 2012, p. 90.
— 293 —
Si l'État source craint des situations abusives, les nouveaux commentaires suggèrent d'intégrer bilatéralement une disposition complémentaire à l'article 15 MC OCDE, calquée sur le modèle suivant82:
«Le paragraphe 2 du présent article ne s'applique pas aux rémunérations
reçues par un résident d'un État contractant au titre d'un emploi salarié exercé
dans l'autre État contractant et payées par un employeur, ou pour le compte
d'un employeur, qui n'est pas un résident de l'autre État si:
a) le bénéficiaire fournit des services, dans le cadre de cet emploi, à une
personne autre que l'employeur et cette personne, directement ou indirectement, supervise, dirige ou contrôle la manière dont ces prestations de services
sont exécutées; et
b) ces services font partie intégrante des activités d'entreprise exercées par
cette personne».
Si les deux conditions (a et b) sont remplies, l'application de
l'article 15 (2) peut être déniée par l'État source. Cette clause permet en
définitive une définition autonome de la notion d'employeur par l'État
source indépendamment de la définition formelle donnée par sa législation interne en cas d'abus83. Si cette clause de «sauvegarde» est la
bienvenue, elle présente toutefois certains inconvénients, voire risques.
En premier lieu, cette clause n'est valable que pour des pays dont la
juridiction consacre une définition formelle de l'employeur. Elle ne
peut dès lors être introduite que si les deux pays signataires d'une
convention de double imposition sur le MC OCDE suivent cette
approche84.
Si l'un des deux États suit la méthode de la primauté du fond sur la
forme pour définir la relation d'emploi, la clause risque de limiter sa
marge de manœuvre dans l'interprétation de la notion d'employeur,
puisqu'il ne pourrait recourir à une définition autonome qu'en cas
d'abus, alors que sa législation interne prévoit justement une définition
autonome de cette notion.
Deuxièmement, l'État source pourrait utiliser cette clause de sauvegarde selon une large interprétation et aboutisse à des situations non
voulues. On s'écarterait ainsi du but même de cette clause de sauvegarde qui devrait viser avant tout la location internationale de ser82 Modèle de convention fiscale concernant le revenu et la fortune de l’OCDE, version de
juillet 2010, N 8.3 ad art. 15, pp. 273 et 274.
83 Modèle de convention fiscale concernant le revenu et la fortune de l’OCDE, version de
juillet 2010, N 8.2 et 8.3 ad art. 15, pp. 273 et 274.
84 Walter ANDREONI, Update to the Commentary on Article 15 of the OECD Model –
Thoughts on the Interpretation of the Term “employer” for Treaty Purposes in The 2010 OECD
Updates – Model Tax Convention & Transfer Pricing Guidelines, A Critical Review, éd. Denis
Weber et Stef van Weeghel, 2011, p. 121.
— 294 —
vices85. Ainsi que Pötgens le relève, le Commentaire 2010 ne fournit ni
définition de la notion de location de service et ni ne restreint les cas
d'abus à la location internationale de mains-d'œuvre86. Il en résulte une
nouvelle voie à des incertitudes que les nouveaux commentaires cherchaient justement à limiter.
Enfin, on peut se demander si l'introduction d'une telle clause est
vraiment utile compte tenu du principe directeur général tiré des commentaires de l'article 1 MC OCDE. En effet, l'État source reste fondé à
se prévaloir de ce principe en présence d'un abus qui lui permet également d'écarter l'application de l'article 15 (2) (b) MC OCDE 87.
Il paraît dès lors plus recommandable d'éviter d'insérer une telle
clause sauf si les deux États contractants suivent une approche formelle
et ont une définition similaire de la notion d'emploi salarié88.
4.2.2.3. La définition matérielle de la relation d'emploi
Il s'agit de l'hypothèse où la législation de l'État source prévoit une
définition matérielle de la relation d'emploi, qui s'écarte de la définition
formelle du droit civil («substance over form»). Le contrat formellement signé par les parties est ignoré, notamment la manière dont les
services rendus sont qualifiés89.
Ainsi, le droit interne pertinent de l'État source peut privilégier la
nature des services fournis par l'individu et leur intégration à l'activité
de l'entreprise qui acquiert les services pour conclure qu'il existe une
relation d'emploi salarié entre l'individu et cette entreprise90.
85 Frank P.G. PÖTGENS, Some Selected Interpretation and qualification Issues with
Respect to Article 15(2)(b) and (c) of the OECD Model in The 2010 OECD Updates – Model
Tax Convention & Transfer Pricing Guidelines, A Critical Review, éd. Denis Weber et Stef van
Weeghel, 2011, p. 129.
86 Ibidem.
87 Modèle de convention fiscale concernant le revenu et la fortune de l’OCDE, version de
juillet 2010, N 9.4 et 9.5 ad art. 1, p. 65 et N 8.8 ad art. 15, p. 275; Robert DANON, La notion
d’employeur au sens de l’article 15(2)(b) MC OCDE in IFF Forum for Steuerrecht 2012, p. 90;
Walter ANDREONI, Update to the Commentary on Article 15 of the OECD Model – Thoughts on
the Interpretation of the Term “employer” for Treaty Purposes in The 2010 OECD Updates –
Model Tax Convention & Transfer Pricing Guidelines, A Critical Review, éd. Denis Weber et
Stef van Weeghel, 2011, p. 121.
88 cf. chiffre 4.2.2.1 supra.
89 Modèle de convention fiscale concernant le revenu et la fortune de l’OCDE, version de
juillet 2010, N 8.3 ad art. 15, pp. 273 et 274; Frank P.G. PÖTGENS, Some Selected Interpretation
and qualification Issues with Respect to Article 15(2)(b) and (c) of the OECD Model in The 2010
OECD Updates – Model Tax Convention & Transfer Pricing Guidelines, A Critical Review,
éd. Denis Weber et Stef van Weeghel, 2011, p. 130.
90 Modèle de convention fiscale concernant le revenu et la fortune de l’OCDE, version de
juillet 2010, N 8.6 ad art. 15, p. 274.
— 295 —
La qualification opérée par l'État source de la relation d'emploi doit
toutefois rester compatible avec des critères objectifs (nommés également «autonomes») énoncé par le MC OCDE91. L'État source ne peut
ainsi écarter l'application de l'article 15 (2) MC OCDE en se fondant
sur une définition large de la notion d'emploi salarié.
Selon les nouveaux commentaires, le facteur le plus important est la
nature des services fournis par l'individu. On parle de critère d'intégration92, soit de déterminer si les services rendus par l'individu font partie
intégrante des activités de l'entreprise à laquelle les services sont fournis93. À cette fin, le facteur essentiel sera la détermination de l'entreprise qui assume la responsabilité ou les risques des résultats obtenus
du fait du travail de l'individu94.
Lorsque la relation d'emploi salarié, ainsi déterminée, diffère de la
relation contractuelle formelle, les nouveaux commentaires proposent
des critères pour vérifier si c'est réellement le cas95. Ces critères sont
les suivants96:
a. qui est habilité à donner au salarié des instructions sur la manière
dont les travaux doivent être effectués;
b. qui contrôle le lieu où le travail est effectué et qui en a la responsabilité;
c. la rémunération de l'individu est directement facturée par
l'employeur formel à l'entreprise à laquelle les services sont fournis;
d. qui met à la disposition du salarié le matériel et l'outillage nécessaires à l'exécution du travail;
e. qui détermine le nombre des salariés effectuant le travail et les
compétences requises de ceux-ci;
f. qui a le droit de choisir l'individu qui exécutera le travail et de
mettre fin aux relations contractuelles qui seront engagées avec cet
individu pour ce travail;
91 Modèle de convention fiscale concernant le revenu et la fortune de l’OCDE, version de
juillet 2010, N 8.11 ad art. 15, p. 275; Robert DANON, La notion d’employeur au sens de l’article
15(2)(b) MC OCDE in IFF Forum for Steuerrecht 2012, p. 91; Frank P.G. PÖTGENS, Some Selected Interpretation and qualification Issues with Respect to Article 15(2)(b) and (c) of the OECD
Model in The 2010 OECD Updates – Model Tax Convention & Transfer Pricing Guidelines, A
Critical Review, éd. Denis Weber et Stef van Weeghel, 2011, p. 130.
92 Robert DANON, La notion d’employeur au sens de l’article 15(2)(b) MC OCDE in IFF
Forum for Steuerrecht 2012, p. 91.
93 Modèle de convention fiscale concernant le revenu et la fortune de l’OCDE, version de
juillet 2010, N 8.13 ad art. 15, p. 276.
94 Ibidem.
95 Modèle de convention fiscale concernant le revenu et la fortune de l’OCDE, version de
juillet 2010, N 8.14 ad art. 15, p. 276.
96 Modèle de convention fiscale concernant le revenu et la fortune de l’OCDE, version de
juillet 2010, N 8.14 ad art. 15, pp. 276 et 277.
— 296 —
g. qui a le droit d'imposer des sanctions disciplinaires liées au travail
de cet individu;
h. qui détermine les congés et l'horaire de travail de cet individu.
Ces critères autonomes sont complétés par six exemples concrets
que l'on peut distinguer selon que la prestation de service est fournie au
sein d'un groupe (4.2.2.3.1.) ou entre tiers (4.2.2.3.2.).
4.2.2.3.1. Prestations de service au sein du groupe
Il s'agit des exemples 2, 3 et 6 du Commentaire 201097. Le premier
de ces exemples concerne Cco, société résidente de l'État C. Elle
dispose d'une filiale, Dco, résidente de l'État D. Cco a élaboré une
nouvelle stratégie mondiale de commercialisation des produits du
groupe. Afin que cette stratégie soit bien implémentée dans sa filiale,
Cco envoie X, un de ses salariés ayant œuvré à l'élaboration de dite
stratégie, travailler au siège de Dco pendant quatre mois98.
Le Commentaire 2010 considère que les services rendus par X font
partie intégrante des activités de Cco qui comprend la gestion de la
commercialisation mondiale des produits du groupe. Cco est donc
considérée comme l'employeur de X. Sous réserve des autres conditions de l'article 15 (2) MC OCDE, le revenu de X est imposable exclusivement dans l'État C99.
Le second exemple traite d'une multinationale qui possède et
exploite des hôtels au niveau mondial par l'intermédiaire de filiales.
Une de ses filiales dans l'État E, Eco, détient et gère un hôtel. Fco, une
autre filiale dans l'État F, détient et gère un autre hôtel. X est salarié de
Eco et travaille dans l'hôtel géré par cette filiale. Fco manque
d'employés ayant des compétences en langues étrangères. Pour ce
motif, X est affecté à la réception de l'hôtel de cette filiale pendant
5 mois. X reste formellement l'employé d'Eco qui continue à lui verser
son salaire, Fco payant ses frais de déplacements. Fco verse à Eco des
honoraires de gestion calculés en fonction de la rémunération de X, ses
cotisations sociales et les avantages accessoires pendant la période
concernée100.
97 Modèle de convention fiscale concernant le revenu et la fortune de l’OCDE, version de
juillet 2010, N 8.18, 8.20 et 8. 26 ad art. 15, pp. 278 à 280.
98 Modèle de convention fiscale concernant le revenu et la fortune de l’OCDE, version de
juillet 2010, N 8.18 ad art. 15, p. 278.
99 Modèle de convention fiscale concernant le revenu et la fortune de l’OCDE, version de
juillet 2010, N 8.19 ad art. 15, p. 278.
100 Modèle de convention fiscale concernant le revenu et la fortune de l’OCDE, version de
juillet 2010, N 8.20 ad art. 15, p. 278.
— 297 —
Le Commentaire 2010 estime que le travail de X à la réception de
l'hôtel de la filiale Fco fait partie intégrante des activités de gestion de
cet établissement plutôt que des activités d'Eco. Selon l'approche des
nouveaux commentaires, l'État F devrait logiquement considérer Fco
comme l'employeur de X si en vertu de son droit interne les services de
ce dernier sont considérés comme une relation d'emploi salarié avec
Fco. Par conséquent, l'exception de l'article 15 (2) MC OCDE ne
devrait pas s'appliquer101.
Le troisième exemple traite d'un groupe multinational qui dispose
de deux filiales, Kco et Lco, résidentes respectivement des États K et
L. Les activités de ce groupe sont organisées selon des critères fonctionnels ce qui implique que les salariés des différentes sociétés de la
multinationale coopèrent sous la supervision de dirigeants qui se
trouvent dans différents États et sont employés par d'autres sociétés du
groupe. X est résidente de l'État K et employée de la société Kco. Elle
occupe la fonction de directrice de la gestion des ressources humaines
au sein du groupe multinational. La rémunération de X est supportée
par Kco, cette société faisant office de centre de coûts pour la gestion
des ressources humaines. Périodiquement, ces coûts sont facturés à
chacune des sociétés en fonction d'une formule déterminée. X doit fréquemment se rendre dans les sociétés du groupe et elle a dû passer trois
mois dans l'État L pour régler des problèmes de gestion de ressources
humaines de la société Lco102.
Il n'est pas rare qu'une société d'un groupe soit chargée d'une activité
particulière pour l'entier de la multinationale, comme le service juridique, financier, stratégique, marketing, etc. L'activité déployée par X
fait partie intégrante des tâches de Kco qui s'occupent des ressources
humaines pour tout le groupe. Dans ce cas, l'exception de l'article 15
(2) MC OCDE doit donc s'appliquer à l'activité que X a exercée dans
l'État L, sous réserve que les autres conditions de cette exception soient
réalisées103.
101 Modèle de convention fiscale concernant le revenu et la fortune de l’OCDE, version de
juillet 2010, N 8.21 ad art. 15, p. 278.
102 Modèle de convention fiscale concernant le revenu et la fortune de l’OCDE, version de
juillet 2010, N 8.26 ad art. 15, pp. 279 et 280.
103 Modèle de convention fiscale concernant le revenu et la fortune de l’OCDE, version de
juillet 2010, N 8.27 ad art. 15, p. 280.
— 298 —
4.2.2.3.2. Prestation de service entre tiers
Il s'agit des exemples 1, 4 et 5 du Commentaire 2010104. Le premier
exemple cité par les nouveaux commentaires est le cas d'une société
Aco, résidente de l'État A, qui conclut un contrat avec la société Bco,
résidente de l'État B, pour la fourniture de services de formation à l'utilisation de différents logiciels. Bco souhaite faire former son personnel
à des logiciels dont elle a récemment fait l'acquisition. X est résident de
l'État A et salarié de Aco. Il est envoyé dans l'État B, dans les locaux de
Bco, pour dispenser les formations dans le cadre de ce contrat105.
X est le salarié au sens formel de Aco et les services qu'il fournit
font partie intégrante des activités de cette société. Dès lors, l'exception
de l'article 15 (2) MC OCDE est applicable si les autres conditions sont
remplies106.
Le second exemple concerne une société Gco résidente de l'État G
dont l'activité est de fournir, pour une période temporaire, du personnel
hautement spécialisé à des entreprises tierces. Hco, société résidente
dans l'État H, fournit des services d'ingénieries sur des chantiers de
construction. Pour exécuter l'un de ses contrats dans l'État H, Hco a
besoin d'un ingénieur pendant une période de 5 mois. Cette société
contacte Gco à cet effet. Gco engage X par un contrat de travail d'une
durée de 5 mois. Par contrat séparé entre les deux sociétés, Gco
s'engage à fournir les services de X à Hco. Le contrat stipule que la
rémunération, les charges sociales, les frais de déplacement et les
autres avantages accessoires sont payés par Gco107.
Par leur nature, les services fournis par X ne font pas partie intégrante de l'activité de son employeur formel. En revanche, ces services
font partie intégrante des activités de Hco, société d'ingénierie.
L'État H pourrait ainsi considérer que l'exception de l'article 15 (2)
MC OCDE ne s'applique pas au cas de X pour les services qu'il fournit
sur son territoire à la société Hco108.
Le dernier exemple porte sur une société Ico résidente de l'État I.
Cette société est spécialisée dans la fourniture de services d'ingénierie.
Une autre société, Jco résidente dans l'État J et active également dans
104 Modèle de convention fiscale concernant le revenu et la fortune de l’OCDE, version de
juillet 2010, N 8.16, 8.22 et 8. 24 ad art. 15, pp. 277 à 279.
105 Modèle de convention fiscale concernant le revenu et la fortune de l’OCDE, version de
juillet 2010, N 8.16 ad art. 15, p. 277.
106 Modèle de convention fiscale concernant le revenu et la fortune de l’OCDE, version de
juillet 2010, N 8.17 ad art. 15, pp. 277 et 278.
107 Modèle de convention fiscale concernant le revenu et la fortune de l’OCDE, version de
juillet 2010, N 8.22 ad art. 15, pp. 278 et 279.
108 Modèle de convention fiscale concernant le revenu et la fortune de l’OCDE, version de
juillet 2010, N 8.23 ad art. 15, p. 279.
— 299 —
les services d'ingénierie, a besoin d'un ingénieur sur un chantier dans
l'État J. Elle conclut un contrat avec la société Ico pour la fourniture
d'un ingénieur pendant 4 mois. Cette dernière détache un de ses
employés ingénieur dans l'État I auprès de la société Jco. Cette société
paie à Ico une rémunération équivalente au salaire de l'ingénieur, augmentée des charges sociales, des frais de déplacements, des autres
avantages accessoires de cet ingénieur et d'une commission de 5%.
L'ingénieur travaillera sous la supervision et le contrôle directs d'un des
ingénieurs en chef de Jco. Cette société accepte également d'indemniser Ico pour toutes réclamations éventuelles concernant le travail de cet
ingénieur pendant les 4 mois109.
Dans ce cas, même si les activités des deux sociétés sont identiques,
l'ingénieur de Ico travaille sur un chantier dans l'État J pour le compte
de la société Jco. Sa supervision et son contrôle, ainsi que la responsabilité pour son travail sont assumés par Jco. Cette société supporte
enfin sa rémunération. En se basant sur les critères autonomes, on peut
déduire que l'ingénieur a une relation d'employé salarié avec Jco.
L'exception de l'article 15 (2) MC OCDE ne s'applique ainsi pas à la
rémunération des services de l'ingénieur rendus dans l'État J110.
Ces exemples utilisent presque exclusivement la notion d'intégration pour déterminer la qualité d'employeur111. Seul l'exemple
numéro 5 se base sur la notion du contrôle pour définir l'employeur,
utilisant ainsi les critères décrits au paragraphe 8.14 du Commentaire
2010 sur l'article 15 MC OCDE112.
En fait, les nouveaux commentaires posent la notion de l'intégration
comme critère principal, tout en proposant des critères autonomes,
applicables à titre secondaire en cas de divergence entre la nature des
services, déterminée à la lumière de ce critère principal et de la relation
contractuelle formelle.
En ne mobilisant les critères secondaires, notamment la notion de
contrôle – qui est un des facteurs primordiaux de la relation d'emploi –
que dans une deuxième phase, les nouveaux commentaires offrent une
position prédominante au critère d'intégration qui risque en définitive
d'aboutir à des situations non voulues.
109 Modèle de convention fiscale concernant le revenu et la fortune de l’OCDE, version de
juillet 2010, N 8.24 ad art. 15, p. 279.
110 Modèle de convention fiscale concernant le revenu et la fortune de l’OCDE, version de
juillet 2010, N 8.25 ad art. 15, p. 279.
111 Robert DANON, La notion d’employeur au sens de l’article 15(2)(b) MC OCDE in IFF
Forum for Steuerrecht 2012, p. 96; Yves NOËL, Modèle de Convention fiscale OCDE concernant le revenu et la fortune, Commentaire, éd. Danon/Gutmann/Oberson/Pistone, Bâle 2014,
N 166 ad art. 15, p. 548.
112 Modèle de convention fiscale concernant le revenu et la fortune de l’OCDE, version de
juillet 2010, N 8.14 ad art. 15, pp. 276 et 277.
— 300 —
Prenons l'exemple numéro 1 des nouveaux commentaires. En
admettant que l'activité commerciale de cette société est de manufacturer des produits industriels, la formation pour l'utilisation de logiciels
ne fait pas partie intégrante de son activité au sens strict. Elle a en
revanche besoin de cette formation pour permettre à son personnel
d'accomplir ses tâches. Il s'agit des moyens nécessaires à l'accomplissement de son activité commerciale dans un sens large. En d'autres
termes, tout service nécessaire au fonctionnement d'une société sise
dans l'État source et fourni par une personne physique, employé formel
d'une société Xco, tous deux résidents de l'État X, serait considéré
comme une activité intégrée, avec pour conséquence la non-application
de l'article 15 (2) MC OCDE pour quasi tous les types de services fournis par une tierce entreprise.
On aboutirait à une définition très étendue de la relation d'emploi –
critère nécessaire à l'application de l'article 15 (2) MC OCDE, l'exception ne pouvant entrer en ligne de compte si le premier paragraphe de
cette disposition ne peut être mobilisé – puisque tout contrat de travail
entre un employé et une société X, résidents d'un État, pourrait être
considérée comme un relation d'emploi par l'État source en raison du
critère d'intégration. A l'inverse, un indépendant, qui fournirait les
mêmes prestations dans l'État source, ne pourrait être considéré comme
tel puisque la relation d'emploi ferait défaut en amont113.
Il suffirait ainsi à un État de définir la relation d'emploi en se basant
sur le critère d'intégration pour bénéficier d'une application large de
cette notion, tout en évitant la mise en œuvre des critères secondaires,
puisque sa définition formelle du droit interne ne sera pas divergente de
l'analyse selon ce critère, conformément aux nouveaux commentaires.
La mobilisation autour de la notion d'employeur de l'article 15 (2)
MC OCDE visait avant tout à éviter les abus liés à la location internationale de main-d'œuvre étrangère114, voire d'une multinationale qui
peut se trouver dans une position analogue à une société qui loue de la
main-d'œuvre étrangère. Toutefois, le critère d'intégration va bien audelà du but poursuivi, comme vu ci-dessus, puisque quasi tout type de
services fournis par l'employé formel d'une entreprise étrangère pourrait voir l'exception de l'article 15 (2) MC OCDE ne pas s'appliquer.
113 L’activité de l’indépendant pourrait tomber sous le coup de l’article 7 MC OCDE. Or le
degré de contrôle est l’une des caractéristiques principales avec le rapport de subordination
lorsqu’il s’agit de délimiter le revenu de l’emploi de celui de l’entreprise au sens de cette disposition.
114 Yves NOËL, Modèle de Convention fiscale OCDE concernant le revenu et la fortune,
Commentaire, éd. Danon/Gutmann/Oberson/Pistone, Bâle 2014, N 153 ad art. 15, p. 545.
— 301 —
À cela s'ajoute deux autres motifs qui plaident en défaveur du critère
de l'intégration, à tout le moins pris à titre de critère principal:
La notion de revenu d'emploi et d'employeur – lesquelles sont intimement liées comme exposé ci-dessus115 – se caractérisent avant tout
par le degré de contrôle sur le travail exercé, ainsi que par le rapport de
subordination qui unit les protagonistes116. Ces critères sont d'ailleurs
utilisés pour distinguer le revenu de l'emploi de celui de l'entreprise au sens de l'article 7 MC OCDE117. Techniquement, un revenu
pourrait être qualifié d'une part de revenu de l'emploi par concordance
entre la définition du droit interne de l'État source et de l'analyse selon
le critère de l'intégration sous l'angle de l'article 15 MC OCDE,
et d'autre part de revenu de l'entreprise conformément à l'article 7
MC OCDE, le degré de contrôle étant insuffisant. Même si l'on voit
mal l'État source prétendre qu'un même revenu relève à la fois du
revenu de l'entreprise et de celui de l'emploi118, les nouveaux commentaires introduisent une incohérence dans la systématique de la
MC OCDE.
Le critère d'intégration, en tant que critère principal, nie en définitive les caractéristiques principales de la relation d'emploi telles
qu'exposées au paragraphe précédent. Ainsi que le relève à juste titre
Danon, une définition de la relation d'emploi a été dégagée par
Coulombe lors du Congrès de l'IFA de 1982. Cette définition est la suivante: «dependent personal services are the services rendered by a
person, the employee, who makes available to another person, the
employer, his ability to work and who agrees to submit himself, for the
purposes of performing his services, to the authority and direction of
the employer. The basic criterion is therefore the degree of economic
and personal independence enjoyed by the person in the accomplishment of his task and the determinative element is the existence or not of
a subordination link between the taxpayer and he who retains his
services»119. Le concept d'intégration est absent de cette définition
qui met clairement l'emphase sur le rapport de subordination et la
notion de contrôle de l'employé par l'employeur. Il est dès lors sur115
Cf. 4.2.2.1 supra.
Robert DANON, La notion d’employeur au sens de l’article 15(2)(b) MC OCDE in IFF
Forum for Steuerrecht 2012, p. 96.
117 Ibidem.
118 Frank P.G. PÖTGENS, Some Selected Interpretation and qualification Issues with Respect to Article 15(2)(b) and (c) of the OECD Model in The 2010 OECD Updates – Model Tax
Convention & Transfer Pricing Guidelines, A Critical Review, éd. Denis Weber et Stef van
Weeghel, 2011, p. 131.
119 Robert DANON, La notion d’employeur au sens de l’article 15(2)(b) MC OCDE in IFF
Forum for Steuerrecht 2012, p. 96 et les références citées.
116
— 302 —
prenant que les nouveaux commentaires introduisent ces critères qu'à
titre secondaire.
Nous partageons dès lors l'avis de Danon qui conclut à une prédominance du critère du contrôle pour déterminer la qualité
d'employeur120.
4.2.3. Synthèse
La méthodologie proposée par les nouveaux commentaires a le
mérite de préciser le renvoi au droit interne de l'État source, ce qui est
cohérent avec le système de l'article 3 (2) MC OCDE du moment que
la notion d'employeur – et encore moins celle de relation d'emploi –
n'est pas définie dans le MC OCDE.
En revanche, la dualité du système (définition formelle ou matérielle de la relation d'emploi) introduit diverses difficultés comme
exposé ci-dessus121. Ce système n'est d'ailleurs applicable que lorsque
le renvoi au droit interne de l'État est indiscutable et qu'il est établi que
l'exception de l'article 3 (2) MC OCDE ne commande pas une interprétation autonome122. Ensuite, le renvoi au droit interne est en définitive
limité, que ce soit dans le cadre de la définition formelle de la relation
d'emploi par l'application d'une règle anti-abus conventionnel ou par
l'exception de l'article 3 (2) MC OCDE123, ou encore par les critères
autonomes en cas d'application d'une définition matérielle. Danon
estime que la subordination de l'application du droit interne de l'État
source au respect de certains critères autonomes est méthodologiquement incohérente et qu'il aurait mieux prévalu, soit de renvoyer sans
limitation au droit interne de cet État, soit d'admettre une définition
contextuelle écartant tout renvoi à la législation domestique124. Pour
Pötgens, il aurait été préférable que le Commentaire 2010 demeure
muet sur la question de l'interprétation de la notion d'employeur et que
l'on se contente d'un renvoi aux règles générales d'interprétation de la
Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités125.
120 Robert DANON, La notion d’employeur au sens de l’article 15(2)(b) MC OCDE in IFF
Forum for Steuerrecht 2012, p. 97.
121 Cf. 4.2.2.2 et 4.2.2.3 supra.
122 Robert DANON, La notion d’employeur au sens de l’article 15(2)(b) MC OCDE in IFF
Forum for Steuerrecht 2012, p. 95.
123 Kasper DZIURDZ, Article 15 of the OECD Model: The 183-day Rule and the Meaning
of “Employer” in BTR 2013, p. 103.
124 Robert DANON, La notion d’employeur au sens de l’article 15(2)(b) MC OCDE in IFF
Forum for Steuerrecht 2012, p. 97.
125 Frank P.G. PÖTGENS, Some Selected Interpretation and qualification Issues with
Respect to Article 15(2)(b) and (c) of the OECD Model in The 2010 OECD Updates – Model
Tax Convention & Transfer Pricing Guidelines, A Critical Review, éd. Denis Weber et Stef van
Weeghel, 2011, p. 132.
— 303 —
Dziurdz considère de son côté qu'il est possible de dégager une définition autonome du terme «employeur», le Commentaire contenant en
définitive lui-même les moyens détaillés de la déterminer par les
critères autonomes126.
Au vu des considérations précitées sur la notion d'employeur, ces
avis doivent être approuvés. La solution d'une définition contextuelle
de la notion d'employeur emporte toutefois notre préférence. Elle a le
mérite d'éviter dans une large mesure les conflits d'interprétation et
d'assurer une certaine sécurité du droit au contribuable qui est en définitive le sujet principal des conventions de double imposition. À notre
sens, une telle définition doit impérativement être accompagnée de
celle de la relation d'emploi qui est intimement liée à la notion
d'employeur.
4.3. Une rémunération payée par ou pour le compte de
Certains auteurs considèrent qu'il existe un lien entre les expressions «payé par» ou «pour le compte de» prévue à l'article 15 (2) (b) et
celle de «supportée par» indiquée à l'article 15 (2) (c) MC OCDE127.
D'aucuns excluent l'existence d'un tel lien, l'article 15 (2) (b)
MC OCDE concernant deux sociétés distinctes alors que l'article 15 (2)
(c) MC OCDE regarde une seule et même entreprise (siège-établissement stable)128. Il est également admis que ces deux dispositions poursuivent le même but, soit celui d'assurer à l'État source, qui admet la
déduction du revenu de l'emploi du profit de l'employeur sis dans le
même État, de pouvoir taxer ce revenu auprès de l'employé129.
Ceci étant posé, comment doit-on appréhender les expressions
«payé par» ou «pour le compte de». Pour Pötgens, ces expressions
doivent s'interpréter de manière autonome. Il estime à ce titre que les
126 Kasper DZIURDZ, Article 15 of the OECD Model: The 183-day Rule and the Meaning
of “Employer” in BTR 2013, p. 108; également de cet avis: Robert DANON, La notion
d’employeur au sens de l’article 15(2)(b) MC OCDE in IFF Forum for Steuerrecht 2012, p. 97.
127 Frank P.G. PÖTGENS, Some Selected Interpretation and qualification Issues with
Respect to Article 15(2)(b) and (c) of the OECD Model in The 2010 OECD Updates – Model
Tax Convention & Transfer Pricing Guidelines, A Critical Review, éd. Denis Weber et Stef van
Weeghel, 2011, p. 137.
128 Robert DANON, La notion d’employeur au sens de l’article 15(2)(b) MC OCDE in IFF
Forum for Steuerrecht 2012, p. 96.
129 Frank P.G. PÖTGENS, Some Selected Interpretation and qualification Issues with
Respect to Article 15(2)(b) and (c) of the OECD Model in The 2010 OECD Updates – Model
Tax Convention & Transfer Pricing Guidelines, A Critical Review, éd. Denis Weber et Stef van
Weeghel, 2011, p. 137; Yves NOËL, Modèle de Convention fiscale OCDE concernant le revenu et
la fortune, Commentaire, éd. Danon/Gutmann/Oberson/Pistone, Bâle 2014, N 153 ad art. 15,
p. 550; Kasper DZIURDZ, Article 15 of the OECD Model: The 183-day Rule and the Meaning of
“Borne by a Permanent Establishment” in BIT 2013, p. 124.
— 304 —
nouveaux commentaires apportent une lumière nouvelle sur ces
notions, au contraire des précédentes versions du Commentaire. Il
relève que l'exemple numéro 5 du Commentaire 2010 distingue les
deux expressions en clarifiant la signification du «ou» qui ne peut pas
être interprété comme un «et»130. A son avis, le critère autonome de la
rémunération de l'employé, précisé par le Commentaire 2010 aux paragraphes 8.14 et 8.15, définit principalement les expressions «payé par»
ou «pour le compte de» que la notion d'employeur131.
Cet avis est controversé. Certains sont d'avis qu'un tel raisonnement
pourrait aboutir à l'absence d'employeur si l'employeur fonctionnel132
ne paie pas la rémunération et que le tiers qui verse le salaire ne le paie
pas «pour le compte de», avec pour conséquence que la condition de
l'article 15 (2) (b) MC OCDE ne pourrait pas s'appliquer. Ils réfutent
dès lors le caractère indépendant de ces expressions qui constituent en
définitive un critère qui doit être analysé en connexion avec la notion
d'employeur133.
Les critères autonomes mentionnent la rémunération pour déterminer la personne de l'employeur. Plus particulièrement, doit être considéré comme employeur, celui qui supporte les coûts de l'employé134.
Le Commentaire 2010 précise toutefois la notion de coûts. Il s'agit de
la rémunération de l'employé, les avantages accessoires et les autres
charges salariales, sans marge bénéficiaire ou avec une marge bénéficiaire calculée en pourcentage du coût total. Dès que la rémunération
demandée à l'entreprise à laquelle les services sont fournis prend en
compte les coûts de la société de l'État de résidence, les services rendus
n'ont plus aucun lien avec le salaire de l'individu135. Le Commentaire
2010 précise encore que le critère de la rémunération ne constitue que
l'un des critères pour rechercher la personne de l'employeur136.
130 Frank P.G. PÖTGENS, Some Selected Interpretation and qualification Issues with
Respect to Article 15(2)(b) and (c) of the OECD Model in The 2010 OECD Updates – Model
Tax Convention & Transfer Pricing Guidelines, A Critical Review, éd. Denis Weber et Stef van
Weeghel, 2011, p. 138.
131 Frank P.G. PÖTGENS, Some Selected Interpretation and qualification Issues with
Respect to Article 15(2)(b) and (c) of the OECD Model in The 2010 OECD Updates – Model
Tax Convention & Transfer Pricing Guidelines, A Critical Review, éd. Denis Weber et Stef van
Weeghel, 2011, pp. 138 et 139.
132 Par fonctionnel, nous entendons l’employeur qui exerce un degré de contrôle suffisant
sur l’employé sous un rapport de subordination.
133 Kasper DZIURDZ, Article 15 of the OECD Model: The 183-day Rule and the Meaning
of “Borne by a Permanent Establishment” in BIT 2013, p. 125.
134 Modèle de convention fiscale concernant le revenu et la fortune de l’OCDE, version de
juillet 2010, N 8.14 ad art. 15, p. 276.
135 Modèle de convention fiscale concernant le revenu et la fortune de l’OCDE, version de
juillet 2010, N 8.15 ad art. 15, p. 277.
136 Ibidem.
— 305 —
On peut dès lors se demander si les nouveaux commentaires
n'excluent en définitive pas une interprétation autonome des expressions «payé par» ou «pour le compte de» et que celles-ci doivent être
considérées comme faisant partie intégrante de la définition contextuelle de la notion d'employeur. Dans tous les cas, le Commentaire
2010 limite l'interprétation que l'on peut faire de ces expressions.
En cas d’introduction d'une définition précise de la relation d'emploi
et de la notion d'employeur dans la convention, comme suggéré au préalable137, il conviendra de déterminer si ces expressions doivent être
supprimées de l'article 15 (2) (b) MC OCDE ou maintenues. Cela
dépendra de l'étendue de la définition. Si elle reprend le critère autonome suggéré par les nouveaux commentaires au sujet de la rémunération, ces expressions doivent être supprimées ou adaptées dans un souci
de cohérence.
5. Le test de l'établissement stable
L'application de l'exception de l'article 15 (2) MC OCDE nécessite
encore une troisième condition, soit que «la charge des rémunérations
ne soit pas supportée par un établissement stable que l'employeur a
dans l'autre État» (art. 15 (2) (c) MC OCDE).
Comme exposé ci-dessus, le parallélisme fiscal veut que l'État
d'activité, qui voit ses recettes baisser en raison de la réduction du profit
de l'établissement stable en raison du salaire de l'employé, peut taxer en
contrepartie la rémunération de celui-ci138.
S'il est nécessaire de déterminer s'il existe ou non un établissement
stable de l'employeur formel dans l'État source dans lequel l'employé
fournit ses services, l'existence d'un tel établissement stable n'implique
pas automatiquement l'exclusion de l'application de l'exception de
l'article 15 (2) MC OCDE. À ce titre, le simple fait qu'un employé soit
détaché dans l'État source par l'employeur formel ne conduit pas automatiquement à la création d'un établissement stable. Il en résulterait
une application incohérente du MC OCDE, notamment avec son
article 5. Ainsi, le Commentaire 2010 précise que si l'État source écarte
l'application de l'article 15 (2) (b) MC OCDE au motif que l'entreprise
137
Cf. 4.2.3 supra.
Cf. 4.2.4 supra; Frank P.G. PÖTGENS, Some Selected Interpretation and qualification
Issues with Respect to Article 15(2)(b) and (c) of the OECD Model in The 2010 OECD Updates
– Model Tax Convention & Transfer Pricing Guidelines, A Critical Review, éd. Denis Weber et
Stef van Weeghel, 2011, p. 137; Yves NOËL, Modèle de Convention fiscale OCDE concernant le
revenu et la fortune, Commentaire, éd. Danon/Gutmann/Oberson/Pistone, Bâle 2014, N 153
ad art. 15, p. 550; Kasper DZIURDZ, Article 15 of the OECD Model: The 183-day Rule and the
Meaning of “Borne by a Permanent Establishment” in BIT 2013, p. 124.
138
— 306 —
non-résidente n'est pas l'employeur formel, cet État ne peut considérer
que l'employé exerce son activité pour le compte de l'entreprise nonrésidente139. La seule présence du salarié ne saurait ainsi fonder l'existence d'un établissement stable de cette dernière entreprise dans l'État
source140. En conséquence, il convient de déterminer l'existence d'un
établissement stable au regard de l'article 5 MC OCDE et indépendamment du détachement de l'employé concerné.
L'article 15 (2) (c) MC OCDE soulève deux questions: i) quel État
est habilité à déterminer l'existence d'un établissement stable et ii) à
quelles conditions celui-ci supporte la rémunération de l'employé.
La détermination de l'existence d'un établissement stable et donc de
son assujettissement limité est du fait de l'État source, vu notamment
qu'il doit accorder la déduction de la rémunération de l'employé141.
Cela étant, l'existence ou non d'un établissement stable est déterminée
conformément à l'article 5 MC OCDE qui en donne une définition
assez précise. Le résultat ne devrait théoriquement pas être trop
divergent. Dans le cas contraire, les États concernés devront recourir à
la procédure amiable de l'article 25 MC OCDE.
La question suivante doit être examinée à la lumière de l'article 7 MC
OCDE. À l'instar de l'article 15 (2) (c) MC OCDE, cette disposition se
réfère à la définition de l'établissement stable de l'article 5 MC OCDE.
Tant l'article 7 que l'article 15 (2) (c) MC OCDE requièrent une attribution des profits et charges à l'établissement stable142. Or l'article 7 (2)
MC OCDE prévoit l'application du principe de la pleine concurrence. En
vertu de ce principe, les profits et charges attribuables à un établissement
stable doivent correspondre à ceux réalisés par une entreprise distincte et
indépendante exerçant des activités identiques ou analogues, dans des
conditions identiques ou analogues en tenant compte des fonctions exercées, des actifs utilisés et des risques assumés143.
139 Robert DANON, La notion d’employeur au sens de l’article 15(2)(b) MC OCDE in IFF
Forum for Steuerrecht 2012, p. 94; Modèle de convention fiscale concernant le revenu et la fortune de l’OCDE, version de juillet 2010, N 8.12 ad art. 15, p. 276.
140 Robert DANON, La notion d’employeur au sens de l’article 15(2)(b) MC OCDE in IFF
Forum for Steuerrecht 2012, p. 94.
141 Yves NOËL, Modèle de Convention fiscale OCDE concernant le revenu et la fortune,
Commentaire, éd. Danon/Gutmann/Oberson/Pistone, Bâle 2014, N 153 ad art. 15, p. 550.
142 Modèle de convention fiscale concernant le revenu et la fortune de l’OCDE, version de
juillet 2010, N 7.2 et 8 ad art. 15, pp. 272 et 273; Kasper DZIURDZ, Article 15 of the OECD
Model: The 183-day Rule and the Meaning of “Borne by a Permanent Establishment” in BIT
2013, p. 126; Frank P.G. PÖTGENS, Some Selected Interpretation and qualification Issues with
Respect to Article 15(2)(b) and (c) of the OECD Model in The 2010 OECD Updates – Model
Tax Convention & Transfer Pricing Guidelines, A Critical Review, éd. Denis Weber et Stef van
Weeghel, 2011, p. 141.
143 Modèle de convention fiscale concernant le revenu et la fortune de l’OCDE, version de
juillet 2010, N 15 et 16 ad art. 7, p. 145.
— 307 —
En d'autres termes, le principe de pleine concurrence de l'article 7
(2) MC OCDE doit être appliqué lorsqu'il s'agit de déterminer si la
rémunération est supportée par l'établissement stable au sens de
l'article 15 (2) (c) MC OCDE144. Ainsi, les charges attribuables à l'établissement stable situé dans l'État source peuvent comprendre la rémunération d'un employé dont l'employeur formel se trouve dans l'État de
résidence. Il convient toutefois que cette rémunération corresponde à
celle qui aurait prévalu entre des entreprises indépendantes, pour les
mêmes services rendus par l'employé à l'établissement stable, selon le
principe de la pleine concurrence.
Que se passe-t-il si la rémunération est attribuable à l'établissement
stable sous l'angle de l'article 15 (2) (c) et 7 MC OCDE, mais que sous
l'angle des critères autonomes, notamment le degré de contrôle, ledit
établissement stable ne peut être considéré comme l'employeur?
Cette situation ne semble guère possible vu les nouveaux commentaires. L'un des critères autonomes pour déterminer l'employeur au sens
de l'article 15 (2) (b) MC OCDE est la facturation par l'employeur formel à l'entreprise – en l'occurrence l'établissement stable – des services
fournis par l'employé détaché. Ainsi, l'établissement stable, qui se voit
attribuer la déduction de la rémunération de l'employé, devrait être également considéré comme l'employeur sous l'angle de l'article 15 (2) (b)
MC OCDE pour autant que les autres conditions soient remplies (degré
de contrôle, lien de subordination).
Dans l'hypothèse inverse, il nous semble que le seul fait que la
charge soit attribuable à l'établissement stable – sans qu'il soit considéré comme l'employeur au sens de l'article 15 (2) (b) MC OCDE – ne
suffit pas à admettre la non-application de la clause du monteur. En
effet, une telle situation offrirait un pouvoir trop important à l'État
source qui pourrait décider, dans les limites de l'article 7 (2) MC
OCDE, d'accorder discrétionnairement la déduction de la rémunération
de l'employé pour éviter l'application de l'exception de l'article 15 (2)
MC OCDE. Un second argument réside dans l'examen de l'attribution
de la charge de la rémunération à l'établissement stable: celui-ci doit
être considéré comme une entreprise séparée et indépendante sous
l'angle de l'article 7 (2) MC OCDE. Or une telle entreprise ne supportera la charge de la rémunération de l'employé que si elle exerce les
fonctions d'employeur145.
144 Kasper DZIURDZ, Article 15 of the OECD Model: The 183-day Rule and the Meaning
of “Borne by a Permanent Establishment” in BIT 2013, p. 126.
145 Kasper DZIURDZ, Article 15 of the OECD Model: The 183-day Rule and the Meaning
of “Borne by a Permanent Establishment” in BIT 2013, pp. 126 et 127.
— 308 —
En conséquence, l'établissement stable devrait être également
l'employeur, sous l'angle de l'article 15 (2) (b) MC OCDE dans le cadre
de l'examen de la condition de l'article 15 (2) (c) MC OCDE.
6. Conclusion
L'objectif de l'exception de l'article 15 (2) MC OCDE est de faciliter
le mouvement international du personnel et des opérations d'une entreprise. Cette mobilité est grandissante en raison de la globalisation des
activités de ces dernières. Il ne faut toutefois pas perdre de vue que cette
disposition vise avant tout à éviter la double imposition d'un contribuable, en l'occurrence d’un employé. Il convient que celui-ci puisse
bénéficier d'une certaine sécurité du droit afin de ne pas dépendre d'une
procédure amiable en cas de conflit d'interprétation dont l'issue est
incertaine.
Comme on l'a vu, l'application de l'article 15 (2) MC OCDE n'est
pas sans difficulté. Même si le principe de la présence physique est
relativement clair, le test des 183 jours n'est pas aisé en cas de travail
sur appel ou de libération de l'obligation de travailler pendant le délai
de congé, alors que l'employé se trouve dans l'État de résidence.
Les nouveaux commentaires ne résolvent pas à satisfaction les
notions de relation d'emploi et d'employeur, lesquelles sont intimement
liées. À ce titre, il semble plus cohérent d'adopter une solution contextuelle de la notion d'employeur, voire d'introduire dans la convention
de double-imposition, une définition de ces notions. Celle-ci ne doit
pas obligatoirement correspondre à la tradition juridique de la relation
d'emploi de chacun des pays. Il suffit de dégager une définition compréhensible et acceptable par les deux États pour éviter des conflits
d'interprétation. Il serait toutefois souhaitable d'inclure la notion de
charge de la rémunération.
Enfin, l'attribution de la charge de rémunération de l'employé à un
établissement stable n'écartera l'application de l'exception de
l'article 15 (2) MC OCDE que s'il est également l'employeur au sens de
la lettre b de cette disposition.
Tout labeur mérite salaire, mais il n'est pas certain que la clause du
monteur détermine avec certitude où il sera taxé.