Les auteurs du XIXème siècle
Transcription
Les auteurs du XIXème siècle
Les auteurs du XIXème siècle François BAUCHER 1796-1873 Il fut, avec le Comte d'Aure, le maître le plus important du 19ième siècle, l'un des cavaliers les plus exceptionnels qui aient jamais existé. Son art équestre touchait au génie. Ses origines sont assez communes et il en souffrit sans doute toute sa vie. Il etait le fils d'un modeste boucher, mais il avait un oncle écuyer du prince Borghèse. Alors qu'il était âgé de 14 ans, il suivit ses parents en Italie, ce qui lui permit de devenir, au fil des ans, un brillant cavalier qui eut par ailleurs la chance de recevoir les conseils des maîtres tels que Mazuchelli. Rentré en France au début de la Restauration, Baucher fut attaché comme piqueur aux écuries du duc et de la duchesse de Berry. Après avoir fréquenté plusieurs manèges, il se fixa à Rouen, où il reprit le manège fondé par Antoine Franconi. Là, il commença à expérimenter sa méthode qu'il vint ensuite développer à Paris. Il s'y associa à Pellier, directeur d'un manège, rue Saint Martin, qui prit le nom de "Manège Pellier et Baucher". S'étant lié d'amitié avec Laurent Franconi, fils d'Antoine, il s'exhiba bientôt au cirque des Champs-Élysées où il connut un succès triomphal avec les chevaux Partisan et Capitaine. C'est à cette époque que commence à s'étendre sa réputation équestre. C'est aussi le début de la célèbre controverse avec le Comte d'Aure. Le général Oudinot, aide de camps du duc d'Orléans, président du Comité de Cavalerie, fut un des plus ardents protagonistes de la méthode Baucher. Il obtint en 1842 qu'elle soit expérimentée à Saumur. Bien que de nombreux rapports favorables à la nouvelle méthode aient été établis par les officiers qui avaient pris part aux expériences, dirigées par Baucher lui-même, celle-ci ne fut pas adoptée officiellement. On lui préféra celle de son rival, le comte d'Aure, qui fut nommé écuyer en chef à Saumur en 1847. Très amer, aigri, Baucher essaya avec plus ou moins de succès, de faire admettre ses conceptions en Allemagne, en Autriche, en Italie. Rentré en France, il revint au cirque où il fut victime en 1855, d'un grave accident. Alors qu'il était à pied, la chute d'un lustre lui fractura la jambe droite. À partir de ce jour, il ne reparut plus en public, mais continua d'enseigner. Ce ne fut qu'en 1871, qu'il cessa complètement de pratiquer l'équitation. L'essentiel de sa méthode était "la possession complète des forces du cheval, de façon que le cavalier pût en disposer à son gré et jouer, en quelque sorte, avec elles". Utilisant les flexions de la mâchoire, de la nuque et de tout le bout de devant pour en briser toutes les résistances, exigeant en même temps une grande impulsion par une rigoureuse action des jambes, Baucher fait se grandir le cheval en le ramenant derrière la main, tout en coulant en avant les jambes. Le cavalier se trouve ainsi maître absolu des forces du cheval dans une légèreté totale. Il a également mis en lumière l'importance de la main qui doit "résister sur place", mais dont l'intervention ne doit jamais se traduire par une action de l'avant vers l'arrière. On a beaucoup reproché a Baucher ses procédés d'assouplissements de soumission du cheval avec des embouchures et des actions d'éperon trop sévères. On disait d'un cheval dressé par Baucher qu'il était comme subjugué, "bauchérisé". Sa seconde manière, conséquence a-t-on dit, de son accident, était plus à la portée de cavaliers moyens. La légèreté, notamment, était obtenue sans une intervention aussi énergique des jambes. Vers la fin de sa vie, Baucher prôna le bridon d'écurie comme la meilleure embouchure. Le général l'Hotte qui a rapporté ses dernières paroles sur son lit de mort, le fameux "…Toujours ça (en fixant ma main, comme si celle-ci fut en position de la bride), jamais ça (en rapprochant ma main de ma poitrine)" met encore dans la bouche du grand maître à l'agonie : "le bridon ! L'Hotte, c'est là le dernier mot de l'équitation. Le bridon, c'est si beau !". Baucher supprime en effet la gourmette et invente son fameux mors qui a un léger effet de bride qui relève et ramène. Résumé première manière: Enroule devant Utilise les effets diagonaux Utilise l'effet d'ensemble Le cheval est dans un rassembler exagéré Les auteurs du XIXème siècle Résumé seconde manière : N'utilise plus l'effet d'ensemble pour obtenir le rassembler "Mains sans jambes, jambes sans mains" sauf pour l'effet d'ensemble utilisé pour calmer et récupérer le ramener Élévation de l'encolure qui précède l'abaissement des hanches Emploie des effets latéraux Comte d'AURE 1799-1863 Il fut l'un des plus célèbres maîtres de son temps, la figure la plus représentative de l'École Française et marque d'une empreinte profonde l'équitation moderne. Sous lieutenant d'infanterie à sa sortie de Saint-Cyr, en 1816, il entra en 1817 au manège de Versailles comme élève écuyer. Il y reçut les précieuses leçons du vicomte d'Abzac. À la mort de ce dernier, en 1827, il demeura au Manège comme Écuyer-professeur. Parallèlement, il fut écuyer ordinaire, puis écuyer cavalcadour des rois Louis XVIII et Charles X. Il fonda son propre manège à Paris, où il compta vite des élèves de qualité, comme le duc de Nemours, second fils du roi Louis-Philippe. Ce prince, admirateur et enthousiaste du comte d'Aure, s'employa à le faire nommer écuyer en chef de l'École de cavalerie de Saumur, mais il se heurta à l'opposition catégorique du Maréchal Soult, ministre de la guerre, qui désirait éliminer les enseignants civils de l'école. Après de nombreuses intrigues, le comte d'Aure fut enfin placé, en 1847, a la tête de l'école de Cavalerie dont il démissionna avec éclat en 1855 : le Prince Jérôme Napoléon voulait imposer à Saumur l'écuyère Isabelle, une de ses protégées, réputée aujourd'hui pour son incompétence dans le monde de l'équitation. Après avoir été, en 1858, écuyer de l'empereur Napoléon III, il fut nommé en 1861, Inspecteur général des Haras. Il a laissé 2 ouvrages de qualité: " Traité d'équitation" et le "Cours d'équitation", adopté par l'armée en 1853. La rivalité d'Aure et de Baucher est demeurée légendaire. Il était, au contraire de Baucher, très partisan de l'équitation sportive. C'est lui qui introduit les courses à Saumur. A l'époque, tous les chevaux étaient montés de la même façon et l'instruction des cavaliers consistait à leur enseigner certains tours de main déterminants pour obtenir d'un cheval déjà dressé, les mouvements nécessaires à son emploi. D'Aure, au contraire, préconisait d'utiliser le cheval "tel que la nature l'a fait". Il est l'inventeur de "l'équitation instinctive régularisée". "L'art, ajoutait-il, doit se simplifier. Il doit être appliqué, de nos jours, à régulariser les allures, à posséder le cheval, tout en lui laissant son énergie naturelle et en l'aidant à développer, presque de lui-même, les qualités qui lui sont propres". Un des grands reproches qu'il faisait a Baucher était d'utiliser des moyens de domination trop sévères et de pratiquer une équitation statique. "Équitation de Cirque" disait-il avec mépris. Il voyait là le risque, à vouloir trop dominer le cheval, de le faire passer en arrière des jambes, et de porter ainsi atteinte à la manifestation la plus essentielles de son obéissance : le mouvement en avant. La controverse entre d'Aure et Baucher a finalement été bénéfique pour l'équitation française, car, comme l'a écrit le général l'Hotte, qui s'inspira des enseignements des 2 maîtres: "En dépit de leurs divergences, et tout à fait à leur insu, ils professaient des principes ayant entre eux bien des rapports". Les auteurs du XIXème siècle Charles Hubert RAABE 1811-1889 Écuyer de tout premier ordre, auteur d'éminents ouvrages d'équitation. Alsacien de souche, de très haute stature, casse-cou, d'une intelligence vive, il n'obtint pourtant pas au 6° Lanciers, ou il s'était engagé à 19 ans, l'avancement rapide auquel il pouvait prétendre, et ceci à cause de son caractère emporté et de ses réparties mordantes. Détaché à Saumur en 1842, il assista aux démonstrations de Baucher à l'école. Conquis, il restera toute sa vie un bauchériste convaincu. Dans son "Manuel Équestre", paru en 1844, il expose la méthode de Baucher avec quelques nuances, espérant vaincre ainsi l'hostilité ministérielle à l'égard de son maître. Il écrit aussi un pamphlet qui critique d'Aure, ce qui lui vaut 30 jours d'arrêts. Durant la guerre de Crimée, à la suite d'un pari, il fit sauter son cheval dans la mer Noire, d'un promontoire de 10 m de haut. Le cheval se noya et son cavalier ne s'en tira que de justesse. Son opinion non conformiste, ses écarts de langage, lui valurent de ne jamais être nommé officier supérieur. Il est aussi auteur d'un "Cadran Hippique", instrument de son invention permettant d'étudier la dynamique et la locomotion du cheval. Général l'HOTTE 1825-1904 Un des plus prestigieux cavaliers de tous les temps. Entré à Saint-Cyr en 1842, il choisit comme arme la cavalerie et est admis à l'école de Saumur, en 1845, en qualité d'officier élève. Il en sort premier en 1847. En 1850, il retourne à Saumur suivre un cours de Lieutenant d'instruction. En 1864, il devient Écuyer en chef du Cadre Noir. Instruit à l'origine par Rousselet et par Saint-Ange, il reçut ensuite les leçons de Baucher dont il resta l'ami, mais c'est à Saumur qu'il se convainquit de l'excellence des principes du comte d'Aure. Écartant certaines outrances de ces deux doctrines, il en fit une excellente synthèse pour aboutir à sa propre méthode lorsqu'il prit la direction du manège. C'est ainsi qu'il donnait la préférence à d'Aure pour l'équitation d'extérieur et à Baucher pour celle d'école. Ses conceptions sont résumées dans sa fameuse doctrine "calme, en avant, droit". Dans les écrits qu'il a laissés: "Souvenirs d'un officier de Cavalerie" et "Questions Équestres", il a fixé, avec une concision et une clarté d’expression remarquable, des principes qui ont permis en France de s'orienter vers l'équitation sportive moderne. Dans la cavalerie, c'est au Général l'Hotte que l'on doit l'introduction du trot enlevé. Son règlement de la cavalerie française est resté en vigueur dans l'armée française, de 1876 jusqu'à la veille de la dernière guerre. Général FAVEROT DE KERBRECH 1837-1905 Grand écuyer et aide de camp de Napoléon III, inspecteur général des Remontes, célèbre pour avoir expliqué clairement la deuxième manière de Baucher, qui avait toujours donné lieu à des interprétations fantaisistes, puisque Baucher lui-même ne l'avait jamais consigné par écrit. Aussi brillant écrivain que savant cavalier, il a publié en 1891 "Dressage méthodique du cheval de selle d'après les derniers enseignements de F. Baucher". Les auteurs du XIXème siècle Marquis de SAINT PHALLE 1867-1908 Écuyer original et individualiste, d'un talent éblouissant, comparable à celui de son contemporain Fillis, contre lequel il entretint une longue controverse qui passionna l'opinion. Reçu à la fois à Polytechnique et à Saint-Cyr, il opta pour cette dernière et pour la cavalerie, mais il conserva toute sa vie un esprit mathématique qui se retrouve dans ses écrits. S'étant rendu acquéreur d'une jument immontable, il entreprit de la dresser, il y passa des jours et des jours de travail au manège, consulta les plus grands auteurs, accumula les notes et écrivit un livre "Dressage du cheval de selle" en 1899. Cette méthode, écrite à 32 ans, lui valut bon nombre de critiques. Désigné pour suivre les cours d'instruction à Saumur, le riche marquis y fit une entrée sensationnelle, accompagné de ses 3 chevaux personnels et d'un cheval rétif que lui avait confié un ami. Ceci eu don d'irriter le commandement qui en ajouta 2 à son piquet. Il releva le défi, travailla des heures entières, menant de front ses études et le dressage. Revenu au 2° Hussards, il participa au 1 ier concours du Cheval d'Armes et en sortit brillant vainqueur. Il revint à Saumur comme capitaine écuyer et mit une nouvelle fois en valeur ses qualités de praticien et de théoricien. Il passait des journées à cheval et ses nuits à sa table de travail. Il eut toujours un faible pour les juments, "plus impressionnables et donc plus réceptives" et aussi pour les airs de fantaisie, ce qui lui fut beaucoup reproché. Son rival dans ce domaine, Fillis, lui lança un jour un défi, prétendant qu'il était incapable (alors que lui l'avait fait) de 1: galoper sur 3 jambes 2: galoper en arrière 3: changer de pied en arrière. Il s'y acharna pendant un an au point d'en perdre la santé et gagna devant un jury que présidait Laffont, futur commandant de l'école. Saint-Phalle ne se remit jamais de ses efforts et mourut tuberculeux à 41 ans. Il avait eu le temps de terminer son 2 ième ouvrage, "Équitation". James FILLIS 1834-1913 Un des grands noms de l'histoire de l'équitation : il fut un écuyer hors pair et un dresseur d'une rare virtuosité. Né à Londres, il vécut toute sa jeunesse à Paris. Il travailla très jeune chez Victor Franconi, au cirque des Champs-Élysées, où il connut Caron, l'un des disciples de Baucher. Néanmoins, bien qu'il l'admirât, Fillis ne fut jamais un inconditionnel du maître. Il est d'ailleurs considéré comme un individualiste et ne se rattache à aucune école. Il ne montait que presque exclusivement des purs sangs. Il en obtenait des airs extraordinaires comme le galop sur 3 jambes, le galop sur place et en arrière sur 3 jambes, les changements de pied au temps du galop sur place ou grand galop, le "trot espagnol nouveau à deux temps sur chaque jambe et alternatif à un et 2 temps", un air que personne d'autre que lui n'a exécuté. On lui a néanmoins reproché sa brutalité (usage intensif de l'éperon), sa position peu orthodoxe et ses aides sans finesse. Dans "Principes de dressage et d'équitation", de 1892, il prône "l'impulsion par les jarrets engagés sous le centre, la légèreté par la flexion de mâchoire, l'équilibre par l'encolure fléchie à la nuque et non au garrot et le rassembler le plus complet", à partir duquel il obtenait sans doute ses airs extraordinaires. Les auteurs du XIXème siècle Federico Caprilli 1868-1907 Prestigieux cavalier et chef d'école italien qui a joué dans l'équitation d'extérieur (obstacles et terrain varié) un rôle primordial. Sa nouvelle assiette bouleversa complètement les anciennes méthodes du saut d'obstacles et de franchissement des plus rudes accidents de terrain. Alors qu'il était instructeur à l'école de cavalerie de Tor di Quinto, près de Rome, il commença à mettre sa méthode ("il sistema") en pratique. À cette époque, partout, a Saumur comme ailleurs, on sautait les épaules en arrière, la main de bride au pommeau, la main droite en l'air serrant la cravache dans un style de manège plein de panache, mais sans aucune efficacité et souvent dommageable à la bouche et au rein du cheval. Caprilli, observateur attentif, avait suivi longuement, a terre, les mouvements du cheval à toutes les allures et surtout pendant le saut. Il chercha de quelle manière on pourrait arriver à seconder cette aisance naturelle, tout en évitant la souffrance et une trop grande dépense d'énergie, en restant maître de l'impulsion. Il finit par imaginer un cavalier qui accompagnerait le cheval avec les bras et le buste, en maintenant le genou fixe, la jambe tombant naturellement. Il comprit qu'il faudrait alors descendre sur l'enfourchure, talons bas, semelles en dehors, pour donner de la fermeté à la partie inférieure du corps tout en conservant une grande souplesse aux reins. Possibilité, pour le cheval, de voir, de jauger l'obstacle, liberté de la tête et de l'encolure, confiance dans une main moelleuse et basse qui suit la bouche sans perdre le contact, assiette en avant, autant de principes révolutionnaires qui furent la base de la "méthode d'équitation naturelle". Celle-ci devint bientôt l'école italienne universellement adoptée en équitation sportive. Ce bouleversement des conceptions équestres de l'époque eut bien sur des détracteurs acharnés, mais les succès personnels de Caprilli et ceux ces cavaliers italiens formés au nouveau système retentirent bien vite hors de la péninsule. De nombreux officiers étrangers vinrent au premier concours hippique de Tor di Quinto pour juger l'efficacité de "l'équitation naturelle". Alors que les normes du saut s'établissaient autour de 1m10-1m15, Caprilli franchit à plusieurs reprises 1m40 devant des spectateurs ébahis. Il appliqua également sa méthode aux exercices en terrain varié, attaquant les montées très raides le corps soulevé et penché en avant en prenant appui sur les étriers, et en empoignant au besoin la crinière. Les plus rudes descentes etaient dévalées dans la même position. Il inaugura, à titre démonstratif, le fameux Scivolo, la glissoire, d'abord a l'ancienne mode, buste en arrière, puis en avant sur l'enfourchure pour démontrer les avantages de décharger l'arrière main. En 1902, il battit le record mondial de saut en hauteur en franchissant 2m08, exploit malheureusement officieux car réussi hors-concours, a la suite d'un pari. A l'occasion d'une mission militaire à Saumur, des écuyers dont Danloux et Decarpentry furent stupéfaits par la démonstration de Caprilli qui, bien qu'il se fut, peu de temps avant, cassé la clavicule droite et luxée l'épaule gauche, fit sauter 1m50 au cheval de l'un des écuyers. Il adopta bien sur son nouveau style, mais avec le pouce droit passé dans une ficelle accrochée à un bouton de son dolman. Le capitaine Danloux fut le premier adepte et zélateur en France de la méthode Caprilli. Ce cavalier exceptionnel, chef d'école a 30 ans, véritable père de l'équitation sportive moderne, se tua sans gloire dans une rue de Turin. Jeté à bas de son cheval au pas, à la suite d'un malaise, il alla se fracturer le crâne sur les pavés.