Nous n`irons plus à Lhassa

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Nous n`irons plus à Lhassa
Nous n’irons plus à Lhassa
Nous n’irons plus à
Lhassa
- LISTE DES PERSONNAGES –
-
Hobbes, le juge ;
Royco, contrôleur du placement des jeunes en difficulté ;
Kiffard, greffière ;
Démons, jardinier ;
Martha, femme de Royco ;
Androgyne, portier ;
Pablo Afertes, directeur ;
Mademoiselle Layette, secrétaire ;
Linda Dragée, pensionnaire ;
John Glandard, pensionnaire ;
Gina Foune, pensionnaire ;
Un résident handicapé moteur ;
Deux hommes, le crâne rasé.
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Décembre 2012 Tribunal du Yorkshire
Je suis le juge Hobbes. Hobbes comme le philosophe. Là s’arrête la
comparaison. La philo m’emmerde presqu’autant que l’enquête sur la disparition
d’une espèce de contrôleur des institutions publiques pour lequel je n’ai aucune
sympathie mais un juge doit faire son boulot comme un plombier ou un
bourreau. Un contrôleur qui a un nom de soupe me laisse aussi froid qu’une pute
qui couche dehors. Royco ! Comment peut-on s’appeler Royco en 2012 ?
J’aurais fait un procès à ma mère. Ce serviteur de la Reine a disparu il y a trois
mois, corps et biens. Il enquêtait sur un foyer de jeunes cons que nos prisons ne
peuvent accueillir et qui coûtent une fortune aux honnêtes citoyens en
hébergement et en éducateurs. Un éducateur mort me fait autant d’effet qu’un
chien écrasé mais il parait que tous les hommes sont égaux... alors ! Je recherche
la vérité. Heureusement pour moi, Royco écrivait beaucoup de choses sur un
cahier qui, dit-on, ne le quittait jamais. J’ai le carnet de Royco, j’ai sous la main
quelques-uns des protagonistes de l’affaire et ma fidèle greffière, Melle Kiffard,
aussi compétente que tarte. On est Vendredi, demain je pars aux sports d’hiver
avec une petite blondasse qui ferait bander un eunuque aveugle. Je finirais ce
soir où je ne suis plus le juge Hobbes.
Bon voyons cela !
Carnet de Royco
Je n’aimais déjà pas cette région du Yorkshire en été, alors, imaginez l’hiver
entre cette humidité pénétrante et le froid qui vous gèle la peau. S’il y a bien un
truc insupportable pour un type comme moi, contrôleur en chef, cadre de
l’administration de sa royale autorité, c’est bien de se retrouver avec une goutte
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qui pend du nez en arrivant chez une logeuse…. Et pourtant, en passant dans le
long couloir qui conduisait à ma chambre, j’ai eu le mauvais goût de me
regarder dans un miroir piqué de taches jaunâtres. J’avais bien une petite perle
transparente qui débordait des narines et le visage bleu et convulsé.
« Heureusement que Martha ne me voit pas dans cet état », me suis-je dit. Une
minette de vingt ans plus jeune que moi, elle m’aurait plaqué immédiatement
pour mon voisin de palier, ce con de prof de piano. Devant moi, la petite dame
de la pension remuait ses énormes fesses en marchant pour me conduire à ma
piaule :
-C’est ici, monsieur.
J’ai pris la clef. Je n’avais pas même le temps de me reposer de cet éprouvant
voyage, pas le temps de me rendre présentable, peut-être juste le temps de passer
un mouchoir sur mon nez pour avoir l’air un peu moins négligé. Il ne faut pas
être négligé quand on est fonctionnaire, c’est toute l’Angleterre qui en pâtit !!
On m’attendait à quelques kilomètres de là, dans le « Exes Setib Noc Institut »
où j’avais été sommé de me rendre après que des rumeurs aient filtré à propos
d’étranges disparitions de pensionnaires et de curieuses mœurs qui, disait-on
heurtaient les habitants du village. A les regarder vivre, je me disais que tout
devait heurter ces braves gens sans histoire.
Décembre 2012 Tribunal du Yorkshire
Je n’aime pas beaucoup la gueule en biais de ce premier témoin, c’est un
jardinier, un dénommé Démons, je n’y crois pas une seconde, un pseudo aussi
gros, faut être vraiment très con pour y penser. Honnêtement, on dirait un ancien
rocker des années 70 avec cheveux sales et tarin éclaté par la poudre. D’ailleurs
ça commence mal, le type cite Led Zeppelin comme s’il s’agissait de Marguerite
Duras :
AUDITION DU PREMIER TEMOIN
« There’s a feeling I get, when I look to the west,
And my spirit is crying for leaving.
In my thoughts, I have seen rings of smoke trough the trees
And the voices of those who look standing…”
Led Zeppelin, “Stairway to heaven”.
-M Démon reprenez-vous je vous prie, nous sommes dans un tribunal pas dans
une salle de concert. Vous désirez je crois me raconter l’arrivée de M Royco
telle que vous l’avez vu ? ou imaginé peut-être ? C’est cela ?
-Oui M le juge, ce type-là, je l’ai trouvé bizarre tout de suite.
-Je vous écoute :
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-Steve Royco desserra son nœud de cravate, en agitant sa tête avec l’énergie
d’un pendu se débattant, la corde au cou.
Il se tenait devant le large escalier de pierre menant à l’entrée principale.
Il voulut jeter son mégot sur le fin parterre de graviers proprement ratissé, mais
il pensa que quelqu’un pouvait l’observer, depuis ces fenêtres donnant sur des
pièces obscures. Il le mit dans un vieux ticket de caisse qu’il trouva dans sa
poche.
Son bas de pantalon était humide, très sale et déchiré.
Il s’était arrêté pour demander son chemin à un fermier. Un puissant rottweiler
ou peut être un terrier des Pyrénées avait surgi de la grange, fracassant
presque le portail que son maître avait omis de fermer.
Le cerbère s’était jeté sur la jambe de Royco qui, paniqué, le frappait
vainement avec sa carte routière. Le fermier, à l’apparence brutale mais pas
particulièrement costaud, avait saisi l’animal, aussi aisément qu’un sorcier
vaudou aurait pris un poulet pour l’égorger.
Il avait dû rouler sur une interminable route de campagne. La nationale,
bordée de grands pins, alignés comme des pleureuses devant un cercueil sortant
d’une église, était barrée par la police qui déviait les voitures vers les terres, à
la croisée de chemins.
Hésitant, il avait pris à gauche. Il eut le temps d’apercevoir néanmoins la scène
d’accident expliquant cette déviation.
Il y avait eu une violente collision entre un camion transportant des porcs allant
à l’abattoir et un break familial.
Le vieux chauffeur du camion avait une vilaine plaie au front. Il titubait en plein
milieu de la chaussée, sanglotant, adressant des lamentations au ciel, dans un
état de choc évident. Il marchait en rond et tournait sur lui-même, tel un
derviche. Les lumières des gyrophares éblouissaient le sombre paysage
forestier.
Royco regardait la façade du château avec un air déconcerté. Il passa la main
dans ses cheveux gras plaqués en arrière, frotta la peau crevassée de son
visage.
La veille, il s’était un peu amusé, avec sa petite amie du moment, Martha, une
fille de Stockport, qui avait des origines russes. Elle avait réussi à le rejoindre
dans un hôtel miteux, où lui s’était arrêté, mais dans l’idée de dormir.
Il pensa à sa femme, qui allait lui préparer soigneusement le lendemain un bon
petit plat à base d’émincés de poulet et de petits légumes cuisinés à l’asiatique.
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Il posa son pied sur la deuxième marche de l’escalier. Une douleur lui vint dans
le mollet, à cause de la chute qu’il avait faite, aussi avec la morsure du chien.
Putain de clebs, pensa-t-il, en redescendant aussitôt sur le gravier, aussi
essoufflé qu’un champion de boxe n’arrivant pas à mettre au tapis le challenger
en face de lui.
Il prit dans sa veste les photos des deux gosses disparus, qu’il regarda en se
frottant le menton. Il sentit qu’il n’était pas rasé, depuis au moins deux jours. La
mauvaise qualité des clichés en noir et blanc lui rappela l’avis de recherche
d’un enfant porté disparu, dont la photo était sur une brique de lait. « Missing
child », il y était écrit. C’était lors d’un voyage à Coney Island.
Il retenta sa douloureuse ascension des marches, indifférent à la splendide
bâtisse qu’il y avait autour.
Elle ressemblait plus à un manoir suédois du 17ème siècle, qu’à une architecture
anglo-saxonne. Elle avait un style plutôt carolingien, qui aurait subi dans le
siècle suivant une légère dénaturation néobaroque.
Elle possédait deux ailes de bâti. Un ingrat colimaçon de ferraille avait été
greffé sur le flanc droit de la façade.
Les fenêtres, austères, étaient ornées de petites corniches de pierre. Elles étaient
parfaitement nivelées, aussi alignées qu’un ensemble de violoncellistes se
concentrant sur une scène. Le tout était surplombé d’une magnifique et théâtrale
coupole, qui laissait supposer un magnifique spectacle de jeux d’ombres et de
lumières, une fois que l’on passait à l’intérieur.
La fraicheur du lac qui se trouvait à quelques dizaines de mètres se faisait
ressentir. Une légère brume descendait sur cette eau sombre, plate comme un
miroir. Le lac scintillant reflétait la lumière terne d’un soleil blanc, d’une
chaleur douce, donnant la sensation d’un été indien touchant à sa fin.
On entendait déjà le rire des jeunes, qui courraient dans la demeure.
J’ai laissé le rocker poète sortir après l’avoir salué, j’ai repris les carnets de
Royco… ça correspondait à ce que j’avais entendu de Démons mais en moins
lyrique. Je le retenais le jardinier. C’était bizarre quand même cette histoire de
clébard. Mais bon, on était dans une maison de fous… alors !
Les carnets de Royco
Le Exes Setib Noc Institut était une grande bâtisse de briques rouges comme on
en voit encore à Arras en France, une sorte de château beau et inquiétant entouré
d’un petit parc où les arbres projetaient une ombre inquiétante. J’ai entendu le
taxi qui m’avait emmené ici, démarrer à grande vitesse comme si le chauffeur
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était pressé de quitter les lieux. Je ne m’appesantis pas sur les petits problèmes
que je rencontrai en arrivant. Je dois reconnaître que les alentours n’étaient
guère accueillants. Je me suis fait agresser par un drôle de chien, je n’en n’avais
jamais vu des comme ça ! Faudra que je me renseigne… Une forêt de pins
s’étendait à perte de vue d’un côté de l’institution et une lande bordait l’autre
mur d’enceinte. J’ai vu un jardinier qui bêchait dans le jardin, un mec étrange
avec une gueule en biais et de longs cheveux, il m’observait comme un marin
regarde la mer. Le vent soufflait, le ciel était morne et comble de malchance,
mon nez coulait encore. J’ai poussé la lourde grille de fer contre le vent, j’ai
marché contre les éléments déchaînés et j’ai essayé vainement de faire battre la
vieille cloche de bronze qui ne devait plus servir qu’à la décoration de ce sinistre
lieu. On aurait dit une cloche de lamaserie. J’ai eu toutes les peines du monde à
grimper un putain d’escalier. Finalement, un homme est venu m’ouvrir après
que je me sois acharné sur la porte de bois, il m’a regardé précisément le nez.
Merde, j’avais oublié, j’ai passé ma main sur mon appendice nasal. Oui bon, il
fait froid, c’est un phénomène naturel. Je me suis présenté :
-Steve Royco , inspecteur général des services du placement des jeunes en
difficulté, des pupilles de la nation et des enfants de la Reine. Bonjour...
J’ai tendu la main à l’inconnu plutôt soupçonneux
-Didier Androgyne me répondit l’homme en m’invitant à le suivre mais refusant
ma poignée de main.
Nous avons marché le long d’un couloir, emprunté un escalier de bois puis je me
suis retrouvé devant une porte où était écrit en larges lettres d’or : M Pablo
Afertes, directeur. Androgyne se recula discrètement. Je cognais à l’huis !
On vint m’ouvrir, après deux minutes. C’était une jeune et belle femme dont le
rouge à lèvre avait débordé et couvrait une partie du menton comme si elle avait
sucé un gros bonbon humide. Afertes, se tenait derrière son bureau, un peu
débraillé, la chemise ouverte et les cheveux mal peignés. Il tenait dans ses mains
deux petites statuettes qui me firent penser au culte de Shiva. Je me sentis
étrangement attiré par la jeune femme et bizarrement par Afertes lui-même, je
me repris en inspirant profondément comme je l’avais appris à l’école de police.
Il m’accueillit gentiment :
-M Royco, nous vous attendions, enchanté de vous connaître…
Ce type mentait aussi mal qu’un candidat Vert aux élections
Il regarda la jeune femme qui s’était baissée pour ramasser au sol quelques
papiers épars et dont la jupe s’était relevée, laissant entrevoir une culotte mal
ajustée dont débordait une fesse blanche et galbée :
-Laissez-moi vous présenter Miss Layette, ma secrétaire..
La demoiselle se releva d’un coup et s’approcha de moi, me tendant sa main que
je saisis prestement. Je remarquais à cet instant qu’outre son visage avenant,
miss Layette se faisait précéder dans la vie d’une énorme paire de seins dont les
bouts transparaissaient au travers du joli pull de cachemire bleu qui la serrait
comme un danseur de slow serre sa cavalière.
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Remis de mes émotions et après que la jeune secrétaire se fut assise à son
bureau, j’expliquais à Afertes le but de ma visite.
-Nos services ont été alertés par quelques phénomènes, disons, inquiétants qui se
sont produits dans votre institution, M Afertes…
Afertes fit un signe de la main qui signifiait : « méfions-nous des ragots, » je
poursuivis :
-L’an dernier, la jeune Linda Dragée, 19 ans a disparu subitement de
l’établissement. Chacun a cru à une courte fugue mais on ne l’a jamais revue.
Après enquête, il s’est avéré qu’elle entretenait de bien curieux rapports avec un
de vos pensionnaires, le jeune John Glandard 17 ans. Il est prouvé que quelques
heures avant sa disparition, Mademoiselle Dragée était avec Glandard dans une
chambre de l’institut mais il semblerait qu’ils n’étaient pas seuls puisqu’un
témoin a vu Gina Foune sortir de la dite chambre dans une grande colère peu
avant la disparition de Linda. Que s’est-il passé dans cette pièce M Afertes ?
Voilà ce que je suis venu chercher mais ce n’était pas la première de vos
pensionnaires à disparaître mystérieusement. J’ai tendu les photos en noir et
blanc à Afertes qui a regardé négligemment !
Ma voix s’était soudain élevée, le directeur tenta de me calmer en me proposant
un thé que je refusais…
-Non, et ce n’est pas tout, on me parle de pratiques étranges dans votre
établissement. Pratiques que je dois comprendre ou dénoncer…
Le pauvre directeur cueilli au coin du bois, tenta de chuchoter quelques mots
hésitants :
-Je ne vois pas de quoi, vous voulez parler…. Cher ami…
Je me levais et tournais mon rapport vers lui :
-Et ça ?
J’énumérais alors la triste liste dont l’administration avait été alertée.
-Toilettes d’une grande fille à une petite, couples de déficients mentaux,
masturbations publiques, homosexualité encouragée, érection autorisée pendant
les soins, viol, petit train, éducation sexuelle à des personnes handicapées ou des
mineurs.
Le pauvre Afertes s’était enfoncé dans son fauteuil tandis que Miss Layette me
regardait comme un enfant regarde une glace trois boules au chocolat…
Pablo Afertes ne fit pas obstruction à ce que je rencontre divers témoins au sein
de l’institution mais dans un premier temps, je décidais de me balader au sein de
la boîte pour m’imprégner de l’ambiance et peut-être pourquoi pas, croiser des
résidents prêts à se confier. Ça n’a pas loupé, en bas de l’escalier qui conduisait
à la cuisine, je croisais le jardinier que j’avais entraperçu en arrivant, qui venait
chercher des graines à replanter qui se trouvaient dans un petit placard en bois.
Je me présentais :
-Royco, je viens à propos de la disparition de Linda Dragée !
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-Cette garce ? me répondit le bonhomme en riant, elle n’a que ce qu’elle mérite,
franchement quand on allume les hommes comme on allume des bûches, un jour
ils vous ramonent la cheminée. C’est bien naturel !
Le type allait tourner les talons, je le retenais par la bretelle de son falzar.
-Oh, doucement mon bonhomme, vous m’en dites trop ou pas assez, va falloir
être un peu plus loquace… lui gueulais-je dans les bronches.
-Ecoutez monsieur Knorr, c’est simple, ici tout le monde est dingo… il baissa la
voix soudain... et me dit sous le sceau de la confidence… Ils ont tous le cerveau
dans la culotte à commencer par…
-Par ?
-Oh, j’peux rien dire, j’vais avoir des ennuis...
J’insistais :
-Par
-Par le patron, là Pablo Afertes :
-Je vous écoute mon vieux, soyez tranquille, il ne vous arrivera rien.
Le type s’assit sur les marches et me regarda droit dans les yeux, il paraissait
sincère :
Tribunal du Yorkshire décembre 2012
Greffière notez : Royco me met le compte rendu de ce que le jardinier lui a
raconté, on a peine à y croire… J’y vais. Décidément cette histoire m’emmerde.
Compte rendu de l’entretien avec … le jardinier Démons
-Pablo AFERTES, directeur du Exes Setib Noc Institute, est un« hombre »
franchouillard, réfugié politique argentin qui s’est fait porter pâle pendant la
guerre des Malouines.
De nombreuses photos sont fièrement exhibées, çà et là dans son « bureau »
ressortant plus d’un penthouse californien des eighties, retraçant son glorieux
passé (sportif ?) de l’Université de Buenos Aires, lorsqu’il en était le capitaine
de l’équipe de polo, coqueluche des Cheerleaders à gros pompons, des pépées
caliente que l’on peut apercevoir sur certains clichés accrochées telles des
moules sur un bouchot, au torse velu et puissant du feu bel « hidalgo » ,sorti de
la douche le cigare aux lèvres. Son goût pour les pompons semble se confirmer
sur cet autre cliché trônant sur son secrétaire, sur lequel il prend la pause entre
deux bobbies, jovial, faisant mine de soupeser les corones de ces valeureux
servants de Queen Mum.
C’est dans cette atmosphère atypique, invitant à la détente de la braguette, qu’il
organise des soirées cotillons-champagne sur le thème récurrent du jardin
d’Eden…et qu’il y fait passer des épreuves d’embauche, tout comme le jour de
la disparition de Linda Dragée, où il recevait de jeunes postulantes
méticuleusement sélectionnées par Androgyne pour qu’elles lui dévoilent,
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tenues légère souhaitées, non seulement un étalage de leurs expertises orales,
mais aussi une maîtrise dans l’art de secouer les pompons(du pépère),et surtout
d’avoir la « main verte »,habile de surcroîts, pour prendre soin de l’énorme
cactus ,poilu à en faire pâlir un lama, qu’elles doivent épiler sans se piquer tout
en répondant aux questions, telles des coups de boutoirs (s’embarrasse-t-il d’en
poser d’ailleurs.. ?) du Picador argentin.
Les performances de ces ingénues ont été filmées (à leur insu), via une webcam.
Carnet de Royco
On m’avait prévenu que cette boîte n’allait pas très bien mais là, je dois avouer
que je me suis senti légèrement dépassé par la situation. Je venais pour une
banale disparition et je me retrouvais devant un carnaval de malades sexuels
tous plus dépravés les uns que les autres. Vers 19h, la cloche teinta, c’était
l’heure du repas collectif. Je rejoignais le grand réfectoire pour observer les
pensionnaires les uns derrière les autres. Ce n’était pas joli, joli… D’un côté les
soignés, tous cassés de quelque chose et surtout de la vie, de l’autre les soignants
et là, on aurait plutôt dit le casting d’un film porno des années 60 que des
éducateurs spécialisés et du personnel de service. Sûr que si je n’avais pas été là
pour enquêter, je serais reparti ce soir avec un beau petit lot à faire bander un
impuissant… mais bon, je n’étais pas là pour ça et puis, j’avais décidé d’être
fidèle à Martha ! Quelle connerie la fidélité. Avant de dîner, je suis retournée
dans le bureau d’Afertes… même sentiment étrange, même envie de laisser
parler la queue… et toujours ces deux étranges statuettes indiennes qui
semblaient dégager une aura impressionnante et invisible. La pulpeuse secrétaire
du directeur était là, je m’approchais discrètement.
Miss Layette baissa la tête sur son clavier. Elle double-cliqua, entra ses
identifiants, double-cliqua encore, tapa sur le clavier « Fésé gaff tous, inspecter
Royco ki vien d'arivé. Va ns intérogé sur Linda D. Planquez Linda ou on saute
ts. Vai essayé de le tenir un bon moment..hum hum lol ». Ses longs faux ongles
peints rouge sang claquaient violemment les touches du clavier du PC. Elle
cliqua sur envoyer le message et son regard croisa mon regard. Ses yeux
voyageaient sur moi comme un poids lourd sur une autoroute.
Elle pensait sûrement que je n’étais pas si mal que ça comme inspecteur et
qu’elle aimerait bien que j’approfondisse rapidement mon enquête...
-Miss Layette je souhaite vous poser quelques questions sur Le Exes Setib Noc
Institut. Est-ce qu'on peut se voir maintenant ?
-Bon. J'allais justement vous demander d'être entendue la première. Venez
Royco allons vers la salle de réunion.
Elle se disait que j’avais dû être beau gosse maintenant inspecteur à la crinière
argentée et elle sentait bien que le cochon qui est en moi était troublé par les
reliefs de son petit cachemire bleu. J'en rajoutais, passant devant elle, ondulant
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comme une anguille dans une eau chaude. Elle m'ouvrit la porte de la salle de
réunion. J’entrai le premier et elle comprit à mon regard que je bandais.
- Que savez-vous de Linda Dragée ?
- Oh rien de particulier. Pfff, vous savez les étudiants, ça va ça vient toute
l'année ! Une fois ils sont là, une autre fois ils ne sont plus là. Ils s'absentent, ils
reviennent... Les filles se teignent les cheveux et on ne les reconnaît plus ! Et
puis moi ce sont surtout les étudiants qui m'intéressent, les étudiantes un peu
moins...si vous voyez ce que je veux dire...
- Comment ça ?
-Je suis sûre que vous voyez ce que je veux dire... répéta t’elle en s'approchant
de moi.
Si je pose ma main sur votre cuisse comme ça, vous voyez ce que je veux dire ?
- Non.
- Et si je pose ma bouche doucement sur votre joue comme ça vous comprenez
mieux... ?
- Miss...
- Et si je pose votre main sur mon sein, et que je la fais bouger comme ça et que
je l'appuie ...plus fort ...vous commencez à comprendre ?
- Je commence…
Et si je remonte ma jupe comme ça, et si je vous déboutonne et que je glisse ma
main dans votre...
Je compris assez vite finalement et en quelques coups de langue l'affaire fut
réglée. Elle me confia en riant :
-Pourtant Dieu sait que je n'aime pas les hommes qui portent des slips blancs
informes ! Mon directeur adoré le sait bien, il ne porte que des boxers. J'adore !
Mais bon là, il y avait urgence.
Avant de quitter la salle de réunion, Miss Layette sortit de sa trousse à
maquillage un bâton de rouge à lèvres. A l'aide du miroir de son petit poudrier,
elle redessina les contours de cette bouche qui finalement ne m’avait rien livré
mais qui en avait certainement beaucoup à raconter sur la disparition de Linda et
sur l'esclave sexuelle qu'elle était visiblement devenue au sein du Exes Setib
Noc Institut.
Tribunal du Yorkshire décembre 2012
-Eh bien, il ne s’est pas ennuyé le Royco, mine de rien... ; Quel salaud...ça ne
ressemble pas à son profil de petit fonctionnaire frileux… il souffle un drôle de
vent quand même dans cette boîte. Après cette petite gâterie, il a dû manger un
morceau et dormir sur place. On a dû lui préparer une chambre. C’est logique il
voulait s’imprégner de l’ambiance des lieux, je pige bien…. Faites entrer le
témoin N° 2 S’il vous plait. Ouh, quelle gueule d’amour ce petit con…
-M Glandard racontez moi votre entrevue avec M Royco, je vous prie. C’était le
soir de son arrivée, c’est cela ?
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-Oui, vers 23 H m le juge.
- Je vous écoute
AUDITION DU SECOND TEMOIN
-Mr Royco, installé devant la cheminée, m’attendait.
De dos il me faisait penser à un ours, faisant semblant de ne pas chasser le peu
d’innocence encore en moi.
Je ne voyais que son regard en coin avec ses deux gouttes dégoulinant le long
de son front. Il me semblait même que sa canine gauche dépassait de sa lèvre
inférieure. D’ailleurs, il ne lui manquait plus qu’un énorme filet de bave coulant
jusqu’au menton, pour confirmer cela.
En se tournant, je n’ai vu en lui qu’un homme, la bête s’était envolée. Son
regard noir me semblait si doux et à la fois perçant, comme s’il pénétrait en moi
jusqu’au bas de mon ventre.
Il n’était pas particulièrement beau, mais quelque chose en lui me fit partir dans
mes souvenirs. Les plus beaux peut être.
Les odeurs, les bruits, les silences et les images me revenaient, jusqu'à me faire
ressentir ce moment jouissif éprouvé ce jour-là.
- Bonjour, je suis Mr Royco. Tu sais pourquoi je suis là et surtout ce que
j’attends de toi.
Cette phrase est venue perturber ce moment où les poils encore hérissés, une
chaleur commençait à me faire sentir une étroitesse dans mon jean.
Oh oui je savais ce qu’il voulait ! Mais pourtant, non, je ne pouvais pas. Je ne
voulais surtout pas lui dire, lui avouer pourquoi Linda et moi étions si proches,
si intimes.
- Bonjour Mr, je n’ai pas besoin de me présenter, vous savez donc qui je suis.
Je me doutais de la description que l’on avait faite de moi. En tous cas, celle
qu’avait faite Mr Afertes. « Il est indescriptible, vous verrez. Entre ange et
démon, capable de vous séduire avec ses yeux bleus, vous envouter avec les
mots et vous paralyser par un geste. Ce jeune homme John Glandard est
dangereux, rien que par ce qu’il dégage et suscite en vous. »
-Alors, Mr Glandard, que faisiez-vous avec Linda ce jour-là et dites-moi quel est
votre lien avec cette jeune femme?
Le silence, rien que le silence, après cette suite de mots.
Je prenais encore la fuite dans mes pensées, comme je savais si bien le faire,
trouvant du plaisir là où je pouvais.
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Donc là-bas.
Oui, ce jour d’été la chaleur me brûlait la peau, alors qu’il n’était que 8h00.
Assis sur les hauteurs, l’odeur de terre battue, de la résine de pins et de
l’eucalyptus envahissait mon nez, ma tête, mon corps et la vue imprenable que
j’avais balayée du regard m’arrêtant sur cet homme, m’avait durci le bout des
tétons.
Pour la première fois, mon corps me parlait, me faisait sentir vivant, ni en
touchant ni en me faisant toucher par qui que ce soit. Voilà, juste par une odeur,
une image, un instant, un homme.
Ce fut à cet instant que je compris ce que Linda tentait de me dire depuis des
mois. Non effectivement, elle ne suscitait rien en moi, ni excitation, ni envie, ni
désir, sauf de l’amour plein de tendresse, telle une confidente recevant mes mots
et mes maux.
Oui, cet homme, Mr Afertes, m’avait ouvert au monde du désir, de l’interdit,
des fantasmes et cela depuis ce matin-là.
- Excusez-moi Mr Glandard ! Vous avez entendu ?
Non, je ne n’étais plus là.
Je ne voulais que me repasser ce film en boucle dans la tête telle une bobine que
l’on déroulait encore et encore.
En essayant de se cacher entre les oliviers, Miss Layette et lui m’avait permis
d’avoir une vue imprenable.
Son corps, son sexe, ses mains, qu’il se passait sur le torse tout en empoignant
les cheveux de la miss avec puissance et douceur à la fois.
Je pouvais presque sentir le désir grandissant s’emparer de lui.
En voyant le rythme de cette scène qui s’accélérait, j’attendais avec délice le
plan final, qui prenait le temps d’arriver.
Et là, j’étais adossé à la cheminée, avec la chaleur de celle-ci qui m’envahissait.
Mr Royco, lui, n’était plus là.
Je ne savais plus si c’était le claquement de la porte qui m’avait fait revenir
dans cet autre film, mais ma main trempée, s’était glissée dans mon pantalon et
je sentais un sourire béat sur mon visage.
-J’ai fait sortir Glandard avant qu’il ne me fasse une putain de séance de strip
tease dans mon bureau… Quel allumeur !!! D’ailleurs si j’en crois les carnets
intimes de Royco… lui non plus n’est pas resté insensible aux charmes de ce
garçon.
Carnets Royco
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Nous n’irons plus à Lhassa
Il est 23H30, Glandard sort du bureau… il m’a mis dans un état incroyable… je
ne comprends pas. Mon dieu, quelle horreur, deviendrais-je un inverti, un
sodomite, un envoyé du diable ? Marie, Jésus, Joseph protégez-moi… je n’ai
jamais ressenti cela pour un homme si j’excepte Romuald Hatchkinson, lorsque
j’avais 11 ans au pensionnat mais c’est différent. Il faut le voir, le Glandard !!
Un mec fin comme une brodeuse qui promène ses mains effilées sur son corps
musclé. Ah, il faut le voir, ce petit œil malin qui brille et qui vous met le feu. Et
puis ce cul !!! Putain quel cul, bombé, ferme. Un cul comme un ballon de foot.
Quand il se baisse son pantalon glisse un peu et l’on aperçoit le début d’une raie
noire, profonde, secrète et offerte à tous…Et puis, pourquoi met-il des pantalons
qui le serrent comme cela… il est habillé, on a l’impression qu’il sort de la
douche. Faut le voir bouger, une danseuse… il ne marche pas, il virevolte…
Non, non, ce n’est pas vrai… je ne vais pas avoir la trique maintenant… pas
pour un garçon… et Martha ? Ma Martha ? Je vais aller marcher dans le jardin,
ça va me faire du bien…
J’ai marché dans le parc désert, le froid m’a fait un effet de douche et j’ai
retrouvé un semblant de détente des tissus spongieux… il y avait un type en
chaise là. Au moins quelqu’un qui n’allait pas me parler de sexe… c’est vrai ça
un handicapé, ça n’a pas de sexualité. Je me suis approché de lui mais le gars a
été plus prompt que moi, il a filé dans une pente et a disparu en quelques
secondes. J’ai renoncé à courir après lui… mais en m’approchant du massif de
fleurs où il stationnait, j’ai trouvé un petit feuillet plié en quatre. Je l’ai ramassé.
Bingo !! C’était quelques confidences de mon handicapé. Certainement des
réflexions sur le mal de vivre… j’ai commencé à lire.
Décembre 2012 tribunal de Yorkshire
-Notez melle Kiffard que j’incorpore, le carnet du résident handicapé au procèsverbal... J’en fais lecture. Merci
Un résident handicapé moteur
Un drôle de type est arrivé ce matin, un valide qui portait une mallette. Il avait
pas l’air du coin. Ils semblaient débarquer de la ville lui et sa goutte au nez. Il
ne m’a pas vu quand il montait l’escalier avec l’Androgyne. Moi et mes
roulettes étions dans un coin sombre près de la cheminée.
Bon c’est pas tout ça mais j’aimerai bien qu’on me débarbouille un peu. Je me
sens sale.
La voilà ma jolie savonneuse. « on y va ? » « on y va »
Comme d’habitude, elle pousse mon fauteuil vers la salle de bain. Comme
d’habitude, elle me retire délicatement le haut puis le bas.
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Nous n’irons plus à Lhassa
Comme d’habitude je fais la bascule vers le brancard de douche glacial qui
m’arrache toujours un frisson.
Me voilà en position, bientôt ses mains me caresseront. Je l’entends fredonner
pendant qu’elle cherche la bonne température en tenant le pommeau de douche.
J’aimerai bien me glisser dans la peau du pommeau et bien sûr dans la sienne.
Elle se retourne, me regarde, esquisse un sourire gêné. Je baisse les yeux, je
vois ma bite…merde érection !
Je suis un peu confus. « N’y voit pas d’offense poulette » voudrais-je lui
dire…J’aimerais aussi lui dire qu’aller plus loin que ce brin de toilette me
plairait bien mais je préfère faire diversion.
« Qui c’est ce gars qui est arrivé tout à l’heure ? »
« Je crois que c’est un inspecteur, il vient inspecter… » Me répond la
shampooineuse.
Il ne va pas être déçu. Moi je rougis et m’excuse parce que j’ai la gaule alors
qu’ici toute la maison a chaud.
Si ça se trouve, il vient pour Linda…
Je peux peut-être pas remuer comme je veux mais mes oreilles elles sont
baladeuses.
Je lui dirais, moi, à ce gars que j’ai entendu que cette minette semblait
apprécier la gaudriole et que la veille de sa disparition elle avait fait une petite
fête ou plutôt une petite sauterie… Elle, l’autre Glandard et la Gina…
Pas étonnant qu’ils soient portés sur la chose, c’est l’âge des hormones…
Et c’est pas le climat ambiant – chaud et humide- qui risquait de les calmer les
jeunes…Entre l’aguicheuse Layette et le directeur vicelard…
Tribunal du Yorkshire décembre 2012
L’affaire commençait sérieusement à devenir embrouillée, c’était à n’y rien
comprendre. Comment tous ces gens qui paraissaient normaux au premier abord
devenaient-ils tous obsédés sexuels… Y avait un truc…si les handicapés s’y
mettent ! Même Royco me donne l’impression qu’il a pété la prostate là-bas.
Bon, je vais recevoir cette Mlle Foune qui était témoin de la disparition de Linda
Dragée avec Glandard, elle va bien nous apprendre quelque chose.
-Greffiere faites entrer Mlle Foune... et arrêtez de la regarder comme si elle était
nue. Greffiere reprenez-vous ! Je vous écoute Mlle Foune, qu’avez-vous raconté
à M Royco, lorsqu’il vous a interrogée au lendemain de son arrivée.
-Msieur le juge, moi, j’y suis pour rien dans ces disparitions… c’est bizarre c’est
la région qui porte malheur !!! Voilà ce que je dis, moi… la région. Je fais
comme si que c’était vous Royco, c’est ça ? et je vous ressors c’est quoi que je
lui dis... D’accord M Le juge !
AUDITION DU TROISIEME TEMOIN
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Nous n’irons plus à Lhassa
« Ça faisait un an que j’avais rencontré Linda, ça a été le coup de foudre
direct ! Avant j’étais amoureuse de Gary… mais il a disparu sans me faire
l’amour
A ce moment, Royco y m’a demandée
-C’est qui ce Gary
-Un super beau gosse qu’a disparu
-Lui aussi ? Bon continuez Melle Foune
J’arrivais d’une famille d’accueil déplorable de chez qui je suis partie en
catastrophe. J’étais un peu soulagée de me retrouver à la MECS, et puis de voir
cette splendeur à mon arrivée, c’était pas pour me déplaire !
Dès le début j’ai voulu la séduire : j’étais à ces petits soins, à la dépanner pour
une clope, lui faire son café, et l’écouter au maximum ! Je ne la lâchais pas ! Et
mon désir de la « goûter » ne désemplissait pas ! Vous voyez ce que je veux
dire ?
Royco acquiesça…Mlle Foune reprit :
« J’avais envie de lui susurrer à l’oreille des mots tendres pour qu’elle fonde
sous mes mains, j’avais envie de lui raconter toutes les manières que j’avais de
lui faire du bien, et comment je serais au service de son plaisir pour exciter le
mien…Je la désirais tellement que mes fantasmes créaient en moi un flot de
jouvence constant.
Mais John arriva…
Lui était beau gosse mais il se défonçait, Linda et lui étaient cul et chemise, je
savais que ça allait me faire souffrir mais j’étais trop accroc de Linda pour la
lâcher…On devient pote tous les trois…
Eux se défonçaient, moi quasiment pas, je leur servais de couverture devant
l’établissement…
Linda goutait à tout ce qu’il ramenait…une cata…mais pour rester près d’elle
j’essayais aussi des fois…coke, ecsta, champis, ect… mais j’avais un garde-fou
intérieur qui m’évitait de partir dans des consommations asservissantes…
L’avantage c’est qu’avec Linda, on flirtait dans ces moments-là, jamais avec
John, qui ne m’attirait pas du tout.
Seulement un soir, j’ai pété un plomb, il a ramené de la came, de l’héroïne, et a
parlé d’injection…J’ai hurlé, claqué la porte, et suis partie…
Depuis, je n’ai jamais revu Linda… »
-Bon merci, mademoiselle, au moins ne cachez -vous rien de votre vie
amoureuse.. C’est bien… restez dans les parages, j’aurai peut-être besoin de
vous…
Il semblerait qu’ensuite Royco ait regagné sa pension en ville, du moins c’est ce
qui apparait sur son carnet.
Carnets de Royco
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Nous n’irons plus à Lhassa
Cette affaire m’énervait, j’ai eu envie de m’aérer. En plus je n’avais pas fermé
l’œil de la nuit… je devais faire le point. J’ai demandé un taxi et je suis retourné
en ville, retrouver la civilisation des gens qui ne bandent pas 24h sur 24. J’ai
retrouvé ma logeuse à gros cul, je me suis allongé sur mon lit, mon sexe avait
repris une taille normal… j’avais oublié, Foune, Glandard, Gary et Layette et je
pouvais penser enfin à Martha. Ses bonnes soupes, ses puddings et cette
merveilleuse façon qu’elle avait de repasser mes chemises. C’est utile une
femme tout de même. J’ai essayé de résumer brièvement la situation… j’avais
hâte de quitter la région mais si je revenais au ministère avec aussi peu de
renseignements je me ferais jeter comme un Tampax usé.
-Une gamine puis un jeune garçon disparaissent au sein d’une maison d’accueil
où la seule activité remarquable semble être l’envie des pensionnaires de baiser
tout ce qui passe. Du jardinier au directeur, le climat est à l’immoralité, à la
bestialité et au blasphème. Tous sont concernés mais on croirait que c’est malgré
eux puisque tous critiquent les comportements des autres… Si Linda Dragée a
disparu c’est qu’elle était témoin de quelque chose de gênant mais de quoi ?
Grands Dieux, de quoi ? Qui avait intérêt à la faire disparaître ? Ah… je
trouverai, je trouverai ! Il y a l’atmosphère, il y a les statuettes hindoues, il y a ce
clébard, il y a anguille sous roche.
Tribunal du Yorkshire décembre 2012
-Royco a dû s’assoupir quelques minutes avant de se rendre à la mairie consulter
des archives car il reprend ses notes beaucoup plus tard… Greffière veuillez
noter :
Carnet de Royco
Je suis allé consulter quelques documents relatifs au EXES SETIB NOC
Institut… j’y ai appris des choses très intéressantes… Cette bâtisse n’avait pas
toujours été un institut pour les jeunes en difficulté, elle avait été au XIX e siècle
le plus grand bordel du Yorkshire… c’était un siècle où le sexe n’était pas
confiné aux écrans d’ordinateur mais les bourgeois avaient tous le droit et même
le devoir de se payer du bon temps une à deux fois par semaine avec des petites
minettes rémunérées. Personne n’y trouvait rien à dire… C’était le bon temps !
Le bordel était un commerce comme les autres mais celui-ci c’était un
supermarché… J’ai lu ça et là des témoignages de clients satisfaits…
-Merci à la petite Titi et ses doigts experts qu’elle m’a glissés habilement dans
les interstices. Je reviendrai.
-20/20 à Magali et sa bouche surdimensionnée qui m’a fait toucher du gland le
paradis terrestre…
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Nous n’irons plus à Lhassa
-Bravo à Lulu Cudor et la petite surprise qu’elle cache dans sa culotte et qui
vous transforme en femme le temps de l’amour.
D’après ce que je comprends, il y avait jusqu’à 50 femmes dans ce bordel et 500
clients par jour. La dernière patronne s’appelait Sashina, elle était Tibétaine
d’origine et visiblement, elle a dirigé ce lieu de dépravation jusqu’en 1950…
puis les bonnes mœurs ont pris le relais, la bourgeoise a appris l’amour et les
hommes ont découvert l’adultère systématique ... C’en était fini des bordels …
le sexe gratuit était arrivé…L’institut a été transformé en hôpital psychiatrique
puis en institution d’accueil de jeunes en perdition…. Rien de bien surprenant.
Tribunal du Yorkshire décembre 2012
-Notez greffière que Royco a noté en petit, tout petit, en bas de la page… « Les
murs ont des oreilles, ils ont aussi de la mémoire » Hum qu’a voulu dire cet idiot
de contrôleur ? Ce n’est pas très clair…Il y a écrit aussi une petite liste au
crayon à peine visible…je lis ça :
Fox terrier
Terrier des Alpes
Terrier Tibétain
Fox à poils longs de Poméranie. Mhhhhhh ?
- Faites entrer M Afertes, je vous prie :
M Afertes. M Royco, le lendemain de son arrivée, après qu’il soit revenu à
l’institution avant sa disparition a eu l’occasion d’entendre une conversation
entre vous-même et Melle Layette… j’aimerais que vous m’en fassiez part de
vous-mêmes et… ne dissimulez rien s’il vous plait... Le rapport de M Royco est
assez complet… vous ne voudriez pas mentir à un juge ? Tout de même !!
Je vais tout vous dire M le président, je ne vais rien vous cacher, tout est très
présent à ma mémoire. Nous étions deux dans la pièce… Melle Layette et moimême… j’étais inquiet ;
AUDITION DU QUATRIEME TEMOIN
- Je t’avais dit qu’on finirait par venir nous embêter.
Layette ne me répondait pas. Elle démêlait nonchalamment sa chevelure
fine et roussâtre, immobile devant la fenêtre, le regard absent, dirigé vers
l’escalier en pierre du château.
Elle laissa sa tête s’écrouler doucement contre le carreau. Des morceaux de
bois tombèrent du châssis rongé de la fenêtre. Elle esquissa un sourire confiant,
fermant sereinement une seconde ses lourdes paupières.
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Nous n’irons plus à Lhassa
Elle fixait, le visage appuyé contre le verre, l’épaisse brume qui descendait sur
les jardins entourant l’institution. On distinguait à peine les statues dans l’allée
du bois, recouvertes de bâches à la venue de l’hiver.
Elle souriait comme une mère attendrie par ses enfants jouant sur une pelouse
impeccable, par une belle et longue soirée d’été.
- Ce Type, là, Royco, il va revenir cette semaine, il va nous interroger, TOUS.
Tu le sais ? Continuais-je.
Elle décolla brusquement son front de la fenêtre, son souffle tiède laissa un
ovale de buée.
Elle traversa la pièce froide et humide d’un pas assuré, sur le parquet grinçant,
un pied devant l’autre. On aurait dit une collégienne dans l’imitation maladroite
d’un mannequin lors un défilé de mode. Elle me lança au passage un regard
moqueur, avec son sourire persistant et carnassier, qui commençait d’ailleurs à
m’agacer.
Cette fille, cette sage paysanne débarquée du Wessex devenue une middle-class
girl, était pourtant pas le genre de volant au bout duquel il fallait s’endormir :
C’est la comparaison dont je lui avais fait part, chez moi, lors d’une nuit passée
ensemble, pendant laquelle nous avions bu de l’absinthe. Cette image l’avait fait
rire.
Elle alluma un petit poste radio, posé sur un bureau à cylindre d’époque
victorienne, au fond de la pièce.
Le son nasillard qui en sortit me donna la chair de poule. La station diffusait
une chanson de Bert Jansch, une ballade folk qui s’appelait « Fresh as a sweet
Sunday morning ». Jansch venait de mourir à Londres, dans la semaine, d’un
cancer de la gorge.
Quelqu’un frappa à la porte, puis l’ouvrit instantanément, coupant net le
semblant de discussion que j’avais avec Layette.
C’était Gary. Il entra dans la pièce sans même qu’on le lui dise.
Gary était un jeune homme âgé de dix-sept ans, présent dans l’établissement
depuis trois ans.
Il avait pour habitude de provoquer le personnel en affichant et en revendiquant
son homosexualité.
Il portait de longs cheveux noirs, lissés rigoureusement chaque matin. Il s’était
maquillé, d’un trait de crayon sous les yeux, noir et léger, avait enfilé un sombre
long manteau d’hiver, boutonné jusqu’au menton.
Il avait le visage malade, ce matin-là, presque cadavérique. De mauvaises
nouvelles lui étaient encore parvenues, certainement. Avec cette allure, dans la
pâle lumière qui inondait la pièce, il me fit penser à un personnage de film
expressionniste allemand, les vieux films muets en noir et blanc, genre Le
cabinet du docteur Caligari ou Nosferatu.
Gary était très attaché aux gens qui travaillaient sur le château. Par contre, il
n’allait jamais vous dire bonjour le premier, préférait plutôt vous assener une
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Nous n’irons plus à Lhassa
parole crue, tout en ayant un geste de tendresse. Cependant nous y étions
habitués, c’était sa manière de montrer l’affection qu’il portait aux adultes.
- Gary, on ne rentre pas comme çà. Tu aurais pu attendre qu’on t’ouvre.
- Toi, c’est bon, ne me parle même pas. Me lança-t-il, sans daigner me regarder.
Il se dirigea vers Layette.
- ça va, ma chérie ? Tu es bien coiffée, j’aime bien tes cheveux. Par contre, ta
grosse poitrine, c’est trop laid… Dit-il en soulevant négligemment les énormes
seins de la jeune femme, comme s’il pesait deux bars vendus à la criée, sur le
port français de Dunkerque.
- Si je devais m’en faire implanter, j’en mettrais surement pas des comme çà.
C’est trop moche, çà fait catin.
Elle s’en foutait, prit juste un air blasé.
Gary ressortit comme il était entré, se caressant les cheveux, après m’avoir
bousculé légèrement, en me souriant :
- Fuck You, ok, mon chéri ? Je vais te faire ta fête ce soir, tu vas être ma pute.
Ciao mon amour.
Il claqua la porte.
Je l’entendais néanmoins encore dans le couloir, chanter à tue-tête un truc
immonde, sûrement un autre tube abrutissant pour ados.
Un autre morceau de Jansch avait démarré, The Auld Triangle, un traditionnel
irlandais. On faisait retentir ce fameux triangle dans les prisons pour réveiller
les détenus, ou pour annoncer une exécution. Quelque chose comme çà.
J’éteignis la radio.
Layette me regardait par-dessus son épaule. Elle avait un visage plus doux,
tendre.
Je n’allais plus chercher à comprendre cette conne. Cela me fatiguait,
m’ennuyait profondément.
Elle était dans la même merde que moi, après tout. Si ce n’était pire.
Une autre comparaison me venait alors. Elle me fit penser aux vautours, qui
descendent déchiqueter des carcasses d’animaux morts sur les routes
américaines, désertiques et caniculaires. Des rapaces qui ensuite n’arrivent
plus à s’envoler, tant ils se sont gavés, et qui se font à leur tour écraser, par le
seul poids lourd qui passe dans la journée.
Elle se tourna complètement vers moi :
-Tu sais, ils viennent tous les soirs.
- Je sais pas, mais en attendant, elle a bien simulé la colère, en sortant de la
chambre de John, c’était bien joué. Super numéro de comédienne. Rien à dire.
Mais toi, arrête la morph’, çà et ton tarot de mes deux, tes bouquins de magie
moire, Aleister Crowley et compagnie ; franchement, çà commence à te foutre
une putain d’araignée au plafond, ma pauvre.
En toute réponse, elle alluma une cigarette, impassible.
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Nous n’irons plus à Lhassa
Elle se noyait une fois de plus dans ses vapeurs mystico-ésotériques, comme
prise dans la transe d’un sabbat de sorcières.
Elle laissa échapper la fumée de sa bouche, cette bouche qui n’osait même plus
embrasser sa propre mère, tant elle avait pu « servir ».
-Tu vois, un jour, ma grand-mère m’a dit: « Pas de funérailles avant que le
corps ne soit froid ». J’adore cet adage… se mit-elle à chuchoter, avec un
regard autistique en direction du plafond, clignant nerveusement ses yeux
éblouis par le lustre poussiéreux.
Elle tenait sa cigarette du bout des doigts, son coude posé dans la paume de son
autre main. On aurait dit une vieille actrice has-been interviewée pour un show
télé programmé à une heure tardive, que personne ne regarderait.
Elle concentra à nouveau son attention vers moi, le regard hébété, comme le
jour où on lui expliqua qu’elle avait par inadvertance enfermé un jeune dans les
archives, toute une journée.
Puis ses traits se détendirent d’un coup.
Elle bascula la tête en arrière avec un air faussement glamour, entrouvrit cette
bouche qui aurait fait le bonheur de tous les punks de l’Angleterre, ceux qui ne
trouvent rien d’autre que des nanas junkies pour leur faire des pipes. Elle lâcha
un soupir, haussa un sourcil. Une mèche resta collée sur son front pâle.
Tu veux baiser ce soir ? Demanda-t-elle, avec l’enthousiasme d’une serveuse
distribuant des choppes à des chasseurs écossais complètement imbibés, qui la
chahuteraient en l’attrapant par la taille, lui demandant si sa mère était un
aussi joli petit lot qu’elle.
-M Afertes, je vous pose les mêmes questions qu’a dû vous poser M Royco à la
suite de ce que vous racontez et qui est assez fidèle à ses propres notes.
-Où est Gary maintenant ? Et qui sont ces mystérieux êtres qui viennent la nuit ?
-Je ne sais pas, mon bon monsieur… je ne sais pas mais cela fait beaucoup de
disparitions inquiétantes. Et puis maintenant ce bon M Royco ! Quelle horreur.
-Vous n’êtes pas crédible mon vieux lorsque vous chialez comme cela… croyezmoi, je vais trouver ce que je cherche et avant ce soir !!
__________________________
Je me suis adossé à mon fauteuil, Afertes était reparti, la greffière finissait de
taper le compte rendu de notre entretien. Elle m’interpella :
-M le juge, je note la phrase de Royco : « les murs ont des oreilles, ils ont aussi
de la mémoire »
-Non, ce n’est pas officiel, c’est une une… nom de dieu ! Et si ?
Une idée m’avait traversé l’esprit… il me fallait à mon tour aller au EXES ETIB
NOC Institut pour vérifier une petite chose… mais pour que l’expérience soit
concluante, j’avais besoin de ma greffière.. Miss Kiffard….
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Nous n’irons plus à Lhassa
-Miss Kiffard, éprouvez-vous la moindre attirance pour moi ?
La pauvre femme faillit tomber de sa chaise, elle me regarda affolée…
-Attirance ? Attirance ? Vous voulez dire physique ?
-Oui, c’est cela Physique…
- Non, je sais que vous êtes un grand professio…
-Stop ! Melle Kiffard… pas de baratin… est ce que je vous fais reluire la
pastille, mouillé le coquelicot, lustrer la boîte à ouvrages…. ?
-Non, m le juge… je suis aussi sèche quand je vous regarde que le Sahel en
décembre…
-Bien parfait, alors suivez-moi !!!
Nous sommes partis en taxi tous les deux, une idée me trainait dans la tête mais
je ne parvenais pas à retrouver d’où je tenais cette suspicion étrange et folle qui
me turlupinais. Nous sommes parvenus à la grande bâtisse de briques d’un
aspect aussi sympathique qu’une pute avec un œil de verre. Le jardinier est venu
nous ouvrir, plusieurs pensionnaires se promenaient, nonchalants dans le parc.
-Voyez où passe l’argent de nos impôts, Melle Kiffard !!!
-Oh M le juge, c’est terrible….
Nous sommes montés au premier étage, quelque chose me disait que là se tenait
le mystère au cœur de toute cette histoire. J’essayais de m’imaginer ce qu’avait
dû être l’institut au temps où il était un bordel pour sujets de sa majesté fortunés.
Je n’eus aucune difficulté à voir les suites de chambres ou devaient travailler les
filles et au bout du couloir le grand salon où les clients choisissaient leur objets
de désir. Cette pièce était devenue le bureau du directeur, je frappais à la porte, il
n’y avait personne, nous entrâmes… Melle Kiffard n’en menait pas large :
-M le juge, cela ne se fait pas !!!
C’était une très grande pièce dont les murs étaient recouverts de tentures lourdes
et sales. Il restait quelques fauteuils de velours rouge de l’époque et l’on devinait
sans peine, l’emplacement des chaises sur lesquelles s’asseyaient les clients
attendant les prostituées qui défilaient comme à la parade. Melle Kiffard s’assit
sur un tabouret de coin, repliée sur elle-même, affolée de ce que nous faisions :
-M le juge, ne trouvez-vous pas que cela sent une étrange odeur ?
-Quelle odeur ?
-Je ne sais pas, comme une odeur qui me dit quelque chose !!!
-Vous avez raison Melle Kiffard, ça sent la…
-La…
-l’amour !
-Oui, une chambre d’amants au petit matin !!!
-Comment cela est-il possible ?
J’ai fouillé ci et là mais en dehors de dossiers je n’ai rien trouvé de bien
compromettant si ce n’est une petite statuette tibétaine d’une Déesse de l’amour
finalement bien à sa place ici… J’entendis soudain Melle Kiffard que je ne
regardais pas durant toutes ces minutes geindre comme si elle s’était
soudainement blessée. Je tournais la tête dans sa direction. Quelle ne fut pas
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mon étonnement de retrouver ma greffière à cheval sur le coin de son tabouret,
les mains accrochées aux tentures en train de se frotter l’entrejambe. Je fus tant
surpris que je ne dis rien, paralysé par la surprise.
-Que faites-vous Melle Kiffard
-Ahhhhhhh M le juge, ahhhhhhhh m le juge, j’ai le fourbi en vrac, la minette en
pamoison, la citrouille aux aguets, le frichti sur la table à délices… je ne sais pas
ce qui me prends… faut que je frotte !!!!
J’aurais dû sévir comme un juge qui voit sa greffière se lustrer l’ananas pendant
les heures de bureau mais j’étais moi-même dans un drôle d’état…. Mister
concomber faisait sauter les boutons de ma braguette d’une manière que je
n’avais pas connu depuis que Lili deux-bouches m’avait déniaisé en 70 lors
d’une soirée pop dans un drugstore de Soho. J’avais l’andouillette qui pleurait sa
mère et les boules de coco qui remontaient dans le falzar !!! je me précipitais
vers Melle Kiffard qui me voyant arriver, l’outil en avant s’était tournée, levant
sa jupe et baissant sa culotte en Damar Thermolactyl qui logiquement rendrait
impuissant un directeur de FMI… rien n’y fit, je visai avec la précision d’un
général américain lâchant une bombe à fragmentation sur une école irakienne le
trou le plus petit qui ressemblait à l’œil du frère de Caïn et rentrait dans l’intime
de ma greffière comme un énarque rentre à l’Elysée. J’entendis un
« Ouahhhhhhh » quel morceau » puis tandis que je m’agitais, des cris de truie
que l’on égorge selon le rite bouddhiste et sans anesthésie. L’action ne dura pas
plus de 54 secondes avant que je me soulage et que nous tombions tous les deux
au sol dans un vacarme infernal, arrachant du mur les tentures qui finirent de
nous couvrir de ridicule. Il y eut un silence que rompit Melle Kiffard :
-Qu’avons-nous fait M le juge, mon dieu qu’avons-nous fait…
-Si j’ai bonne mémoire, Melle Kiffard, il me semble que je vous ai cassé le
fion !
Nous sortîmes encore émus de nos extravagances et tombâmes sur le spectacle
des murs que les tentures chues révélaient soudain. De véritables décors de
claques avec femmes nues et muses à larges poitrines offrant leurs attributs
comme d’autres offrent des fleurs à noël… Melle Kiffard tourna les yeux de
dégout :
-C’est horrible ! Horrible !
-Non Melle Kiffard, nous venons de découvrir le mystère du EXES SETIB NOC
Institut et maintenant, je sais ce que tout cela me rappelle et croyez-moi, Royco
avait dû découvrir la même chose que nous…
-Je ne comprends rien à vos propos M Hobbes, vous me faites peur !
-Melle Kiffard, je vous fais le pari que cette nuit, on va venir nous enlever !
-Non
-Si !! mais prévoyant, je vais appeler les services secrets de sa majesté et les
troupes d’élite françaises…le célèbre RAID..
-Déjà raide M le juge ?
-Vous n’allez pas recommencer.. non RAID !
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Nous n’irons plus à Lhassa
Je prévins qui de droit et nous attendîmes sagement l’arrivée des hommes de la
sécurité… les serviteurs de la reine arrivèrent assez rapidement,
malheureusement le raid se perdit dans le Sussex et nous n’en entendîmes plus
jamais parler. Comme le mot « Sussex » avait mis Melle Kiffard dans tous ses
états, nous dûmes remettre le couvert deux ou trois fois avant minuit. Les
hommes prirent position dans le jardin de la propriété tandis que nous avions
évacué les habitants à l’exception de Melle Layette et de M Afertes que nous
tenions en respect dans leur bureau étroitement surveillé.
Soudain, alors que la lune était haute dans le ciel, nous avons entendu un coup
de sifflet strident, Melle Kiffard s’est serrée contre moi, effrayée.. Quelques
minutes plus tard, on nous amenait deux hommes, le crâne rasé, bizarrement
vêtus et parfaitement impassible. Je regardais Afertes et Layette qui s’étaient
réfugiés dans un coin de la pièce.
-Alors, ces deux hommes vous disent-ils quelques chose ? Non ? Pourtant, ils
ressemblent curieusement aux petites statuettes qui sont dans ce bureau…
Je me suis tourné vers Melle Kiffard qui, croyant qu’on ne la regardait pas, se
caressait les seins en levant les yeux au ciel.
-Melle Kiffard, honnêtement, aviez-vous trompé votre mari, avant ce jour ?
Elle se ressaisit soudain :
-Non M le juge… enfin une fois avec mon kiné mais c’était involontaire.
-Bien… or messieurs dames, aujourd’hui, pour la première fois depuis que nous
travaillons ensemble, nous avons tiré avec ma greffière comme deux galopins
dans un internat. Pourquoi ?
-« Pourquoi ? » répétèrent les autres en chœur !
-Mais parce que d’après la philosophie du peuple Feng Shui dont sont issus nos
deux honorables compagnons les murs et les lieux gardent une mémoire des
évènements passés comme l’eau ou l’air…et cette maison qui fut un bordel
pendant très longtemps porte en elle, la marque du sexe !!! Qu’on y rentre et
l’on est immédiatement soumis à l’attraction érotique malgré soi… Les femmes
sont titillées par le bigorneau, elles sentent une vibration surnaturelle s’emparer
de leur boîte à pampan tandis que s’éveille, diabolique un désir grandissant qui
ravage toute morale sur son passage… les hommes eux, sont victimes d’érection
permanente dépassant leurs plus beaux matin, lorsqu’ayant dormis sur la
béquille, l’odeur du café qui passe leur rappelle qu’il est temps d’accomplir leur
devoir avec la créature enchanteresse qui geint à leur côté. Voilà, messieurs,
mesdames ce qu’est cette maison et tous les pensionnaires qui ont un jour mis le
pied dans cette pièce infâme sont ressortis, les corps spongieux gavés de sang
frais et les tissus érectiles débordant d’une fraîche et sirupeuse cyprine. Il était
alors facile à nos deux acolytes, Afertes et Layette de vendre ces enfants
nymphomanisés à un temple bouddhiste tibétain pratiquant la philosophie Feng
Shui pour en faire des esclaves sexuels…C’est ce qu’avait découvert Royco, il
fallait le supprimer…
Melle Kiffard resta interdite un instant...
Afertes - Arras - 2012
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Nous n’irons plus à Lhassa
-Cela signifie que tous ces pauvres gamins étaient des victimes des
Tibétains pervers ?
-Eh oui, Melle Kiffard, car contrairement à l’idée rependue par les bobos et les
gauchistes anti-chinois, le Tibétain dans son Ashram est volontiers pervers… Il
leur faut de la viande fraîche… Ils avaient là au EXES SETIB Institut un vivier
sans fin, renouvelé sans cesse grâce à la complicité d’Afertes et Layette…
Régulièrement quand les pauvres victimes devenues des objets sexuels étaient
prêtes, les moines Feng Shui venaient les chercher pour les emmener
discrètement. Des enfants orphelins, c’était facile…Que s’est-il passé Afertes
pour que la machine s’emballe ainsi et que vous fassiez disparaitre le
contrôleur ?
Afertes se sentant perdu saisit une ultime fois les statuettes dans sa mains sous la
surveillance étroite des militaires, il me regarda, déçu…
-Mais m le juge, nous n’avons jamais enlevé le contrôleur Royco !
-Mais alors !
Afertes nous dévisagea les uns après les autres puis il se dirigea calmement vers
Melle Layette, l’embrassa une dernière fois longuement, il sourit de dépit.
-Lorsque Royco comprit notre machination, il décida tout simplement de tout
quitter pour rejoindre un temple Feng Shui sur les hauteurs de l’Himalaya après
s’être tondu la tête et acheter une petite clochette.
-Royco est parti volontairement pour le Tibet ?
--Eh oui… M le juge et croyez bien qu’il ne s’y ennuie pas !
La nuit était tombée sur le Yorkshire… je me sentais épuisé. L’air de l’extérieur
me réveilla soudain de ma torpeur…je regardai le chien étrange qui courait sur
l’herbe fraichement coupé, je me murmurai à moi-même « Un terrier Thibétain,
comment n’y avais-je pas pensé ».
Melle Kiffard m’apparut dans toute sa triste réalité et je fus rempli d’une grande
mélancolie… je m’approchai de ma greffière.
-Melle Kiffard, vous regarderez les horaires des avions pour Lhassa, je vous
prie… j’ai envie de vacances…
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