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COMMISSION NATIONALE CONSULTATIVE
DES DROITS DE L’HOMME
Avis
concernant l’application en France de la Convention des Nations unies
pour les droits de l’enfant
(Adopté par l’assemblée plénière le 7 juillet 1994)
Considérant que les droits de l’enfant font intégralement partie des Droits de l’Homme,
attachant une grande importance à la diffusion et à l’application de la Convention des Nations
unies pour les Droits de l’enfant, ratifiée par la France en 1990.
I
Rappelant l’article 42 qui stipule que "les Etats parties s’engagent à faire largement connaître
les principes et les dispositions de la présente Convention, par des moyens actifs et appropriés
aux adultes comme aux enfants"
La Commission nationale consultative des droits de l’homme :
demande instamment que la diffusion, l’information, la formation des personnels et des
enfants soient, en ce qui concerne ladite Convention, pleinement réalisées,
et prie, notamment,
1.1. Le Ministère de l’Education nationale :
1.1.1 de rapidement mettre en œuvre une éducation civique fondée sur la connaissance et le
respect des droits de l’Homme (comprenant les droits de l’enfant) à tous les niveaux
d’enseignement, en particulier au Collège, et rappelle l’avis donné en ce sens par la
Commission le 8 avril 1993.
1.1.2 de diffuser le texte de la Convention, à raison d’un exemplaire par classe, dans chaque
école élémentaire et dans chaque collège. Le document Références Documentaires n° 56
(CNDP-UNICEF) devra être distribué gratuitement à chaque Centre Documentaire et
d’Information des collèges, des lycées, ainsi que dans chaque école élémentaire.
1.1.3 de veiller à ce que soit inclue l’étude de la Convention dans les modules de formation
"Education civique et éducation aux droits de l’homme" organisés par les IUFM et de
l’inclure dans les stages de formation continue des enseignants.
1.1.4 d’introduire la connaissance de la Convention dans les formations destinées aux
délégués des élèves des collèges et des lycées.
1.1.5 de choisir les Droits de l’enfant comme thème du concours René CASSIN, dans les trois
prochaines années.
1.2 Le Ministère des Affaires sociales, de la santé et de la ville :
1.2.1 de diffuser à tous les travailleurs sociaux y compris aux personnels qui dépendent des
départements et des mairies le texte de ladite Convention.
1.2.2 d’introduire débats et études concernant la Convention dans les cursus de formation des
personnels des services de pédiatrie et des travailleurs sociaux.
1.2.3 d’organiser à l’intention des personnes qui ont à intervenir auprès des enfants des
familles les plus défavorisées une formation spécifique portant sur la connaissance et la
compréhension de ce que vivent ces familles.
1.3 Le Ministère de la Justice :
1.3.1 d’introduire, dans le cursus de la formation initiale et continue des magistrats, un
module de formation portant sur ladite Convention.
1.3.2 de mettre en place des journées d’information et d’étude sur l’application de la dite
Convention destinées aux personnels de toutes catégories ayant affaire aux enfants, dans le
cadre du ministère de la justice.
1.3.3 de diffuser dans les centres de formation d’avocats une information spécifique sur la
Convention et son application.
1.4 Le Ministère de l’Intérieur - Le Ministère de la Défense :
1.4.1 de renforcer les formations des personnels de police et de gendarmerie afin que les
Droits de l’enfant soient connus et respectés. Ces formations spécifiques devront êtres
obligatoires.
1.4.2 de développer les formations intercatégorielles mises en place dans le cadre de la
formation continue par le centre de Gif sur Yvette et de faire en sorte que ces formations
comprennent un module "Droits de l’enfant".
1.5 Tous les ministères précités devraient organiser des rencontres interprofessionnelles et
intercatégorielles accessibles aux fonctionnaires qui ont en charge l’application de la
Convention, et devraient intensifier leur coopération avec les associations défendant l’intérêt
de l’enfant.
II
Considérant que l’application de l’ensemble de la Convention doit être pleine et entière,
compte tenu des dispositions légales et réglementaires déjà prises, la Commission nationale
consultative des droits de l’homme demande que les moyens de cette application soient
fournis aux diverses instances chargées de la mise en œuvre, en France, de la Convention.
Elle demande qu’une attention particulière soit apportée à l’application des articles ci-dessous
mentionnés.
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Art. 8 :
La Commission rappelle son appel à la vigilance du 10 Mai 1993, concernant les risques que
comportent à l’égard des jeunes, les insuffisances d’information à propos de l’acquisition de
la nationalité française, ainsi que certains effets de cette législation.
Art. 9,20,27 :
Constatant que des placements ou des menaces de placement interviennent lorsque des
familles ne se trouvent pas "dans les conditions de vie nécessaires au développement de
l’enfant", la Commission demande qu’un soutien prioritaire soit accordé aux familles en
grande pauvreté pour retrouver des conditions de vie décentes permettant de réunir tous les
membres de leur famille, et qu’existe une évaluation de l’application des lois n° 84.442 du 6
juin 1984 et n° 86.17 du 6 juin 1986 relatives aux droits des familles dans leurs rapports avec
les services chargés de la protection de la famille et de l’enfance. La Commission rappelle que
l’article 20 de la Convention doit être cependant suivi d’effet dans les cas où l’intérêt
supérieur de l’enfant le réclame.
Art. 9,12,16 :
Constatant que les moyens de l’application de ces articles restent insuffisants que la surcharge
des juges des enfants a pour effet un retard considérable dans le traitement des dossiers qui
leur incombe, notamment dans l’accueil des parties intéressées, la Commission demande que
le nombre des juges des enfants soit considérablement augmenté et que leur répartition tienne
compte des zones à risques, et que des moyens humains et financiers soient dégagés pour
ouvrir de nouveaux lieux d’accueil.
Art. 13,14,15 :
Considérant que la participation des enfants à la vie sociale et culturelle reste insuffisante, que
cette participation exige que les droits cités dans ces articles soient connus de leurs titulaires,
la Commission insiste pour que les mesures proposées dans la partie 1 de cet avis deviennent
effectives.
Art. 19 :
Rappelant son avis en date du 30 mars 1992, la Commission demande que les pratiques dites
"brimades" dans les établissements scolaires soient considérées comme des formes de
violence, de brutalités physiques ou mentales ressortissant de l’art. 19. Elle demande que les
dernières circulaires émanant du ministère de l’Education Nationale (10 et 22 septembre
1992) enjoignant aux chefs d’établissement d’interdire des "pratiques inadmissibles du point
de vue du respect des personnes" soient constamment réactivées.
Art. 22 :
La Commission insiste pour que soient prises des mesures afin que tout mineur isolé,
demandeur d’asile, en zone d’attente ou sur le territoire français, "se voie accorder la même
protection que tout autre enfant, définitivement ou temporairement privé de son milieu
familial pour quelque raison que ce soit".
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A cet effet, en zone d’attente, le Parquet et le juge des enfants devraient être immédiatement
et systématiquement saisis pour prendre des mesures de protection juridique et sociale
nécessaires. En tout état de cause, ces enfants devraient être rapidement entendus par
l’OFPRA, pour un premier examen de la demande de statut de réfugié.
La circulaire ministérielle du 8 février 1994 prévoit que l’autorisation provisoire de séjour
peut être exceptionnellement accordée à partir de l’âge de seize ans. Elle devrait l’être dans
tous les cas pour un demandeur d’asile, mineur isolé.
Art. 23 :
La Commission demande que les institutions d’éducation spécialisée s’attachent à appliquer
rigoureusement cet article, et à faire connaître aux enfants handicapés eux-mêmes et à leurs
familles, l’existence des droits de l’enfant tels qu’énoncés dans l’ensemble de la Convention.
Art. 24 :
La Commission appelle la vigilance des services Sociaux de santé, d’éducation sur les risques
d’exclusion qu’encourent les enfants séropositifs ou atteints du sida. Une information
spécifique doit être dispensée aux personnels des crèches, des halte garderie, des écoles etc...
Une politique de prévention et de protection de la santé réclame un renforcement des effectifs
de la médecine scolaire.
La Commission appelle l’attention sur le fait que la condamnation dans le § 3 des "pratiques
traditionnelles préjudiciables à la santé des enfants" suppose de renforcer les actions
d’information en direction des populations ou groupes susceptibles de répondre aux valeurs
de leur culture d’origine au mépris des règles d’ordre public françaises et internationales.
Art. 31 :
La Commission demande qu’un effort du ministère de la Jeunesse et des Sports soit entrepris
afin que les associations chargées de l’organisation et de l’animation des loisirs des enfants
puissent permettre la pleine application de cet article.
Elle demande que soit mieux assuré dans tous les cas, l’accès aux structures culturelles et
artistiques.
Art. 32 :
a) La Commission, dans le cadre de la lutte contre le travail des enfants, appelle à la vigilance
afin que les mesures prises pour favoriser l’apprentissage ne conduisent pas, de fait, à une
remise en cause de l’âge de la fin de scolarité obligatoire actuelle.
b) La Commission demande que les décrets d’application concernant la loi sur l’enfantmannequin soient rapidement promulgués et suivis d’effet.
Art. 34 :
Rappelant son avis du 11 juin 1992 concernant l’exploitation sexuelle des enfants ainsi que la
proposition faite dans le cadre de la rencontre des Institutions nationales de promotion et de
protection des droits de l’homme lors de la Conférence mondiale (Vienne Juillet 1993) au
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cours de laquelle elle a réclamé un protocole additionnel à cet article, la Commission soutient
l’initiative française de projet de protocole, accepté par la 50ème session de la Commission
des Droits de l’homme des Nations unies.
La Commission demande que soient appliquées les dispositions pénales concernant les délits
commis par tout Français s’adonnant à l’étranger à l’exploitation sexuelle de mineurs ; à cette
fin, des accords multilatéraux entre Etats devraient organiser des coopérations entre
magistrats et entre polices, avec le soutien des ONG et associations des divers pays.
Art. 37,40 :
Considérant que les brigades de police chargées des mineurs n’ont pas seulement un rôle
répressif mais également une fonction de prévention, la Commission demande que soient
renforcés les effectifs de ces brigades.
La Commission insiste pour que, dans le cas de retenue et de détention d’enfants, des locaux
spécifiques soient rapidement aménagés, afin d’éviter toute promiscuité et d’assurer une
protection adéquate aux enfants.
La présence d’un avocat (cf art. 12) auprès de l’enfant doit être requise dès sa retenue.
Art. 44 :
La Commission demande qu’un groupe interministériel de "suivi" de l’application de la
Convention en France soit réuni régulièrement et que lui soit communiqué le rapport annuel
que le gouvernement doit présenter au parlement (cf art. 76 Loi 93 121 du 27 janvier 1993
portant sur diverses mesures d’ordre social - DMOS).
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