Mes bien chers Frères, Frères et Sœurs, Ce matin, nous venons à la

Transcription

Mes bien chers Frères, Frères et Sœurs, Ce matin, nous venons à la
ÉPIPHANIE
Première promesse d’oblature du Frère Louis-Joseph Curial
Sainte-Anne, le 6 janvier 2014
Lectures :
Is 60, 1-6
Ep 3, 2-3a.5-6
Mt 2, 1-12
Mes bien chers Frères,
Frères et Sœurs,
Ce matin, nous venons à la crèche avec ces personnages un peu exotiques que sont les
mages et, avec eux, nous contemplons et adorons l’Enfant-Jésus que nous présente, avec tant
de bienveillance, la Vierge Marie.
Nous le savons tous, les rois mages sont au nombre de trois. On connaît même leurs
prénoms : Gaspard, Melchior et Balthazar. Au départ, pour bien montrer que l’Épiphanie, la
manifestation de Dieu, atteignait l’homme en toutes les étapes de sa vie, il y avait un mage qui
était jeune, l’autre adulte, et le troisième âgé. La tradition a évolué à ce sujet au cours du
Moyen-âge, et des trois âges de l’homme, on est passé à ce que l’on peut considérer comme
les trois grandes races de l’humanité, caractérisées par la couleur de la peau : et nous avons
donc aujourd’hui un mage blanc, un mage noir, et un mage jaune, disons asiatique. Il s’agit
encore de montrer que c’est bien toute la terre, tout l’univers qui est concerné par l’Épiphanie,
par cette manifestation du Seigneur.
Aussi, les mages sont-ils, d’une certaine manière, nos représentants. Ce ne sont pas
des magiciens, ils n’exercent pas la magie, la sorcellerie, manipulant des forces aveugles, des
énergies spirituelles maléfiques. Non, ce sont des gens sérieux et on aime mieux cela
puisqu’ils nous représentent. Ce sont des scientifiques, ils observent le ciel, la terre, les vents,
les hommes, ils expérimentent, ils cherchent. Comme tous les hommes, ils sont fascinés par
l’astronomie, par le mouvement des étoiles qui se meuvent dans l’espace et reviennent
inexorablement à leur place. Depuis longtemps, de génération en génération, les mages
contemplent, avec attention, rigueur, patience et ténacité, la voute céleste, ce qui est sans
doute facilité par la ‘météo’ en Égypte ou en Mésopotamie, et n’ont de cesse de comprendre
ces mouvements et de les traduire en loi de la nature. Dans leur rigueur, ils mènent leurs
expériences jusqu’au bout de ce qu’il leur est possible.
C’est ainsi qu’ils ont pu observer la naissance d’une étoile et l’ont même identifiée
comme l’astre annonçant la naissance du roi des rois, le roi des Juifs. Mais en chercheurs
sérieux, ils n’en sont pas restés là. Ils se sont mis en route car, selon leurs habitudes, ils
veulent aller au bout de leur démarche, ils veulent vérifier. S’il y a un roi, ils veulent le
découvrir, le rencontrer, se prosterner devant lui, ils veulent l’adorer. Ils forment donc leur
caravane, se chargent de cadeaux, de l’or, de l’encens et de la myrrhe, et partent sur leurs
chameaux, réalisant ainsi la prophétie d’Isaïe : Jérusalem, tu verras, tu seras radieuse, ton
cœur frémira et se dilatera. Les trésors d’au-delà des mers afflueront vers toi avec les
richesses des nations. Des foules de chameaux t’envahiront, des dromadaires de Madiane et
d’Épha.
Leur recherche scientifique ne les éloigne pas de la dimension spirituelle. S’ils
cherchent le roi qui vient de naître, c’est pour l’adorer et lui offrir leurs cadeaux. Ainsi, ils
nous représentent tous dans notre recherche du Seigneur.
Et puisqu’on ne peut pas toucher à ce trio si vénérable, j’ai un peu l’impression, mon
cher Frère Louis-Joseph que vous êtes ce matin devant le Seigneur, comme un quatrième roi
mage. Non que vous soyez en vous-même une nouvelle espèce qu’ils ne pourraient pas
représenter, mais parce que vous arrivez ce matin en même temps qu’eux et que vous avez des
points communs avec eux. Comme eux, vous avez, si vous me permettez l’expression, ‘roulé
votre bosse’. Comme eux, vous avez parcouru sinon la Mésopotamie, au moins l’Égypte.
Comme eux, vous avez observé le monde, les étoiles, les hommes, vous avez connu la vie, la
vie conjugale, vous êtes même père de famille. Vous avez cherché. Comme eux encore, vous
avez expérimenté cette monture exotique, le chameau, à la démarche chaloupée. D’une
certaine manière, comme eux, vous venez de loin, vous avez vu une étoile, et ce matin vous
vous présentez devant le Seigneur.
Pour tenir compte de votre situation familiale particulière, vous allez dans un instant
vous engager comme oblat régulier de l’abbaye Sainte-Anne de Kergonan et émettre votre
première promesse, pour trois ans.
Comme vous l’avez fait jusqu’à présent, vous continuerez à porter l’habit monastique,
à vivre et à partager l’intégralité de la vie de la communauté, mais vous ne serez pas moine au
sens canonique du terme, mais oblat. Votre don au Seigneur au fond de votre cœur, est le
même, mais revêt simplement une modalité particulière. Vous vous engagez au niveau de la
stabilité et de l’obéissance, vous choisissez de vous soumettre à la Règle et à l’Abbé, voyant
dans cet engagement une remise de vous-même au Seigneur, un désir de suivre au plus près le
Christ et vous identifier à lui, tout particulièrement dans son mystère d’obéissance.
Si vous entrez au monastère, chez sainte Anne, ce n’est pas pour vous flageller afin
d’expier un passé aventureux ou peccamineux, mais parce que vous avez compris que ce
Jésus que nous vénérons et adorons dans la crèche avec les mages, vous aime et vous appelle,
vous appelle parce qu’il vous aime.
Jésus vous a regardé et vous regarde encore et, dans son regard, vous avez perçu la
force de son amour qui vous invite à le suivre sur le chemin, étroit certes, mais oh combien
libérant, de l’obéissance.
Comme les mages, avec les mages, vous avez vu l’étoile et vous avez éprouvé une très
grande joie. Entrez vous aussi, découvrez l’enfant avec Marie sa mère. Tombez à genoux, et
prosternez-vous devant lui.
Avec les mages, ouvrez votre coffret et offrez-lui votre présent, non pas de l’or, de
l’encens ou de la myrrhe, mais ce que vous êtes, vous-même, Frère Louis-Joseph, et dans la
joie, livrez-vous au bon vouloir de Dieu. Cette expérience, digne d’un roi mage, vous révèlera
qu’il n’y a pas de plus grand bonheur sur la terre. Amen