Travail de diplômeMieke
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SURVEILLANCE DE LA CONSOMMATION HOSPITALIERE D’ANTIBIOTIQUES UNE ETUDE AU CHUV LAUSANNE Travail de diplôme PCI, volée 2001-2002, IRSP, Lausanne, Mieke Vansantvoet 1 Surveillance de la consommation hospitalière d’antibiotiques, une étude au CHUV. CHUV : Centre Hospitalier Universitaire Vaudois 1. Choix du thème. 2. Pourquoi surveiller la consommation des antibiotiques dans les hôpitaux ? 2.1. 2.1.1. Enjeux liés à la consommation des antibiotiques. Corrélation entre la consommation des antibiotiques et de la résistance bactérienne. 2.1.1.a. Aperçu historique. 2.1.1.b. Qu’est-ce que la résistance bactérienne ? 2.1.1.c. Indices épidémiologiques du lien entre la consommation d’antibiotiques et de la résistance bactérienne. - arguments chronologiques. - arguments géographiques. 2.1.1.d. Mesures pour limiter la propagation de la résistance. 2.2. Enjeux liés à la qualité des soins. 2.3. Enjeux liés aux coûts d’acquisition et d’administration des antibiotiques. 2.4. Que peut-on attendre d’une surveillance de la consommation hospitalière? 2.4.1. Surveillance qualitative. 2.4.2. Surveillance quantitative. 3. Comment mesurer la consommation hospitalière des antibiotiques ? 3.1. 3.2. 3.3. 3.4. Saisie globale Uniformiser pour une substance donnée (codes ATC) Uniformiser pour tous les antibiotiques (DDD ; PDD) Ajuster à la population de patients ( DDD ou PDD/jxhosp ) 4. Exemple pratique. 5. Conclusion. 6. Annexes ( se trouvent tous dans un deuxième volume, disponible à l’I.R.S.P.) 2 1. CHOIX DU THEME. J’ai intégré la Division Autonome de Médecine Préventive Hospitalière (DAMPH) en décembre 2001 dans le cadre de diverses études sur l’utilisation des antibiotiques au CHUV à Lausanne. La division est composée de 3 médecins, 4 infirmières, 1 microbiologiste et un laboratoire d’épidémiologie. La mission de la DAMPH est la clinique : prévention, surveillance et contrôle des infections nosocomiales ; l’enseignement en faveur de tous les professionnels de la santé ; la recherche : utilisation des antibiotiques, les résistances et les épidémies nosocomiales Comme infirmière en prévention et contrôle de l’infection, je suis amenée à relever les données et restituer les résultats d’une surveillance qui a été mise sur pieds par le Dr Zanetti, infectiologue de la DAMPH et par la Commission Permanente des Médicaments du CHUV. La prévention de la résistance anti - microbienne fait partie du programme de prévention et contrôle de l’infection au CHUV et c’est à ce titre que je travaille comme infirmière PCI sur ce projet. Dans mon travail je parlerai exclusivement du problème de la résistance aux antibiotiques et du programme de surveillance quantitative en vigueur au CHUV. 2. POURQUOI SURVEILLER LA CONSOMMATION DES ANTIBIOTIQUES DANS LES HOPITAUX ? Les hôpitaux consomment des quantités considérables d’antibiotiques. Ces derniers représentent généralement environ ¼ du budget d’acquisition de médicaments pour une pharmacie hospitalière. Par ailleurs, cette consommation tend à augmenter dans de nombreuses institutions. Au CHUV, par exemple, la consommation des antibiotiques n’a cessé d’augmenter depuis 1996 (voir image) 500 400 300 200 100 *DDD: Defined Daily Dose 3 2001 2000 1999 1998 1997 0 1996 DDD * / 1000 j.-pat. Consommation d'antibiotiques CHUV 1996-2001 Coûts/ 1000 jours pat : 1999 : 9000 CHF/ 1000 jours pat = + 2 187 230 CHF/ année 2000 : 10000 CHF/ 1000 jours pat = + 2 320 593 CHF/ année 2001 : 11000 CHF/ 1000 jours pat = + 2 793 647 CHF/ année On peut voir trois types d’enjeux dans cette situation. La première est la corrélation entre la consommation d’antibiotiques et de développement, par les bactéries de résistance contre ces antibiotiques. C’est l’aspect que je développerai de façon plus détaillée. Un autre enjeu a trait à la qualité des soins, puisqu’il est admis qu’une partie des antibiotiques est utilisée à mauvais escient. Enfin, je mentionnerai brièvement l’enjeu économique lié à la consommation d’antibiotiques. 2.1. Enjeux liés à la consommation des antibiotiques. 2.1.1. Corrélation entre la consommation des antibiotiques et la résistance bactérienne. 2.1.1.a. Aperçu historique. Depuis la dernière guerre mondiale, suite aux découvertes de Flemming en 1939 sur la pénicilline, les premiers antibiotiques (sulfamides et pénicilline) sont devenus largement disponibles. La venue des nouveaux médicaments a été perçue comme une réelle révolution médicale. On était désormais capable de soigner et de guérir complètement des maladies presque toujours mortelles auparavant. Cette euphorie bien compréhensible était régulièrement entretenue par l’apparition sur le marché de plus en plus de substances diverses tout aussi efficaces les unes que les autres. Le dernier antibiotique totalement nouveau a être introduit sur le marché l’a été en 1985. La résistance antibactérienne est apparue dès les premières années d’utilisation. Depuis une vingtaine d’années, la résistance antibactérienne contre une vaste gamme de médicaments, s’est accélérée à un rythme alarmant dans tous les pays du monde et aussi bien dans les hôpitaux que dans la communauté. Certains experts prédisent même le pire, avec un retour à la situation d’avant les antibiotiques. On observe ainsi de nos jours que des infections considérées comme banales il y a quelques années, sont devenues complètement impossibles à traiter parce qu’aucun des pourtant très nombreux médicaments disponibles n’est actif contre les agents infectieux qui les causent. 4 Le développement de résistances bactériennes à des antibiotiques est directement corrélé à la consommation de ces mêmes antibiotiques ; ces derniers contribuent ainsi à l’émergence d’infections de plus en plus difficiles à combattre. On craint l’apparition de défis thérapeutiques insurmontables : Par exemple : Myobacterium tuberculosum multirésistant Enterocoque résistant à la Vancomycine S. Aureus résistant à la Vancomycine. 2.1.1.b. Qu’est-ce que la résistance bactérienne ? Les bactéries s’avèrent d’une adaptabilité et d’une « débrouillardise » remarquables dans leur capacité de résister à une vaste gamme d’antimicrobiens. Les mécanismes de résistance antimicrobienne les plus couramment admis se classent dans l’une des catégories suivantes : - modification du site d’action de l’antimicrobien - inactivation enzymatique de l’antimicrobien - diminution de la perméabilité de l’enveloppe microbienne - augmentation du transport actif de l’antimicrobien hors de la bactérie. La résistance aux antimicrobiens est encodée génétiquement, soit de manière stable dans le chromosome bactérien, soit par des unités chromosomiques supplémentaires et mobiles, appelées plasmides, capables de se déplacer d’un type de bactérie à l’autre. Cette transmission peut se produire de plusieurs façons : - entre les bactéries de la même espèce et du même genre - entre les bactéries d’espèces et de genres variés. On peut démontrer expérimentalement que ces mécanismes sont favorisés par la pression de sélection exercée par les traitements antibiotiques. L’exposition répétitive d’une bactérie aux antibiotiques augmente la pression sur cette bactérie, qui par la suite devient résistante. L’utilisation des antibiotiques pour l’élevage contribue à cette pression de sélection. Il semble que l’acquisition de la résistance antimicrobienne ne soit pas reliée à l’augmentation de la virulence bactérienne. 2.1.1.c. Indices épidémiologiques du lien entre la consommation d’antibiotiques et la résistance bactérienne. Nous avons vu que la pression de sélection exercée par les antibiotiques à des doses biologique est prouvée. Ses effets sont révélés par des arguments épidémiologiques : 5 - arguments chronologiques arguments géographiques - arguments chronologiques : xx Il est démontré qu’un individu ayant suivi un traitement au antibiotique a un risque augmenté d’être colonisé ou infecté avec une souche de bactéries résistantes. xx xx xx Exposition aux antibiotiques xx xx Souches résistantes dominantes Rares souches résistantes Par exemple : Chez les enfants récemment traités par antibiotiques, la colonisation par pneumocoque résistant à la pénicilline, est 4 à 6 fois plus fréquente. Les enfants atteints d’une infection invasive avec pneumocoque résistant à la pénicilline ont plus souvent reçu des antibiotiques que les enfants avec pneumocoque sensible. Il y a des fluctuations de la consommation dans la population et par la même occasion des fluctuations de la résistance antimicrobienne. 6 Malheureusement on remarque la même corrélation de ces fluctuations dans le milieu hospitalier. source : LOPEZ-LOZANO, J-M. et al. (2000) L’image nous montre clairement que la courbe (en gras) de l’utilisation des antibiotiques, ici la Ceftizidime, est étroitement liée au développement de la résistance bactérienne. 7 - arguments géographiques : La prévalence de la résistance dans divers milieux est en fonction des antibiotiques consommés dans ces lieux. Ainsi elle est plus élevée dans les soins intensifs que dans les autres services de soins aigus. La résistance est également plus élevée dans les hôpitaux universitaires de soins tertiaires que dans les hôpitaux communautaires. Par exemple, une étude aux USA, comparant huit services de soins intensifs, nous démontre que l’utilisation de la Ceftazidime et l’augmentation de la résistance bactérienne sont correlées. Corrélation résistance - consommation à l’hôpital Exemple de la ceftazidime Monnet et al, ICARE project, Inf Contr Hosp Epidemiol 1998 source : Monnet, D. et al (1998) Des exemples similaires existent dans la communauté. Ces images nous montrent la grosse variation de la résistance du Pneumocoque à la Pénicilline en Europe. Or on constate que cette variabilité est directement corrélée avec la quantité des Bêtalactamases consommés dans les pays considérés. 8 Pneumocoques résistant à la pénicilline en Europe Bronzdwaer, Emerg Inf Dis 2002 Ces images nous montrent que l’utilisation irréfléchie et sans restrictions, des antibiotiques, dans certains pays européens est en corrélation avec l’augmentation alarmante de la résistance. L’échelle verticale est une expression de la prévalence des résistances selon un logarithme naturel de manière à pouvoir exprimer les résistances dans une mesure utilisable 9 Source : Bronzwaer,S. et al. (2002) ( NL : Netherlands ; DE : Denmark ; SE : Sweden ; FI : Finland ; UK : United Kingdom ; IE : Ireland ; BE : Belgium ; IT : Italie ; LU : Luxemburg ; PT : Portugal ;ES : Espagne). Il n’y a pas de comparaison disponible en ce qui concerne la Suisse. 2.1.1. d. Mesures pour limiter la propagation de la résistance. Il est donc impératif que le monde médical, et également les politiques, prennent des mesures pour palier ce problème mondial, qui prend la proportion d’une réelle menace. - Limiter le traitement antimicrobien aux situations où les indications sont claires et l’administrer pendant la durée efficace la plus courte. Eviter de prescrire des antibiotiques contre les infections respiratoires virales. Sensibiliser la population par les médias - Traiter les infections documentées selon la posologie et la durée convenue et à l’aide de l’antimicrobien recommandé au spectre le plus réduit possible - N’administrer de traitement prophylactique que si c’est indiqué et pas plus longtemps que la période recommandée - Limiter les indications et la durée de l’antibiothérapie empirique. Le traitement d’antibiotique s’appui dans ce cas que sur l’expérience et n’est pas la suite d’un résultat de recherche microbiologique avec l’antibiogramme comme support. 10 - Promouvoir la vaccination des personnes à risques, afin de prévenir les infections bactériennes au potentiel de résistance antimicrobienne élevé. (p ex : H. Influenzae type b, S.Pneumoniae) - Restreindre l’utilisation des antimicrobiens qui constituent la seule option contre des infections bactériennes résistantes. P ex : on devrait réserver l’usage de la Vancomycine en milieu hospitalier aux situations où aucune autre option n’est possible - Prendre des mesures d’hygiène particulièrement dans les hôpitaux, afin de réduire au maximum le risque de transmission - Sensibiliser les médecins à suivre des programmes de contrôle des antibiotiques - Documenter les infections graves avec des cultures et réagir au profil de sensibilité remis par le laboratoire de microbiologie - Prendre les mesures politiques, en acceptant des lois et contrôles plus restrictifs, concernant l’utilisation des antibiotiques dans l’agriculture et l’élevage des animaux Grâce à une collaboration étroite entre cliniciens, microbiologistes et responsables de la prévention des infections, il est possible de réduire le risque de la résistance antimicrobienne. Ici les programmes de surveillance de la consommation ont un rôle très important à jouer. De surcroît, la restitution des données de consommation aux utilisateurs constitue une première intervention pour réduire la part évitable des prescriptions abusives. Source : RICHARD, A. GARIBALDI, MD., BURKE, J. (1991). 2.2. Enjeux liés à la qualité des soins. Les observations relèvent généralement qu’une partie de l’utilisation des antibiotiques est inappropriée. Il y a donc également un enjeu au niveau de la qualité des soins, qui peut se manifester par une efficacité thérapeutique insuffisante si l’utilisation n’est pas optimale, ou par un risque d’effets secundaires évitables en cas d’utilisation injustifiée. L’élaboration et l’application de recommandations pratiques jouent ici un rôle crucial. Je ne vais pas développer ce vaste chapitre dans mon travail car cela vaudrait la peine d’y consacrer un travail en soi. 2.3. Enjeux liés aux coûts d’acquisition et d’administration des antibiotiques. Dans le budget de la santé publique communautaire, la fréquence des prescriptions d’antibiotiques, pèse très lourd. Souvent les antibiotiques sont prescrits trop vite, pendant trop longtemps ou inutilement. 11 A l’hôpital c’est le recours à des antibiotiques plus onéreux, par prudence, qui fait chaque année augmenter le coût de l’hospitalisation. La solution de ce problème passe par l’application de recommandations pratiques comme des restrictions sur les antibiotiques les plus chers et le passage à la voie orale dès que possible. On peut appliquer une restriction par la mise sur liste d’un antibiotique et en exigeant l’avis d’un spécialiste pour sa prescription. Il est également possible de donner l’ordre d’arrêter automatiquement, sur la base d’un protocol, une antibiothérapie pour en limiter la durée. Une meilleure gestion du stock dans les pharmacies diminue aussi efficacement le gaspillage. La voie intraveineuse n’apportant pas un meilleur effet thérapeutique pour certains antibiotiques, elle ne devrait être réservée qu’aux cas où la résorption digestive est altérée. En appliquant ce principe on peut diminuer le personnel impliqué, la durée d’hospitalisation dans certaines unités spécialisées, le séjour hospitalier et le coût pour l’hôpital. 2.4. Que peut-on attendre d’une surveillance de la consommation hospitalière? L’utilisation des antibiotiques ne concerne pas seulement le contrôle de l’infection et de la qualité mais également les départements des finances, le labo de microbiologie et la pharmacie. Dans un hôpital, un programme de surveillance mené par les infectiologues, la pharmacie, le laboratoire de microbiologie, le comité de qualité et le département financier peut avoir un impact significatif sur l’utilisation des antibiotiques par les cliniciens, la diminution de la résistance aux antibiotiques, la qualité des soins et les dépenses. 2.4.1. Surveillance qualitative. Le but de chaque clinicien est de traiter ou de prévenir une infection avec la dose appropriée de l’antibiotique, le plus efficace, le moins toxique et le moins cher pendant la durée optimale qui garantit la guérison avec succès. La surveillance qualitative permet d’évaluer les pratiques par rapport aux recommandations de la pharmacie et des spécialistes, son efficacité et son impact sur la résistance. Par exemple : la surveillance de la prophylaxie chirurgicale : - timing de l’administration - des intervalles entre les doses - de la dose per – opératoire en cas d’intervention prolongée - de la durée totale de l’antibiothérapie La surveillance de ces paramètres permet d’identifier des actions visant à améliorer la qualité. Par ailleurs, pour arriver à un consensus et réduire les variations de la pratique, le choix de la prophylaxie devrait être fait par un groupe d’experts qui inclut un membre de l’équipe du contrôle d’antibiotiques. 12 Dans tous les domaines d’utilisation, la surveillance peut ainsi donner différents types d’information sur la qualité et l’efficacité du traitement antibiotique. Selon le niveau d’automatisation à disposition, les protocoles de surveillance peuvent en outre inclure des contrôles d’effets secondaires, ou d’adaptation posologique en cas d’insuffisance rénale ou hépatique. Dans certains hôpitaux, le médecin doit indiquer pourquoi il prescrit tel antibiotique, son indication thérapeutique, prophylactique ou empirique, puis cela est évalué par l’équipe de surveillance. La surveillance qualitative permet d’identifier des situations où des médicaments moins chers peuvent être utilisés, où l’on peut remplacer la thérapie parentérale par une administration orale, où de multiples médicaments peuvent être remplacés par un seul et plusieurs doses par une dose unique. Il est possible de découvrir les habitudes d’un médecin ou d’un groupe de médecins. Des audits détaillés au niveau du patient, du personnel médical et paramédical peuvent nous apprendre beaucoup sur la qualité des soins Ceci implique des moyens importants et la volonté de s’améliorer en s’occupant en conséquence de l’enseignement qui s’impose. Dans ce travail je ne développerai pas d’avantage la surveillance qualitative mais je me concentrerai sur la surveillance quantitative. 2.4.2. Surveillance quantitative. Chaque hôpital a la possibilité de créer une « data base ». La pharmacie est une source d’information très importante à cet égard. Les tendances d’usage et les prescriptions par service y sont très vite remarquées. Différentes informations peuvent être obtenues selon le type de données disponibles par la pharmacie. Ainsi, lorsque des relevés informatisés des prescriptions existent, jusqu’au niveau du patient, on peut reconnaître les schémas de traitements inappropriés, trop long, trop chers ou inefficaces. En revanche, de nombreux hôpitaux ne disposent que de données globales de médicaments par service. C’est encore le cas au CHUV, bien que cet aspect soit actuellement en évolution. Je développerai ci-dessous comment des renseignements utiles peuvent néanmoins être obtenus dans le contexte de notre institution. Le laboratoire de microbiologie s’occupe du développement de tests pour le diagnostic rapide de la résistance de manière à prendre des mesures afin d’éviter la dissémination de microbes résistants. Un rendu sélectif de l’antibiogramme permet de restreindre l’utilisation sauvage des antibiotiques, dit « de réserve », qui sont la seule option contre des infections bactériennes résistantes. Enfin, cette surveillance des antibiogrammes des pathogènes isolés peut aussi être corrélée avec les données de consommation d’antibiotiques 13 3. COMMENT MESURER LA CONSOMMATION HOSPITALIERE DES ANTIBIOTIQUES ? 3.1. Saisie globale. Un antibiotique peut être utilisé sous plusieurs formes. La voie d’administration et le dosage utilitaire varient selon le but thérapeutique recherché, l’age et le poids du patient, ainsi que la tolérance et de la résorption digestive. Par exemple pour l’Augmentine. Augmentine : J01CR02 : Amoxicilline avec inhibiteur des bêtalactamases Voie d’administration Per os Per os Per os IV IV IV IV IV Per os Dosage Unité de distribution 312.50 mg 375 mg 625 mg 550 mg 1100 mg 1200 mg 2200 mg 2200 mg 31.20 mg/ml 20 sachets 20 comprimés 20 comprimés 10 fio sec 1 fio sec 5 fio sec 1 fio sec 5 fio sec 1 suspension Le problème est que les statistiques de la pharmacie ne sont souvent disponibles qu’en unités de distribution. Il faut donc uniformiser le saisi pour une substance donnée, puis assembler diverses substances dans une statistique commune. Pour encourager la récolte systématique des données des médicaments et leur utilisation et pour rendre accessible à tous, les sources et les statistiques de leur utilisation, l’Organisation Mondiale de la Santé, a crée dans les années 60 un centre de méthodologie pour les statistiques des médicaments (le WHO Collaborating Centre for Drug Statistics Methodology). Le système ATC/DDD sert comme outil de recherche dans le but de mesurer et de rationaliser la consommation des médicaments, dans ce cas des antibiotiques. Le système ATC/DDD a été utilisé pour la première fois en 1976. On utilise le système ATC/DDD comme standard international. 3.2. Uniformiser pour une substance donnée. 14 Le système de classification ATC L’abréviation ATC provient de Anatomical Therapeutic Chemical, il s’agit de la classification anatomique de l’EPhMRA(European Pharmaceutical Market Research Association) et de l’IPMRG(International Pharmaceutical Market Research Group),modifiée et élargie par le Nordic council on Medicines et, plus tard, en collaboration avec l’OMS. Leur but a été d’élaborer un système de classification standard des principes actifs afin de permettre des comparaisons au niveau international. La classification ATC est un système alphanumérique comprenant 5 degrés : 1er degré Groupe anatomique principal (14 groupes) 2ème degré Groupe thérapeutique principal 3ème degré Sous-groupe pharmacologique-thérapeutique 4ème degré Sous-groupe pharmacologique- thérapeutique-chimique 5ème degré Principe actif chimique Exemple : Augmentine J01CR02 J 01 Anti-infectieux systémiques Antibactériens systémiques C Antibiotiques de type bêtalactame, pénicillines R Compositions de pénicillines et/ou inhibiteurs de bêtalactamases 02 Amoxicilline Les substances sont classifiées selon leur indication principale. Elles peuvent donc être représentées par plusieurs codes ATC lorsqu’il existe deux ou plusieurs indications de même importance, lorsque la substance est utilisée à différentes posologies ou lorsqu’il existe plusieurs modes d’administration. On retrouve ici par exemple, l’acide acétylsalicylique en tant que mono substance sous les codes ATC : B01AC06 Inhibiteurs de l’agrégation plaquettaire ; N02BA01 Analgésiques/ Antipyrétiques. Toutefois, ce problème n’affecte pas les anti- infectieux systémiques. 3.3. Uniformiser la mesure pour tous les antibiotiques. Defined Daily Dose: DDD – Prescribed Daily Dose: PDD Le DDD est une unité conventionnelle qui reflète la dose quotidienne moyenne d’entretien généralement admise pour un adulte Un DDD est seulement accordé à un médicament qui a un code ATC. Le nombre de DDD est donc une approximation du nombre de jours de traitement. Ils permettent une estimation de la consommation des médicaments. Leur principal avantage est de rendre possible une comparaison au cours du temps et entre différentes institutions. 15 Leur inconvénient est qu’ils reflètent parfois mal l’utilisation d’un médicament donné dans un contexte particulier. Par exemple, il n’existe qu’une valeur de DDD pour les substances qui peuvent être administrées par voie orale ou intraveineuse, même si les posologies diffèrent entre les deux utilisations. Dans ce cas, la valeur du DDD est plus proche de la posologie quotidienne par voie orale. De plus, pour les médicaments qui peuvent être utilisés à diverses posologies, le DDD convenu peut ne pas refléter les habitudes locales. Ainsi, lorsque le but est une mesure au sein d’une institution, plus qu’une comparaison entre institutions, on peut remplacer certains DDD par des valeurs plus proche de l’utilisation locale, et différente selon leur voie d’administration. On parle alors de PDD : Prescribed Daily Dose. Dans l’étude, on a utilisé les DDD lorsqu’ils reflétaient les pratiques au CHUV, mais on les a remplacés par les PDD pour les antibiotiques utilisés à des posologies différentes du standard DDD. Par exemple pour l’Augmentine. Augmentine : J01CR02 : Amoxicilline avec inhibiteur des bêtalactamases Amoxicylline iv. : DDD 4.8 Amoxicylline po : DDD 1.88 ; PDD 4.8 Voir annexe : liste comparative DDD. 3.4. Ajuster la mesure à la population de patients. Dans le but d’ajuster la consommation des antibiotiques à la taille d’un groupe, dans le cas du CHUV à l’activité d’un service d’hospitalisation, on exprime la consommation en DDD/1000 Jours d’hospitalisation. Ceci donne une estimation de la proportion des patients sous un traitement d’antibiotiques. Par exemple 10 DDD /1000 jours hospitalisation suggèrent que 1% des patients ont un traitement d’antibiotiques. Les avantages et les limites de la méthode ATC/DDD doivent être clairs pour les utilisateurs. Avant de comparer des études, entre hôpitaux et pays différents, il est important de connaître leurs références ATC/DDD, car ceux-ci sont régulièrement adaptés. 16 4. EXEMPLE PRATIQUE. Surveillance de consommation en antibiotiques qui prend ses sources dans la base de données de la pharmacie centrale du CHUV. Cette base de données existe depuis 1993. Un des buts de cette surveillance est d’établir un compte-rendu annuel de la consommation d’antibiotiques, comparé aux deux années précédentes, à l’intention des chefs de service de l’hôpital. 4.1. Saisie globale. Pour avoir une vision globale de la consommation des antibiotiques par service, on va faire des requêtes dans la base de données. Tables utilisées pour les requêtes. - Antibiotiques avec ajustement des DDD utilisés. - ATC codes. - Comptabilité : par année, mois, client, médicament, quantité, valeur de coût. - Liste des clients : nom, code de service, code de structure, code unité gestionnaire. - Liste de produits : médicament, nom médicament, emballage, volume, dose, voie, prix public, prix pharmacie, prix gros. - Injections : voies, injectable, non – injectable. Dans mon exemple je parle d’un service d’hospitalisation réellement existant au CHUV, qui restera anonyme pour une question de confidentialité. Chaque chef de service reçoit une lettre, accompagnant le compte rendu, signée par le médecin responsable de la DAMPH et l’invitant à faire les démarches qui s’imposent. Il est entièrement libre d’ignorer ou de donner suite à cette démarche. 17 Le premier graphique nous montre la consommation totale des antibiotiques exprimée en DDD*/1000 jours d’hospitalisation et la proportion des substances administrées sous forme injectable et non - injectable. 450 400 DDD/1000 Jours Hosp 350 300 250 Total 63% 200 150 Injec 100 51% 55% Non inject. 45% 37% 49% 50 0 1999 2000 18 2001 Consommation d’antibiotiques à très large spectre d’activité (Ciproxine i.v., Fortam, Maxipime, Meronem, Tazobac, Tienam) en proportion de la consommation sous forme injectable . 300 DDD/1000 Jours Hosp 250 200 150 100 Total inject. Large spectre 50 34% 38% 36% 0 1999 2000 2001 Commentaire : Consommation en augmentation régulière (+39% par rapport à 1999.) Proportion des injectables en augmentation. Touche aussi bien les antibiotiques à large spectre que les autres. Commentaire : L’augmentation de votre consommation s’observe avec la plupart des substances utilisées, notamment les antibiotiques à large spectre et surtout le Meronem. Cela traduit-il un changement de votre casuistique ? 19 Détail de la consommation et des dépenses. Consommation 450 400 13% DDD/1000 Jours Hosp 350 300 13% 250 11% 7% 8% 200 16% 11% 6% 30% 150 30% 32% 100 33% 50 36% 27% 1999 2000 0 Augmentin Tavanic Ciproxine Meronem Noroxin Maxipime Zinacef/Zinat Tazobac 2001 Floxapen Rocéphine Vancomycine Autres Dépenses 9000 8000 9% 7000 CHF/1000 Jours Hosp 14% 6000 7% 11% 5000 7% 8% 4000 10% 6% 11% 3000 12% 12% 2000 17% 1000 41% 12% 16% 32% 27% 0 1999 2000 20 2001 Tienam Répartition IV/PO des antibiotiques pouvant être administrés selon les deux modes. La voie IV n’apportant pas un meilleur effet thérapeutique pour ces antibiotiques, elle devrait être réservée aux cas où la résorption digestive est altérée. 100% 90% 80% 70% 60% per os 50% i.v. 40% 30% 20% 10% 0% 1999 2000 Ciproxine 2001 1999 2000 Klacid 2001 1999 2000 2001 Tavanic Commentaire : La proportion de Ciproxine administrée par voie i.v. est élevée (40-45%). Il convient de rappeler que, selon les recommandations de la Commission Permanente des Médicaments, la forme i.v., très coûteuse, ne devrait être utilisée que lorsque la résorption digestive n’est pas assurée ET qu’il n’y a pas d’alternative thérapeutique. 21 Biais dans l’interprétation de ce compte rendu. La liste des clients ne correspond pas forcement à la réalité. Par exemple : dans le service d’hospitalisation de la neurologie sont aussi hospitalisés des patients de médecine interne. Ceci est également le cas en urologie. Le client, dénommé ORL, accueille le service de court séjour d’oncologie,UTOH, avec des patients provenant des services diversifiés. Ces patients de diverses provenances puisent leurs médicaments dans la même pharmacie d’unité, qui a un seul budget et est connu à la pharmacie centrale sous le même nom client. Il faut donc lire les données avec un regard averti, car les patients de médecine, hospitalisés en neurologie et en urologie, peuvent peser lourd dans le budget des anti-infectieux. Les services pour lesquels se pose ce genre de problème ne font généralement pas l’objet d’un compte-rendu. Le nom d’un client peut changer. Pour des raisons de réorganisation interne et de réadaptation de budgétaire d’un service, le nom du client peut être changé dans la base de données. Ce qui implique également une adaptation dans les requêtes. Ceci a été le cas pour le service de médecine interne, dont faisait partie l’unité d’hospitalisation des maladies infectieuses. Précédemment dénommé comme client, DDK, il est dénommé depuis deux ans comme client MIN. Comme déjà annoncé dans le chapitre sur les DDD, certains DDD ont été adaptés. Dans l’étude, on a utilisé les DDD lorsqu’ils reflétaient les pratiques au CHUV, mais on les a remplacés par les PDD pour les antibiotiques utilisés à des posologies différentes du standard DDD. Il y a des changements dans les bases administratives de hôpital. Ceux -ci fournissent les données d’occupation de l’hôpital. Récemment ces bases ont été améliorées et actualisées. Pour être crédible il faut récolter les données sur des bases homogènes. L’ajustement à l’activité des services Une difficulté réside dans le fait que la mesure de la consommation d’antibiotiques dans un service doit être ajusté à sa casuistique. A ce jour, le seul paramètre de pondération utilisé dans ce but est l’occupation du service en question, et ne rend pas compte des possibles changements du case- mix. Il est donc utile d’investiguer le recours à un indicateur de la « charge infectieuse » d’un service comme facteur de pondération de sa consommation en antibiotiques. On peut pour cela utiliser les données du Projet Recherche Nursing, PRN infirmier, ou les codes diagnostiques utilisés par les médecins. Il est donc impératif de tenir compte de ces biais pour interpréter les statistiques. 22 5.CONCLUSION. Bien qu’il reste encore énormément à faire pour sensibiliser tous les médecins prescripteurs d’antibiotiques, la nécessité d’une surveillance qualitative et quantitavive des traitements avec les antibiotiques est largement prouvée. L’étude quantitative menée dans notre institution par le Docteur Zanetti et par la pharmacie permet de rendre les chefs de services attentifs à leurs habitudes de prescrire les antibiotiques. Recevoir en graphique un rapport détaillé de sa propre consommation fait réfléchir certains médecins. Les questions qu’on se pose les fait réagir et un dialogue s’installe progressivement avec certains entre eux. On aimerait aussi pouvoir investiguer plus en détail la qualité des soins propres aux traitements avec les antibiotiques. Cela se fera peut-être dans un proche avenir. A ce moment mon rôle d’infirmière deviendra donc plus concret sur le terrain. Dans le cadre de cette étude quantitative mon rôle d’infirmière en PCI se limite pour le moment à une recherche informatique. J’utilise tous ce que j’ai appris pendant les cours pour pouvoir comprendre et interpréter les données récoltées. Plus tard en développant mes connaissances il y aura une part d’analyse. J’ai surtout appris à utiliser les programmes informatiques suivantes : word, excel et acces. Je commence à développer une certaine rigeur dans mes recherches et surtout je découvre l’autre côté de la médecine, celui de la recherche et cela me plaît. Dans le cadre d’autres études je fais la récolte des données dans les services de soins. Je n’ai plus du tout de contact avec les malades et je le regrette. Par rapport aux soignants de ces services je suis surtout demandeur d’information. Je les informe de mes activités, de leur but et de leur nécessité et cela les intéresse malgré la surcharge de travail. J’essaie donc d’avoir des excellents contacts avec eux et surtout je m’arrange pour déranger le moins possible. Cela demande de ma part beaucoup de souplesse et de disponibilité pour expliquer le but des études et le but de certaines récoltes de données. Cela se passe très bien et je trouve mes collègues très disponibles et accueillantes. 23 Bibliographie MURRAY, P., ROSENTHAL, K., KOBAYASHI, G.,PFALLER. M. Medical Microbiologie.4th ed. Mosby,Inc., 2002. WHO Collaborating Centre for Drug Statistics Methodology. Guidelines for ATC classification and DDD assignment.5th ed. Oslo. 2002. AUCKENTHALER, R., et al, Consommation des antibiotiques dans les hopitaux suisses. In Bulletin des médecins suisses, 1994. vol.75. BRONZWAER, S. et al. A European Study on the Relationship between Antimicrobial Use and Antimicrobial Resistance. 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