Intégralité de la décision du Conseil de la concurrence

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Intégralité de la décision du Conseil de la concurrence
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
Décision n° 04-D-37 du 27 juillet 2004
relative à des pratiques mises en œuvre sur le marché
des pompes funèbres dans le Val-de-Marne
Le Conseil de la concurrence (Section IV),
Vu la lettre du 5 octobre 1993, enregistrée le 11 octobre 1993 sous le numéro F 625, par
laquelle la société Pompes Funèbres Privées Marbrerie Lamotte et Fils a saisi le Conseil de la
concurrence de pratiques mises en œuvre dans le Val-de-Marne par la société Pompes
Funèbres Générales devenue OGF ;
Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, le décret
n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié fixant les conditions d’application de l’ordonnance
n° 86-1243 du 1er décembre 1986 et le décret du 30 avril 2002 fixant les conditions
d’application du livre IV du Code de commerce ;
Vu le Code général des collectivités territoriales ;
Vu la décision n° 00-D-58 en date du 6 décembre 2000, par laquelle le Conseil de la
concurrence a sursis à statuer sur la saisine afin qu’il soit procédé à un complément
d’instruction
Vu la décision de la Présidente du Conseil en date du 9 mars 2004 faisant application à la
présente affaire des dispositions de l’article L. 463-3 du code de commerce relatif à la
procédure sans établissement d’un rapport ;
Vu les observations présentées par la société OGF ainsi que par le commissaire du
Gouvernement ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement, les représentants des
sociétés Lamotte et OGF entendus lors de la séance du 22 juin 2004 ;
Adopte la décision suivante :
I.
1.
Constatations
Dans sa saisine, la société Lamotte reproche à la société PFG devenue OGF d’entretenir une
confusion permanente entre son activité de gestionnaire exclusif des chambres funéraires de
Villeneuve-Saint-Georges, Bry-sur-Marne et Saint-Maur des Fossés et ses activités de
prestataire de pompes funèbres proposées dans les mêmes installations. Elle estime en outre
que le détournement de clientèle qui résulte de cette confusion se trouve aggravé par le fait
que la société PFG a signé avec des établissements de santé et de retraite situés dans les
communes précitées des conventions aux termes desquelles les personnes décédées dans ces
établissements sont envoyées de manière systématique et sans l’accord des familles dans les
chambres funéraires gérées par ladite entreprise.
A.
LA RÉGLEMENTATION DES CHAMBRES FUNÉRAIRES
1. L’APPORT DE LA LOI N° 93-23 DU 8 JANVIER 1993
2.
Avant la loi n° 93-23 du 8 janvier 1993, qui a modifié le régime juridique des opérations
funéraires, la gestion des chambres funéraires ne faisait pas partie du service extérieur des
pompes funèbres. Les communes pouvaient cependant créer des chambres funéraires en
demandant au préfet d’autoriser leur création et assurer leur gestion exclusive soit en régie
directe, soit en désignant par convention un concessionnaire.
3.
La loi du 8 janvier 1993 a défini de manière plus large le contenu du service extérieur des
pompes funèbres en y incluant, notamment, la gestion des chambres funéraires. Les
prestations relevant du service extérieur comprennent désormais, outre celles prévues
antérieurement, le transport des corps avant mise en bière, l’organisation des obsèques, les
soins de conservation, la fourniture des housses, des cercueils et de leurs accessoires
intérieurs et extérieurs ainsi que les urnes cinéraires, la gestion et l’utilisation des chambres
funéraires.
4.
En revanche, la loi du 8 janvier 1993 a mis fin au monopole communal. Désormais, le service
extérieur des pompes funèbres, qui constitue une mission de service public, peut être assuré,
non seulement par les communes ou leurs délégataires, mais aussi par toute autre entreprise
ou association bénéficiaire d’une habilitation délivrée par le représentant de l’Etat dans le
département.
5.
Toutefois, l’article 28-1 de la loi du 8 janvier 1993 a prévu une période transitoire allant
jusqu’au 10 janvier 1998 pour les régies et jusqu’au 10 janvier 1996 pour les entreprises
délégataires, pendant laquelle : « Les régies communales et intercommunales des pompes
funèbres existant à la date de publication de la présente loi peuvent, durant une période qui
ne saurait excéder cinq années à compter de cette date, assurer seules le service extérieur des
pompes funèbres tel que défini par les dispositions légales précédemment en vigueur. Durant
une période de trois ans, les contrats de concession conclus avant la date de publication de la
présente loi, y compris ceux comportant une clause d’exclusivité, continuent à produire effet
jusqu’à leur terme, sauf résiliation d’un commun accord. Nonobstant toute disposition
contraire, les contrats comportant une clause d’exclusivité ne peuvent être prorogés, ni
renouvelés, …».
6.
Il appartient au conseil municipal qui souhaite, le cas échéant, organiser le service extérieur
des pompes funèbres sur le territoire de sa commune d’arrêter la liste des prestations du
service extérieur des pompes funèbres exercées, de définir le mode de gestion de ce service
public et de fixer le tarif des prestations. La commune a la faculté d’organiser seulement
certaines des prestations du service extérieur des pompes funèbres.
2
2. LA GESTION DES CHAMBRES FUNÉRAIRES
7.
L’article L.2223-38 du Code des communes, qui résulte de l’article 21 de la loi du
8 janvier 1993, précise que « les chambres funéraires ont pour objet de recevoir, avant
l’inhumation ou la crémation, le corps des personnes décédées ».
8.
L’article 1 du décret n° 94-1027 du 23 novembre 1994 (actuellement article R.2223-74 du
code général des collectivités territoriales) portant modification des dispositions
réglementaires du Code des communes relatives aux opérations funéraires indique que « la
création ou l’extension d’une chambre funéraire est autorisée par le représentant de l’Etat
dans le département ».
9.
Cette modification réglementaire confirme que l’autorité préfectorale est toujours seule
compétente pour autoriser la création et l’extension d’une chambre funéraire et ce, même si
l’avis du Conseil municipal est obligatoire.
10.
Les chambres funéraires sont gérées désormais conformément aux règles relatives à la gestion
du service extérieur des pompes funèbres. Elles peuvent, en conséquence, être gérées
concurremment par toute régie, entreprise ou association régulièrement habilitée.
3. L’ACCÈS DES PROFESSIONNELS AUX CHAMBRES FUNÉRAIRES
11.
L’article R.361-35, alinéa 5, du Code des communes, tel que modifié par l’article 2 du décret
n° 94-1027 du 23 novembre 1994 précité (actuellement R.2223-09 du Code général des
collectivités territoriales), prévoit que : « Les personnels des régies, entreprises ou
associations de pompes funèbres habilitées conformément à l’article L.362-2.1 mandatés par
toute personne qui a qualité pour pourvoir aux funérailles, ont accès aux chambres funéraires
pour le dépôt et le retrait des corps et la pratique des soins de conservation prévus à l’article
R.363-1 et de la toilette mortuaire »
12.
Dans le même esprit, l’article L.2223-38 du Code général des collectivités territoriales,
reprenant l’article L.361-19 du Code des communes, issu de la loi du 8 janvier 1993, précise
que : « Les locaux où l’entreprise ou l’association gestionnaire de la chambre funéraire offre
les autres prestations énumérées à l’article L.2223-19 doivent être distincts de ceux abritant
la chambre funéraire »
4. L’ADMISSION DES CORPS DANS LES CHAMBRES FUNÉRAIRES
13.
L’article R.361-37 du Code des communes, tel que modifié par l’article 3 du décret
n° 94-1027 du 23 novembre précité (actuellement article R.2223-76 du Code général des
collectivités territoriales), prévoit que : « L’admission en chambre funéraire intervient dans
un délai de vingt quatre heures à compter du décès. Le délai est porté à quarante huit heures
lorsque le corps a subi les soins de conservation prévus à l’article R.363-1. »
« Elle a lieu sur la demande écrite :
• soit de toute personne qui a qualité pour pourvoir aux funérailles et justifie de son état
civil et de son domicile ;
• soit de la personne chez qui le décès a eu lieu, à condition qu’elle atteste par écrit qu’il
lui a été impossible de joindre ou de retrouver l’une des personnes ayant qualité pour
pourvoir aux funérailles ;
3
•
14.
soit du directeur de l’établissement, dans le cas de décès dans un établissement de santé
public ou privé qui n’entre pas dans la catégorie de ceux devant disposer obligatoirement
d’une chambre mortuaire conformément à l’article L.361-19 sous la condition qu’il
atteste par écrit qu’il lui a été impossible de joindre ou retrouver dans un délai de dix
heures à compter du décès, l’une des personnes ayant qualité pour pourvoir aux
funérailles.»
Parmi les modifications apportées par le nouveau texte, il convient de relever :
• que le délai d’admission d’un corps avant mise en bière dans une chambre funéraire
passe de dix huit heures à vingt quatre heures. Dans le cas où le corps a subi des soins de
conservation, ce délai passe de trente six heures à quarante huit heures ;
• que le directeur de l’établissement de santé public ou privé qui autorise le transport du
corps d’une personne décédée dans cet établissement vers une chambre funéraire doit
désormais attendre un délai de dix heures à compter du décès avant de délivrer cette
autorisation. Durant ce délai, le corps de la personne décédée repose dans les locaux de
l’établissement de santé public ou privé ;
• qu’un corps ne peut être admis dans une chambre funéraire que sur production d’un
extrait du certificat médical de décès attestant que le décès n’a pas été causé par l’une
des maladies contagieuses définies par arrêté du ministre chargé de la santé. Le
gestionnaire de la chambre funéraire doit conserver une copie de l’extrait susvisé.
5. LA PRISE EN CHARGE FINANCIÈRE DES FRAIS DE TRANSPORT DES CORPS
15.
L’article R.361-40, alinéas 2 et 3, du Code des communes tel que modifié par l’article 4 du
décret n° 94-1027 du 23 novembre 1994 précité (actuellement article R.2223-79 du Code
général des collectivités territoriales) indique que : « Lorsque le transfert à une chambre
funéraire du corps d’une personne décédée dans un établissement de santé public ou privé,
qui n’entre pas dans la catégorie de ceux devant disposer obligatoirement d’une chambre
mortuaire conformément à l’article L.361-19-1 a été opéré à la demande du directeur de
l’établissement, les frais résultant du transport à la chambre funéraire sont à la charge de
l’établissement ainsi que les frais de séjour durant les trois premiers jours suivant
l’admission. »
«Dans le cas prévu à l’alinéa précédent, le corps peut faire l’objet d’un nouveau transport,
soit à une chambre funéraire, soit à la résidence du défunt ou d’un membre de sa famille,
dans les délais et conditions prévus à la présente section et aux sections II, III, IV du chapitre
III, à la demande de toute personne qui a qualité pour pourvoir aux funérailles. »
B.
LE MARCHÉ DES PRESTATIONS FUNÉRAIRES DANS LES COMMUNES
VILLENEUVE-SAINT-GEORGES, BRY-SUR-MARNE ET SAINT-MAUR DES FOSSÉS
DE
1. LES ZONES D’ATTRACTION DES CHAMBRES FUNÉRAIRES
16.
A Bry-sur-Marne, plus de 90 % des corps des défunts transportés au funérarium proviennent,
d’une part, des établissements hospitaliers Saint-Camille à Bry-sur-Marne et A. Brillard de
Nogent-sur-Marne, d’autre part, des communes de Bry-sur-Marne, Nogent-sur-Marne, Le
Perreux, Joinville-le-Pont, Champigny-sur-Marne, Villiers-sur-Marne, Noisy-le-Grand et Le
Plessis-Trévise. A Villeneuve-Saint-Georges, 85 % des corps des défunts transportés au
funérarium proviennent, d’une part, de l’hôpital municipal et des sanatoriums de Ris-Orangis
4
et Draveil, d’autre part, des communes de Villeneuve-Saint-Georges, Montgeron, Draveil,
Brunoy, Epinay-sous-Sénart, Quincy, Crosnes, Vigneux-sur-Seine, Sucy-en-Bry, Yerres,
Villeneuve-le-Roi, Boissy-Saint-Léger, Villecresnes, Ablon-sur-Seine et Limeil-Brévannes. A
Saint-Maur, 94 % des corps des défunts transportés au funérarium proviennent des maisons de
retraite et établissements hospitaliers qui y sont implantés.
2. LA POSITION DOMINANTE DE LA SOCIÉTÉ PFG DEVENUE OGF SUR LE MARCHÉ DES
OBSÈQUES DES DEFUNTS TRANSPORTÉS AU FUNERARIUM
La délimitation de ce marché dépend, du côté de la demande, essentiellement du nombre de
décès enregistrés dans les trois communes précitées, en provenance en particulier des
établissements hospitaliers et des maisons de retraite. Du côté de l’offre, elle dépend du
nombre de prestataires, de leur implantation dans les trois zones en cause ainsi que des
installations, tels les funérariums, dont ils peuvent disposer et qui leur permettent d’avoir un
contact quasi obligatoire avec les familles ou leurs représentants.
Le tableau suivant établit, pour la zone géographique considérée, le nombre de défunts
transportés dans les chambres funéraires en 1992, 1993 et 1994
SECTEURS
VILLENEUVE-SAINT-GEORGES
Montgeron
Draveil
Brunoy
Epinay-sous-Sénart
Quincy-sous-Sénart
Crosnes
Vigneux-sur-Seine
Sucy-en-Brie
Yerres
Villeneuve-le-Roi
Boissy-Saint-Léger
Villecresnes
Ablon-sur-Seine
Limeil-Brévannes
Villeneuve-St Georges (domicile)
Villeneuve-St Georges (hôpitaux sous
convention)
TOTAL secteur Villeneuve-St-G.
Bry-sur-Marne (domicile)
Bry-sur-Marne (hôpitaux sous
convention)
Nogent-sur-Marne
Le Perreux-sur-Marne
Joinville-le-Pont
Champigny-sur-Marne
Villiers-sur-Marne
Noisy-le-Grand
Le Plessis Trévise
Chennevières-sur-Marne
La Queue-en-Brie
TOTAL secteur Bry-sur-Marne
TOTAL secteur Saint-Maur
BRY-SUR-MARNE
17.
NOMBRE DE DÉCÈS
1992
248
563
279
25
48
72
77
188
354
168
78
42
24
461
1993
228
565
291
30
29
57
72
182
445
131
81
38
15
518
1994
241
514
249
21
26
62
66
190
441
149
72
39
25
541
652
674
607
3 279
3 356
3 243
464
480
466
130
169
96
318
185
84
30
17
49
1 542
463
157
156
104
313
208
89
28
39
48
1 622
452
140
153
98
310
213
85
21
16
43
1 545
432
5
NOMBRE DE CORPS
TRANSPORTÉS
AU FUNÉRARIUM
1992
1993
1994
54
57
94
42
45
28
143
140
131
11
13
2
12
8
15
67
50
59
57
60
56
47
33
36
329
422
412
29
22
20
28
31
36
33
29
33
18
11
15
12
20
36
121
120
102
577
1 580
27
563
1 624
63
488
1 563
44
440
68
103
61
115
27
21
15
5
7
889
225
461
71
99
76
97
28
26
13
22
9
965
209
466
61
97
73
112
33
22
8
4
11
931
234
Parts, respectives des principaux intervenants dans l’organisation
des obsèques à partir du funérarium de Villeneuve-Saint-Georges
1992
ENTREPRISES
1993
1994
Nombre
%
Nombre
%
Nombre
%
1 077
350
59,47
19,33
1 050
374
56,18
20,01
956
480
50,99
25,60
132
7,29
130
6,96
116
6,18
1 559
86,08
1 554
83,14
1 552
82,77
Autres entreprises
137
7,56
182
9,74
203
10,82
Autres opérations (transferts de corps, …)
114
6,29
134
7,17
110
5,87
Agences PFG à Villeneuve :
- Carrefour J. Marlin (funérarium)
- Agence centre ville
Autres agences PFG du secteur
TOTAL PFG
TOTAL
1 811
1 869
1 865
18.
Ainsi, dans la période considérée, la société PFG assure plus de 80 % des convois pour les
défunts transportés au funérarium, comme l’indique le tableau ci-dessus, et son agence locale
située dans le funérarium réalise près de 60 % de ces convois.
19.
En outre, la commune de Villeneuve-Saint-Georges a confié initialement la concession du
service public des pompes funèbres (service extérieur) aux Pompes Funèbres Générales par
une convention conclue le 23 octobre 1958, tacitement reconduite par périodes de six années
et qui était toujours en vigueur au moment des faits. Dans ce secteur, huit autres communes
sur 14 ont également confié le service extérieur des pompes funèbres à cette entreprise.
20.
Le 13 novembre 1964, le préfet de Seine-et-Oise a approuvé la convention adoptée par une
délibération du conseil municipal en date du 26 octobre 1964, et visant à autoriser la création
d’une chambre funéraire sur un terrain communal cédé à la société Pompes Funèbres
Générales. Par cette même convention, a été concédée à cette dernière société la gestion de la
chambre funéraire, pour une première période de 30 ans à compter du 15 avril 1966.
21.
Par ailleurs, la S.A. Pompes Funèbres Générales a conclu deux conventions, la première avec
l’hôpital intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges et la seconde avec les sanatoriums dits
«des cheminots» de Draveil, Ris-Orangis et Soisy-sur-Seine, pour organiser le transport et le
séjour en chambre funéraire des corps des personnes décédées dans ces établissements.
Parts respectives des principaux intervenants dans l’organisation des obsèques
à partir du funérarium de Bry-sur-Marne
22.
Dans le secteur considéré, la part des agences PFG dans l’organisation des obsèques est de
76 % en 1992 et 66 % en 1994 pour les décès en provenance de l’hôpital Saint-Camille et de
la clinique Armand Brillard.
ENTREPRISES
Agence PFG Bry
Autres agences PFG du secteur
TOTAL PFG
Autres entreprises du secteur
Entreprises extérieures
Autres opérations funéraires
TOTAL GENERAL
1992
Nombre
%
216
49,7
116
26,7
332
76,4
63
14,4
35
8,0
5
0,1
435
98,9
6
1993
Nombre
231
104
335
65
30
18
448
%
51,6
23,2
74,8
14,5
6,7
4,0
100
1994
Nombre
%
211
46,2
93
20,4
304
66,6
73
16,0
64
14,0
15
3,3
456
99,9
23.
Le 26 juin 1970, une convention a été signée entre les trois communes de Bry-sur-Marne,
Nogent, Le Perreux, d’une part, et la société Pompes Funèbres Générales, d’autre part, ayant
pour objet la concession du service intercommunal de la chambre funéraire. En exécution de
cette convention, la société concessionnaire a installé, sur un terrain à Bry-sur-Marne, un
ensemble dit « funérarium », mis en service à compter du 1er juin 1973, dont une partie, le
dépôt mortuaire, est gérée dans le cadre de son activité privée.
24.
En outre, la commune de Bry-sur-Marne a concédé, par une convention ayant pris effet à
compter du 1er janvier 1993, le service extérieur des pompes funèbres à la SA Pompes
Funèbres Générales. Dans ce secteur, 7 autres communes sur un total de 9 ont également
confié ce service au même prestataire.
25.
Par ailleurs, la société Pompes Funèbres Générales a conclu deux conventions, la première, le
15 décembre 1970, avec l’hôpital Saint-Camille de Bry-sur-Marne, la seconde, le
23 mars 1983, avec la clinique Armand Brillard de Nogent-sur-Marne, portant sur l’utilisation
de la chambre funéraire intercommunale.
Parts respectives des principaux intervenants dans l’organisation
des obsèques à partir du funérarium de Saint-Maur
1993
ENTREPRISES
1994
Nombre
%
Nombre
%
Agence PFG Saint-Maur
159
76
174
74,3
Entreprise Lamotte et Fils
11
7,7
20
8,5
Autres entreprises
39
18,7
40
17,1
TOTAL GENERAL
209
102,4
234
99,9
26.
Ainsi, à partir du funérarium de Saint-Maur, qui couvre presque exclusivement le territoire de
la commune, la société PFG réalise 76 % et 74 % des convois en 1993 et 1994.
27.
La société Lamotte, saisissante, qui n’a réalisé en 1992 que 4 convois à partir du funérarium,
augmente ses parts de marché et assure, en 1994, près de 9 % des convois des défunts
transportés au funérarium.
28.
Le dépositoire qui existait précédemment a été aménagé en chambre funéraire en 1977 et fait
partie du centre d’exploitation des Pompes Funèbres Générales.
29.
Puis un contrat de concession du service extérieur des pompes funèbres a été signé, le
17 décembre 1992, entre la commune de Saint-Maur et la SA Pompes Funèbres Générales,
avec effet à compter du 1er janvier 1993.
30.
Par ailleurs des conventions ont été conclues entre la société Pompes Funèbres Générales et
les établissements hospitaliers de Saint-Maur et de La Varenne Saint-Hilaire ainsi qu’avec la
maison de retraite «Les saules» pour organiser le transfert et le séjour des corps dans la
chambre funéraire.
31.
Il est ainsi constaté que, dans les trois communes considérées, la société PFG occupe une
position dominante. Elle organise, en effet, en moyenne sur les trois années en cause plus de
70 % des convois des personnes transportées dans les funérariums dont elle assure la gestion
exclusive.
7
C.
32.
LES PRATIQUES RELEVÉES
Les pratiques en cause ont trait aux conditions de gestion des funérariums par la société PFG
et à ses relations avec les établissements hospitaliers situés dans la zone d’attraction de ces
chambres funéraires.
1. LA GESTION DES FUNÉRARIUMS
a) A Villeneuve-Saint-Georges
L’organisation des locaux
33.
Deux sortes de constatations ont été faites :
• La société Pompes Funèbres privées. Marbrerie Lamotte et Fils, plaignante, a produit un
constat d’huissier du mois de mars 1987 montrant, d’une part, que dans le hall d’entrée du
funérarium figure l’enseigne de la société PFG, d’autre part, que le bureau de règlement
des convois est installé dans le funérarium.
• Il est, en outre, apparu, dans le cadre de l’enquête administrative réalisée en 1996, qu’il
n’existait pas, en dehors de l’espace accueil et du comptoir, de bureau particulier pour
recevoir les familles se rendant au funérarium.
34.
Ainsi, que ce soit en arrivant à la chambre funéraire ou à l’intérieur de celle-ci, les familles ne
peuvent pas clairement distinguer la nature des opérations relevant, d’une part, de la gestion
du funérarium proprement dite, d’autre part, des autres prestations de pompes funèbres
proposées dans la même enceinte.
La facturation du séjour au funérarium
35.
Sur plusieurs demandes d’admission au funérarium figure le sigle de la société PFG, et les
devis qui les accompagnent, d’une part, ne séparent pas les prestations de service public de
celles du secteur libre, d’autre part, confondent les frais relatifs à l’admission en chambre
funéraire avec ceux relatifs à l’admission dans les salons privés de la société PFG.
36.
S’agissant de la facturation aux établissements hospitaliers des frais de séjour, il a été constaté
que non seulement les factures étaient établies au nom de la société PFG de Villeneuve-SaintGeorges et non à en-tête du funérarium mais que figurait également sur ces factures l’adresse
du siège social des PFG à Paris.
b) A Bry-sur-Marne
L’organisation des locaux
37.
Si le funérarium et l’agence PFG se distinguent théoriquement par des adresses différentes, il
a été constaté que, jusqu’en 1995, les deux types de locaux ne sont pas clairement identifiés à
l’intérieur du site. Dans un constat d’huissier, dressé à l’initiative du plaignant en juillet 1993,
il apparaît que le bureau de règlement des obsèques est situé dans la partie réservée au
funérarium municipal.
38.
Par ailleurs, dans le hall d’entrée, le tarif de la chambre funéraire et des salons privatifs des
PFG est indiqué sous le seul intitulé du funérarium.
8
39.
Enfin, dans l’annuaire France Télécom de 1995, l’adresse de la société PFG au 2 rue des
Moines Saint Martin est indiquée avec celle du funérarium alors que cette société a son entrée
propre au numéro 4 de la même rue.
La facturation des prestations funéraires
40.
Figure dans le dossier une facture de transfert de corps au funérarium en date du 30 octobre
1995, destinée à l’hôpital Saint-Camille avec l’en-tête des PFG et l’adresse de son siège social
à Paris.
41.
Sur une facture d’obsèques adressée à une famille, le 31 mai 1995, également à en tête de
PFG, la prestation relative au séjour dans les salons privés de cette entreprise est désignée
sous l’appellation de « séjour en maison funéraire » au lieu du terme « séjour en salon
privé ».
c) A Saint-Maur
L’organisation des locaux
42.
Il résulte d’un constat d’huissier dressé à la demande de la plaignante, en juillet 1993, que
dans la cour du funérarium, du côté de la chambre funéraire municipale, est accrochée au mur
l’enseigne commerciale en couleur des PFG. Ce logo est également visible sur le mur du local
où sont garés les véhicules de cette entreprise.
43.
Un autre constat d’huissier, en date du 26 mai 1994, produit par la société Lamotte, confirme
ces constatations. Dans le hall, on ne trouve ni informations sur le libre choix des familles ni
liste des autres entreprises de pompes funèbres exerçant sur la commune.
44.
De fait, les enquêteurs ont constaté, en mai 1995, que la chambre funéraire se trouvait dans
l’enceinte du centre d’exploitation des PFG. Dans le hall d’accueil, a été relevée la présence
de deux plaquettes portant le logo et le nom de la société PFG accompagné d’un numéro de
téléphone vert. Cette situation est d’ailleurs reconnue par le directeur de la région sud-est des
PFG, dans une déclaration faite aux enquêteurs, le 30 mai 1995. L’intéressé a, cependant, tenu
à ajouter, dans une lettre du 12 juin 1995, que «… ce hall d’accueil n’est pas celui de la
chambre funéraire proprement dite mais de notre centre d’exploitation qui n’est pas le lieu
habituel d’attente des familles qui ont recours aux services de la chambre funéraire ».
La facturation des prestations funéraires
45.
Deux factures d’obsèques figurant au dossier, l’une du 17 août et l’autre du
18 septembre 1995, montrent que la société PFG range sous la rubrique « service libre » la
prestation relative au séjour en maison funéraire alors que ce service lui a été concédé par la
ville de Saint-Maur.
2. LES CONVENTIONS PASSÉES ENTRE LA SOCIÉTÉ PFG ET LES ÉTABLISSEMENTS SANITAIRES
SIS DANS LES SECTEURS DE VILLENEUVE-SAINT-GEORGES, BRY-SUR-MARNE ET SAINTMAUR.
a) A Villeneuve-Saint-Georges
46.
La société Pompes Funèbres Générales a signé deux conventions, l’une en 1965 avec l’hôpital
de la commune et l’autre en 1970 avec les sanatoriums de Draveil, Ris-Orangis et
Soisy-sur-Seine.
9
47.
L’article 1 de la première convention donne à la société PFG l’exclusivité de la réception des
corps des personnes décédées à l’hôpital de Villeneuve-Saint-Georges tandis qu’en son article
2, elle prévoit que le transfert des personnes décédées dans cet établissement sera assuré
gratuitement par la société PFG.
48.
De la même manière, la seconde convention prévoit l’exclusivité du transfert des corps au
funérarium, les tarifs de transport des corps étant en revanche, fixés et facturés au sanatorium.
La société PFG assure la gratuité du transport et du séjour en chambre funéraire uniquement
pour les indigents ou les personnes décédées dans ces établissements bénéficiant de l’aide
sociale.
b) A Bry-sur-Marne
49.
Deux conventions ont été signées par la société PFG, l’une, en 1970, avec l’hôpital
Saint-Camille de Bry, l’autre, en 1983, avec la clinique Armand Brillard de Nogent-surMarne.
50.
La première convention attribue à la société PFG l’exclusivité de la réception des corps des
personnes décédées à l’hôpital Saint-Camille mais laisse à la charge des familles les frais de
transport, d’admission et de séjour à la chambre funéraire.
51.
La convention passée avec la clinique Armand Brillard stipule également l’exclusivité de la
réception des corps des personnes décédées dans l’établissement, en faveur de la chambre
funéraire de Bry-sur-Marne. En son article 3, elle prévoit que le transport des corps entre la
clinique et le funérarium est effectué gratuitement, les frais de séjour étant, en revanche,
supportés par les familles. Ces services sont effectués gratuitement pour le compte des
indigents ou des personnes bénéficiaires de l’aide sociale.
c) A Saint-Maur
52.
La convention signée avec la clinique métabolique d’Ile-de-France en 1981 prévoit, en son
article 1, que la société PFG accueille dans sa chambre funéraire tous les malades décédés
dans l’établissement, dont la réintégration dans leur domicile n’aura pas été demandée dans
les six heures du décès par les familles, le transport des corps s’effectuant gratuitement.
53.
La convention signée la même année avec la clinique Saint-Hilaire à la Varenne-Saint-Hilaire
attribue à la chambre funéraire de Saint-Maur l’exclusivité de la réception des corps, leur
transport entre la clinique et le funérarium étant gratuit. Seuls les frais de séjour sont à la
charge des familles.
54.
La convention passée en 1979 avec le centre médico chirurgical de Saint-Maur ainsi que celle
signée en 1986 avec la maison de retraite « Les Saules », également située à Saint-Maur,
contiennent les mêmes dispositions relatives à l’exclusivité de la réception des corps et à la
gratuité du transport.
55.
Le trait commun de toutes les conventions ci-dessus analysées est que la société PFG
s’engage à ne pas facturer à l’établissement où le décès s’est produit le prix du transport à la
chambre funéraire. Cette prestation, normalement à la charge de l’établissement hospitalier
dépourvu de chambre mortuaire, en vertu de l’article R.2223-79 du code pénal des
collectivités territoriales (voir le paragraphe 15 ci-dessus) est évaluée à Saint-Maur, pour
l’année 1997 à environ 1.200 F. La gratuité crée une asymétrie dans la concurrence, au
désavantage, d’une part, des sociétés de transport funéraire susceptibles d’assurer cette
prestation pour le compte des familles, d’autre part, des autres sociétés de pompes funèbres
10
qui, choisies par les familles des personnes décédées avant que la décision ne soit prise par
l’établissement hospitalier de faire transporter le corps au funérarium, sont dans l’obligation
de facturer cette prestation pour couvrir leurs frais.
D.
56.
LES GRIEFS NOTIFIÉS
Au vu de l’ensemble des éléments présentés ci-dessus, quatre griefs ont été notifiés à la
société OGF (ex - PFG) sur le fondement de l’article L.420-2 du Code de commerce.
Grief n° 1
Il est reproché à la société PFG d’avoir, sur le marché des pompes funèbres de Villeneuvesaint-Georges et de ses communes avoisinantes, exploité au cours des années 1992, 1993 et
1994 de façon abusive sa position dominante en mettant en place, dans le seul funérarium du
secteur dont elle avait la gestion exclusive, d’une part, des informations à l’entrée et dans le
hall d’accueil du bâtiment et, d’autre part, des indications sur les factures et devis des clients
susceptibles de créer la confusion dans l’esprit des familles entre l’activité de la chambre
funéraire municipale et son activité de prestataire de service en matière d’organisation des
funérailles. Cette pratique a eu pour effet de dissuader la clientèle potentielle de s’adresser à
un autre opérateur.
Grief n° 2
Il est reproché à la société PFG d’avoir, sur le marché des pompes funèbres de Bry-sur-Marne
et de ses communes avoisinantes, exploité au cours des années 1992, 1993 et 1994 de façon
abusive sa position dominante en mettant en place, dans le seul funérarium du secteur dont
elle avait la gestion exclusive, d’une part, des informations notamment sur l’annuaire
téléphonique et dans l’entrée du funérarium, d’autre part, des indications sur les factures
destinées aux clients, susceptibles de créer une confusion entre l’activité de la chambre
funéraire municipale et son activité de prestataire de service en matière d’organisation des
funérailles et de rendre ainsi plus difficile le choix des familles pour un opérateur concurrent.
Grief n° 3
Il est reproché à la société PFG d’avoir, sur le marché des pompes funèbres de Saint-Maur,
exploité au cours des années 1992, 1993 et 1994 de façon abusive sa position dominante en
mettant en place, d’une part, des informations à l’entrée, dans le hall et le bureau d’accueil du
funérarium dont elle avait la gestion exclusive, d’autre part, des indications sur les factures
destinées aux clients susceptibles de créer une confusion entre l’activité de la chambre
funéraire municipale et son activité de prestataire de service en matière d’organisation des
funérailles et ainsi de porter atteinte au libre choix des familles pour un opérateur concurrent.
Grief n° 4
Il est reproché à la société PFG d’avoir abusé de sa position de gestionnaire exclusif des
seules chambres funéraires existant dans les villes de Villeneuve-Saint-Georges,
Bry-sur-Marne et Saint-Maur pour mettre en place des conventions avec les hôpitaux et
maisons de retraite ne disposant pas de chambre mortuaire qui, en prévoyant la gratuité du
transport des défunts au funérarium, ont eu pour objet et pour effet d’inciter ces
établissements à s’adresser à elle de manière préférentielle pour le transfert des corps et ainsi
de rendre plus difficile le choix des familles pour un opérateur concurrent qui ne pouvait au
surplus bénéficier de la gratuité de cette prestation.
11
E.
LA MISE EN ŒUVRE DE LA PROCÉDURE PRÉVUE À L’ARTICLE L.462-2 II DU CODE DE
COMMERCE
57.
Après réception de la notification de griefs, la société OGF a sollicité le bénéfice des
dispositions de l’article L.464-2-II du Code de commerce, aux termes desquelles :
« Lorsqu’un organisme ou une entreprise ne conteste pas la réalité des griefs qui lui sont
notifiés et s’engage à modifier ses comportements pour l’avenir, le rapporteur général peut
proposer au Conseil de la concurrence, qui entend les parties et le commissaire du
gouvernement sans établissement préalable d’un rapport, de prononcer la sanction
pécuniaire prévue au I en tenant compte de l’absence de contestation. Dans ce cas, le
montant maximum de la sanction encourue est réduit de moitié ». Ces dispositions ont été
mises en œuvre dans un procès-verbal signé le 10 mai 2004 par le rapporteur général du
Conseil et le représentant de la société OGF, lequel a déclaré : « En raison de circonstances
propres à l’ancienneté de cette affaire et sans que cela n’emporte reconnaissance du
caractère intentionnel des pratiques en cause, la société OGF ne souhaite pas contester la
réalité des griefs qui lui ont été notifiées. ».
58.
Par ailleurs, la Présidente du Conseil de la concurrence, en application de l’article L.463-3 du
Code de commerce, a décidé, le 9 mars 2004, de faire juger l’affaire par le Conseil sans
établissement préalable d’un rapport.
II. Discussion
A.
SUR LE FOND
59.
Les constatations faites aux paragraphes 33 à 55 établissent que la société PFG, en position
dominante sur le marché des obsèques des défunts transportés aux funérariums de VilleneuveSaint-Georges, Bry-sur-Marne et Saint-Maur, a mis en œuvre, d’une part, dans sa gestion de
ces chambres funéraires, des pratiques de nature à créer la confusion dans l’esprit des familles
entre l’activité de la chambre funéraire municipale et son activité d’organisateur de
funérailles, d’autre part, dans ses relations avec des établissements de soins et des maisons de
retraite situés dans les mêmes secteurs géographiques, des pratiques qui ont incité ces
établissements à s’adresser à la ladite société de manière préférentielle pour le transfert des
corps en chambre funéraire, influençant ainsi le choix des familles qui, dès lors qu’elles
s’adressaient à un autre prestataire pour l’organisation des obsèques, devaient prendre en
charge le coût préalable du transport au funérarium. Ces pratiques sont contraires aux
dispositions de l’article L.420-2 du Code de commerce.
60.
Saisi par la société Pompes Funèbres Privées Lamotte aux fins de réparation du préjudice subi
du fait des abus commis par la société PFG dans sa gestion exclusive de la chambre funéraire
de Saint-Maur, le Tribunal de commerce de Paris, dans un jugement du 21 novembre 1997,
confirmé par un arrêt de la Cour d’appel de Paris en date du 5 mai 2000, a relevé que :
« l’absence de neutralité de la chambre funéraire ne peut être que source de confusion entre
le service public que constitue l’exploitation d’une chambre funéraire et celui commercial
d’une entreprise de pompes funèbres et aboutit nécessairement au préjudice du seul
concurrent installé dans la commune de Saint-Maur, la société PFP, à une captation de
12
clientèle, captation constitutive de concurrence déloyale ». La société PFG a, en conséquence,
été condamnée à verser à la société Pompes Funèbres Privées Lamotte la somme de 500 000 F
à titre de dommages-intérêts.
61.
Dans un mémoire du 22 avril 2004, la société Lamotte fait état d’un certain nombre
d’éléments complémentaires, confirmés par elle en séance, qui démontreraient que les
pratiques dénoncées dans sa saisine n’ont pas cessé.
62.
Le Conseil observe que plusieurs des faits ainsi dénoncés - tels des devis établis en 2003/2004
par la société OGF pour le compte de la société Lamotte, des factures établies par OGF à la
même période pour la location de salons funéraires, l’indication que cette société utilise le
personnel des chambres funéraires pour des opérations commerciales, la diffusion par le
syndicat intercommunal funéraire de la région parisienne d’une documentation orientant le
choix des familles vers la société OGF, la mise en place avec des établissements financiers de
contrats de prévoyance obsèques au seul bénéfice de la société OGF - ne peuvent être
examinés dans le cadre de la présente affaire dès lors qu’ils ne sont pas directement rattachés
aux griefs initialement notifiés et qu’aucune instruction menée contradictoirement n’a permis
d’en établir la portée anticoncurrentielle.
63.
La société Lamotte invoque aussi la correspondance des PFG, adressée en juillet 1997 par
cette société à la Clinique Métivet de Saint-Maur, qui montre, selon elle, que cet opérateur a
continué à capter la clientèle des personnes décédées dans les établissements hospitaliers.
64.
Si, de fait, le document incriminé témoigne des relations existant à cette époque entre la
société OGF et les établissements hospitaliers, il ne peut toutefois être retenu à charge contre
ladite société puisque la société OGF y annonce, au contraire, qu’elle ne renouvellera pas les
conventions précédemment conclues avec ces établissements. Il ne contient, par ailleurs,
aucun élément permettant de confirmer l’allégation de la société Lamotte selon laquelle les
hôpitaux continueraient néanmoins à diriger les familles vers la société OGF.
65.
De même, il n’est pas établi que les dépliants intitulés « Les chemins du deuil », portant le
sigle des PFG et dont l’élaboration est postérieure à 1996, aient été déposés dans les salles
d’attente des chambres funéraires d’OGF.
66.
Enfin, le constat d’huissier du 20 janvier 2004, dressé à la chambre funéraire de Saint-Maur et
les photographies qui l’accompagnent ne démontrent pas une confusion entre la salle d’attente
du funérarium et le salon d’accueil de l’entreprise OGF. En revanche, il fait apparaître que
cette société a continué à mentionner son sigle, sur un panneau, devant la chambre funéraire.
67.
Le Conseil considère, en conséquence, que la pratique reprochée à la société OGF, relative à
l’existence d’un panneau de la société devant la chambre funéraire de Saint-Maur, non déniée
par elle lors de la séance, a persisté et qu’elle peut influencer le choix des familles quant à la
réalisation des prestations hors monopole liées aux obsèques.
B.
68.
SUR LES SANCTIONS
La société OGF invoque l’absence d’effet, sur le marché des prestations funéraires, des
pratiques reprochées. Elle a insisté, lors de la séance, sur certains éléments du dossier qui
montrent que ses agences installées dans les funérariums de Villeneuve-Saint-Georges,
Bry-sur-Marne et Saint-Maur ont perdu, selon le cas, de 7 à 9 % de parts de marché entre
1992 et 1994 alors que la société Lamotte, qui ne réalisait que 2 % des convois des défunts
13
transportés au funérarium de Saint-Maur en 1992, a vu sa part de marché monter à 9 % en
1994.
1. S’AGISSANT DES ÉLÉMENTS DE DÉTERMINATION DE LA SANCTION
69.
En ce qui concerne le dommage causé à l’économie, le Conseil considère que si les pratiques
de la société OGF n’ont pas empêché les sociétés concurrentes de se développer sur un
marché qui, à l’époque des faits, reste encore peu ouvert à la concurrence, de telles pratiques
ont pu, cependant, dissuader les familles, fragilisées par le deuil, qui se rendent aux chambres
funéraires sans avoir fait le choix d’un opérateur, de s’adresser à d’autres entreprises pour
l’organisation de funérailles. Par ailleurs, le contenu des conventions passées entre la société
OGF et les établissements sanitaires du secteur, qui liaient l’exclusivité du transport des corps
dans les chambres funéraires et la prise en charge de son coût par la société OGF, en
conduisant ces établissements à s’adresser de manière systématique à cet opérateur pour le
transport des défunts, a interdit l’accès au marché des entreprises spécialisées assurant ce type
de prestation, dès lors que, par définition, il leur était impossible de les délivrer gratuitement.
Mais, en empêchant les autres prestataires funéraires, et notamment les petites entreprises de
pompes funèbres, de faire jouer la concurrence sur le prix des obsèques des personnes
décédées dans les hôpitaux et maisons de retraite ne disposant pas de chambre mortuaire, ces
pratiques ont aussi été un facteur potentiel d’augmentation du coût des obsèques à la charge
des familles.
70.
Pour apprécier la gravité des pratiques, il convient de tenir compte de ce que la société PFG,
au moment des faits, bénéficiait tout à la fois du monopole de la gestion des chambres
funéraires de Villeneuve-Saint-Georges, Bry-sur-Marne et Saint-Maur et d’une délégation
exclusive du service public des pompes funèbres des trois communes en cause ainsi que de
toutes les communes situées dans la zone d’attraction de ces installations.
71.
Le Conseil observe ensuite que la société PFG, devenue OGF, n’a pu ignorer la portée
anticoncurrentielle de ses agissements dès lors que le Conseil de la concurrence, dans une
décision n° 90-D-06 du 16 janvier 1990, a déjà condamné cette entreprise pour des pratiques
similaires mises en œuvre au funérarium de Fontainebleau, en relevant qu’il incombait à
ladite société, en tant que concessionnaire du service public, de « donner aux familles une
information neutre et complète de nature à leur permettre d’exercer leur choix aussi
librement que la réglementation l’autorise ».
72.
Il convient également de rappeler que les infractions reprochées à la société PFG ont été
commises dans la période d’ouverture du monopole à la concurrence prévue par la loi n°93-23
du 8 janvier 1993 et, plus précisément, dans la période transitoire, allant jusqu’au
10 janvier1996, laissée aux entreprises délégataires pour s’adapter à la nouvelle situation
concurrentielle.
73.
Enfin, il est apparu que l’absence de neutralité dans la signalisation de la chambre funéraire
de Saint-Maur perdurait encore au mois de janvier 2004, la société OGF n’ayant pas démenti,
lors de la séance, la présence persistante d’un panneau porteur de son sigle, visible pour toute
personne entrant au funérarium.
74.
Doivent, à l’inverse, être également pris en compte certains facteurs atténuants, liés, d’une
part, à l’ancienneté des faits retenus à l’encontre de la société OGF, d’autre part, à la
réalisation par cette dernière, à partir de 1995, de travaux dans ses trois chambres funéraires,
qui ont conduit à assurer une distinction complète entre les locaux des funérariums et ceux
des bureaux commerciaux de la société, enfin, à la dénonciation par la société OGF des
14
conventions précédemment conclues avec les établissements de santé et les maisons de
retraite, dont aucune n’a perduré au-delà de 1998.
2. S’AGISSANT DES ENGAGEMENTS PRIS PAR LA SOCIÉTÉ OGF
75.
Dans le cadre de la mise en œuvre de l’article L.464-2-II du Code de commerce, la société
OGF a, suivant procès-verbal du 10 mai 2004, souscrit les engagements suivants :
« Les chambres funéraires de Villeneuve-Saint-Georges et Bry-sur-Marne, ont fait l’objet de
travaux de transformation en 1995, ainsi que cela a été relevé dans la notification de griefs.
Dans le cadre de ces travaux, il a été veillé à ce que l’exploitation d’une agence commerciale
sur le site de la chambre funéraire le soit dans des locaux distincts de ceux abritant la
chambre funéraire, conformément aux dispositions de l’article L.2223-38 du Code général
des collectivités territoriales et à la circulaire ministérielle n° 95-51 du 14 février 1995.
S’agissant du site de Saint-Maur, la société OGF précise qu’à l’époque concernée par les
griefs, il ne comprenait pas de local commercial. Ce site comprend aujourd’hui une chambre
funéraire et un local commercial dans deux bâtiments contigus et distincts.
Par ailleurs, s’agissant de l’identification de la chambre funéraire et de l’agence
commerciale de Bry-sur-Marne dans les annuaires téléphoniques « pages jaunes », celle-ci a
été modifiée depuis plusieurs années et présente aujourd’hui les adresses respectives de
chacune des deux installations.
1) La société OGF s’engage à ce que cette organisation distincte des locaux dans les
chambres funéraires de Villeneuve-Saint-Georges, Bry-sur-Marne et Saint-Maur soit
maintenue, de même que la présentation actuelle dans l’annuaire téléphonique des
adresses de la chambre funéraire et de l’agence commerciale de Bry-sur-Marne.
2) La société OGF s’engage à ce que dans les locaux abritant les chambres funéraires de
Villeneuve-Saint-Georges, Bry-sur-Marne et Saint-Maur, toute l’information
légalement requise soit donnée au public afin de l’informer de la liberté de choix de
l’opérateur funéraire.
3) La société OGF s’engage également, dans ces mêmes chambres funéraires,
conformément à l’article R.2223-72 du Code général des collectivités territoriales, à
ce qu’aucune documentation commerciale de quelque nature que ce soit, relative à ses
activités d’organisation de funérailles ne soit exposée, distribuée ou mise à disposition
du public dans les locaux abritant ces chambres funéraires, à l’exception de la liste
des opérateurs funéraires habilités de la commune ou du département.
S’agissant de l’utilisation de signes distinctifs commerciaux d’OGF (marques, logos et
enseignes) sur les sites de Villeneuve-Saint-Georges, Bry-sur-Marne et Saint-Maur, la
société OGF prend les engagements suivants :
4) Sur la partie extérieure de ces sites donnant sur la voie publique, en application du
principe selon lequel un opérateur funéraire ne peut être tenu d’exploiter une
chambre funéraire dans l’anonymat, la société OGF restera libre de faire état de sa
qualité d’exploitant de la chambre funéraire et/ou de la présence d’une agence
commerciale à l’intérieur du site, en utilisant ses signes distinctifs. Toutefois, la
société OGF s’engage à ce que l’utilisation des ses signes distinctifs à l’extérieur du
15
site le soit sur des supports distincts de ceux annonçant au public la présence d’une
chambre funéraire.
5) Dans l’enceinte du site, lorsqu’il comprend une agence commerciale, la société OGF
s’engage à ne pas apposer ou accoler ses signes distinctifs sur les murs du local
abritant la chambre funéraire, mais à ne les utiliser que sur les locaux abritant
l’agence commerciale ou pour les besoins de la signalisation de celle-ci.
Enfin, s’agissant des conventions conclues avec des établissements de santé et analysées
dans la notification des griefs, à savoir celles conclues avec l’Hôpital de VilleneuveSaint-Georges en 1965, le Sanatorium de Draveil, Ris-Orangis et Soisy-sur-Seine en
1970, l’Hôpital Sainte-Camille de Bry en 1970, la Clinique Armand Brilland en 1983, la
Clinique Métabolique d’Ile- de-France en 1981, la Clinique Saint-Hilaire de la Varenne
en 1981, le Centre Médico-Chirurgical Gaston Métivet de Saint-Maur en 1970 et la
Maison de retraite Les Saules en 1986, la société OGF indique qu’elles ont toutes été
dénoncées avec effet, au plus tard, au 31 décembre 1998.
6) La société OGF s’engage à ne pas remettre en vigueur ces conventions.
Les engagements qui précèdent s’inscrivent dans le contexte actuel des marchés sur
lesquels une position dominante a été constatée, ainsi que dans le cadre législatif et
réglementaire existant à la date du présent procès-verbal. Ils devraient par conséquent
être reconsidérés en cas de perte de cette position dominante ou en cas d’évolution du
cadre législatif et réglementaire ayant un impact sur les conditions de respect des
engagements pris. »
76.
S’il est vrai que, depuis l’époque des faits, le régime juridique des chambres funéraires a
profondément changé, tout opérateur pouvant désormais créer une telle installation dès lors
qu’il obtient l’habilitation donnée par l’autorité préfectorale, il demeure, cependant, que,
compte tenu des lourds investissements nécessaires ainsi que des contraintes réglementaires,
notamment au niveau de l’enquête de commodo et incommodo, imposées à une telle
opération, les petits entrepreneurs ne peuvent, en pratique, acquérir et exploiter en propre ce
type d’installation.
77.
C’est pourquoi, le Conseil considère que le propriétaire d’une chambre funéraire ne doit pas
profiter de sa qualité de gestionnaire pour perturber le jeu de la concurrence en influençant
indûment le choix que les familles seraient tentées de faire en faveur d’un autre opérateur
pour l’organisation des obsèques.
78.
Dans ces conditions, il y a lieu de prendre acte des engagements souscrits par la société OGF,
confirmés par celle-ci lors de la séance et de lui enjoindre de les respecter.
3. S’AGISSANT DU CALCUL DE LA SANCTION
79.
Les infractions retenues ci-dessus ont été commises antérieurement à l’entrée en vigueur de la
loi du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques. Par suite, et en vertu du
principe de non rétroactivité de la loi répressive plus sévère, les dispositions applicables sont
celles de l’article 13 de l’ordonnance du 1er décembre 1986, aux termes duquel : « Le montant
maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 5 % du montant du chiffre d’affaires
hors taxes réalisé en France au cours du dernier exercice clos » Par ailleurs, l’article
L.464-2-II du Code de commerce prévoit que, lorsqu’il est mis en œuvre, « le montant
maximum de la sanction encourue est réduit de moitié ». Ainsi, au regard de l’ensemble de
16
ces dispositions, les sanctions pécuniaires susceptibles d’être prononcées en pareil cas ne
peuvent dépasser 2,5 % du chiffre d’affaires hors taxes réalisé en France au cours du dernier
exercice clos, sans pouvoir, par ailleurs, excéder la somme de 500 000 F (76 224 €) prévue à
l’article 22 de l’ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 correspondant au montant
maximum de la sanction pécuniaire applicable en cas de mise en œuvre de la procédure
simplifiée lorsque les faits punissables sont antérieurs à l’entrée en vigueur de la loi n° 2001420 du 15 mai 2001, susvisée.
80.
Dans le cadre de la procédure instituée par l’article L.464-2-II du Code de commerce, le
rapporteur général a proposé que la sanction encourue soit réduite dans une proportion allant
de 40% à 50 % du montant qui aurait été normalement infligé en l’absence de cette procédure.
81.
Le chiffre d’affaires de la société OGF réalisé en France au cours de l’exercice clos le
31 décembre 2003 s’élève à 486,4 millions €. Le plafond de 2,5 % de la sanction
théoriquement applicable est donc de 5 139 802 €. En application des éléments généraux et
individuels tels qu’ils sont appréciés ci-dessus, le montant de la sanction pécuniaire infligée à
cette société aurait été fixé par le Conseil à 4 860 000 €. Pour tenir compte de l’absence de
contestation et des engagements pris en application des dispositions de l’article L.464-2-II du
code de commerce, ce montant est ramené à 2 430 000 €. Toutefois, ce montant étant
supérieur au plafond de 500.000 F (76 224 €) prévu à l’article 22 de l’ordonnance du
1er décembre 1986 en cas de mise en œuvre de la procédure simplifiée, la sanction pécuniaire
sera ramenée à 76 224 €.
DECISION
Article 1er. - Il est établi que la société OGF a enfreint les dispositions de l’article L.420-2 du
Code de commerce.
Article 2. - Il est pris acte des engagements souscrits par la société OGF tels qu’ils sont
mentionnés au paragraphe 77 de la présente décision et il lui est enjoint de s’y conformer en
tous points.
Article 3. – Il est infligé à la société OGF une sanction pécuniaire de 76 224 €.
Délibéré, sur le rapport oral de M. Avignon, par Mme Pasturel, vice-présidente, présidant la
séance, Mmes Béhar-Touchais et Perrot ainsi que M. Flichy, membres.
La secrétaire de séance
La vice-présidente
Marie-Pierre Binard
Micheline Pasturel
© Conseil de la concurrence
17

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