Mapuches ? Vous avez dit Mapuches

Transcription

Mapuches ? Vous avez dit Mapuches
CHILI
Mapuches
?
Vous
avez
dit
Mapuches
?
Trente-deux Indiens Mapuches en grève de la faim demandent que la loi antiterroriste adoptée
sous la dictature de Pinochet ne leur soit plus appliquée Comme d'habitude, leur cause est
passée sous silence et mobilise moins que celle des pingouins menacés par un projet de
centrale.
EL MOSTRADOR. | FRANCO FERREIRA*. 6 SEPTEMBRE 2010
D'après
nos
faiseurs
d'opinion
en
ligne,
et
en
particulier
sur
Twitter,
la
maigre
couverture
médiatique
du
conflit
mapuche
(notamment
la
grève
de
la
faim
de
32
d'entre
eux
depuis
le
12
juillet
dernier)
serait
liée
à
la
censure
et
au
bâillonnement
de
l'information.
Les
théories
du
complot
sont
souvent
séduisantes,
mais
dans
l'immense
majorité
des
cas
–
et
je
suis
bien
placé
pour
en
parler
‐,
là
où
le
spectateur
soupçonne
manœuvrés
ou
censure,
il
n'y
a
bien
souvent
que
des
facteurs
bien
plus
pragmatiques.
Et
pour
cette
raison,
j'ose
soutenir
que
le
peu
d'intérêt
des
médias
pour
ces
grévistes
de
la
faim
est
à
mettre
au
compte
d'une
pratique
bien
plus
affligeante,
déplorable
et
inquiétante
qu'une
censure
préméditée
:
l'indifférence,
tout
simplement…
Ou
autrement
dit,
et
peut‐être
plus
familièrement
:
la
flemme.
Le
sujet
n'est
pas
vendeur.
Le
sujet
est
“inesthétique”
et
“pas
vraiment
glamour”
:
il
n'est
pas
aussi
"mignon"
que
celui
des
dauphins
et
des
petits
pingouins
de
Punta
de
Choros
[réserve
nationale
de
pingouins
au
nord‐ouest
du
pays
menacée
par
un
projet
de
centrale
thermique].
C'est
plus
cool
de
manifester
sur
le
Paseo
Ahumada
[une
des
artères
principales
de
Santiago
du
Chili]
pour
la
défense
des
pingouins
et
des
dauphins
que
pour
celle
des
Mapuches.
Et
ce
n'est
pas
moi
qui
le
dis,
c'est
le
cortège
promapuche,
que
je
ne
vois
toujours
pas
défiler
dans
les
rues
de
la
capitale.
Pour
toutes
ces
raisons,
il
n'y
a
pas
lieu
de
parler
d'information
muselée
ou
de
complot
antimapuche.
Il
n'en
est
rien.
Cette
histoire
sans
happy
end
n'intéresse
simplement
personne,
contrairement
à
celle
des
mineurs
[depuis
le
5
août,
33
mineurs
sont
bloqués
dans
un
puits
du
nord
du
pays]
ou
des
pingouins.
L'absence
de
visibilité
médiatique
des
Mapuches
ne
date
pas
d'aujourd'hui.
Elle
est
le
fruit
d'un
long
processus
historique
qui
a
poussé
le
plus
emblématique
de
nos
peuples
indigènes
à
en
être
réduit
à
la
violence
et
à
l'illégalité.
Et
ce
phénomène
est
désormais
intégré
par
la
société
civile
aux
cheveux
les
plus
clairs
et
aux
noms
de
famille
étrangers,
qui
ne
cherche
pas
vraiment
à
le
remettre
en
cause.
Et
ce
qui
est
intéressant
ici,
c'est
que
le
mouvement
sur
Twitter,
qui
critique
les
médias
pour
leur
couverture
du
conflit
mapuche,
se
comporte
en
fait
de
la
même
manière
que
ces
derniers,
et
–
très
probablement
–
pour
les
mêmes
raisons.
Cette
masse
qui
maîtrise
les
outils
de
communication
et
ne
connaît
pas
les
contraintes
de
l'audiovisuel
n'a
pas
non
plus
fait
grand
chose
hormis
dénoncer,
en
140
caractères,
le
silence
ou
l'indifférence
des
médias.
Leurs
phrases
sont
vigoureuses
et
leurs
discours
enflammés,
mais,
au‐delà,
rien
n'est
réellement
comparable
avec
le
caractère
spectaculaire
du
mouvement
anti‐
Barrancones
[du
nom
du
site
choisi
pour
l'installation
d'une
centrale
thermique].
Je
parierais
même
que
cet
article
comptabiliserait
beaucoup
plus
de
clics
sur
la
Toile
si
la
fenêtre
affichait
"Punta
de
Choros"
au
lieu
de
"Mapuches".
Note : Journaliste à Television Nacional de Chile (TVN, chaîne nationale chilienne)