French - Association de Banques Privées Suisses
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French - Association de Banques Privées Suisses
P rI vat e Ba nkI ng Int e r v ie w Y v e s M i r a b a u d , Président de l’Association de Banques Privées Suisses Né en 1966, Yves Mirabaud est Associé Senior de Mirabaud SCA et Président du Conseil d’administration de Mirabaud & Cie SA, l’un des plus anciens établissements bancaires de Suisse, fondé à Genève en 1819. Diplômé de l’Institut Universitaire des Hautes Etudes Internationales de Genève, Yves Mirabaud a rejoint la banque Mirabaud en 1993, après avoir passé cinq ans dans différentes institutions bancaires de Genève, Zurich, Boston et New York. Il devient Associé en 1996. Entre 2000 et 2011, il est membre du Comité Exécutif et occupe la fonction d’Associé Senior en 2012 et 2013. Depuis le 1er janvier 2014, à la suite du changement de structure juridique du Groupe Mirabaud, il occupe les fonctions d’Associé Senior de Mirabaud SCA et de Président du Conseil d’Administration de Mirabaud & Cie SA. Il a d’abord représenté Mirabaud au sein de l’ABPS en tant que membre du Comité pour en devenir le Président en avril 2015. Il est aussi Président de la Fondation Genève Place Financière et membre du Conseil de la Chambre de Commerce, d’Industrie et des Services de Genève. En mars 2015, il a été nommé membre du conseil d’admini stration de l’Association suisse des banquiers. Printemps 2016 24 Mirabaut4P.indd 24 23/03/16 10:05:02 «La banque privée suisse a démontré une capacité de résiLience remarquabLe» Alors que les banques privées se retrouvent confrontées à des changements structurels majeurs, Yves Mirabaud se félicite de leur capacité à s’adapter et à se renouveler pour créer de la valeur. Par Nejra Bazdarevic - photos Nicolas Righetti Monsieur Mirabaud, que symbolise l’appellation banque privée suisse aujourd’hui? z Yves Mirabaud: La banque privée suisse incarne une vision internationale du métier de la gestion de patrimoine privée et institutionnelle dans un cadre helvétique juridiquement stable. Elle évoque des compétences hors pair et une qualité de collaborateurs et de services au-dessus de la moyenne. Par ailleurs, notre secteur possède une grande capacité d’ajustement aux changements structurels majeurs. Nos établissements ont survécu à deux guerres mondiales, à plusieurs dépressions économiques, à de violentes crises financières et à des périodes de volatilité de marché extrêmes. Tout au long de son histoire, la banque privée suisse a su démontrer une résilience remarquable. Comment la proposition de valeur de la banque privée a-t-elle évolué ces dernières années? z YM: L’évolution de la proposition de valeur fait l’objet d’un travail continu. L’obligation de >>> s’adapter aux réalités du marché et Printemps 2016 25 Mirabaut4P.indd 25 23/03/16 10:05:22 P rivat e Ba n ki ng >>> aux mutations drastiques du métier de la gestion de fortune nécessite un engagement sans concession de la part de nos banques. Sans oublier le devoir d’accompagnement des clients vers une transparence fiscale conforme aux standards internationaux. Les banques suisses ont été plus actives dans ce domaine que les centres financiers britannique et américain pour ne prendre que ces deux exemples. Le développement des services de conseil fiscal et de la gestion de patrimoine au sens large, comprenant les conseils successoraux, a ainsi enrichi notre proposition de valeur. Les banques privées suisses sontelles encore créatrices de richesse et d’emplois dans le contexte économique actuel? z YM: Oui, les banques sont toujours créatrices de richesse. La grande partie d’entre elles restent profitables et génèrent de l’impôt. Si la croissance des bénéfices est moins importante que par le passé en raison des pressions sur les marges et de l’augmentation des coûts fixes, elles continuent à produire des excédents. La question de la génération de l’emploi est bien distincte. Aujourd’hui, les banques suisses créent malheureusement peu de postes bancaires à l’échelon national mais bien davantage à l’extérieur de nos frontières. Entre 2007 et 2015, les banques membres de l’ABPS ont engagé 343 personnes en Suisse et 1’255 à l’étranger, c’est-à-dire presque quatre fois plus hors de nos frontières qu’ici. Malgré tout, le secteur demeure relativement stable à Genève, ce qui est remarquable. À titre de comparaison, la City de Londres a perdu plus de 100’000 emplois depuis le début de la crise en 2007, soit l’équivalent de la place financière suisse. La tendance peut-elle s’inverser? zYM: La problématique de l’accès au marché européen est primordiale pour une industrie exportatrice comme l’industrie de la gestion de fortune suisse. Cet accès reste décisif pour permettre de générer de l’emploi en Suisse. Si nos autorités ne finalisent pas un accord sur les services financiers avec l’Union européenne, elles doivent au moins obtenir des accords bilatéraux avec nos partenaires les plus importants, comme cela a été fait avec l’Allemagne. Les négociations relatives à l’échange automatique de renseignements n’aboutissent au mieux qu’à une promesse de discuter plus tard de l’accès au marché, malgré l’engagement du Conseil fédéral. La faible portée de cet engagement me déçoit, parce que les autorités manquent d’exploiter un véritable effet de levier. Quels sont les principaux obstacles à la croissance du private banking suisse? z YM: Dans le domaine de la gestion privée, l’ABPS estime que l’obstacle majeur est incontestablement la problématique de l’accès au marché. Nous devons aussi nous assurer que notre réglementation ne soit pas plus dure que celle des autres places financières et que les exigences vis-à-vis de nos clients ne soient pas plus ardues qu’elles ne le sont dans d’autres centres concurrents. La gestion d’actifs quant à elle prospérerait également dans un encadrement législatif plus compétitif et n’aurait aucun mal à attirer de nouveaux gérants et des compétences uniques. À quel stade de maturation se trouve le mouvement de consolidation dans la banque privée? Est-il inévitablement bénéfique à la solidité du système financier? z YM: La consolidation est un mouvement perpétuel entamé des dizaines d’années en arrière et qui n’est pas prêt de s’arrêter. Néanmoins, la place financière suisse doit garder une grande diversité de ses acteurs. Dans l’intérêt des clients et de l’industrie, il est impératif de trouver le juste milieu entre une consolidation déséquilibrée engendrant de grands établissements systémiques et une consolidation saine, qui permet aux instituts qui n’ont pas la taille nécessaire de survivre aux exigences de la nouvelle ère. Les grandes transactions de ces dernières années ont été réalisées par des banques suisses à l’égard de filiales de banques étrangères. Ce mouvement continuera. L’évolution La banque privée suisse incarne une vision internationale du métier de la gestion de patrimoine privée et institutionnelle. Printemps 2016 26 Mirabaut4P.indd 26 23/03/16 10:05:45 L’ABPS Le 1er janvier 2014, faisant suite aux annonces de Lombard Odier & Cie, Mirabaud & Cie et Pictet & Cie de modifier la forme juridique de leurs Maisons en sociétés anonymes, le Groupement des Banquiers Privés Genevois s’est adapté afin de pouvoir continuer à les accueillir. Rebaptisé Association de Banques Privées Suisses (ABPS), il a été élargi à plusieurs banques alémaniques, se muant ainsi en entité nationale qui veille à la défense des intérêts de l’ensemble de ses membres. L’ABPS compte actuellement 9 banques membres: Bordier & Cie, Gonet & Cie, Banque Lombard Odier & Cie SA, Mirabaud & Cie SA, Mourgue d’Algue & Cie, Banque Pictet & Cie SA, E. Gutzwiller & Cie, Rahn & Bodmer Co., Reichmuth & Co. Les Maisons de l’ABPS emploient environ 7’500 collaborateurs à travers le monde, dont près de 5’000 en Suisse, soit 5% de la place bancaire suisse. Elles gèrent et administrent des actifs pour un montant proche de 700 milliards de francs, soit environ 11% des fonds sous gestion en Suisse. Les banques suisses ont été plus actives dans la transparence fiscale que les centres financiers britannique et américain pour ne prendre que ces exemples. des banques étrangères en Suisse reste difficile. Le secteur est bien moins rémunérateur que par le passé et surtout, les décisions stratégiques sont prises ailleurs. À votre avis, la place financière helvétique reste-t-elle toujours aussi attractive en matière de gestion de fortune internationale? z YM: La place financière continue d’attirer les clients. L’ABPS se réjouit des chiffres d’entrées de fonds nets fort éloquents. Le métier de la banque privée restera réalisé de manière très conséquente par les banques suisses, mais pour que cela puisse se faire depuis le territoire national, l’accès aux marchés est indispensable. Parallèlement, les banques privées suisses ont un impératif incontournable, celui de pouvoir répondre aux besoins des clients sur les marchés en Asie, au Moyen-Orient, en Amérique du Sud, peut-être demain en Afrique. Nous devons en conséquence être également présents dans les zones où la richesse se crée plus fortement qu’en Europe. La Suisse détient 25% du marché de la gestion de fortune transfrontalière. Est-il réaliste d’ambitionner des parts de marché plus conséquentes? z YM: Les centres financiers proches des zones de forte création de richesse enregistrent une croissance plus importante que le nôtre, un centre mature se situant dans une zone de croissance plus faible. Ambitionner de détenir 30-35% de parts de marché ne me paraît pas très réaliste. Nous devons plutôt veiller à des conditions cadre propices au maintien de la part de marché actuelle. Soutenez-vous les projets actuels de la LSFin et de la LEFin? z YM: L’ABPS est à l’aise avec ces deux projets de loi qui assureront une sécurité et une stabilité juridiques à la place financière. Adaptées à la situation, la LSFin et la LEFin ont été façonnées et corrigées efficacement par l’administration, même si l’on peut encore souhaiter quelques modifications mineures par le Parlement. Ce cadre légal permettra des conditions de concurrence équitables entre les différents types d’établissements et créera un terreau favorable à un accès au marché en nous rapprochant des règles européennes. Pensez-vous qu’une surveillance prudentielle sera bénéfique pour les gérants de fortune indépendants? z YM: Je reste convaincu qu’une réglementation reconnue est dans l’intérêt de toute la place financière, incluant les gérants indépendants. Le cadre légal doit en revanche être adapté à la taille des établissements. La LEFin répond à cette thématique. Cela aura des conséquences pour des acteurs qui n’atteignent pas une taille critique permettant de répondre aux nouvelles exigences, y compris dans le secteur des banques et des assurances. Une certaine adaptation doit avoir lieu dans l’ensemble du tissu bancaire et financier suisse. n w w w. a b p s . c h Printemps 2016 27 Mirabaut4P.indd 27 23/03/16 10:06:10