Gérer les RH dans les PME

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Gérer les RH dans les PME
Gérer les RH
dans les PME
De la théorie à la pratique
Coordonné par
Marc-André Vilette
Sommaire
Remerciements XI
Présentation des auteurs XIII
Préface XXIII
Pierre Louart
Avant-propos XXV
Jacques Igalens
Introduction. Associer le praticien en PME à la recherche en GRH 1
Marc-André Vilette
Première partie. De la proximité
Chapitre 1
Petitesse des entreprises et gestion des ressources humaines :
le rôle clé de la proximité 13
Olivier Torrès et Gérald Enrico
Chapitre 2
Proximité et actionnabilité des dispositifs de formation continue
dans les petites entreprises 31
Isabelle Alphonse-Tilloy, Antoine Masingue et Jean-Michel Pottier
Chapitre 3
La construction de la proximité cognitive en PME et ses implications en matière de services GRH mutualisés 51
Thibaut Métailler et Martine Gadille
Deuxième partie. Avec le dirigeant
Chapitre 4
Accompagner le dirigeant d’entreprise dans sa démarche
entrepreneuriale : la pertinence de l’usage des types (le MBTI) 77
Brigitte Charles Pauvers, Nathalie Schieb-Bienfait et Philippe Lebas
VII
Gérer les RH dans les PME
Chapitre 5
Pratiques de GRH et logiques d’action des dirigeants de PME 95
Mohamed Bayad, Abdelwahab Aït Razouk et Jean-Marc Chanal
Chapitre 6
Les ressources humaines familiales du dirigeant d’une TPE :
une gestion des personnes 115
Marie-Noëlle Albert et Marie-Michèle Couture
Chapitre 7
La course de relais des acteurs de la GRH
dans le marathon des biotechnologies hexagonales 135
Géraldine Galindo, avec la collaboration de Marc Delcourt
Troisième partie. GRH et stratégie
Chapitre 8
Ressources humaines, stratégie et intelligence économique
chez le dirigeant de PME : le cas ICEBERG 155
Dominique Phanuel et Hervé Burdin
Chapitre 9
Approche critique des discours sur la fonction RH stratégique
en PME : analyse du cas de Verre 177
Claire Dupont
Chapitre 10
Gestion des compétences, stratégie et accompagnement
du dirigeant de PME 197
Jean-Philippe Bootz, Éric Schenk et Michel Sonntag
Quatrième partie. Autour des compétences
Chapitre 11
Compétences collectives et interorganisationnelles, des facteurs
de performance économique et sociale durable dans une PME 215
Daniel Dufresne, avec la collaboration de Bernard Dousset
Chapitre 12
L’évaluation des compétences dans les PME françaises certifiées :
la réponse à une obligation réglementaire qui ne produit pas
une véritable dynamique RH 237
Michèle van de Portal
VIII
Sommaire
Chapitre 13
Transmission des connaissances entre salariés :
une problématique clé pour un dirigeant de PME du BTP 257
Franck Brillet et Annabelle Hulin
Chapitre 14
L’apprentissage organisationnel en PME : impact de la tradition
orale et de la confiance 277
Éline Nicolas
Chapitre 15
Carrières nomades et enjeux de gestion des ressources humaines
dans les PME du multimédia et du jeu électronique 297
Sylvianne Pilon et Diane-Gabrielle Tremblay
Cinquième partie. La RSE
Chapitre 16
La certification RSE comme levier de changement de GRH 319
Manal El Abboubi, Amine Oulahyane et Annie Cornet
Chapitre 17
Les enjeux sociaux de la responsabilité des petites entreprises :
les spécificités en question 333
Véronique Bon
Chapitre 18
La gestion par la RSE, un gage de performance en PME ? 355
Sandrine Berger-Douce
Table des matières 375
IX
Introduction
Associer le praticien en PME
à la recherche en GRH
Marc-André Vilette1
Cet ouvrage s’inscrit dans la lignée de La GRH dans les PME (Louart et Vilette, 2010a),
qui faisait lui-même suite à un certain nombre de travaux cités dans son introduction (Louart et Vilette, 2010b). Nous avons poursuivi l’effort de mobilisation autour
de ce champ de recherche, avec les symposia du Groupe de Recherche Thématique
de l’AGRH (Saint-Malo 2010, Marrakech 2011, Nancy 2012), les tables rondes du
CIFEPME (Bordeaux 2010, Brest 2012) et de l’AIMS 2013 (« La stratégie en PME :
quelles interactions avec la GRH ? », portée par les auteurs de la 3e partie de ce livre).
L’autre aspect de ladite introduction que nous souhaitons développer ici porte sur
les « connivences nécessaires entre théoriciens et praticiens » (ibid., p. 13), illustrées
par plusieurs publications également citées (ibid., p. 14), le livre étant lui-même coordonné par un universitaire et un praticien (à l’origine…). Cependant, seuls 3 des 22
chapitres ont été écrits par des praticiens (praticiennes, en l’occurrence, qui étaient
dans des situations particulières – sortie de DESS RH en formation continue, MBA
en cours, transition professionnelle –, plus favorables à l’écriture qu’en étant en poste
en PME). Or, l’ouvrage a été nommé pour le prix du livre RH Sciences Po – Syntec
– Le Monde, et l’un de ses principaux atouts souligné était son côté plus pragmatique
que les trois autres ouvrages retenus dans la sélection finale.
En outre, notre propre trajectoire professionnelle dans le Travail à Temps Partagé
(Vilette, 2010) nous a conduits à être aujourd’hui davantage chercheur que praticien
(Clerc et Tomamichel, 2004), avec « la chance que représente le profil de praticien
généraliste […], pour assumer pleinement l’enseignement et la recherche en GRH »
(Defélix, 2010, p. 4). Nous sommes donc d’autant plus sensible à l’intérêt de « savoir
pour agir » (Argyris, 2003) – le savoir actionnable qui « prescrit aux acteurs comment
ils pourraient agir et reçoit sa validité de l’efficacité de l’action ainsi guidée » (Martinet,
2007, p. 31) –, que « depuis une vingtaine d’années, des réflexions alarmistes sont
1.  Enseignant-chercheur-praticien.
1
Gérer les RH dans les PME
régulièrement produites en sciences de gestion quant à l’utilité des contributions des
chercheurs pour les praticiens. » (Demil et al., 2007, p. 31).
Mais au lieu de juxtaposer des chapitres écrits par des praticiens et/ou (surtout)
des chercheurs – et en se limitant à d’autres références bibliographiques de la dernière décennie –, il s’agit ici plutôt d’« élaborer des savoirs actionnables et les communiquer à des managers » (Avenier et Schmitt, 2007), de « construire des savoirs
scientifiques pertinents pour la pratique » (Avenier, 2009), en s’appuyant sur « la collaboration entre chercheurs et praticiens en gestion » (Mesny et Mailhot, 2010). Car
« les recherches collaboratives, intervenantes, sont celles dans lesquelles l’action et
la réflexion, le chercheur – intervenant – et le praticien – réflexif – sont le plus intimement liés. Ce sont également ces pratiques de recherche qui répondent le mieux
au défi que posent les phases de découverte/invention aux sciences de gestion, parce
qu’elles mettent l’actionnabilité au cœur de leur méthodologie et de leur épistémologie. » (David, 2007, p. 132) « seule une approche collaborative de la recherche en
management, en partenariat avec des organisations pionnières, permet aux chercheurs
d’espérer produire conjointement les formes actionnable et universelle de nouveaux
modèles de management. » (David et Hatchuel, 2007).
Or, si les Critical Management Studies sont les seules approches critiques à « poser
clairement la question des transformations qui peuvent se mettre en place dans les
organisations, à envisager des voies de renouvellement des pratiques » (Cazal, 2008,
p. 81), « la GRH y fait un peu figure de parent pauvre. » (ibid., p. 83). Pourtant,
« l’interaction chercheur-acteur(s) comme outil de compréhension dans la recherche
en GRH » (Brasseur et Diné, 2008) semble par exemple une voie prometteuse « pour
laquelle savoir et praxis se développent en co-construction permanente. » (ibid., p. 9).
À l’inverse, le champ des PME apparaît plus sensible à cette préoccupation. Ainsi, en
2004, la Revue Internationale PME consacrait un numéro thématique à « Actionnabilité
et recherche en entrepreneuriat et PME », qui soulignait qu’observation et observateur
ne pouvaient être séparés (Schmitt, 2004a). « Si l’on peut effectivement distinguer ces
deux notions, en pratique, savoirs et connaissances sont intimement liés » (Avenier,
2004, p. 16). Les praticiens travaillent plutôt à court terme, contrairement aux chercheurs (Julien, 2004). Mais les mondes académique et de la pratique peuvent être complémentaires et s’influencer mutuellement (Schmitt, 2004b).
Puis un dossier de la Revue Française de Gestion sur l’entrepreneuriat présente « des
approches différentes d’une même préoccupation, à savoir : comment articuler la « teoria » et la « praxis », en mettant en relation les trois acteurs de la connaissance actionnable : les formateurs, les concepteurs et les praticiens. » (Hernandez et Marchesnay,
2008, p. 86) On remarquera ici que les auteurs ont scindé la fonction d’enseignantchercheur. Les « parties prenantes » établissent un dialogue, de telle sorte que, indissolublement, ils participent au processus de production […]. L’interactivité implique en
particulier que les interlocuteurs soient « autorisés » à poser des questions, et à « remettre
en question(s) » des positions ou des postures. » (Marchesnay, 2008, p. 187).
2
Introduction
Dans la revue Économies et Sociétés, si deux des principales spécificités des PME
sont leur caractère fermé et leurs comportements singuliers (Julien et St-Pierre, 2009),
la PME comme terrain est indispensable à la recherche en PME (St-Pierre et Fourcade,
2009). Mais en voulant davantage valider des savoirs existants qu’en générer de nouveaux, « cette conception extrêmement limitée du rôle du « terrain » nous semble
priver la recherche en PME de sources de renouvellement considérables » (Avenier et
Schmitt, 2009).
Enfin, plus récemment encore, « la recherche sur les PME peut développer des
connaissances scientifiques lorsqu’elle est réalisée en collaboration avec le milieu ou les
praticiens, sous certaines conditions. » (St-Pierre et Schmitt, 2011, p. 393) « Mieux,
il est possible de coconstruire avec les praticiens des méthodologies qui peuvent servir
pour la recherche » (ibid., p. 401), ce qui conduit à « dépasser le dualisme entre chercheurs et praticiens » (ibid., p. 407), à « mieux appréhender les savoirs utiles à l’action
et l’importance de l’échange entre praticiens et sachants » (Nivet, 2013, p. 23), d’autant que « la question qui mobilise les chercheurs, ainsi que les praticiens au sens large,
est celle de l’impact de la GRH sur la performance des entreprises » (ibid., p. 136).
Plus modestement, dans nos appels à communication successifs, nous avons donc
demandé aux auteurs des 38 propositions de chapitre, une contribution réelle et
significative d’un praticien, pouvant revêtir diverses formes : écriture ou co-écriture
véritables, mini-cas, interview, témoignage, commentaires, encadré, verbatim plus
nombreux… ces exemples n’étant pas exhaustifs. Ainsi, plusieurs auteurs sont des
« marginaux-sécants » (Crozier et Friedberg, 1977), puisqu’à la fois praticiens (consultants, en particulier) et chercheurs.
Cette contribution – malheureusement parfois absente – devant conforter la qualité académique du chapitre, nous nous sommes appuyés sur :
−− la « robustesse » du comité scientifique, comprenant douze professeurs des universités, eux-mêmes relecteurs dans des revues dites étoilées ;
−− un processus d’évaluation particulièrement rigoureux, puisque chaque chapitre a fait
l’objet de trois relectures minimum (certaines propositions ayant pu être élaborées
à partir de communications déjà soumises auparavant en congrès, voire d’articles
publiés en revues classées – mais sans la contribution particulière du praticien) :
• É
tape 1 : évaluation par le coordinateur avant envoi aux évaluateurs internes.
• É
tape 2 : évaluation en aveugle « interne », c’est-à-dire entre les contributeurs au
livre.
• É
tape 3 : seconde évaluation en aveugle « externe » par le comité scientifique.
Les dix-huit chapitres retenus (soit un taux de sélectivité d’environ 50 %, tout à fait
comparable à celui de certaines revues à comité de lecture) sont présentés ci-après, à
partir des résumés de leurs auteurs. Ils ont été regroupés en cinq parties.
La première d’entre elles met en exergue la proximité, une notion très parlante
quand, praticien, nous avons repris nos activités de recherche, en lisant des publications d’Olivier TORRÈS, qui cosigne le premier chapitre.
3
Gérer les RH dans les PME
Il estime, avec Gérald ENRICO, que la proximité est le cœur de la spécificité de
gestion des PME. Les dirigeants sont proches de leurs salariés, de leurs clients, de
manière générale de leurs principales parties prenantes. Ils prennent des décisions rapidement (proximité temporelle) et privilégient les modes de communication directs et
oraux (système d’information interne et externe de proximité). Ils ont aussi un fort
sens d’appartenance à leur territoire (proximité spatiale). Partant de ce constat, les
auteurs montrent dans quelle mesure ces proximités, appréhendées dans leurs formes
multiples, permettent de décrire la particularité de la GRH en PME. Le cas d’une
PME du secteur de la plasturgie permet d’illustrer le propos.
En matière de formation professionnelle continue, le dirigeant de PME s’inscrit
dans un environnement complexe selon Isabelle ALPHONSE-TILLOY, Antoine
MASINGUE et Jean-Michel POTTIER. Alors que la proximité place le dirigeant
dans un nœud de relations avec les acteurs de son environnement, ceux de l’emploi
et de la formation s’en trouvent pourtant plus ou moins éloignés. S’intéressant aux
facteurs clés de succès permettant d’actionner les dispositifs de formation continue,
les auteurs justifient l’intervention d’acteurs relais qui sont en capacité d’instaurer une
proximité territoriale et cognitive.
Le chapitre de Thibaut MÉTAILLER et Martine GADILLE cherche à comprendre
les pratiques de gestion des connaissances des PME et leurs articulations avec la gestion
des RH, dans la construction de leurs expertises technologiques, afin d’adapter les services proposés par l’équipe RH d’un pôle de compétitivité. Les notions de proxémique
et proximité cognitive sont interrogées et mobilisées pour montrer que la formation
tacite et le recrutement par le réseau jouent un rôle prépondérant dans la construction
et la gestion de connaissances expertes. En même temps, dans un contexte de forte
proximité cognitive et organisationnelle dans et entre PME spécialisées, les outils de
gestion des compétences traditionnels perdent du sens. Cela appelle, du point de vue
de la mutualisation de service RH dans un pôle, des innovations de services RH.
La deuxième partie sur le dirigeant, acteur incontournable de la PME, était déjà
présente en 2010.
Brigitte CHARLES PAUVERS, Nathalie SCHIEB-BIENFAIT et Philippe LEBAS
posent la question de la pertinence des méthodes d’évaluation psychologique telles
que le MBTI, comme outil pour accompagner le futur entrepreneur dans la conception de son projet entrepreneurial. Ici, les porteurs, de formation scientifique, évoluent dans des contextes très ouverts, marqués par une forte incertitude, des processus
d’innovation jalonnés de « sérendipité ». Les résultats obtenus ont permis d’échanger
sur l’apport de cet outil, ses limites et son rôle facilitateur dans le processus d’accompagnement, pour l’accompagnateur tout comme pour l’accompagné. Les études de
cas qui nous ont servi de support visent à répondre à la question suivante : dans quelle
mesure ces outils permettent-ils à l’accompagnateur de concevoir une démarche pertinente pour aider le porteur dans ce travail entrepreneurial, véritable processus dialectique marqué par la récursivité entre réflexion et action ?
4
Introduction
Mohamed BAYAD, Abdelwahab AÏT RAZOUK et Jean-Marc CHANAL mobilisent le modèle élaboré par Bayad et Nebenhaus, qui s’attache à mettre en relation
les pratiques de GRH et les logiques d’action (stratégie) des dirigeants de PME. Avec
l’aide d’un consultant, son application permet d’analyser la politique de GRH d’une
PME qui a connu une croissance soutenue et régulière depuis sa création dans les
années 1980. Les résultats de cette recherche font apparaître que malgré l’absence de
GRH formalisée, des pratiques existent. Rien ne semble aléatoire lorsque la volonté
entrepreneuriale, la mission, la vision stratégique et les modes de gestion du dirigeant
de PME sont identifiés. Ceux-ci se trouvent déclinés dans les pratiques de GRH mises
en œuvre.
Marie-Noëlle ALBERT et Marie-Michèle COUTURE soulignent que la plupart
des théories, pour expliquer l’articulation travail/vie, restent à l’échelle individuelle
et laissent dans l’ombre les interactions avec les structures. L’entrepreneur est une
personne qui dirige son organisation, mais il est aussi une personne qui travaille. Son
expérience pourrait apporter un éclairage nouveau sur cette problématique de gestion. Le récit autobiographique, qui constitue l’essence de ce chapitre, nous entraîne
sur une voie de recherche presque totalement inexplorée : la gestion du travail de la
famille et des proches de dirigeants. Une fusion des sphères privée et de l’entreprise est
susceptible de générer des tensions. La compréhension des liens entre entrepreneuriat
et GRH dans la TPE amène à réaliser toute la complexité de la personnalisation au
travail, ce qui pourrait certainement inspirer la réflexion quant au développement
d’une gestion intégrée des intérêts personnels et organisationnels.
Dans un processus de recherche de long terme, semé d’embûches et dont l’issue
est incertaine, les entreprises de biotechnologie doivent attirer, motiver, développer et
retenir des ressources humaines en accord avec les stratégies d’innovation. Le chapitre
de Géraldine GALINDO et Marc DELCOURT propose un état des lieux des enjeux
de la GRH dans les PME de biotechnologie françaises, afin d’ensuite approfondir la
question de la fonction RH dans ces start-up high-tech. Comme dans toute PME,
l’absence de gestionnaire RH dédié n’est pas synonyme d’absence d’intégration des
questions stratégiques RH. Une course de relais entre différents acteurs – dont le dirigeant – est ainsi mise à jour. Chacun de ces acteurs conserve une partie des dimensions
RH alors que d’autres s’emparent de nouvelles dimensions stratégiques. Les besoins
financiers importants des biotechs engendrent cependant une spécificité majeure,
puisque ce sont les investisseurs qui recrutent les ressources humaines stratégiques
et définissent les orientations en termes de rémunération et/ou de recherche, ce qui
différencie ainsi les biotechs des autres PME en matière de GRH.
Le fil conducteur de la troisième partie (qui a donc fait l’objet d’une table ronde à
l’AIMS 2013, comme indiqué plus haut) est le niveau d’alignement de la GRH sur la
stratégie. On se rend ainsi compte qu’il peut être très relatif en PME, contrairement
à ce qui se passe le plus souvent en grande entreprise… et s’écrit dans la littérature
dominante !
5
Gérer les RH dans les PME
La contribution de Dominique PHANUEL et Hervé BURDIN part du constat
de l’existence d’un discours incantatoire sur la nécessité d’inclure une dimension RH
en matière « d’intelligence économique et stratégique » (IES). Dans une perspective
normative et d’alignement, quatre stratégies RH d’« IES » sont proposées ainsi que les
politiques RH afférentes. Ces propositions sont ensuite confrontées à un cas de PME
sur la base d’un entretien en profondeur avec son dirigeant.
Depuis longtemps, des discours particuliers invitent la fonction RH à devenir stratégique pour enfin être reconnue au sein des entreprises. Claire DUPONT s’interroge
sur la pertinence de ces discours qui peuvent se heurter à des caractéristiques contextuelles des PME susceptibles d’influencer le développement de la fonction RH, et
d’un modèle stratégique en PME. L’influence d’un contexte particulièrement incertain dans l’émergence d’un rôle et d’un modèle RH spécifique à l’entreprise, implique
la définition de nouvelles règles du jeu à destination des membres de l’entreprise. Si
le contexte peut contraindre l’action RH, cette dernière contribue aussi à redéfinir un
nouveau contexte, constamment sujet à réinterprétations de la part des acteurs organisationnels. Loin d’évoluer dans un modèle RH stratégique figé, la fonction RH se
trouve en fait en construction permanente.
Le chapitre de Jean-Philippe BOOTZ, Éric SCHENK et Michel SONNTAG
explore le lien entre la vision stratégique du dirigeant de PME et la mise en place de
processus de GRH. Si la PME est un objet de recherche spécifique en ce sens que
la vision du dirigeant constitue une contingence incontournable des politiques de
GRH dans la littérature, celle-ci laisse sans réponse sur la manière dont s’opère concrètement le lien entre vision stratégique et processus RH. L’analyse d’une rechercheaction des auteurs souligne que la démarche compétence s’inscrit non seulement dans
une logique d’alignement avec la vision stratégique, mais qu’au-delà elle contribue à
une explicitation de cette dernière et à son évolution. Une clarification réciproque
entre compétence clés et vision stratégique est ainsi apparue dans le cadre de cette
intervention.
La quatrième partie est « classique », elle aussi, en s’articulant autour des compétences, sur lesquelles beaucoup a été écrit… bien plus qu’il ne s’est agi.
Dans la contribution de Daniel DUFRESNE et Bernard DOUSSET, le cas d’une
PME de conseil-formation en réseau, permet de comprendre comment se créent et se
développent les compétences collectives et les compétences interorganisationnelles, et
comment celles-ci contribuent (et sous quelles conditions) à la production de la performance au sein de cette organisation et pour les autres membres du réseau.
Au-delà du cas, les auteurs ébauchent un modèle pour les PME en réseau qui permettrait, par la création et le développement de compétences collectives internes et de
compétences interorganisationnelles, de contribuer à la performance économique et
sociale durable dans le respect du bien-être professionnel des acteurs et grâce à l’implication de chacun d’entre eux.
6
Introduction
Michèle van de PORTAL montre que les PME, à qui la certification impose une
formalisation de l’évaluation des compétences alors qu’elles ne disposent pas de
moyens importants ni de compétences RH, sont confrontées à de réelles difficultés quant à la mise en place d’un dispositif spécifique. À cet égard, l’appropriation
et l’usage des outils, et plus particulièrement celui relatif aux entretiens individuels
s’avèrent être parfois complexes pour les dirigeants de PME, les résultats de l’évaluation ne contribuant pas systématiquement à la compétence collective de l’entreprise.
Or, cette démarche s’avère être essentielle pour ces organisations puisqu’elle leur permet de garder un capital dynamique de compétences, principal levier de performance
pour ces entreprises où la polyvalence des fonctions est souvent omniprésente du fait
de la faiblesse de leur effectif.
La modernisation des pratiques de RH au sein des PME est un sujet délicat à aborder, tant les PME ne font pas systématiquement parler d’elles. Dans le chapitre de
Franck BRILLET et Annabelle HULIN, le témoignage du dirigeant d’une PME du
secteur du BTP (bâtiment et travaux publics) montre un exemple de pratique RH : la
transmission des connaissances. Ainsi, ce chapitre cherche à répondre aux questionnements suivants : dans quelle mesure les pratiques de transmission des connaissances
entre salariés permettent de répondre aux problématiques de GRH d’une PME ?
Quelles sont les caractéristiques spécifiques d’une telle pratique dans le contexte d’une
PME ?
La littérature abondante sur l’apprentissage organisationnel s’intéresse peu aux
PME. Éline NICOLAS souligne donc les spécificités de celles-ci afin de comprendre
le rôle de deux éléments moteurs dans la dynamique d’apprentissage : la tradition
orale et la confiance. Puis, en l’illustrant par des propos de dirigeants de PME recueillis à l’occasion d’une démarche de normalisation, elle propose une conceptualisation
de l’apprentissage organisationnel.
Dans le secteur du multimédia et du jeu électronique, les diverses formes de travail
(du travailleur salarié pour une entreprise, au travailleur autonome sous contrat avec
une entreprise, et affecté à une équipe projet, donc soumis à la hiérarchie d’entreprise et ses pratiques internes de GRH) laissent entrevoir des carrières que l’on a
qualifiées de « nomades ». Les recherches de Sylvianne PILON et Diane-Gabrielle
TREMBLAY montrent que les travailleurs du multimédia recherchent souvent des
défis et de l’autonomie dans le travail, et que certains vont d’ailleurs jusqu’à quitter de
grandes organisations pour trouver plus d’autonomie, que ce soit dans une PME ou
comme travailleur autonome. Le texte présente des éléments d’entretiens menés dans
ce secteur, puis s’interroge sur les modalités de gestion des ressources humaines qui
conviennent pour attirer et retenir cette main-d’œuvre, dans un contexte de concurrence intense entre les PME.
Enfin, présente dans un seul chapitre en 2010, la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) a pris de l’ampleur, en occupant la cinquième partie.
7
Gérer les RH dans les PME
La recherche de Manal EL ABBOUBI, Amine OULAHYANE et Annie CORNET
vise à montrer comment le processus de certification sociale (ici, SA8000) peut avoir
des impacts sur la formalisation de la Gestion des ressources humaines d’une PME.
Ils décrivent et analysent le processus de certification SA8000 à la lumière des caractéristiques du modèle de GRH arbitraire. Ils montrent ainsi que la certification RSE
peut constituer un levier de changement de GRH qui permet le passage d’un modèle
arbitraire vers un modèle objectivant, et ce par la simple conformité à la norme de
certification. Ils montrent aussi que l’effet de grossissement et l’effet de microcosme
qui caractérisent les PME peuvent entraver le processus d’objectivation et de sophistication de la GRH.
En explorant la façon dont les petites entreprises (PE) peuvent assumer les enjeux
sociaux de leur responsabilité, Véronique BON propose une grille de lecture donnant
à voir l’influence conjointe de facteurs individuels, organisationnels et institutionnels.
la PE constitue à plusieurs titres un terrain organisationnel favorable à l’expression
d’une responsabilité sociale, alors même que le dirigeant de PE n’a pas forcément
conscience de mener des actions relevant d’une politique RSE, actions d’ailleurs
typiquement peu formalisées et peu valorisées. Cela étant, des facteurs d’influence
institutionnels et individuels sont en mesure de renforcer ou d’altérer les spécificités
identifiées (propension d’engagement social, conscientisation, formalisation et valorisation de l’engagement).
Les multiples facettes de la RSE semblent trouver un écho de plus en plus favorable
dans les organisations. Par ailleurs, la quête de performance demeure incontournable
pour les dirigeants de PME. Le chapitre de Sandrine BERGER-DOUCE questionne
la relation entre la gestion par la RSE et la performance en milieu PME. Une étude
de cas approfondie dans une PME industrielle du Nord de la France, amène l’auteur
à proposer une lecture de la performance globale de cette entreprise à l’aune de ses
pratiques de RSE, et notamment de GRH, initiées par l’entrepreneur depuis une
quinzaine d’années.
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8
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Gérer les RH dans les PME
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10
Gérer les RH dans les PME
De la théorie à la pratique
P
armi les plus de trois millions d’entreprises que
compte la France, 99,8% sont des petites et
moyennes entreprises (PME). Elles méritent donc
que l’on s’intéresse à la manière dont sont gérés les
femmes et les hommes qui y travaillent.
Ainsi, l’accent est ici mis sur l’aspect pragmatique et
sur les implications managériales. Plus de trente-cinq
praticiens et enseignants-chercheurs ont été réunis
pour traiter des principales thématiques qui concernent
les PME sur le plan humain.
La proximité, si caractéristique des PME, permet d’en
spécifier la gestion des ressources humaines (GRH). Elle
influence les dispositifs de formation continue, mais
aussi la gestion des compétences dans les réseaux. Le
lien entre stratégie et GRH dépasse parfois le simple
alignement, pour évoluer vers des formes d’interaction.
Plusieurs facettes du dirigeant sont examinées :
son accompagnement entrepreneurial, ses logiques
d’action, la gestion d’éventuelles ressources familiales,
son rôle évolutif. De la même façon, les compétences
sont étudiées sous différents angles : les compétences
collectives et interorganisationnelles, les compétences
individuelles (évaluation…), la transmission des
connaissances, l’apprentissage organisationnel ou
encore les carrières.
Enfin, les PME constituent un terrain favorable à la
responsabilité sociétale des entreprises (RSE). Elles
peuvent ainsi faire évoluer leur GRH, voire améliorer
leur performance.
Cet ouvrage s’adresse aux managers et aux collaborateurs des PME, mais aussi aux étudiants en ressources
humaines et à la communauté académique.
Coordonné par
Marc-André Vilette
Les auteurs :
Abdelwahab Aït Razouk,
Marie-Noëlle Albert,
Isabelle Alphonse-Tilloy,
Mohamed Bayad,
Sandrine Berger-Douce,
Véronique Bon,
Jean-Philippe Bootz,
Franck Brillet,
Hervé Burdin,
Jean-Marc Chanal,
Brigitte Charles Pauvers,
Annie Cornet,
Marie-Michèle Couture,
Marc Delcourt,
Bernard Dousset,
Daniel Dufresne,
Claire Dupont,
Manal El Abboubi,
Gérald Enrico,
Martine Gadille,
Géraldine Galindo,
Annabelle Hulin,
Philippe Lebas,
Antoine Masingue,
Thibaut Métailler,
Éline Nicolas,
Amine Oulahyane,
Dominique Phanuel,
Sylvianne Pilon,
Jean-Michel Pottier,
Éric Schenk,
Nathalie Schieb-Bienfait,
Michel Sonntag,
Olivier Torrès,
Diane-Gabrielle Tremblay,
Michèle van de Portal,
Marc-André Vilette.
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ISBN : 978-2-311-40012-0
9 782311 400120