La Recherche

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La Recherche
recherches
entretien ALessandra carbone
Elle transforme les objets biologi
Alessandra Carbone a été élue femme scientifique de
l’année 2010 par le jury du 9e prix Irène Joliot-Curie du
ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche pour sa carrière exemplaire. Bio-informaticienne,
professeure au Département d’Informatique de l’UPMC
et responsable du laboratoire Génomique des microorganismes, unité mixte CNRS-UPMC, elle étudie et
modélise des structures biologiques.
Une matheuse passionnée
par la biologie. Elle voit la
biologie sous l’angle des
maths.
« Je ne connaissais rien à la biologie il y a une dizaine d’années »,
avoue Alessandra Carbone dont la
vraie passion reste les mathématiques. Comment cette férue de
logique et de complexité s’est-elle
passionnée pour la génomique ?
Etudiante insatiable en informatique théorique, mathématiques et
physique à Milan, sa ville natale
puis Siennes, elle se passionne
rapidement pour la « théorie de la
preuve », sujet de sa thèse à la City
University of New-York, puis de
deux post-docs, à Paris (université
Paris VII) et à Vienne (université
technique de Vienne). Maître de
conférences à l’université Paris XII
à partir de 1996, elle co-développe
une nouvelle approche géométrique pour étudier des
problèmes combinatoires et logiques complexes. Des
maths, que des maths.
« C’est en 2000, au cours d’un cycle de séminaires sur
l’impact de la théorie de la complexité dans d’autres
domaines que les mathématiques que j’ai découvert
la richesse et l’extraordinaire complexité des motifs
structurels en biologie moléculaire, comme certaines
séquences d’ADN ou les symétries de certains virus »
raconte-t-elle. Elle demande alors à être détachée
de l’université Paris XII à l’Institut des Hautes Études
Scientifiques (IHÉS) de Bures-sur-Yvette (91) et étudie comment les mathématiques peuvent être mises
les rendez-vous de l’umpc•la recherche - MAI 2010 - N0 440
à profit en biologie. Au cours de ces trois années, elle
contribue à définir une nouvelle méthode automatique d’analyse de la composition des génomes, fondamentale pour traiter le grand nombre de génomes
séquencés et permettant une nouvelle classification
de ces génomes.
Depuis, mathématiques et biologie moléculaire vont
de pair dans ses recherches et alimentent l’équipe
« Génomique Analytique » qu’elle anime depuis son
arrivée à l’UPMC en 2003 et le laboratoire « Génomique des Microorganismes », unité mixte CNRS-UPMC,
qu’elle dirige depuis début 2009. « Ce laboratoire
commun est la preuve de l’importance reconnue de
cette étroite collaboration entre biologistes, bio-informaticiens, mathématiciens et physiciens », se félicite
Alessandra Carbone, qui en a été l’instigatrice. Elle y
trouve un contexte idéal et des moyens à la hauteur
de ses ambitions et de son imagination.
Point commun des recherches menées dans ce laboratoire qui compte déjà 5 équipes et 16 personnes :
développer des modèles computationnels, mathématiques et physiques pour étudier à partir des
nombreux génomes de micro-organismes (bactéries,
levures, amibes, algues, etc.) les similarités et les différences génétiques entre les espèces, au sein des
espèces et au sein de leurs souches. « Nous étudions
en parallèle d’une part les structures physiques de systèmes biologiques au moyen d’outils expérimentaux
de biologie et de génétique et d’autre part leur structure mathématique, que nous modélisons », préciset-elle. Ce laboratoire interdisciplinaire, entre biologie
et sciences exactes, dans un domaine scientifique très
compétitif, est unique en France. Tout comme le tout
nouveau master international en bioinformatique et
modélisation qu’Alessandra Carbone a initié à l’UPMC
en septembre 2009.
« Notre objectif est d’apporter des solutions aux biologistes et aux médecins », explique la chercheuse qui
pousse ses collaborateurs à publier dans des revues
de biologie. Parmi ses travaux emblématiques : le
projet européen HCMD (Help Cure Muscular Dystrophy) sur la modélisation des interactions de plus
de 2200 protéines humaines jouant un rôle dans les
maladies neuromusculaires comme les myopathies.
C’est l’un des six projets internationaux qui profite de
MATHéMATIQUES financières
recherches
ques en objets mathématiques
la puissance de calcul du World Community Grid, le
plus important réseau d’internautes (200.000 ordinateurs dans le monde). Rassemblées dans une base
de données, ces informations aideront les chercheurs
à concevoir de nouveaux traitements. Autres exemples de recherches : une analyse de l’organisation
périodique des gènes dans les chromosomes bactériens ou encore une méthode de détection d’amas de
microARN qui contrairement à la règle ne conduisent
pas à la synthèse de protéines et pourraient avoir un
rôle clé dans le développement de cancers.
Et les femmes dans tout ça ? Alessandra Carbone, qui
est souvent la seule femme à prendre la parole dans
les conférences, observe avec inquiétude leur désaveu pour les sciences. « Les dernières statistiques de la
commission européenne sont édifiantes, remarque-telle. Les femmes sont toujours en minorité : 30 à 36 %
des chercheurs pour les postes les moins qualifiés en
2006, 11 % pour les plus qualifiés. La proportion de ces
Images du travail sur la
WCG : interaction protéique
(en orange et bleu avec
résidus d’interface jaune)
ou complexe protéique
interagissant avec l’ADN en
rouge et bleu)
dernières a progressé de 2 % entre 2002 et 2006. A ce
rythme, il faudra presque un siècle pour atteindre la
parité ! La société incite les femmes à rester au foyer,
regrette-t-elle. La seule solution est de marteler les
messages en faveur des femmes en sciences et dans la
recherche pour que cela change le plus vite possible. »
Isabelle Bellin
Ucopia tisse des réseaux Wi-Fi
en toute sécurité
Essaimée en 2002 de l’UPMC, cette jeune pousse propose aux gestionnaires de réseaux
Wi-Fi des solutions logicielles uniques pour sécuriser et administrer leurs réseaux.
Une entreprise, un hôtel, un campus, un
hôpital : autant de lieux où le Wi-Fi est
devenu la règle… et autant d’utilisateurs
dont les droits d’accès diffèrent. Le contrôleur Wi-Fi d’Ucopia gère ces droits : ce
petit boitier authentifie, autorise et gère
les flux de 10 à 50 points d’accès Wi-Fi,
pouvant accueillir 10 à 15 utilisateurs chacun. Une entreprise peut ainsi spécifier
les droits des employés, visiteurs, etc :
autorisations de connexion, débits, accès
aux données, à une imprimante, à la messagerie…
La start-up n’est pas née par hasard.
Ces pages sont réalisées sous la responsabilité de l’UMPC.
« Nous avons conçu notre prototype dans
le but de le commercialiser », reconnait
Guy Pujolle, professeur d’informatique à
l’UPMC et chercheur au laboratoire d’informatique de Paris VI (LIP6), qui en est
à sa cinquième création d’entreprise. Trois
années de recherche au LIP6, deux brevets
et Ucopia nait en 2002 avec trois équipiers
expérimentés en matière de création d’entreprise. Encore deux années passées à
l’UPMC pour développer une première
version industrielle et dès 2004, Ucopia
commercialise ses solutions. L’entreprise
compte aujourd’hui 21 personnes et affi-
che plus de 30 % de croissance en 2009.
« Nous n’avons pas vraiment de concurrent », reconnait Guy Pujolle. Notre solution est entre le matériel et le logiciel. Les
contrôleurs sont revendus notamment
par le téléphoniste Aastra, l’électricien
Legrand, l’informaticien Cisco. Ucopia
conserve néanmoins des liens étroits avec
l’UPMC : « Nous avons trois projets communs financés par l’Agence nationale de
la recherche et un projet européen », précise Guy Pujolle. Avec peut-être à la clé de
nouveaux produits prometteurs.
I. B.
les rendez-vous de l’umpc•la recherche - MAI 2010 - N0 440