Hic et nunc, musique pour aujourd`hui - marie
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Hic et nunc, musique pour aujourd`hui - marie
Hic et nunc, musique pour aujourd'hui C'est dans un parfum de paysages arpentés que se reçoivent les pièces de Marie-Michèle Lucas. C'est à l'aune de la ville de Brest en Finistère où elle vit que les œuvres se conçoivent. Il faut voir la mise à l'eau de la ville dans Brest au niveau zéro (cf Les lettres d'L.) et vérifier à travers Fuit hic la présence de l'artiste sur les lieux de débarquement des bateaux de marchandise. Brest est un port, un port d'attache à partir duquel elle peut s'en aller ou s'inventer d'autres mondes. Ainsi Bons baisers de … nous mène de Brest à Beyrouth en passant par Belfast. L'action polaire n°1 nous transporte sous le pôle Nord (en sous-marin) et Rébus Lapérouse fait le trajet entre Brest et Vanikoro où disparut le comte. Sur cette base géographique, minérale et maritime, avec l' imaginaire qui se déploie dans une ville détruite puis reconstruite, les utopies ont pu être rêvées, puis essayées. Arénicole (collectif d'artistes au départ) garde traces de ces rêves-là. Sur cette base collective, elle a créé les Apprentis Arpenteurs (groupe de danseurs) qui ont joué leurs actions chorégraphiques pour révéler des singularités de lieux - plutôt industriels- ou pour parler de territoires mâtinés d'ailleurs comme Hiver de désert de steppes lapones, printemps bruyant ou Descente en forme. Cette agitation chorégraphique et filmique ( Parasols pour camionneurs, Pacotilles, A pas de louves...) laissera place par la suite à un autre arpentage, plus solitaire par la photographie, le dessin, les bas-reliefs, l'installation … Le palimpseste oublié, Les capteurs cosmographiques, La vigie, l'ange l'ermite et le belvédère... Cela devient un chantier de fouilles traversé d'histoires ordinaires ou extraordinaires, d'échos de la peinture et de questionnements des mondes sociaux, économiques et culturels. Hic et nunc, ici et maintenant, l'artiste ouvre le temps, laisser parcourir le commentaire et convie l'invention et l'appropriation. Souffle alors un vent de perturbation, une tornade de pensées qui agitent le corps et l'esprit de celui qui reçoit et expérimente. Le parti pris de très grands dessins -le dessin a été longtemps secret comme un territoire intime, voir l'entreprise des 100 dess(e)ins- a permis une mise à nu des motifs profonds qui nourrissent l'artiste. Les dessins sont rudes comme une pioche qui prépare ce qu'il y a à engager. De temps en temps, d'autres grands dessins grimpent sur les murs de la ville sous forme de campagne d'affichage Nous défendons l'art ou sur les cimaises .d'exposition, Chaos et les chants de course. Et alors, ils nous attrapent par leur grande taille et nous envahissent et perturbent notre point de vue pour en faire un tourbillon de perception et de pensées. A cette agitation artistique, MML assure la fonction de passeur. Utile pour gagner sa vie, mais surtout pour diffuser l'art en tous milieux (les utopies encore...), par bonheur aussi pour exercer la maïeutique et l'engagement dans la création qu'elle pense nécessaire pour un futur moins contraint, le passeur aide à inventer, à créer, à sortir des mondes clos et calibrés. Voyez le film Alla Casradia.. De cet art qui invite à entendre un monde (la vue donne du bruit, fait une cacophonie comme un dire indispensable), MML poursuit une œuvre complexe, toute en profondeur comme une construction hétéroclite qui trouve sa cohérence avec l'addition des pièces au fil des années. L'art de MML n'est pas formel mais hybride, bigarré, rempli d'objets et de paroles, toujours impur, jamais exclusif. L'artiste s'est fabriquée depuis des impasses, des temps où la vie a été urgente. Ses productions artistiques, hantées par des lieux investis, dans un temps donné, sont tissées de vie et c'est cela même qui en fait une musique pour temps présent F. Kerlieff