Transparence et gestion fiscale au Maroc

Transcription

Transparence et gestion fiscale au Maroc
Rapport de diagnostic
Transparence et gestion fiscale au Maroc
Rapport de diagnostic
TRANSPARENCE
ET GESTION FISCALE AU MAROC
Avec l’appui de
Juin 2015
Ce rapport de diagnostic a été élaboré par Driss Al-Andaloussi, expert en finances publiques,
dans le cadre du projet « Accès à l’information et transparence du système fiscal » réalisé par
Transparency Maroc avec l’appui financier d’Oxfam.
«Les résultats, opinions et conclusions exprimés dans ce document sont entièrement ceux
des auteurs et ne reflètent pas nécessairement les positionnements d’Oxfam.»
TABLE DES MATIÈRES
Remerciements5
Préambule5
Introduction6
Les principales interrogations
Produire un guide fiscal du citoyen
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I. L’évolution de la pratique fiscale au Maroc 8
1. l’environnement
2. La nouvelle donne constitutionnelle
3. La modernisation de l’administration fiscale est stratégique
4. Historique et acquis depuis 1984
5. La dépense fiscale a une histoire « improductive »
6. L’élaboration du Code Général des Impôts
7. L’impact de l’évolution des textes fiscaux sur les structures de l’administration fiscale
8. L’effet de l’organisation de l’administration fiscale sur les recettes
II. Information fiscale : la base de la transparence
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1. Le projet sur le droit d’accès à l’information :
avancées et limites
2. La spécificité de l’accès à l’information fiscale
3. La communication institutionnelle et ses instruments dans la pratique de la DGI
4. La fiscalité est toujours absente dans l’espace audiovisuel
5. Les questions réponses : une pratique à consolider
6. Les moyens pouvant permettre d’élargir les moyens d’accès à l’information fiscale
III. Accueil et gestion des réclamations
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1. Importance de la réclamation dans la relation fiscale
2. La gestion des réclamations par la DGI
3. Les pistes d’amélioration du traitement de la réclamation
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IV. La délivrance des attestations
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V. Le texte fiscal et la simplification de la lecture 21
VI. contrôle fiscal 22
1. La charte du contribuable dans le cadre du contrôle fiscal
2. L’apport de la charte du contribuable
3. Observations à propos de la charte du contribuable
4. Les observations du CESE sur le contrôle fiscal
5. L’apport en recettes du contrôle fiscal
6. L’accord à l’amiable entre la souplesse
et la zone de risque
7. Le contrôle fiscal et la gestion des ressources humaines
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VII. Le recours fiscal et l’arbitrage : de l’autonomie et du déficit de spécialisation
Le fonctionnement des commissions : des relations à éclaircir
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VIII. Enquête de satisfaction
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Limites de la démarche de l’enquête de satisfaction
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IX. Cartographie des principaux risques ou principales zones à risques Principales recommandations pour une transparence dans le domaine de la gestion de l’impôt
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Tableau de couverture : Bouchaïb Habbouli
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Rapport de diagnostic — Transparence et gestion fiscale au Maroc
REMERCIEMENTS
L’Association marocaine de lutte contre la corruption – Transparency Maroc (TM) – remercie la Direction Générale
des Impôts, les responsables d’Oxfam, les ONG, le comité de suivi et toutes personnes qui ont, grâce à leurs avis et
participations constructives, contribué à la réalisation de ce travail.
PRÉAMBULE
Un système fiscal ne peut être ni efficace ni équitable sans être transparent.
Dans le domaine des finances publiques, l’association Transparency Maroc s’est depuis longtemps intéressée au volet
relatif aux dépenses publiques, et en particulier aux marchés publics. C’est qu’il s’agit effectivement d’un domaine
où le phénomène de la corruption a été et demeure reconnu comme prévalant dans la pratique de la commande
publique.
Les actions menées, pendant plusieurs années par Transparency Maroc, ont relativement contribué à l’intégration de
nouveaux principes renforçant la transparence dans la nouvelle réglementation régissant les achats publics.
Dans sa démarche globale et systémique, Transparency Maroc a élargi son champ d’action aux recettes publiques, et
ici, plus spécifiquement, à la fiscalité, un domaine non exempt de la corruption.
Ce premier travail a pour ambition d’amorcer une réflexion collective et une mobilisation citoyenne autour d’une
réalité quotidienne, apparemment technique, mais fondamentalement sociétale, dont le changement ne peut s’inscrire qu’à travers le développement de la citoyenneté active, autour de valeurs fondamentales dont la transparence.
Car, à travers l’impôt, le citoyen contribue aux charges publiques. De ce fait, l’implication du citoyen dans le processus
budgétaire, est une obligation et un droit fondamental, mais aussi un préalable nécessaire à la construction réelle et
concrète d’un nouveau contrat social.
Tels sont l’ambition et l’objectif de cette première contribution dans le domaine de la fiscalité, en rapport avec la
transparence budgétaire.
Abdelaziz Messaoudi
Rapport de diagnostic — Transparence et gestion fiscale au Maroc
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INTRODUCTION
Le présent travail constitue une présentation de la problématique de la transparence de la gestion fiscale au Maroc.
Le débat entre professionnels s’intensifie autour de l’informel et de la fraude. Les acteurs de la société civile attirent
l’attention sur le statut précaire du citoyen devant une certaine pratique et devant le processus législatif fiscal. La
question de l’accès à l’information et de la présence de l’administration fiscale sur les champs de la communication
demeure préoccupante. La communication institutionnelle a certes connu un début et notamment lors de la campagne liée au paiement des arriérés fiscaux en contrepartie d’exonérations de paiement des pénalités de 2013, mais
le chemin à parcourir dans l’instauration d’une relation normale entre l’administration fiscale et le contribuable ou
redevable (ou l’usager) est encore long.
Les principales interrogations
Les principales questions liées au présent travail et qui nécessiteraient plusieurs contributions et enquêtes sur le
terrain ont trait à l’information fiscale, aux structures d’accueil des contribuables ou usagers, à la réception et au
traitement des réclamations, au contrôle et à ses différentes problématiques, aux recours fiscaux, à la délivrance
des attestations et à la simplification du texte fiscal. La plupart de ces questions ont fait l’objet d’un examen et de
plusieurs recommandations lors des assises fiscales de 2013 ainsi que dans d’autres travaux comme ceux du CESE,
de la Cour des Comptes, de l’administration des finances, de certains ministères, de la société civile, des associations
professionnelles et de la DGI. Le présent travail tentera d’évaluer les progrès effectués dans ces différents domaines
cités plus haut. Il s’agit de poser les questions et de relever autant que peut les dysfonctionnements dans ce domaine
et de mettre en relief les acquis et les efforts déployés pour améliorer les relations de l’administration fiscale avec ses
différents partenaires ou usagers.
■■Le Droit d’accès à l’information budgétaire et fiscale
L’article 27 de la Constitution de 2011 consacre le DAI de manière générale :
« Les citoyennes et les citoyens ont le droit d’accéder à l’information détenue par l’administration publique, les institutions élues et les organismes investis d’une mission de service public. Le droit à l’information ne peut être limité
que par la loi, dans le but d’assurer la protection de tout ce qui concerne la défense nationale, la sûreté intérieure et
extérieure de l’Etat, ainsi que la vie privée des personnes, de prévenir l’atteinte aux droits et libertés énoncés dans la
présente Constitution et de protéger des sources et des domaines expressément déterminées par la loi. »
Ainsi le DAI devrait être la règle et ne peut être restreint que de manière exceptionnelle par la loi.
Dans le domaine budgétaire et fiscal, le DAI est fondamental dans un système démocratique. Le citoyen paie ses
impôts et il a tout au moins le droit de savoir comment l’argent public est dépensé.
Or, la loi organique, dans sa dernière version, ne consacre pas explicitement le principe constitutionnel prévu par la
loi.
Les textes régissant la fonction publique et la loi pénale ne définissent pas clairement la notion de secret professionnel. Ce qui constitue une menace importante pour tout fonctionnaire qui communique des informations, même sans
enjeu réel quant à la sécurité ou la défense.
Le projet de loi sur le DAI a été mis en veilleuse.
Dans le domaine spécifiquement fiscal, il est possible de relever en particulier :
• Une opacité quasi-totale dans le mode de production des informations statistiques. Cette situation s’explique
surtout par le rôle marginal du système d’information dans la production des informations statistiques ;
• La publication d’un rapport annuel sur les dépenses fiscales depuis 10 ans, mais non exhaustif. Aucune référence sur les méthodes d’évaluation adoptées. Pas d’évaluation quant à l’impact effectif des dérogations sur le
plan socio-économique et par rapport aux objectifs officiellement déclarés ;
• Contrôle fiscal : les procédures de programmation au contrôle fiscal ne sont pas clairement définies, d’où un
pouvoir discrétionnaire important source de non transparence et de risques ;
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Rapport de diagnostic — Transparence et gestion fiscale au Maroc
• La faible vulgarisation des textes fiscaux fait que la majorité des contribuables ne sont pas suffisamment bien
informés quant à leurs droits et leurs obligations sur le plan fiscal. C’est surtout le cas des particuliers et des professionnels au régime du forfait. Ces derniers peuvent donc être facilement manipulés par les faux forfaitaires
et être victimes de pratiques abusives ;
• La faible mobilisation des médias ne permet guère le développement d’une nouvelle perception de l’impôt et
donc du civisme fiscal, au cœur du système fiscal déclaratif actuel, mis en place depuis 1984 ;
• Le recours prépondérant à la langue française par l’Administration fiscale, d’où un accès limité à l’information
fiscale par la majorité de la population ;
• Référentiel des prix des cessions immobilières élaboré sans consultation des contribuables, notamment les associations de consommateurs ;
• Absence quasi-totale des débats sur la fiscalité.
• Faible rapport entre recettes fiscales et dépenses publiques ;
• Budget « citoyen » : un instrument avant tout de propagande. Caractère sélectif des informations budgétaires
contenues dans ce document. Caractère abusif du qualificatif « citoyen », dans la mesure où il est simplement
question de diffuser certaines informations budgétaires bien choisies. Pas d’informations sur les établissements
et les entreprises dits stratégiques. Démembrement budgétaire de l’Etat ; multiplicité des taxes parafiscales ;
informations non détaillées et non accessible sur les CST ;
• Non construction des budgets sur la base de stratégies de développement clairement définies et déclinées en
politiques publiques ;
• Rencontres sur la fiscalité souvent limitées aux associations des professionnels : CGEM, ordre des experts comptables ; notaires et chambres de commerce ;
• Non harmonisation des procédures de délivrance des attestations. Chaque service impose des conditions et des
critères qui diffèrent d’une ville à une autre ou dans la même ville ou région, d’un service à un autre ;
• Non publication des décisions prises en matière fiscale par les commissions et le tribunal administratif.
Produire un guide fiscal du citoyen
L’ambition du présent travail est d’aboutir, à travers une concertation, à produire un guide fiscal du citoyen. Il ne s’agit
point de reproduire dans ce document les procédures et les différentes dispositions fiscales, mais de mettre en place
une liste et des fiches aussi détaillées que possible des démarches que le citoyen peut suivre pour recouvrir ses droits
et pour s’informer au mieux sur sa situation fiscale. Les différentes discussions avec les différents participants à ce
débat citoyen permettront de mieux connaître les besoins et les attentes et d’enrichir les composantes de projet de
guide ainsi que les différents documents qui l’accompagneront.
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I. L’ÉVOLUTION DE LA PRATIQUE
FISCALE AU MAROC 1. l’environnement
L’administration publique doit, dans un pays comme le Maroc, jouer un rôle stratégique dans le développement
économique et social. La qualité des services rendus au citoyen se mesure en termes d’efficacité, d’efficience et de
qualité. Le citoyen en tant qu’acteur de la société politique ou de la société civile ou même en tant qu’« être humain »
vivant dans un espace intégré dans une entité nationale est le seul témoin qui peut permettre de mesurer le rôle de
l’administration publique. Celle-ci peut être un moteur performant ou défaillant dans la course au développement
économique et social et dans la création et la sauvegarde d’un climat propice aux affaires. Le milieu des années 90
a marqué l’histoire récente du Maroc. C’était la période de la première rencontre avec les programmes d’ajustement
structurel avec le paquet de mesures qui seront introduites dans les champs de la dépense publique. Le choc allait être
difficile et le gouvernement allait affronter les premières limitations de sa capacité à agir sur les champs de l’emploi et
du maintien des dépenses de transfert et notamment celles ayant un lien direct avec les conditions de vie des classes
vivant dans la précarité. La notion de réforme structurelle va faire son apparition et l’administration va se retrouver
devant un dilemme important. Faire un saut qualitatif en matière de gestion publique ou périr dans un attachement à
un passé représentant un lourd passif. Les années 90 vont bouleverser la perception de l’administration. D’omniprésente et véhiculant des institutions, des pratiques et des textes, l’administration et notamment « financière publique
» va amorcer un virage qui n’a pas encore retrouvé une trajectoire facile à emprunter. L’administration publique est
toujours au centre de toutes les tentatives de réforme et de tous les programmes politiques, y compris celui porté
par le gouvernement actuel. Le portefeuille ministériel auquel revient la tâche de réformer l’administration est appelé
: ministère de la fonction publique et de la modernisation de l’administration. Sa tâche est grande et son action est
toujours attendue.
2. La nouvelle donne constitutionnelle
La nouvelle Constitution de 2011 porte ce message et le formule dans des termes forts à travers son article 156 qui
précise que « les services publics sont à l’écoute de leurs usagers et assurent le suivi de leurs observations, propositions et doléances ». Le titre XII de la Constitution consacre les principes généraux de la bonne gouvernance dans les
services publics. Les attentes constitutionnelles sont grandes et mettent en relief la relation « d’écoute des usagers »
et du « suivi de leurs observations… ». Ce lien que la Constitution veut instituer est très profond et dénote du déficit
de la relation du citoyen avec son administration publique. L’avènement de cette Constitution se traduit lentement et
rarement dans la relation du citoyen avec ce qu’il considère comme « une autorité ». On est toujours loin de l’image
idéale de citoyenneté et ce, pour des raisons politiques et sociologiques, administratives ou même psychologiques.
Les schémas politiques nécessitent un accompagnement culturel et politique qui n’est pas encore totalement disponible dans les champs de la gestion publique. Tous les ministres reprennent les termes du programme gouvernemental et affirment leur détermination à mettre la qualité des services rendus aux citoyens au rang d’une priorité absolue.
L’administration fiscale est au centre de la modernisation voulue politiquement depuis 1984. L’impôt a toujours été
considéré comme citoyen, mais surtout très important pour faire vivre l’Etat et lui permettre de faire face à toutes
les fonctions qui lui incombent. Il est aussi au centre d’un grand pouvoir de régulation politique. Faire payer tout le
monde, selon la capacité contributive de chacun, n’est point une affaire qui se résume en la production des meilleurs
textes fiscaux et en la mise en place des meilleures structures fiscales, c’est une chose qui a toujours été colorée par
les tendances du pouvoir politique. Qui va payer ? Comment va-t-il payer ? Payera-t-il toujours ou temporairement
? Sera-t-il soumis au contrôle ou bénéficiera-t-il d’une certaine aisance dans la relation à l’administration fiscale ?
Ces questions sont toujours d’actualité et ont souvent fait l’objet de commentaires aussi bien dans les salons des
grands groupes financiers et industriels que dans les cafés des quartiers populaires. Le réveil n’est pas une question
d’horloge pré programmée, il est surtout le fruit d’une prise de conscience de l’importance de l’Etat de droit dans
la consolidation de l’unité nationale et de la paix sociale. Les états-majors financiers des années 80 et 90 n’ont plus
d’impact en matière d’appropriation de l’outil décisionnel. Aujourd’hui, il n’est plus aussi facile que par le passé de
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Rapport de diagnostic — Transparence et gestion fiscale au Maroc
faire passer les décisions dans le noir des coulisses fiscales. Certains medias accordent un intérêt particulier aux mouvements des finances publiques et deviennent un relai en matière d’information et même d’opposition aux mesures
fiscales « anormales ».
Enfin, l’article 27 de la nouvelle Constitution ouvre de nouvelles voies vers le développement de la transparence dans
les relations entre les divers contribuables ou usagers et l’Administration fiscale.
3. La modernisation de l’administration fiscale est
stratégique
Appréhender la matière imposable, la liquider et la recouvrer sont les principales missions de l’administration fiscale.
Faire le « plein » pour financer les charges publiques ne peut point être contesté. Il serait très difficile de critiquer
ou de porter un jugement négatif sur une administration qui mobilise les recettes dans un cadre légal et respecte les
principes de l’équité et de l’égalité devant l’impôt. Les différentes étapes traversées par la DGI depuis plusieurs années
ont eu un impact positif sur l’évolution des recettes fiscales. D’autres dimensions peuvent néanmoins être rattachées
à la fonction de mobilisation des ressources. Il s’agit de la dimension macroéconomique dans sa relation avec le financement des projets publics et de celle du rôle de l’impôt dans le développement ou du moins, la préservation de l’entreprise privée. Le niveau de l’activité économique est, en grande partie, déterminé par le seuil économique raisonnable de l’impôt. La pression fiscale sur l’entreprise peut l’étrangler ou la pousser à immigrer vers l’informel et donc
vers la fraude. La conciliation entre les objectifs de consolidation des recettes publiques et ceux liés à la croissance
économique est difficile mais faisable. C’est l’essence des débats qui ont eu lieu lors des assises fiscales d’avril 2013.
Opérer cette conciliation se fait principalement par le renforcement du civisme fiscal, l’approfondissement du consentement à l’impôt et la lutte pour établir une « justice fiscale » au sens constitutionnel du terme.
Les différentes études et recommandations du CESE, de la Cour des comptes, des Assises fiscales, des différents travaux de recherche universitaires, de certaines institutions internationales, des associations de la société civile et même
de certains rapports et documents de la DGI (nouvelle vision stratégique 2012-2017) sont unanimes pour souligner
la nécessité de procéder aux actions suivantes :
• « Elargir l’assiette fiscale comme moyen d’assurer l’équité entre les contribuables ;
• Favoriser le consentement à l’impôt ;
• Optimiser le rendement fiscal ; et
• Inscrire l’action de l’Administration fiscale dans le sillage des nouvelles orientations en matière de gouvernance
publique. »
Les grandes orientations de la DGI qui ont été, par ailleurs, renforcés par les recommandations des assises vont dans
le sens de l’édification d’une relation de partenariat et de confiance avec le contribuable. Le choix du support numérique dans le traitement des dossiers et l’ambition de faire un saut qualitatif dans ce sens sont réaffirmés. Les dispositions du projet de loi de finances 2015 vont dans cette direction au niveau de la télé- déclaration et du télépaiement
au profit des PME (2016-2017).
Avant de traiter de l’ensemble des points liés à la transparence de la relation de l’administration fiscale avec le citoyen,
il serait utile de dresser brièvement l’historique de cette administration et l’évolution de la pratique fiscale et ce, depuis les premiers mouvements de réforme en 1984.
4. Historique et acquis depuis 1984
L’année 1984 n’est pas une date qu’on peut qualifier de normale dans l’histoire de la gestion financière publique.
Elle coïncide avec le début de l’adoption des premiers programmes d’ajustement structurel et des mesures de limitation des dépenses imposées par les institutions financières internationales et à leur tête le FMI. La rationalisation des
modes de gestion et la nécessaire augmentation des recettes fiscales ont donné lieu à la première loi cadre de 1984.
L’impôt s’est retrouvé au centre d’un processus de réforme dont les grandes lignes sont toujours présentes dans le
discours sur la réforme fiscale aujourd’hui. Les principes de modernisation, de l’élargissement de l’assiette, de l’équité et de la relation au contribuable étaient déjà inscrits dans l’agenda du gouvernement. 30 années plus tard, nous
sommes toujours dans le processus de réformes et avec presque, les mêmes ingrédients et une dose plus importante
de la composante « transparence » comme exigence citoyenne et politique. L’ouverture du Maroc a aussi produit ses
Rapport de diagnostic — Transparence et gestion fiscale au Maroc
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effets sur la perception de la chose fiscale dans un cadre plus large et plus politique. La Constitution énonce dorénavant la base de fonctionnement de l’acte de prélever des ressources financières sur les différents types de ressources
générées par l’activité économique ou administrative. D’une structure très dispersée et qualifiée d’amplement cédulaire, la fiscalité marocaine allait vivre des périodes de transformation qui vont sensiblement réduire le nombre des
impôts et taxes. La Taxe sur la Valeur Ajoutée(TVA) a fait son apparition en 1985, l’Impôt sur les sociétés(IS) en 1986
et ce n’est que trois années plus tard que l’Impôt General sur le Revenu(IR) sera institué (1989).
5. La dépense fiscale a une histoire « improductive »
Cette transformation va permettre d’ancrer la déclaration et le système des recours fiscaux dans le traitement de la
matière imposable et des contribuables. En même temps que le train des réformes financières, l’Etat a continué à
mettre l’outil fiscal au centre des politiques d’incitations à l’investissement dans les différents secteurs. Les subventions et les ristournes d’intérêt ont continué à alourdir les charges budgétaires sans qu’elles ne donnent lieu à des
transformations économiques profondes. L’exemple des secteurs de l’agriculture et de l’industrie sont révélateurs de
l’inefficience des cadeaux fiscaux à certains « investisseurs ». Le secteur agricole qui va intégrer « très progressivement » le giron fiscal n’a connu que des transformations modestes après des décennies de cadeaux et de subventions. Le développement rural est toujours en panne. Et 80 % de nos activités agricoles sont encore traditionnelles
et sous équipées. Le Plan Maroc Vert ambitionne de forger de nouveaux comportements de l’agriculteur marocain et
d’opérer une liaison entre le développement de l’agriculture et le développement rural.
Des modifications ont été apportées aux mesures des différents codes d’investissement vers la fin des années 90,
mais les charges fiscales des mesures sont demeurées grandes et improductives. Ce n’est qu’en 1995 qu’une loicadre portant le numéro 18-95 va mettre en place une charte de l’investissement en remplacement des différents
codes d’investissement. Plus tard, le Code général des impôts va incorporer l’ensemble des exonérations et autres
avantages fiscaux accordées aux investisseurs. C’est à travers ce travail d’intégration des mesures exceptionnelles
qu’il est devenu possible de procéder à une évaluation de ce qu’on va appeler « dépenses fiscales ». Le débat sur
l’évaluation de l’impact continue tout autant que la finalité d’une exception à l’imposition des revenus et des profits
et même des opérations d’importation. Les questionnements sur les avantages fiscaux ont progressivement pris une
importance dans le débat politique. Certains partis politiques et la société civile ne cessent de décrier l’improductivité
d’une grande partie des avantages fiscaux considérés par certains secteurs comme étant des acquis historiques et
« légitimes ». La question est toujours à l’ordre du jour, mais les mécanismes de réduction des manques à gagner
pour l’Etat n’ont pas encore pris toute l’importance qu’ils méritent. En France, les orientations des lettres de cadrage
imposent à chaque département ministériel un pourcentage de réduction annuelle des dépenses fiscales relatives au
secteur dont il a la charge. Au Maroc, la question relève plus du discours que d’une réelle politique gouvernementale.
Les lobbys dans les secteurs de l’immobilier et dans celui de l’agriculture sont encore forts et leurs relais au sein du
pouvoir législatif sont organisés et dépassent les lignes de démarcation formelle des partis politiques.
6. L’élaboration du Code Général des Impôts
La réforme fiscale qui a réduit le nombre des impôts va connaitre un tournant vers la fin des années 2000. Le Code
General des Impôts va faire son apparition en 2007. L’éparpillement des textes et la complexité des procédures qui
ont longtemps compliqué la vie des gestionnaires des impôts et des contribuables s’est arrêté avec la nouvelle base
documentaire fiscale. Un effort important a été déployé en matière d’harmonisation des procédures fiscales et des
dispositions communes aux différents impôts ainsi que d’une refonte du texte portant sur l’enregistrement et le
timbre.
7. L’impact de l’évolution des textes fiscaux sur les
structures de l’administration fiscale
La refonte des textes fiscaux a rendu indispensable une adaptation des structures de l’administration fiscale. On ne
peut moderniser les textes sans mettre en place les outils de leur application sur le terrain. L’ancienne Direction des
impôts va se transformer dans les années 2000 en une méga structure du Ministère de l’économie et des finances et
prendre la forme d’une Direction Générale. Ce rehaussement de grade et d’importance va créer la troisième structure
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Rapport de diagnostic — Transparence et gestion fiscale au Maroc
du Ministère qui va se prévaloir du qualificatif « générale ». Elle sera ainsi alignée sur l’Administration des douanes et
des impôts indirects et sur la Trésorerie générale du Royaume. L’autonomie dont bénéficiait les anciennes subdivisions
des impôts et autres services de contentieux et de vérification va se diluer dans les nouvelles directions régionales des
impôts. Le nouveau schéma organisationnel de l’administration fiscale va créer une synergie au niveau du travail des
services et surtout donner lieu à un seul responsable au niveau régional. La multitude des interlocuteurs des contribuables au niveau régional va se diluer dans le concept de l’interlocuteur unique, « patron » des services fiscaux. Les
responsabilités organisées autour des catégories d’impôts comme l’ancienne Taxe sur le Chiffre d’Affaires (TCA) ou
l’enregistrement et timbre se sont transformées en une organisation autour des grandes fonctions de l’administration fiscale. Celle-ci doit suivre et préparer les introductions des propositions du Ministère dans le processus législatif
(structure de la législation), appréhender la matière fiscale à travers les bases de l’assiette (structure de l’assiette) et
du contrôle des déclarations et des entités fiscalisées (structure du contrôle fiscal). Le processus de déconcentration
et le suivi de la matière fiscale au niveau local ont nécessité la création des directions régionales (DRI). A l’intérieur
de ces dernières structures, la différenciation s’est opérée sur le plan organisationnel entre les contribuables particuliers et ceux exerçant une activité professionnelle ou ayant la forme et les activités d’une grande entreprise. Cette
diversification s’est révélée dynamique en matière d’adaptation de l’administration aux besoins spécifiques des différentes catégories de contribuables. L’apparition progressive du dossier fiscal unique et de l’identifiant fiscal unique
constituent des éléments qui peuvent contribuer à délimiter les zones de risque en matière fiscale. Cette approche a
permis d’alléger progressivement la charge de travail des fonctionnaires et pourra aboutir à d’autres avantages et notamment à la simplification des démarches et de contrôle de la matière imposable. Un autre point mérite d’être noté
en tant qu’évolution organisationnelle importante. Il s’agit de la fusion stratégique entre les opérations d’émission
de l’impôt et celles concernant le recouvrement. Cette fonction qui était dévolue à la TGR a été intégrée en grande
partie dans les structures de la DGI. Cette opération a mis fin aux litiges entre deux administrations et a rendu le suivi
des déclarations et des paiements plus facile au niveau de la TVA et de l’IS. Cette évolution a permis de donner un
sens au concept de l’interlocuteur unique qu’attendait le contribuable pour réclamer ou négocier le paiement de ses
impôts ou contester les montants qui lui sont demandés ou pour prétendre à un avantage fiscal. Le télépaiement et
la télé déclaration vont contribuer à l’accélération de ce processus de simplification et de modernisation.
8. L’effet de l’organisation de l’administration fiscale sur
les recettes
La nouvelle organisation de l’administration fiscale et les réformes successives qui ont touché les textes fiscaux ont
eu un effet sur le volume des recettes fiscales. L’examen de l’évolution de ces derniers fait apparaitre une augmentation importante du volume desdites recettes. Les données de la DGI montrent une évolution constante de montants
recouvrés au titre de l’ensemble des impôts dont elle assure la gestion. Le taux d’évolution annuel moyen qui s’est
élevé à environ 8% entre 2006 et 2013 dépassant largement le taux moyen de la croissance du PIB pendant la même
période. Les marges d’évolution des recettes sont toujours importantes au regard de l’ampleur des phénomènes de la
fraude et de l’évasion fiscale. La croissance économique impliquant un élargissement de l’assiette pourrait ouvrir de
nouveaux périmètres d’évolution de la recette fiscale.
Recettes par Impôt
(en millions de DH)
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
Impôt sur les sociétés
24 182
30 013
46 290
42 395
35 114
40 250
43 187
40 754
Impôt sur le revenu
24 386
28 009
33 312
26 728
26 928
27 525
33 418
33 238
TVA à l’intérieur
16 587
20 707
25 817
22 484
26 758
27 727
29 625
30 124
Droits d’enregistrement
7 195
9 331
10 175
9 104
9 992
10 571
13 060
13 454
Autres
2 071
2 286
2 225
2 611
2 962
2 007
3006
3215
Recettes fiscales totales
74 421
90 346
117 819
103 322
101 754
108 080
119934
118 865
Rapport de diagnostic — Transparence et gestion fiscale au Maroc
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II. INFORMATION FISCALE :
LA BASE DE LA TRANSPARENCE
Informer c’est rassurer les contribuables ou les usagers devant une administration qui est souvent considérée comme
étant très puissante et trop technique. Proférer contre quelqu’un la menace de dénonciation au fisc est presque
l’équivalent d’une dénonciation qui a un lien avec un comportement délictueux ou passible du pénal. Informer est
le premier pas dans l’établissement de relations normales avec le public et partant de leur amélioration. S’ouvrir sur
le public à travers son information sur ses devoirs et sur ses droits n’est plus un luxe mais une nécessité pour bâtir
une communication fiable et un dialogue continu. Le droit d’accès à l’information est inscrit dans la Constitution de
2011 qui précise dans son article 27 que « les citoyennes et les citoyens ont le droit d’accéder à l’information détenue
par l’administration publique, les institutions élues et les organismes investis de mission publique ». Le texte constitutionnel rappelle donc que le « droit d’accès à l’information » fait partie des droits et libertés fondamentales. Par
cette disposition, le Maroc se conforme à ses engagements internationaux et notamment la Déclaration Universelle
des Droits de l’homme, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et la Convention des Nations Unies
contre la corruption. Ce pas positif ne peut prendre place dans le paysage institutionnel sans la mise en place d’une
loi organique précisant les différents droits et champs qui seraient investis par le droit à l’information.
1. Le projet sur le droit d’accès à l’information :
avancées et limites
Un projet gouvernemental est déjà adopté par le Conseil du gouvernement depuis le mois de juillet 2014. La note
d’information dudit projet considère le droit à l’information comme un facteur de « renforcement de la démocratie
participative » et un moyen pour renforcer et encourager le citoyen à participer au contrôle de l’activité de l’administration publique et à la prise de décision. Créer un « climat garantissant le libre accès aux informations ayant trait à
l’économie et au marché » est un élément qui ne peut être sans impact sur l’encouragement de l’investisseur national
ou étranger.
La Constitution élève au rang des obligations à la charge de l’Etat la diffusion de l’information. Cette obligation ne
peut être limitée que par la loi et dans les cas prévus dans l’article 27 de la loi suprême du pays. Ainsi, les administrations publiques, la Chambre des Représentants, la Chambre des Conseillers, les Collectivités territoriales, les
établissements publics, les personnes morales de droit public et tout organe investi d’une mission de service public
sont obligés de se soumettre aux dispositions constitutionnelles. Les entreprises publiques qui sont en général des
personnes morales de droit privé demeurent en dehors du champ d’application de la loi sur l’accès à l’information
sauf lorsqu’elles sont investies d’une mission de service public.
Le projet du gouvernement délimite néanmoins le droit d’accès à l’information en imposant l’indication du motif de la
demande. Cette limite n’a pas qu’une signification formelle d’identification mais une réelle portée restrictive d’accès à
l’information. Les informations fournies au demandeur par l’administration ne doivent être utilisées à des fins autres
que celles qui ont figuré sur la demande. La sanction pénale liée à cette restriction est dissuasive et ne peut permettre
l’alignement de la législation marocaine dans le cercle des bonnes pratiques en la matière.
Les administrations procèderaient à la nomination d’un « interlocuteur officiel du public » qui recevrait les demandes,
les étudierait et procéderait à la communication des informations aux demandeurs. S’il est intéressant d’instituer des
procédures dans le traitement des demandes d’information, il est aussi dangereux de mettre en place un système
bureaucratique qui pourrait imprégner un rythme lent et une portée limitée à la qualité de l’information. Le grand
pas qui devrait faire inscrire le Maroc dans l’ouverture dans ce domaine ne pourrait être que dans la publication
spontanée et très active de toutes les informations qui n’ont pas de liens avec les domaines qui relèvent du secret
professionnel et de la protection des droits de l’homme. Cet axe relatif à l’évolution du droit à l’information tant sur
le plan juridique qu’institutionnel serait exposé avec des données qui seraient actualisées dans les versions ultérieures
du rapport de la présente étude.
12
Rapport de diagnostic — Transparence et gestion fiscale au Maroc
2. La spécificité de l’accès à l’information fiscale
La question de l’accès à l’information dans le domaine fiscal n’est pas seulement juridique ou technique. Elle est
d’abord culturelle et sociale et ensuite institutionnelle et technique. Les contribuables marocains ne forment pas un
bloc monolithique et leur relation à l’administration fiscale dépend de beaucoup de facteurs liés à leur situation sociale, à leur niveau d’accès au savoir et à l’éducation, le milieu géographique et la culture qui régit les relations avec
le pouvoir en général. L’accès à l’information par une entreprise structurée n’a pas la même portée que l’accès par
un propriétaire analphabète d’un logement dans un quartier populaire et réalisant un ou plusieurs revenus locatifs ou
d’un nouvel usager de l’administration fiscale ayant opté pour quitter le secteur informel. L’information dans ces deux
derniers cas a une valeur de vulgarisation et même d’éducation. Avoir accès à l’information dans notre contexte revêt
un caractère primordial tant dans l’assurance qu’il introduit dans le comportement des contribuables de modeste
condition que dans le combat contre toutes les formes de l’intermédiation fiscale parallèle. Celle-ci se nourrit de la
peur d’être surtaxé ou surimposé par une administration forte et dont le pouvoir est présenté dans certains discours
comme illimité et de nature makhzénienne.
Ce qu’il faut souligner le plus, c’est que l’ignorance du contribuable de ses droits et obligations sur le plan fiscal,
est un facteur qui favorise les abus et le développement de l’informel. C’est surtout le cas des micros entreprises ou
micro activités à faibles ressources financières, ne pouvant guère s’offrir des prestations et des conseils comptables.
C’est cette masse de contribuables qui se retrouve dans le régime du forfait, terrain propice aux déviations et aux
pratiques douteuses.
Le traitement de la question de l’accès à l’information dans le cadre du présent travail sera tant institutionnel que sociologique. Il ne s’agit pas seulement d’étudier les moyens mis en place par la DGI pour informer, mais aussi d’évaluer
le besoin en information pour une catégorie d’usagers qu’on peut qualifier de vulnérable et ayant un accès difficile
aux mécanismes d’informations disponibles.
3. La communication institutionnelle et ses instruments
dans la pratique de la DGI
La fonction information et communication est assurée par la Division des études et de la communication relevant
de la Direction de la législation, des études et de la coopération internationale. Le travail demandé à cette structure
consiste à diffuser et à vulgariser l’information fiscale et de gérer la documentation qui se rapporte aux impôts et
taxes. La direction qui supervise ce travail est chargée, en outre de répondre aux questions de principe et d’interprétation des dispositions fiscales posées par les contribuables.
La spécificité d’informer un grand public sur la législation fiscale est une tâche très importante qui demande disponibilité et compétence. C’est pour cette raison que la division des études et de la communication accorde un intérêt
particulier à l’encadrement des couvertures médiatiques, à l’organisation des actions de relations publiques et au
suivi des articles de presse. Elle est chargée aussi de gérer et développer les contenus éditorial et informationnel des
portails Internet et Intranet et de veiller à la gestion du fonds documentaire de la DGI. Elle assume, d’autre part, les
tâches d’animation de la communication interne en concertation avec la Division des ressources humaines.
Le but recherché par la communication institutionnelle est d’ancrer le message de la DGI dans son milieu « naturel et
fonctionnel » à savoir le milieu des affaires et les contribuables en général. Les travaux relatifs à ce volet permettent
de faire le bilan en termes d’objectifs atteints et de l’existence sur le paysage de l’information fiscale au niveau national.
Le site web de la DGI, les dépliants et autres documents produits pour le public, les campagnes d’information du
Directeur général à l’occasion des lois de finances et autres occasions de communication constituent des moments
pour se présenter devant le public avec des informations, en principe, fiables, et exhaustives.
L’exemple de la campagne de sensibilisation au sujet de l’annulation des pénalités et des majorations en 2013 a bénéficié d’une attention particulière et a permis à la DGI de communiquer d’une façon intensive (rapport d’activités
2013).
Plus récemment, la mise en place d’un centre d’appel ou centre téléphonqie, opérationnel au mois de septembre
2014, est un pas important vers l’amélioration de la communication au service du contribuable.
Rapport de diagnostic — Transparence et gestion fiscale au Maroc
13
4. La fiscalité est toujours absente dans l’espace
audiovisuel
Marquer sa présence sur tous les supports des medias est un impératif pour toutes les administrations qui ont des
relations très spécifiques et stratégiques avec une part très importante de la population. Le civisme fiscal est certes
une affaire d’éducation et de politique mais qui ne peut être portée que par un véhicule communicationnel régulier
et efficace. La relation avec le contribuable est à construire chaque jour pour atténuer l’ampleur des obstacles au
consentement fiscal. Les actions menées dans ce domaine, bien que louables, demeurent insuffisantes au regard du
déficit à combler en matière de relations avec le contribuable. La nature de ces relations impose une intensification
des opérations d’information et de vulgarisation. Les rencontres avec les organes de presse et l’utilisation de tous
les supports doivent être programmés et préparées d’une manière professionnelle. Ce travail nécessite des moyens
financiers et le recours à des professionnels de la presse et notamment audiovisuelle. L’internet et ses utilisations ne
peuvent combler le retard dans l’accès à l’information et même dans la manière de la réceptionner et de la comprendre. Les trois volets de l’opération à savoir la vulgarisation à travers l’information portée par des moyens adaptés
et efficaces de communication nécessitent plus de travail et beaucoup de régularité. Les moyens financiers doivent
être mis en place pour investir la communication. Cette action s’avèrerait très rentable et portera ses fruits en termes
de changement de comportement à l’égard de l’impôt et en termes de recettes fiscales additionnelles. La communication sur les droits et obligations des contribuables et sur les circuits administratifs relatifs à l’assiette, au contrôle et
aux recours pourrait s’avérer un des principaux moyens de prévention et de lutte contre la corruption.
Les campagnes de communication ne doivent pas se concentrer sur les aspects éducatifs, de vulgarisation et de modification de l’image de l’administration auprès des contribuables. Elles doivent, par ailleurs, utiliser les moyens de
dissuasion contre la fraude et l’évasion fiscales. L’acte de tricher pour ne pas faire face à un devoir citoyen ne doit pas
être banalisé. Les sanctions doivent faire partie du message de l’administration fiscale. L’image de l’administration
est le produit du comportement du fonctionnaire qui établit l’impôt et de celui qui contrôle la conformité des déclarations. La généralisation des jugements est un phénomène qui habite l’opinion publique. Notre culture populaire
renferme des images de cette généralisation et rares sont ceux qui peuvent introduire une dose de doute au sujet des
condamnations des attitudes de certains fonctionnaires. La communication doit pouvoir aider à distinguer entre ceux
qui nuisent à la dignité des citoyens et ceux qui donnent l’exemple en matière de probité et d’honnêteté.
5. Les questions réponses : une pratique à consolider
La DGI a instauré depuis quelques années une fenêtre pour recevoir les questions provenant des contribuables et
même de ses fonctionnaires. Cette pratique ouvre la voie à un travail de recherche et de clarification des textes
fiscaux. Cette pratique est positive et doit prendre plus d’ampleur pour constituer une référence en matière d’interprétation du texte fiscal. Les réponses doivent faire l’objet d’une publication mensuelle à mettre à la disposition des
contribuables et des professionnels de l’impôt. Cette pratique de « questions-réponses » gagnerait en professionnalisme en associant les experts comptables et certains représentants des contribuables. La structure chargée de la
législation fiscale qui est habilitée à émettre les réponses aux questions posées et dont l’avis représente, de ce fait, la
position officielle de la DGI doit s’ouvrir sur les compétences avérées et doit mieux communiquer avec elles. Un guide
sur la manière de poser les questions et une meilleure présentation des réponses formulées pourrait permettre de
mettre des outils adéquats à la disposition des contribuables.
Cette pratique pourrait conduire à la mise en place du « rescrit fiscal » et permettre au contribuable de se prévaloir
de l’avis de l’administration fiscale dans tout revirement en matière d’interprétation du texte fiscal. L’avis rendu par
l’administration devient ainsi une forme de défense des intérêts des contribuables en cas d’interprétation contraire à
celle exprimée précédemment.
Cette pratique peut surtout contribuer à un développement des rapports de confiance, à une meilleure stabilité des
relations entre l’Administration fiscale et les contribuables, prévenir les situations de divergence ou de conflit, sources
de contentieux, et donc alléger la charge de travail des services fiscaux tout en leur permettant de se concentrer sur
le contrôle fiscal qui est le « cœur du métier » de la DGI.
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Rapport de diagnostic — Transparence et gestion fiscale au Maroc
6. Les moyens pouvant permettre d’élargir les moyens
d’accès à l’information fiscale
Une présentation relativement globale des propositions dans ce domaine se ferait à la lumière des débats qui auront
lieu avec les professionnels et les personnes intéressées par le thème. Les éléments présentés ci-après contribuent à
la formulation des premières propositions en la matière :
■■A. l’information sur le caractère déclaratif des impôts
Le caractère déclaratif et « spontané » de la plupart de nos impôts et taxes implique une attention particulière de
l’administration fiscale en matière de contrôle de la régularité des dépôts des déclarations et de leur conformité à la
règlementation en vigueur. Si le dépôt des déclarations semble une pratique tout à fait normale et ayant un caractère
répétitif pour les contribuables exerçant une activité professionnelle, cet acte est souvent considéré comme inhabituel
pour les citoyens appelés à le faire à l’occasion de certaines opérations exceptionnelles dans leur vie. Déclarer un revenu ou un profit relève d’une attitude qui doit être guidée par l’administration dans une atmosphère de confiance.
Informer sur l’acte de déclarer doit être régulier et aussi clair que possible. Les campagnes de vulgarisation et de sensibilisation doivent être régulières et adaptées aux données culturelles du pays. Les messages doivent prendre la forme
d’un appel à un devoir selon des formules qui mettent en valeur l’obligation et le risque de sanctions.
■■B. Promouvoir les relations avec les entités publiques et privées en matière
d’information
Les conventions signées par le ministère de l’économie et des finances avec le ministère de l’éducation nationale, la
CGEM et la fédération des chambres du commerce, de l’industrie et des services ont été considérées lors des assises
fiscales comme un évènement devant permettre un saut qualitatif dans la normalisation des relations des citoyens
avec l’impôt. Les trois entités signataires des trois conventions se sont engagées à promouvoir le civisme fiscal. Cet
engagement passe obligatoirement par un système d’information régulier et efficient.
B.1. La convention avec le ministère de l’éducation nationale
Le préambule de cette convention et de ses considérants sont bien rédigés et sont ambitieuses. Les références aux
grands principes et aux grands objectifs sont mises en relief : • l’article 39 de la Constitution relatif à l’impôt et à la capacité contributive des citoyens ;
• les grands objectifs de l’école marocaine qui visent à faire d’elle « un vrai espace pour la concrétisation des
valeurs morales, des principes de citoyenneté, des droits de l’homme, de l’exercice de la démocratie, du développement de la conscience des droits et des obligations, de la concrétisation de l’amour du pays et le renforcement de la volonté de le servir, et la formation d’un citoyen du futur, droit et responsable ». C’est un grand
programme qui dépasse les capacités actuelles de ce Ministère qui gère difficilement les programmes scolaires
habituels.
• Les grandes orientations générales et les domaines prioritaires contenus dans le plan d’action 2013-2016. L’actualité de la question éducative bouleverse tous les plans et réduit à l’état du simple discours certaines « volontés » mises dans les conventions pour les « embellir » ;
• Les principes prévus par la Constitution et la vulgarisation de la culture du civisme fiscal qui doit « contribuer à
son tour à l’équilibre de la charge fiscale supportée actuellement par un nombre limité de personnes physiques
et morales » ;
• l ‘approche gouvernementale qui prône le développement du civisme fiscal en se basant sur des dispositifs de
lutte contre l’évasion fiscale, l’encouragement des citoyens et des entreprises à adopter une culture de la transparence et de la responsabilité au moyen de la simplification des procédures, de la sensibilisation des acteurs
du secteur informel.
Après avoir fait référence aux textes qui régissent le secteur de l’éducation et ceux relatifs à l’organisation du Ministère
de l’économie et des finances, les deux parties à la convention se sont mis d’accord sur l’objet de cette convention
qui est de « mettre en place un dispositif de sensibilisation au civisme fiscal et la consolidation de la culture au profit
des élèves des établissements de l’éducation nationale et d’enseignement public et également au profit des centres
Rapport de diagnostic — Transparence et gestion fiscale au Maroc
15
de formation relevant du ministère… » . Les élèves relevant du secteur privé ne sont pas explicitement « concernés »
selon l’objet de cette convention pour cette opération de sensibilisation.
Cette convention qui a pris effet le jour de sa signature est « parfaite ». Elle liste la consistance du programme de
collaboration, les engagements des deux ministères (5 pour le MEF et 8 pour l’éducation nationale). Un comité de
réalisation et de suivi est institué, un rapport annuel sur l’avancement de la réalisation des engagements est prévu.
Les articles 8 et 9 ouvrent la possibilité d’amendement, prévoient les modes de gestion des conflits à l’amiable et
prévoient même la possibilité de résilier la convention.
Aucun rapport de suivi ou d’évaluation des avancées réalisées n’existe. La raison est simple. Aucune réalisation n’a
été enregistrée. L’école marocaine n’a pas encore intégré le civisme fiscal dans ses programmes, de même que l’administration fiscale ne peut, en raison du plan de charge de ses ressources humaines, aller vers cette campagne qui
nécessite moyens et disponibilité.
Pourquoi alors se fixer des objectifs irréalisables ? Est-ce juste pour des effets d’annonce ?
Cette initiative reste louable, mais nécessite plus de préparation, notamment au niveau des programmes scolaires.
Certains livres scolaires pourraient constituer un support aux différents messages liant l’apprentissage au civisme.
Quelques leçons dans ce domaine pourraient permettre d’atteindre les objectifs tracés. Le reste, et particulièrement
la vulgarisation, pourrait trouver d’autres supports médiatiques plus efficaces et adaptés à la nature des populations
cibles.
B.2. La convention avec la CGEM
Le dispositif rédactionnel de cette convention est plus précis et véhicule des messages plus politiques et ayant une
portée stratégique. Nous sommes en présence de deux partenaires qui sont dans l’obligation de communiquer avec
un langage bien pesé et fixant des moyens qui répondent aux attentes de l’administration et à celles des partenaires
privés que fédère la CGEM.
L’article 39 de la Constitution est repris avec force ainsi que le « nouvel élan de réforme du système fiscal, en cohérence avec les choix stratégiques de notre pays et les aspirations de la société marocaine ». L’allusion aux faiblesses
structurelles du système fiscal est soulignée ainsi que la volonté de remédier à cette situation qui est « source de
concurrence déloyale entre les entreprises et d’un sentiment d’iniquité parmi les citoyens… »
Le deuxième considérant fait référence à l’article des statuts de cette organisation patronale qui fixent ses attributions
et notamment celles relatives à la « valorisation de l’image de l’entreprise, à travers le renforcement de l’éthique de
l’acte d’entreprendre ainsi que de sa dimension citoyenne ». Le troisième considérant rétablit l’équilibre rédactionnel
en insistant sur l’article 8 du décret du 23 octobre 2008 relatif aux attributions et à l’organisation du Ministère de
l’Economie et des Finances et notamment les dispositions relatives à la mise en œuvre des moyens de prévention et
de lutte contre la fraude fiscale à travers la Direction Générale des Impôts.
Les engagements réciproques des signataires sont équilibrés. Le MEF s’est engagé à mobiliser les ressources humaines
nécessaires pour l’animation des séances d’information et de sensibilisation, l’élaboration des guides pratiques et
notamment à faciliter l’accès à l’information. Cet accès se fera au moyen de la réponse régulière et structurée à la
question des entreprises, à la poursuite de la clarification des textes fiscaux, à l’enrichissement de la base de la doctrine fiscale et à la publication des statistiques fiscales. Les Directions Régionales des Impôts seront sensibilisées à une
meilleure relation avec les contribuables. La CGEM s’est, de son côté, engagée à mobiliser les entreprises, à préparer
logistiquement les séances d’information et à participer à l’élaboration des guides didactiques. Des dispositions relatives à la gouvernance des relations entre les parties signataires de la convention ont été prévues (article 5) ainsi que
les modalités du reportant (article 6). La coordination sera à la base de toutes ces dispositions et un rapport annuel
sera élaboré pour retracer l’avancement dans la réalisation des engagements.
A noter qu’à part les relations traditionnelles DGI-CGEM, aucun cadre nouveau n’a encore été mis en place.
B.3. Convention avec la fédération des chambres marocaines de commerce, de l‘industrie et des services
La Convention avec cette fédération revêt un caractère particulier. Si le préambule et les considérants sont presque
les mêmes que ceux intégrés dans les deux premières conventions (Education nationale et CGEM), l’allusion à la couverture du territoire national par les 28 chambres constitue un élément favorable pour la réussite de la stratégie de
développement du civisme fiscal. Le facteur « proximité » donne à cette fédération une possibilité de contact permanent avec les entreprises. L’autre élément « fort » que la convention ne met pas en avant, réside dans le fait qu’une
partie de la classe politique provient des chambres professionnelles et que les partis font des élections profession-
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Rapport de diagnostic — Transparence et gestion fiscale au Maroc
nelles un terrain de conquête de leurs sièges à la chambre des conseillers. Un cinquième des conseillers représentent
ces chambres. Certains représentants des trois cinquièmes représentant les collectivités territoriales figurant parmi les
professionnels membres desdites chambres. C’est une des voies qui peut constituer un relai tant au niveau législatif
qu’au niveau de l’information et de la sensibilisation des entreprises à tous les niveaux.
Le « programme collaboratif » de promotion du civisme fiscal est donc le moyen choisi pour diffuser l’information
et propager la sensibilisation destinée « aux ressortissants » des chambres professionnelles. L’utilisation du vocable
« ressortissant » est significative de l’importance qu’accorde le Ministère de l’Economie et des Finances à ces structures. Les chambres de commerce sont influentes mais ne disposent pas des ressources nécessaires pour faire face à
l’ensemble des prérogatives et pouvoirs qui leur sont dévolus par la loi 12/38 portant statut des chambres de commerce, d’industrie et des services. Le mode des élections de leurs instances ne fait aucune différence entre les entités
ayant un poids économique et celles ayant une taille très minime.
Les sept articles de la convention sont les mêmes que ceux contenus dans celle signée avec la CGEM.
Les différentes conventions signées doivent, en principe, être suivies et évaluées. Notre culture administrative et
managériale accorde une importance particulière à la cérémonie de signature et met souvent les outils et la réalité
du suivi à un rang secondaire. Les trois conventions signées à Skhirat constituent une avancée très importante dans
l’installation d’un climat d’entente et de coopération avec le monde des affaires. Les ambitions sont permises mais
la réalité sur le terrain réduit d’une manière substantielle le contenu des ambitions. Les ressources humaines et les
préoccupations, souvent en déphasage, des signataires des conventions rendent la réalisation des engagements hypothétique voire impossible. Les avancées dans la relation de l’administration fiscale avec l’entreprise en particulier
et le contribuable en général dépendent d’autres facteurs. Les changements des comportements et des attitudes
des structures administratives et la qualité des décideurs sont des éléments primordiaux dans l’évolution du degré
de transparence de la gestion publique et dans l’ouverture de l’accès à l’information des citoyens. L’impact des engagements internationaux peut, parfois, s’avérer plus grand que les dispositions ou les recommandations issues des
instances ou conférences nationales. Jusqu’à présent, et à l’exception des relations continues avec la CGEM (représentant le patronat), les conventions avec les autres signataires ne semblent pas donner lieu à une concrétisation des
engagements pris. La CGEM est dans une dynamique relationnelle avec le Ministère de l’Economie et des Finances et
ses différentes directions dont notamment la DGI. Les réunions et les débats sont constants et la coordination connait
un rythme régulier.
Nous avons jugé utile de lister en annexe l’ensemble des engagements des différents partenaires à ces conventions
et ce, pour pouvoir mesurer, au terme de ce travail, le niveau d’application des différents objectifs introduits dans les
textes signés solennellement.
Le rôle des entreprises dans la transparence de la gestion fiscale
Parmi les avancées que nous pouvons qualifier de prometteuses dans le domaine de la transparence, figure l’initiative
de la CGEM de mettre en place sa charte de responsabilité. Cette structure patronale est un acteur qui tend à moderniser les moyens d’existence de l’entreprise dans son paysage politique et professionnel. Elle a constitué, pendant
ces dernières années, une force « politique » en tant que force de proposition en matière économique, financière
et sociale. Son siège et ses instances sont de plus en plus présents dans le débat national. Les déclarations de ses
dirigeants sont prises au sérieux et certaines d’entre elles sont rangées dans le positionnement politique par rapport
à l’actuel gouvernement.
La CGEM a mis en place une charte de responsabilité sociale dont les dispositions doivent être observées. Les engagements par ses membres d’une « façon responsable et continue… ». Et notamment dans les domaines de la
transparence du gouvernement d’entreprise et de prévention de la corruption. Les engagements relatifs à ce dernier
point méritent d’être exposés :
• S’interdire tout comportement consistant à, directement ou indirectement, promettre, offrir, solliciter ou accorder des paiements illicites ou des avantages indus en vue d’obtenir ou de conserver un marché ou tout autre
avantage irrégulier ou illégitime ;
• Ne pas offrir, ni accepter de verser à des agents publics ou privés, ni à leurs proches des paiements, commissions
occultes ou cadeaux en contrepartie de l’obtention ou de la modification d’un contrat de biens ou de services ;
• Rendre visibles, par des moyens appropriés, les principes et l’action de l’entreprise contre la corruption et l’extorsion ;
• Sensibiliser les salariés aux mesures prises par l’entreprise pour lutter contre la corruption et l’extorsion et promouvoir le respect de ces dispositions par les salariés au moyen d’une information adéquate, de programmes
de formation et de procédures disciplinaires.
Rapport de diagnostic — Transparence et gestion fiscale au Maroc
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III. ACCUEIL ET GESTION DES RÉCLAMATIONS
Avant de procéder à l’examen de l’importance de la gestion des réclamations dans l’établissement d’une relation
de confiance avec l’usager ou le contribuable, il apparait opportun d’exposer les principes directeurs en matière de
réclamations selon la norme ISO 10002 : 2004.
La norme ISO 10002 : 2004 « Lignes directrices pour le traitement des réclamations dans les organismes »
fait partie intégrante du référentiel qualité ISO 9000. Cette norme associée définit les exigences clés pour
gérer avec succès le processus de traitement des réclamations. Elle édicte, à cet égard, neuf principes
directeurs, à savoir :
·Visibilité : les clients, employés et autres parties associées doivent savoir comment et où formuler une
réclamation.
·Accessibilité : le processus de traitement des réclamations doit être facilement accessible à tous les réclamants (informations associées rédigées dans un langage clair, facile à comprendre et à utiliser).
· Réactivité : il convient d’accuser réception immédiatement de chaque réclamation auprès du réclamant.
·Objectivité : chaque réclamation doit être traitée de manière équitable et objective tout au long du
processus de traitement des réclamations.
·Frais : les frais relatifs au processus de traitement des réclamations ne doivent pas incomber au réclamant.
·Confidentialité : il convient de ne pas divulguer les informations à caractère personnel du réclamant
sans son consentement express.
· Approche orientée client : l’organisme encourage les retours d’informations, y compris les réclamations,
et démontre par ses actions son engagement à résoudre les réclamations.
· Responsabilisation : l’organisme établit clairement les responsabilités et délégations pour les actions et
les décisions de l’organisme concernant le traitement des réclamations.
· Amélioration continue : il convient que l’amélioration continue du processus de traitement des réclamations et de la qualité des produits/services soit un objectif permanent de l’organisme.
1. Importance de la réclamation dans la relation fiscale
La réclamation constitue un des moyens du recours citoyen contre les décisions de l’administration. L’administration
fiscale a commencé à publier les données sur le traitement des déclarations dans le cadre de son rapport annuel d’activités. La DGI a placé le traitement des réclamations des contribuables au centre de sa vision stratégique. La résorption des stocks de réclamations a été un objectif à atteindre à travers la fixation d’un volume de traitement de dossiers
et une délégation des pouvoirs aux subdivisionnaires. Selon les derniers chiffres disponibles, le stock des réclamations
a atteint en 2013 un nombre de 32 104 réclamations soit une augmentation de 23,80% par rapport à 2012.
La réclamation a une relation directe avec le contentieux fiscal. Plus ce dernier prend des dimensions importantes,
plus grand devient l’afflux des réclamations. La réclamation est en elle-même un signal fort de la compréhension des
textes fiscaux et du refus de l’usager d’un niveau d’imposition qui lui est réclamé. C’est aussi un des moyens pour
mesurer le consentement à l’impôt et partant l’adhésion à un système d’imposition. Le traitement des réclamations
est aussi révélateur de l’état des ressources humaines et du degré de professionnalisme de ceux qui sont chargés des
dossiers et notamment au niveau de l’assiette. Il reflète, par ailleurs, la disponibilité de l’administration à traiter avec
le contribuable dans des délais qui pourraient emporter sa confiance et rehausser son degré de satisfaction.
Sur un plan sociologique et même psychologique, la réclamation est aussi une expression qui fait référence à un
système relationnel forgé par des décennies de perception d’images négatives sur la relation avec l’administration
fiscale. L’imaginaire social emmagasine des comportements et des comparaisons avec le voisin, le collègue et même
le concurrent et comment ils ont réussi à payer moins. L’arrivée du bulletin des impôts est souvent un début de
questionnement par « l’imposé » et même d’une enquête pour voir combien les autres ont payé pour le même objet. C’est une question qui a une relation directe avec le pouvoir discrétionnaire de l’administration et avec le texte
fiscal qui ne permet pas, dans beaucoup de cas, une application de la norme loin des appréciations subjectives du
responsable fiscal. Le point qui a reçu le moins d’appréciations positives au niveau de l’enquête sur la satisfaction des
usagers est celui relatif aux réclamations.
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Rapport de diagnostic — Transparence et gestion fiscale au Maroc
2. La gestion des réclamations par la DGI
Dans son rapport annuel au titre de l’année 2013, la DGI réserve un chapitre aux réclamations. La lecture des données
relatives à cette importante question relève que La taxe d’habitation et la taxe professionnelle constituent la principale
composante des stocks des réclamations (impôts locaux gérés pour le compte des collectivités territoriales). Cette
situation constitue un indicateur très significatif de l’impact de la persistance de l’absence d’une référence en matière
de détermination des valeurs locatives des immeubles. Le caractère déclaratif d’un grand nombre d’impôts constitue
un champ de discorde en matière de déclarations. Le cas des prix de cession des biens immobiliers qui servent comme
base de détermination du profit imposable est un exemple récurrent en matière contentieuse. Les modifications du
texte fiscal ne sont pas toujours suivies par les contribuables. La complexité du cadre juridique amplifie les phénomènes d’incompréhension et les problèmes d’interprétation des dispositions fiscales. Cette situation est aggravée
d’une part par la faible simplification/harmonisation des procédures administratives de gestion, d’autre part par le
déficit actuel de communication et de vulgarisation de la part de l’Administration fiscale.
Les tableaux ci-après permettent de lire l’évolution du traitement des réclamations :
Tableau 1 : évolution du stock des réclamations entre 2008 et 2013
Année
2008
2009
2010
2011
2012
2013
Stock initial (1)
127 057
132 129
128 117
129 995
73595
25 920
Dossiers reçus (2)
64 564
67 840
69 800
77 981
89231
81 172
Dossiers liquidés (3)
59 492
71 852
67 922
134 381
136 906
74 988
Stock final
132 129
128 117
129 995
73 595
25920
32 104
31,0%
35,9%
34,3%
64,6%
84%
70,0%
Taux de liquidation
(3) / (1) +(2)
Source : statistiques de la DGI
Tableau 2 : composition des réclamations traitées au cours de 2013
Nombre de
réclamations
traitées
%
19 744
26,33
Taxe professionnelle
9 086
12,12
Impôt sur le revenu (forfait)
21 467
28,63
IR/PF
9 844
13,11
Impôt sur les sociétés
3 506
4,68
TVA
2 985
3,98
Droit d’enregistrement et de timbre
1 641
2 ,18
74 988
100,00
Nature d’impôts
Taxe d’habitation et taxe de services communaux
TOTAL
Source : Direction Générale des Impôts
En matière de taxe d’habitation, de taxe des services communaux ou de taxe professionnelle, les estimations basées
sur la simple appréciation du responsable fiscal ne peuvent constituer une base objective de la détermination de la
valeur locative. Les textes dans ce domaine sont dépassés et leur application stricte pourrait absorber un temps très
important de l’emploi du temps des agents. Les données relatives à la liquidation des réclamations permettent de
constater le nombre important de dossiers traités (74 988). Le rapport ne permet pas de lire l’issue des traitements
et le degré de recouvrement des droits des contribuables (nombre de demandes rejetés, nombre de demandes et de
situations régularisées). L’évolution vers une fiscalité reformée au niveau régional et local pourrait permettre de soulager la DGI de cette tâche locale qui constitue une charge réelle sur les agents. Les assises de la fiscalité locale ont été
annoncées depuis 2013. Une réforme moderne, assise sur des référentiels adaptés à chaque région, pourrait alléger
le contentieux et partant les réclamations en matière de taxe d’habitation et de taxe professionnelle.
Rapport de diagnostic — Transparence et gestion fiscale au Maroc
19
Les efforts de la DGI dans le domaine du traitement des réclamations sont certes sérieux et visent à résorber les stocks
et à donner un maximum de délégation de pouvoir aux responsables locaux et à assigner à chaque gestionnaire un
nombre déterminé de dossiers contentieux à traiter chaque semaine. Ce travail gagnerait néanmoins en efficacité,
à travers une évaluation permanente des actions, et surtout une formalisation des processus de traitement de la
réclamation. Renforcer le suivi est une des clés du renforcement de la relation de confiance entre l’administration et
l’usager et un moyen de communiquer sur du concret.
3. Les pistes d’amélioration du traitement de la
réclamation
Les études menées par les différentes institutions qui ont eu à traiter de la question fiscale au Maroc ont tous insister
sur l’amélioration de la prise en charge « automatisée » de toutes les réclamations, de répondre dans des délais raisonnables et fixés en fonction d’une catégorisation des dossiers et de mettre en place un document électronique de
référence (doctrine et jurisprudence) pour faciliter le travail des agents et notamment les nouveaux recrutés. L’accusé
de réception est le document clé dans ce processus d’établissement de la confiance et de fluidification des circuits de
l’information fiscale. Une solution informatique pourrait permettre aux directeurs de suivre l’évolution du traitement
et de prendre les mesures qui s’imposent pour accélérer le traitement dans telle ou telle région du pays. L’autonomie
et le suivi doivent être au centre de la délégation des pouvoirs aux différents responsables et à tous les échelons. La
résolution d’un problème lié à une réclamation peut se faire au niveau du responsable du service selon un référentiel
commun et un suivi dynamique. Le responsable supérieur pourrait à n’importe quel moment de la procédure intervenir, même à distance, pour s’assurer du respect de la norme et de la procédure fiscale et pour éviter la création d’une
zone de risque, notamment en matière de clientélisme et de corruption.
IV. LA DÉLIVRANCE DES ATTESTATIONS
La délivrance des attestations aux contribuables constitue une des fonctions les plus sensibles de l’administration
fiscale. Le travail portera sur une catégorisation des attestations pour distinguer celles qui peuvent être délivrées immédiatement et celles qui ont besoin d’un travail de recherche de la part de l’administration fiscale. La délivrance des
attestations constitue une des zones à risques dans le rapport de l’administration avec les usagers.
Bien que la délivrance des attestations constitue une tâche relativement importante dans le travail de l’administration
fiscale, le suivi du nombre de documents délivrés dans ce domaine n’est pas assuré.
Standardiser les conditions d’obtention des attestations concernant notamment les exonérations et dématérialiser,
autant que peut, permet de réduire le risque de corruption ou d’abus de pouvoir.
Le travail de recherche et les travaux d’investigation auprès des directions régionales des impôts pourraient permettre
de décrire d’une façon détaillée les procédures et la typologie des attestations et de décrire le cheminement de préparation des attestations. Les réunions avec les professionnels et les chercheurs pourraient permettre de collecter les
observations et les recommandations dans ce secteur du travail fiscal.
20
Rapport de diagnostic — Transparence et gestion fiscale au Maroc
V. LE TEXTE FISCAL
ET LA SIMPLIFICATION DE LA LECTURE Les débats qui se sont déroulés lors des assises fiscales de 2013 ont permis de formuler une recommandation concernant la clarification des textes et ce, dans le cadre du quatrième panel relatif à l’administration fiscale avec ses usagers
et notamment de l’axe relatif à la clarification des textes et le pouvoir d’appréciation de l’administration fiscale. La
synthèse du débat a mis en relief l’impact du manque de clarté sur la marge d’interprétation de la législation. La lecture se fait actuellement à la seule lumière de l’ « expertise » acquise par les agents de l’administration qui s’appuient
sur une note circulaire d’application des dispositions de la loi de finances adoptée chaque année. La complexité croissante de la question fiscale finit par créer des zones d’autonomie en matière d’interprétation. Seules les entreprises
bien encadrées et disposant d’un personnel ou de conseillers expérimentés peuvent faire face à l’interprétation de
l’administration. La quatrième proposition à ce niveau est très simple : « Clarifier les textes fiscaux ». La recommandation qui a été proposée, a porté sur l’encadrement du pouvoir d’appréciation de l’administration et la clarification
des textes. Les développements sur les propositions des panelistes se sont limités au rescrit fiscal, à la publication des
barèmes de référence en matière immobilière, à l’accélération de la dématérialisation des procédures et à la publication de la jurisprudence en matière de contrôle et de contentieux fiscal. Pour le rescrit fiscal, la DGI a commencé à
répondre aux questions des contribuables et à leur exposer les solutions possibles à leur cas, sans que cela constitue
pour autant un véritable engagement au sens du rescrit.
La lecture des textes fiscaux n’est pas une tâche accessible aux personnes n’ayant pas une formation de base ou une
certaine pratique de l’impôt. Le langage technique utilisé ne peut, par ailleurs, être simplifié jusqu’à atteindre des
degrés de compréhension à la portée de tout le monde. La matière fiscale reste dans une large mesure technique
et juridique et tout travail de vulgarisation ne peut la rendre intelligible à tous les citoyens. Il reste vrai que le travail
de vulgarisation pourrait couvrir des volets ayant un lien direct avec le droit des citoyens, les délais liés à certaines
procédures, les cheminements de certains dossiers, la lutte pour l’accès à l’information, la réduction du pouvoir discrétionnaire de l’Administration fiscale et donc la lutte contre la corruption.
La normalisation du texte et la limitation des pouvoirs :
Chaque fois qu’un texte juridique donne un pouvoir discrétionnaire à une administration ou à un responsable, une
zone de risque se crée objectivement et rend difficile l’exercice des contrôles internes ou externes. Le pouvoir discrétionnaire est l’allié incontournable du pouvoir d’appréciation du cadre d’application des règles de droit. Apprécier
une valeur locative ou foncière ou la part dissimulée d’un revenu donne à celui qui détient la capacité de le faire un
pouvoir très large. Le risque peut se présenter sous forme d’une utilisation de ce pouvoir pour créer des relations de
corruption comme il peut donner lieu à une atteinte aux droits de la communauté. Le « double avantage personnel »
tiré par le corrupteur et le corrompu se fait au détriment de la collectivité. C’est tout à fait l’effet inverse de la « main
invisible » d’Adam Smith.
Rapport de diagnostic — Transparence et gestion fiscale au Maroc
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VI. CONTRÔLE FISCAL Le contrôle fiscal constitue un des domaines qui a soulevé le plus de questions dans la relation du contribuable à
l’administration fiscale. Ce contrôle est souvent vu et vécu comme étant un pouvoir discrétionnaire de l’administration et une des manifestations de la présence de l’Etat dans la régulation des rapports politiques et sociaux. Un
contrôle fiscal est souvent associé à une « correction » ou « punition » d’un adversaire politique ou d’un adversaire
tout court. Il peut être le fait de dénonciations entre concurrents dans une branche d’activités, comme il peut être un
moyen d’impliquer l’administration dans des confrontations politiques. A défaut d’un système de programmation au
contrôle fiscal qui limite le pouvoir discrétionnaire de l’administration fiscale, les opérations de contrôle fiscal et les
redressements générés par ces opérations sont, parfois, vécus comme une vengeance politique ou sociale.
Le dernier rapport d’activités de la DGI a introduit un critère de choix en matière de programmation des vérifications
fiscales. Il s’agit des dossiers qui représentent un fort enjeu fiscal. Une procédure clairement définie, se basant sur
l’approche risques, un référentiel en matière de choix des entités à contrôler ou à vérifier, est une nécessité pour un
maximum de transparence et un minimum de risque en matière de choix arbitraire des entités à contrôler. Les facteurs qui peuvent pousser à la programmation des contrôles doivent avoir un lien direct avec l’existence de risques
et d’indices de violation de la législation fiscale. Les comparaisons entre les ventes et les bénéfices, les déclarations
successives de pertes et le maintien d’un rythme de vie de l’entreprise ou du contribuable en contradiction avec la
fragilité des comptes. La notion des signes extérieurs de richesse doit devenir un des moyens essentiels de recherche
de la nature de la relation à l’impôt.
1. La charte du contribuable dans le cadre du contrôle fiscal
Il y a certes un besoin réel pour cerner la matière fiscale et une nécessité de lutter contre la fraude fiscale ou au minimum rectifier des erreurs qui ne sont pas intentionnelles, mais il est impérieux de fixer un cadre claire et transparent
pour l’exercice du contrôle fiscal. La charte du contribuable dans le cadre du contrôle fiscal est certes un document
d’une grande importance qui énonce des principes fondamentaux, des droits et des obligations et qui ouvre la voie à
des accords à l’amiable, mais la question qui reste sans réponse est celle liée aux critères de choix des entités à contrôler. A noter que les dossiers réglés à l’amiable évolue substantiellement d’une année sur l’autre. Les chiffres avancés
dans ce domaine avoisinent les 90%. Cette situation appelle une vigilance particulière du déroulement des étapes du
compromis et de la transparence qui doit l’encadrer. Les tentations ou les risques de corruption sont grands durant ce
point d’aboutissement crucial d’un processus « douloureux » pour le contribuable et sa machine comptable.
2. L’apport de la charte du contribuable
La pratique en matière de contrôle évolue progressivement vers des relations « contractuelles » dans le cadre du
contrôle fiscal. La charte du contribuable est ce document qui est devenu obligatoire et nécessaire pour établir des
relations règlementées entre l’administration fiscale et l’entité à contrôler. Présente-t-elle les garanties nécessaires
pour offrir au contribuable tous les moyens pour faire valoir ses droits dans le cadre du déroulement du contrôle ? La
lecture du texte de cette charte fait apparaitre les droits et les obligations du contribuable durant toute la procédure
de la vérification. Toutes les étapes sont décrites « au début, en cours et à la clôture » de la vérification. Les droits et
obligations sont aussi exposés en cas de procédure normale ou accélérée de rectification des bases d’imposition ainsi
qu’en cas de procédure judiciaire suite à la rectification desdites bases. La charge de la preuve incombe au contribuable ou à l’administration fiscale selon les situations, mais l’appréciation de l’irrégularité grave est toujours un droit
de l’administration. La charte prévoit aussi le cadre de l’accord à l’amiable. La charte énonce au niveau de son titre
premier les principes fondamentaux qui sont au nombre de six à savoir :
• Présomption de bonne foi ;
• Reconnaissance du droit de contrôle de l’administration ;
• Garantie de contrôle selon une procédure légale ;
• Droit de défense selon une procédure contradictoire ;
• Droit d’être assisté par un conseil au choix ;
• Obligation de conservation des documents comptables.
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Rapport de diagnostic — Transparence et gestion fiscale au Maroc
3. Observations à propos de la charte du contribuable
Les principales observations qui peuvent être formulées au sujet de cette charte portent d’abord sur le droit d’être
assisté. Ce droit qui permet à la personne vérifiée de se faire assister de « choisir librement aussi bien le titre que
l’effectif des personnes pouvant remplir ce rôle d’assistance » crée une disparité dans le traitement des vérifiés. Les
PME et les entreprises en difficulté ou celles n’ayant pas les moyens de supporter les coûts de l’assistance ne peuvent
disposer des moyens de défense dans les mêmes conditions que celles ayant des capacités financières importantes.
Les conseillers fiscaux, dont une partie a exercé dans l’administration fiscale, sont outillés en matière de procédures
et peuvent constituer un point de force en faveur de ceux qui paient plus et mieux. La conservation des documents
comptables peut constituer un point de faiblesse pour les PME. Même les administrations les plus outillées en matière
de moyens d’archivage peuvent rencontrer des difficultés pour assurer la conservation des documents. L’archivage
électronique agréé peut alléger la tenue des archives. En France, et depuis 1983, les originaux de la comptabilité sont
bien les fichiers électroniques et non pas les éditions comptables comme les journaux ou les grands livres. La sécurisation des procédures d’archivage demeure très importante et exige de la part de l’administration fiscale un suivi
professionnel et des compétences.
L’autre point qui constitue un réel problème pour les entreprises est celui lié aux délais des vérifications. La charte
prévoit des délais qui peuvent aller de 6 à 12 mois. Le seuil des 50 millions de chiffre d’affaires est retenu par la charte
pour déterminer le pallier de la durée possible pour la vérification. La présence des vérificateurs est toujours vécue par
les entreprises et surtout par celles qui travaillent selon des normes comptables transparentes comme un exercice difficile. La mobilisation autour de la mission des vérificateurs est totale et crée, parfois, une suspicion dans les relations
de certains agents de l’entreprise avec la mission de vérification.
Au-delà des remarques soulevées, la charte demeure un instrument qui clarifie certaines zones d’ombre qui ont existé
dans le passé. Elle n’enlève pas le pouvoir d’appréciation à l’administration, mais le limite à des cas déterminés et
notamment lorsque :
• « la comptabilité présente des irrégularités graves ou lorsqu’elle présente des insuffisances au niveau des chiffres
d’affaires ;
• Les bénéfices ont été transférés par une entreprise disposant de liens de dépendance avec d’autres entreprises ;
• l’importance de certaines dépenses engagées ou supportées à l’étranger par les entreprises étrangères ayant
une activité permanente au Maroc n’apparait pas justifiée ».
La charte précise que la procédure de vérification est frappée de nullité lorsque l’inspecteur ne répond pas aux observations du contribuable dans un délai de 60 jours. Elle précise, par ailleurs, que les requêtes de pourvoi devant la
Commission Locale de Taxation(CLT) doivent être adressées par les contribuables à l’inspecteur qui doit les adresser à
cette commission dans un délai de 4 mois. Ce délai peut paraitre très long comparé à celui accordé à l’Administration
fiscale, rejetant partiellement les bases d’imposition, pour présenter un recours devant la CLT.
4. Les observations du CESE sur le contrôle fiscal
Les observations relevées par le CESE sur la pratique du contrôle fiscal au Maroc sont édifiantes. Les écarts entre les
positions de l’administration et le contribuable sont imputables tant au comportement du contribuable, à celui de
l’administration fiscale qu’à la qualité de la règle fiscale. L’accord amiable est choisi en tant que la moins mauvaise des
solutions et « par manque de confiance dans les procédures administratives et judiciaires ». Les termes utilisés dans
ce rapport sont forts et méritent d’être relevés pour éclairer les débats autour de la problématique de la transparence
fiscale :
• « retard dans la mise en œuvre effective, à tous les niveaux, du principe d’«application mesurée de la loi fiscale
» et qui se reflète principalement dans la lente diffusion des « bonnes pratiques » de contrôle et se traduit par
des redressements souvent jugés disproportionnés par rapport aux performances du contribuable et dont plus
de la moitié est souvent abandonnée finalement par voie transactionnelle. »
• L’accent est mis au niveau de cette observation relative à l’application « mesurée » de la loi. Il fait du déficit
dans la capitalisation des bonnes pratiques une raison qui vide le contrôle fiscal de son contenu. L’abandon de
presque la moitié des redressements se fait par voie transactionnelle.
Rapport de diagnostic — Transparence et gestion fiscale au Maroc
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• « Les voies de recours prévues sont fréquemment décevantes. En effet, la complexité ne profite à aucun des
acteurs du contrôle fiscal et traduit l’impuissance à obtenir des décisions doctrinales profondes et durables, et
ce bien que le peu de données disponibles sur les procédures au niveau des commissions et des tribunaux interdisent de porter un jugement définitif sur le fonctionnement de ces commissions. »
• Toutefois, force est de constater que le recours à l’accord amiable ne permet pas de disposer de positions jurisprudentielles constantes permettant de clarifier la règle fiscale. Il ne se traduit pas non plus par la rectification
par les contribuables des situations objet des redressements retenus au titre de la période post contrôle. »
Le texte du CESE, qui reflète en effet l’avis d’une grande partie des professionnels qui sont généralement dans l’action
et la proximité de la chose fiscale, met en relief l’impact négatif de l’accord à l’amiable à la doctrine fiscale. Le quotidien de la gestion fiscale ne permet malheureusement pas d’enrichir la jurisprudence en la matière.
5. L’apport en recettes du contrôle fiscal
Le contrôle fiscal a d’abord essentiellement une fonction de persuasion et non pas d’augmentation directe des recettes fiscales. Actuellement, le nombre de vérificateurs, inférieur à 350, au niveau national, ne permet guère de faire
efficacement face à la fraude fiscale.
Le contrôle fiscal (sur pièces et sur place) a rapporté 7,8 milliards de dirhams en 2012 contre 9,6 milliards de dirhams
en 2013, soit une progression de 22, 45%. Selon les prévisions, le contrôle fiscal ne donnerait pas lieu en 2014 à un
bouleversement des recettes fiscales. Le rapport d’activités de la DGI de 2013 relativise cette progression très importante en signalant le fait que cette performance s’est faite en dépit du manque d’effectifs suffisants. Les accords à
l’amiable ont représenté en 2013 environ 98,3% des droits recouvrés suite à des contrôles sur place. Ces droits ont
atteint environ 4,9 milliards de dhs. Les décisions des commissions de taxation qui symbolisent les lieux du recours
citoyen devant les excès de l’administration n’ont porté en 2013 que sur 0,74% des droits recouvrés contre I,9% en
2012 soit un recul d’environ 53,65%. Est-ce un recul dans la confiance envers les commissions ? Ce recul du rôle des
commissions a sûrement une relation avec leur degré d’efficacité et surtout avec le choix de plus en plus grand de
l’accord à l’amiable. Les droits émis suite à des décisions des commissions ont, par ailleurs, connu une variation de
164,43%.
6. L’accord à l’amiable entre la souplesse
et la zone de risque
L’accord à l’amiable est certes une des voies d’aboutissement des contrôles fiscaux. Il est toujours préférable, pour
des raisons d’efficacité, de recourir à la résolution des problèmes opposant l’administration aux contribuables par des
voies économisant le temps contentieux et épargner aux parties de recourir au juge administratif et d’éviter d’aller
vers les commissions locale et nationale. Le temps est précieux pour l’entreprise et pour le recouvrement des recettes
fiscales. Le principe de l’accord à l’amiable est accepté et ne peut qu’emporter l’adhésion des acteurs de la scène
fiscale. Le seul problème qui fait de l’accord à l’amiable un risque au niveau de la gestion fiscale est celui relatif à l’absence d’un cadre juridique devant retracer l’opération de liquidation des montants à régler d’un commun accord. Le
risque est d’abord lié au degré d’écart entre le montant des droits devant être recouvrés et les montant qui découlent
de l’accord à l’amiable. Cet écart peut constituer un danger pour l’équité fiscale et pousser les contribuables respectant la réglementation fiscale à opter pour les voies pouvant mener au contentieux et partant à l’accord à l’amiable.
La décision d’opter pour un accord à l’amiable doit être encadrée afin de ne pas faire de cette procédure un acte
discrétionnaire et un moyen de recherche de solutions préjudiciables aux intérêts du trésor public. Ce cadre doit faire
l’objet d’un travail d’établissement de procédures et de normes objectives et limitatives des possibilités de détournement de l’accord à l’amiable à des fins non conformes à la loi. L’expérience de certains pays dans le domaine de
l’accord à l’amiable fait ressortir une délimitation des champs de cet accord. La fraude fiscale relève parfois du pénal
et pourrait donner lieu à des sanctions privatives de liberté. Les droits de la communauté nationale ne peuvent faire
l’objet d’un accord à l’amiable. Le CGI prévoit d’ailleurs les cas qui constituent un délit pénal. Néanmoins, la complexité des procédures prévues pour déclencher des poursuites pénales vide le principe de sa force et le rend inapplicable.
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Rapport de diagnostic — Transparence et gestion fiscale au Maroc
7. Le contrôle fiscal et la gestion des ressources humaines
Le contrôle fiscal connait de réelles difficultés en matière de ressources humaines. Les départs à la retraite de vérificateurs, souvent expérimentés, créent des vides et pourraient avoir un impact négatif sur le nombre des contrôles
et partant des recettes liées à des pratiques frauduleuses ou liées à l’évasion fiscale. Le nombre de dossiers vérifiés a
connu une diminution drastique en 2013. De 1774 dossiers vérifiés en 2012, ce nombre est passé à 1415 dossiers
en 2013. Cette diminution n’a pas eu un impact sur les recettes. La bonne programmation a pu combler le déficit en
ressources humaines. Le ciblage des dossiers à fort enjeu fiscal a, selon la DGI, permis de ne pas subir les effets de
départ des vérificateurs.
La gestion prévisionnelle des ressources humaines a été élevée au rang des priorités de la DGI. Cette administration
dispose (selon les données du rapport 2013) de 4735 personnes dont 44% femmes. 88% de l’effectif total sont
affectés dans les services extérieurs.
Le contrôle fiscal ponctuel introduit récemment dans le CGI permet le ciblage et renforce la dimension persuasion.
Le contrôle fiscal est un moyen de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales. Il est le seul moyen pour contrer un
phénomène qui prive l’Etat de moyens financiers très importants. La lutte pour l’équité fiscale est d’abord une lutte
contre ceux qui ne paient pas l’impôt selon leurs capacités contributives. Elle est, en outre, une lutte contre le façonnement du texte fiscal suivant le poids que représentent certains lobbys qui font supporter aux revenus moyens l’essentiel de la charge fiscale. Renforcer le contrôle ne veut pas dire alourdir le poids des procédures sur les entreprises,
mais les pousser à la transparence. Cet objectif ne peut être atteint par la seule procédure de la vérification fiscale. Les
autres instruments de recoupements de l’information dont dispose l’administration fiscale depuis le début de l’année
2014 peuvent conduire à plus de précision dans la détermination de la base imposable. Le contrôle fiscal ne doit pas
relever d’un système discrétionnaire et secret. Il doit être encadré par des critères objectifs pour éviter que les luttes
d’influence politiques ou autres soient un moyen de régler des comptes à travers le contrôle fiscal.
Rapport de diagnostic — Transparence et gestion fiscale au Maroc
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VII. LE RECOURS FISCAL ET L’ARBITRAGE :
DE L’AUTONOMIE ET DU DÉFICIT DE
SPÉCIALISATION
Le recours fiscal est une des garanties qui sont offertes aux contribuables pour se prémunir contre les actes qu’ils
considèrent comme « injustes » de la part de l’administration fiscale. Les deux niveaux qui sont prévus par le Code
General des Impôts (CGI) sont la Commission locale de Taxation et la Commission Nationale du recours fiscal. Au
niveau local, l’article 225 du CGI précise que les commissions locales de taxation « sont instituées par l’administration
qui en fixe le siège et le ressort ». Ces commissions travaillent sur les requêtes présentées par les contribuables. Ces
entités se déclarent incompétentes en matière d’interprétation des textes fiscaux.
Les membres des commissions sont au nombre de quatre. Le président est un magistrat et les autres membres sont
le représentant du gouverneur de la province ou de la préfecture, le chef du service local des impôts ou son représentant et un représentant des contribuables. Les décisions des commissions locales doivent être détaillées, motivées
et notifiées aussi bien à l’administration qu’au contribuable. Les délais pour rendre une décision par les commissions
sont relativement longs. Ils peuvent atteindre 24 mois. L’inspecteur des impôts reste le maitre d’œuvre dans le suivi
des travaux de la commission. Après l’écoulement du délai de 24 mois, l’inspecteur informe le contribuable de la
possibilité de passer au seuil supérieur à savoir la commission nationale du recours fiscal (CNRF).Le travail des CLT peut
nécessiter le recours à l’expertise de fonctionnaires ou contribuables qui n’ont qu’une voix consultative. Certaines décisions de ces commissions sont considérées comme définitives lorsqu’elles portent sur des affaires relatives à l’impôt
sur le revenu au titre des profits fonciers dans la limite d’un montant inférieur à 50 000 dhs des droits en principal.
Les affaires contentieuses qui ne trouvent pas de solutions au niveau local sont transférées au niveau national pour
être traitées par la CNRF. Cette commission qui traite des recours contre les décisions des commissions locales de
taxation siège à Rabat et se trouve placée sous l’autorité directe du premier ministre (chef du gouvernement) (article
226). Cette commission ne peut se prononcer sur la question qu’elle estime comme relevant de l’interprétation des
textes fiscaux à l’image de la CLT. La commission nationale se compose de 137 membres dont sept magistrats et
trente fonctionnaires. Les membres restants sont désignés par le chef du gouvernement sur proposition des ministres
chargés du commerce, de l’industrie et de l’artisanat, des pêches maritimes et du ministre des finances. Cette commission est subdivisée en 7 sous commissions.
Le fonctionnement des sous commissions ne donne malheureusement pas lieu à des documents qui retracent leurs
débats. Leur apport à la jurisprudence fiscale est presque inconnu. Le rapport d’activités de la DGI ne mentionne
que leur apport en matière de contentieux et de droits recouvrés. Cet apport est de plus en plus modeste. Le recours
à la procédure des accords à l’amiable est générateur de revenus et de résolution des problèmes dans le cadre des
contrôles fiscaux plus qu’aucun recours fut-il local ou national.
Le fonctionnement des commissions : des relations à éclaircir
Ces commissions sont nécessaires pour le déroulement des opérations de recours des redevables et pour garantir une
protection des citoyens devant une administration publique. Le problème de leur fonctionnement est réel et constitue
une menace à leur autonomie. Le fait qu’elles se constituent par la volonté de l’administration, qu’elles soient soumises à des procédures de nomination par le gouverneur au niveau local et par le chef du gouvernement au niveau
national et qu’elles soient rétribuées par des primes du ministère de l’économie et des finances, créent de possibles
relations de « subordination » au Ministère. Les informations recueillies d’une façon informelle indiquent que des
primes allant de 30 000 dhs par mois pour les membres de la CNRF et de 10 000 dhs par mois pour ceux de la CLT.
Cette pratique pose le problème de la neutralité et impose une clarification du cadre de travail des commissions. Il
n’est pas illégitime de rémunérer des travaux en matière de contentieux fiscal, mais il est très légitime de mettre en
place un cadre transparent dans ce domaine. Cette opération serait importante pour immuniser les procédures du
recours fiscal contre toutes les tendances de pression ou contre les tentatives d’influence sur les décisions. L’autre
problème qui entache le fonctionnement de ces commissions relève des critères de choix de leurs membres et surtout
ceux relevant du corps des magistrats. La matière fiscale exige des compétences en matière financière et comptable
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Rapport de diagnostic — Transparence et gestion fiscale au Maroc
qui ne sont pas toujours disponibles ni à la portée d’un grand nombre de magistrats. La compétence en matière fiscale s’acquiert par la formation et par des années de pratiques et demande, parfois, le recours à des spécialistes au
niveau de certains secteurs d’activité.
Le législateur doit se pencher sur ce volet pour préserver la crédibilité des systèmes de recours contre les excès de
l’administration fiscale et contre les comportements déviants de certains contribuables. Rétribuer l’expertise pour
préserver les deniers publics est aussi important que s’assurer d’un haut degré de compétence et d’autonomie des
membres des commissions et notamment de leurs présidents.
Si des procédures de contrôle des comptabilités des entreprises ont été suffisamment intégrées dans le CGI pour
bien encadrer légalement cette relation entre le contribuable et l’Administration fiscale et donc mieux garantir les
droits du contribuable, tel n’est pas le cas en interne, au sein de l’Administration fiscale, aussi bien au niveau de la
programmation au contrôle qu’au niveau de l’affectation des dossiers programmés et du déroulement effectif des
travaux de vérification.
Rapport de diagnostic — Transparence et gestion fiscale au Maroc
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VIII. ENQUÊTE DE SATISFACTION
La DGI a procédé en 2013 à une enquête de satisfaction dont les objectifs étaient d’évaluer les perceptions et les
attentes des usagers et d’identifier en conséquence les leviers d’amélioration de la qualité des prestations. L’ambition
est grande bien que l’objet est difficile sur un plan méthodologique. L’échantillon représentatif est choisi et identifié
et consiste en 1560 personnes morales et physiques dont 50 « partenaires » de la DGI spécialisés dans les métiers
ayant une relation directe avec les dossiers fiscaux (experts comptables, comptables agréés, notaires et organisations
socioprofessionnelles). Toutes les catégories des usagers de la DGI ont été représentées dans l’échantillon. Ce travail
a été réalisé par un bureau d’études externe.
Les thèmes d’évaluation ont été au nombre de 12 et représentent globalement l’ensemble des volets de la relation
de l’administration fiscale avec ses usagers à savoir :
• L’accessibilité à l’Administration fiscale ;
• La qualité de la réception au niveau des bureaux d’accueil de l’administration fiscale ;
• La qualité de la réception dans les services d’assiette ;
• La qualité de l’information fournie par l’administration fiscale ;
• La qualité des services rendus par la recette de l’administration fiscale ;
• La qualité de traitement des réclamations et doléances ;
• La qualité des formulaires fiscaux ;
• La qualité des échanges à distance ;
• La qualité des télédéclarations et des télépaiements (spécifique pour les entreprises et pour les professionnels) ;
• La procédure de recouvrement ;
• La législation et la règlementation fiscale.
Les résultats de l’enquête publiée par la DGI montrent un indice de satisfaction global positif. Les entreprises et les
partenaires ont exprimé un taux de satisfaction global de 72% et de 71% respectivement. Les autres usagers (professionnels, particuliers et usagers occasionnels) ont exprimé des taux allant de 60% à 62%. La qualité des formulaires
fiscaux a reçu un taux de satisfaction de 90%, suivi par la qualité des télédéclarations et des télépaiements avec
88%. Le point ayant reçu le moins d’appréciations positives est celui relatif au traitement des réclamations. Cette
composante de la gestion fiscale est un chantier qui reste ouvert comme il a été signalé dans la partie réservée aux
réclamations.
Limites de la démarche de l’enquête de satisfaction
Les études et les enquêtes de satisfaction constituent une bonne pratique à renforcer. L’administration fiscale pourrait gagner en efficacité et en transparence à travers les leçons qui peuvent être tirées de ces enquêtes. La forme de
l’enquête et le donneur d’ordre pour effectuer l’enquête méritent un traitement différent. L’échantillon, même s’il est
scientifiquement représentatif et respectant l’anonymat, ne pourrait renseigner sur la réalité des réponses ou sur le
degré de leur sincérité. La DGI pourrait déléguer cette enquête au haut-commissariat au plan qui dispose de moyens
et de méthodes avérés dans ce domaine. La relation avec la population cible de l’enquête serait plus sereine. Le
soupçon sur une éventuelle transmission des données ou des réponses à la DGI est un élément de risque en matière
de fiabilité des résultats. Les associations de la société civile pourraient constituer un relai sérieux dans ce domaine.
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IX. CARTOGRAPHIE DES PRINCIPAUX RISQUES
OU PRINCIPALES ZONES À RISQUES Sans être exhaustifs, il s’agit de détecter dans un premier temps et de relever les principaux risques dans des domaines
sensibles de prise de décision où les enjeux fiscaux sont importants avec un faible encadrement par les procédures
internes de gestion.
Plus exactement, c’est là où le pouvoir discrétionnaire est important dans l’appréciation et la détermination des bases
d’imposition.
1.En matière d’IR, revenus professionnels, régime du forfait. La base d’imposition retenue est généralement le
bénéfice minimum qui est le produit de la valeur locative avec un coefficient variable de 0,5 à 10. Ce mode de
détermination du bénéfice minimum comporte des risques importants, car non encadré par des procédures
internes et laissant au gestionnaire un pouvoir discrétionnaire important.
2.IR/ Profits fonciers : la révision du prix déclaré par le cédant est effectuée unilatéralement par l’Administration
fiscale, en l’absence d’un barème officiel qui sert de référentiel. Là aussi, le pouvoir discrétionnaire de l’Administration fiscale est important. L’expérience entamée au mois de janvier 2015, à Casablanca, avec le référentiel
des prix de l’immobilier, gagnerait à être étendue au niveau national et à être enrichie par une méthode d’actualisation périodique.
3.En matière de droits d’enregistrement/droits de mutation : il s’agit d’opération d’acquisition portant sur des
immeubles ou sur des fonds de commerce. Là aussi, à l’instar de ce qui a été dit en matière d’IR/Profits fonciers,
le risque d’abus et de corruption est important.
4.En matière de TVA, livraison à soi-même de constructions. La disposition introduite par la LF 2013 et permettant de payer une taxe de 60 dirhams au m2 a permis de mettre fin à des pratiques abusives (ventes de fausses
factures, appréciations aléatoires, absence de barème officiel…). Néanmoins, une procédure encadrant spécifiquement cette opération est nécessaire pour prévenir d’éventuels dérapages.
5.Taxe professionnelle :
Le pouvoir discrétionnaire est faiblement encadré dans la détermination de la valeur locative du local professionnel et dans l’opération de classement de l’activité effectivement exercée. Le défaut d’actualisation de la
nomenclature des activités exercées aggrave ce risque.
6.Taxe d’habitation et taxe de services communaux :
Les valeurs locatives ne sont pas établies selon des procédures administratives prédéfinies et selon des grilles
préétablies, par quartier et par type de constructions et d’habitations.
7.Délivrance des attestations :
Très souvent, pour une même attestation, les pièces demandées ne sont pas les mêmes. Les délais de délivrance
sont aussi variables et les demandes peuvent faire l’objet de marchandages. A ce niveau, un travail important
est à mener pour simplifier et harmoniser les demandes et délivrances d’attestations fiscales :
Inventaire de ces attestations ; soubassement juridique à préciser ; conditions à définir ; pièces à fournir à harmoniser ; délais standard à fixer pour la délivrance ; système de suivi à mettre en place.
8.Recouvrement forcé :
Les dispositions légales en matière de recouvrement des créances publiques ont souvent un caractère archaïque
et comprennent des faiblesses pouvant être à l’origine d’abus. La mise en place de procédures administratives
internes de gestion devra permettre la mise en place d’un système de suivi, avec la fixation d’objectifs, l’optimisation des ressources mobilisées…La traçabilité des opérations de recouvrement est indispensable…L’industrialisation du recouvrement forcé devra permettre la réduction maximale de l’intervention physique des
gestionnaires.
9.Programmation au contrôle fiscal et suivi.
C’est là la « zone grise n° 1 » évoquée à plusieurs niveaux et surtout par ceux qui en subissent les affres.
La programmation au contrôle fiscal doit être effectuée selon une procédure bien définie, basée sur une approche risques, traitant tous les contribuables sur un pied d’égalité.
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Sur ce point, l’Administration fiscale ne doit plus être une « boîte noire ». Elle ne doit plus être instrumentée
politiquement.
La procédure de programmation au contrôle fiscal doit être le plus possible dématérialisée, laissant peu de possibilité à l’intervention physique, et offrir une traçabilité du processus de décision en matière de programmation.
Une fois programmés, les dossiers doivent faire l’objet d’un suivi automatique, garantissant la traçabilité des
opérations de contrôle effectués et faisant remonter les informations clés, depuis l’envoi de l’avis de passage
jusqu’à la liquidation définitive du dossier, en passant par les différentes étapes intermédiaires (notification,
recours, décisions des commissions, accords,…).
Principales recommandations pour une transparence dans
le domaine de la gestion de l’impôt
Comment développer des relations de transparence et de confiance entre le contribuable et l’administration fiscale ?
Voici les principaux axes qui peuvent aider à trouver des réponses :
• La simplification des procédures, chantier partiellement entamé depuis quelques années ;
• L’amélioration de la qualité de service ;
• La vulgarisation des textes fiscaux par plusieurs moyens : médias, brochures, supports, nouvelles technologies,
sans pour autant négliger les anciennes méthodes toujours efficaces, compte tenu de la réalité sociologique
marocaine, où plus de 35% de la population demeure analphabète… ;
• Le développement et la professionnalisation du centre d’appel mis en place en 2014 ;
• L’institutionnalisation du rescrit ;
• La publication périodique sous forme de recueil des décisions prises par les commissions et les juridictions administratives ;
• Le regroupement et la publication/diffusion des questions/réponses ;
• L’organisation d’un accueil de qualité ;
• La création de structures locales de proximité ;
• La délivrance en ligne d’informations fiscales et d’attestations fiscales en cas de besoin ;
• La création d’un compte fiscal que tout contribuable peut consulter pour connaître sa situation sur le plan fiscal
en matière de droits et d’obligations ;
• L’élaboration d’une charte fiscale au profit de tous les citoyens ;
• L’implication des ONG de la société civile, actives dans l’évaluation des politiques publiques et dans la lutte
contre la corruption ;
• La création d’un Conseil National des Impôts où sont représentées toutes les catégories de contribuables concernés. 30
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