Maison de l`Europe de Montpellier

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Maison de l`Europe de Montpellier
Observatoire de la parité
Languedoc-Roussillon
emc.tapie.genevieve @wanadoo.fr
Blog : www.placeauxfemmes.midiblogs.com
Publications : http://www.assemblee-des-femmes.com/contacts/languedoc/index.htm
Maison de l’Europe de Montpellier
Semaine espagnole du 14 au 18 juin
La parité en Espagne et en France
14 juin 2010 par Geneviève Tapié
Données mondiales et européennes
A partir des données fournies par les parlements nationaux jusqu’au 31 mai 2010,
l’Union Interparlementaire de Genève a classé 186 pays dans le monde selon le pourcentage
de femmes dans la Chambre basse ou unique, autrement dit pour la France l’Assemblée
nationale et pour l’Espagne de Congrès des députés.
C’est le Rwanda qui ouvre la marche avec 56, 3% de femmes à la Chambre des
députés (des postes sont réservés aux femmes par la Constitution)1, suivi de la Suède avec 46,
4% (où, en l’absence de loi, les résultats procèdent de la volonté des partis et de la capacité de
mobilisation des associations féministes)2.
La France se trouve au 61e rang mondial avec 18, 2% de femmes à l’Assemblée
nationale, un point en dessous de la moyenne mondiale de 19, 1%.
1
80 sièges dont 45 femmes soit 56%. La Constitution prévoit au moins 30% de femmes au sein de tous les
organes de décision. Les 80 membres de la Chambre des Députés sont élus de manière suivante : 53 membres
élus au suffrage universel direct au scrutin de liste ; 24 femmes dont 2 issues de chaque province et de la ville de
Kigaly élues par un collège électoral uniquement féminin ; 2 membres élus par le Conseil national des jeunes ;
et un membre élu par une Fédération d’Associations. Base de Données Mondiale des Quotas de femmes
Université de Stockholm.
http://www.quotaproject.org
2
Le leader social démocrate Goran Persson, Premier ministre de Suède de 1986 à 1991, avait été menacé, à
l’occasion des élections générales de 1994, d’une liste de femmes montée par les Mouvements féministes
suédois qui trouvaient insuffisantes les propositions du Parti social démocrate dans le domaine de l’égalité des
hommes et des femmes. Pour désamorcer ce danger politique aux élections législatives, il avait promis un
gouvernement paritaire. Ce qui fût fait. Et, il s’était engagé, pour bien montrer que l’égalité homme femme serait
une priorité nationale, que redevenu Premier ministre, il prendrait personnellement la compétence sur ces
questions. Ce qui fût fait aussi. Goran Persson a dirigé à nouveau le Gouvernement suédois de 1994 à 1996. Au
1er janvier 1997, les femmes représentaient 40, 4% des effectifs du Parlement. Aujourd’hui, en dehors de toute
incitation légale, la Suède dénombre 46,4% de députées ; 40% d’administratrices siègent dans les Conseils
d’administration des entreprises et ce pays garantit à l’heure actuelle le meilleur congé parental en Europe.
1
L’Espagne est à la 13e place : 36% de femmes siègent au Congrès des députés après
les élections de 2008.
Dans les 27 pays de l’Union européenne, l’Espagne se situe au 6e rang, la France au
19e (voir annexe 1).
En France, les 10 ans de la parité
Il y a 10 ans, le 6 juin 2000, pour la première fois au monde, un pays, la France a
promulgué une loi sur l’égale représentation des femmes dans les mandats et fonctions
électives, dite « loi sur la parité ». La nouvelle législation contraint les partis politiques à
présenter un nombre égal d’hommes et de femmes lors des scrutins de liste. Pour les élections
législatives au scrutin uninominal la prévoit une retenue sur la dotation financière des partis
qui ne respecteront pas le principe de parité lors de la désignation des candidats3.
10 ans après, les résultats4 sont probants lorsque la loi est contraignante : par exemple,
pour les élections régionales au scrutin de liste, il y a aujourd’hui 48% de conseillères
régionales et 45, 5% de vice-présidentes dans les Conseils régionaux (53,3% en Languedoc
Roussillon) ; dans les départements dont les Assemblées sont élues au scrutin uninominal :
12, 3% de Conseillères générales en France et 9,7% en Languedoc Roussillon (18 femmes
sur un 186 conseillers généraux issus des 5 départements du Languedoc Roussillon).
Ce qui signifie que lorsque la loi est simplement incitative (ou simplement absente
comme pour les Conseils généraux ou bien les Intercommunalités par exemple), quand la
sanction prévoit une simple retenue sur la dotation financière des partis, les résultats font
cruellement défaut, les partis politiques s’accommodant très bien des 18, 2% de femmes à
l’Assemblée préfèrent payer : (voir annexe 2).
UMP 4 138 533,57
PS 518 245,62
Rappel constitutionnel
Je rappelle que la modification du 23 juin 1999 de notre Constitution française
rend les partis politiques directement responsables d'un nouveau principe républicain : le
partage des responsabilités entre les femmes et les hommes dans l'ensemble des mandats et
fonctions électives. Ce principe est un principe constitutionnel consacré, aussi impérieux que
celui du suffrage universel ou de la séparation des pouvoirs.
3
Les communes de moins de 3500 habitants, les départements élisant moins de 3 sénateurs, et les Conseils
généraux échappent à l’emprise de la loi.
4
Tableau 1 : Dénombrement sexué des élus (conseil régional + 5 conseils généraux ) du Languedoc
Roussillon – Mai 2010
élusHF% FConseil régional Languedoc Roussillon67363146,3 CG Aude3529617,1CG Gard464336,5CG
Hérault494724,1CG Lozère252328,0CG P.O.3126516,1Total CG Languedoc Roussillon186168189,7 Total
CR + CG Languedoc Roussillon2532044919,4
2
Et j’en conclu que si la parité est d’abord un état d’esprit, une éthique démocratique,
la France, pays des Droits de l’Homme s’en affranchit.
Depuis 10 ans, en France on a demandé aux parlementaires de voter 5 lois sur la
parité (voir annexe 3) qu’ils n’ont eu de cesse de contourner.
Le problème central est donc moins le mode de scrutin différent (qui produit des effets
différenciés sur la représentation des femmes d’une élection à une autre, d’un pays à l’autre),
mais bien celui des partis politiques (ou des hommes politiques des partis) qui accordent les
investitures et où perdurent des archaïsmes conservateurs ; le scrutin uninominal ne portant
en lui même ni vice ni vertu du point de vue démocratique.
Je n’en donne pour preuve que la France se situe dans l’Union européenne à l’avant
dernier rang juste devant la Hongrie pour l’écart de temps qui a séparé le droit de vote
masculin du suffrage universel : 96 ans en France de 1848 à 1944. 5
Et je passe sur le siècle pendant lequel ont duré les discussions parlementaires pour
savoir si oui ou non il fallait accorder le droit de vote des femmes. Je crois, que sans
l’Ordonnance d’un célèbre Général, le droit de vote des femmes était je le rappelle inscrit
dans le programme du Conseil national de la Résistance, on en discuterait encore.
L’Espagne est une jeune démocratie
L’Espagne, à l’inverse de la France est une jeune démocratie. La fin du franquisme,
l’arrivée au début des années 80 du PSOE aux affaires, la modernité des nouveaux dirigeants,
et la nécessité d’intégrer la Communauté européenne en 1986 ont contribué à balayer les
vieux archaïsmes.
En 2000, la participation politique des femmes au Congrès des députés s’élevait à 31,
7% (plus du double du pourcentage de députés en France en 2002 après les premières
élections législatives où s’est appliqué la parité) en dehors de toute contrainte légale, mais
avec une volonté politique forte exprimée au sein du PSOE (les femmes représentent 38, 4%
du Groupe parlementaire socialiste) qui oblige le parti majoritaire le Parti populaire à faire de
son côté des efforts.
Après la perte des élections générales en 1996, une nouvelle équipe regroupée autour
du nouveau secrétaire général José Luis Zapatero a pris la mesure de la valeur ajoutée
politique de faire de la participation des femmes, un axe de campagne important dans le
processus de reconquête du pouvoir pour les prochaines élections générales de 2004.
La parité inscrite dans les priorités des partis
Ainsi, Zapatero va appliquer en Espagne la même stratégie que Jospin en 1996 en
France.
Redevenu 1er secrétaire du Parti socialiste après les élections présidentielles de 1995,
Lionel Jospin fait inscrire en prévision des prochaines élections législatives dans les règles
internes du PS la réservation de 30% des 577 circonscriptions françaises, à des candidatures
féminines. Au final, 27% de femmes seront investies par le PS pour les élections législatives
5
Espagne : 41 ans – 1890/1931
3
de 1997 ; de nombreuses candidates seront élues … et Lionel Jospin, devenu Premier ministre
fera légiférer.
Ce permettra à Françoise Gaspard et Philippe Bataille d’affirmer deux ans plus tard
que les femmes ne font pas perdre les élections comme on tenterait de le faire croire, mais les
font gagner et de regretter que la parité « une idée proposée au PS en 1978 et qu’il a
repoussée » n’ait pas été retenue6.
En Espagne le PSOE a fait un long travail de fond.
Des débats du 35e Congrès du PSOE était né une Secrétaire à l’Egalité chargée
d’élaborer un plan afin de répondre à la nécessité de modifier la structure interne du Parti en
vue de passer des systèmes des quotas de représentation des femmes fixés à 25% en 1988,
puis à 33% en 1994, au principe de démocratie paritaire7, selon lequel toute assemblée ne
peut être composée de pas moins de 40% et pas plus de 60% de membres d’un même sexe.
Le 26 avril 2002 le Comité fédéral du PSOE a approuvé la mise en œuvre de son
Premier Plan d’Egalité. Ce document a marqué la stratégie et les lignes de travail du Parti
socialiste pour réaliser l’égalité réelle, quantitative et qualitative entre les femmes et les
hommes, non seulement à l’intérieur du Parti, mais aussi dans les élections publiques
politiques.
Ainsi, a-t-il été décidé en interne que les listes des candidatures présentées pour les
élections des Députés au Congrès, des municipales, au Parlement européen et pour les
membres des Communautés autonomes devaient comporter une « composition équilibrée » en
répondant à la règle des pas moins de 40 et pas plus de 60 définie par le principe de
démocratie paritaire.
Et pour éviter que les femmes se trouvent en queue de liste, le principe de démocratie
paritaire devait s’appliquer par tranche de 5 candidats.
Aux élections générales de 2004, le pourcentage de femmes au sein du Groupe
socialiste du Congrès des députés est passé de 38, 4% en 2000 à 46, 3% et le PSOE emmené
par Zapatero a gagné les élections.
La même année, le Parti Populaire (PP) a comptabilisé 29% de femmes dans son
Groupe parlementaire, un pourcentage non négligeable mais qui présume de cet effet
d’entraînement obligé par la politique de participation des femmes affichée par le PSOE.
En mars 2007, le principe inauguré au sein du Parti socialiste a été instauré dans la loi
électorale.
La loi sur l’égalité (Ley de Igualdad) consacre le principe de représentation
équilibrée : les listes des partis sont tenues de comporter un minimum de 40% et un maximum
de 60% de chacun des deux sexes aux élections du Congrès des Députés. Le principe est
appliqué par tranche de 5 postes.
La loi a été appliquée pour la première fois en 2008. Mais l’affaissement du PSOE
aux élections ne permet pas une progression significative du pourcentage de femmes dans
l’Assemblée.
6
In « Comment les femmes changent la politique et pourquoi les hommes résistent » - La Découverte- Août
1999.
7
Le principe de Démocratie paritaire a été initié par le Conseil de l’Europe.
4
Quelle est la sanction ?
Les listes non-conformes ne sont pas approuvées par la Commission électorale au
niveau régional.
Un scrutin de liste proportionnel favorable à la parité
Il faut observer que le scrutin de liste proportionnel applicable à la quasi majorité des
élections en Espagne est favorable à la parité.
Je terminerai cependant en revenant à la France en vous lisant un extrait de « La
Gazette de Montpellier » de la semaine dernière (3 au 9 juin 2010) :
« Les féministes de l’Observatoire de la parité en Languedoc Roussillon ont calculé
qu’à ce jour les femmes représentaient 46% des élues de la Région et 10% des élus des cinq
conseils généraux soit un total de 19,4%. Soit une femme sur cinq au total. Avec la nouvelle
loi actuellement en discussion, qui va regrouper élus départementaux et élus régionaux –et
par là même affaiblir considérablement régions et départements au profit de l’Etat et des
agglos/métropoles-, ce pourcentage diminuerait de moitié : 9,3%. Soit à peine une femme sur
dix élus. Un pas décisif et grandiose vers la parité… ».
Et comme je suis charitable, la majorité de ces collectivités territoriales concernées
étant dominées par le Parti socialiste8, je n’insisterai pas sur l’article 14 de sa Déclaration de
principes approuvée en 2008 : « Le Parti socialiste est féministe et agit en faveur de
l’émancipation des femmes. Il oeuvre pour l’égalité entre les femmes et les hommes et la
mixité de la société ».
Ceci pour une femme sur cinq au total.
Quant au pas décisif et grandiose vers la parité dans la réforme territoriale, c’est
assurément l’exécutif, et le parti dominant du Président de la République, qu’il faut remercier
pour leurs engagements vis-à-vis des femmes et qu’ils n’ont pas tenus. Mais c’est une autre
histoire !
8
Tableau 2 : Projection de la représentation des femmes élues en 2014 selon répartition territoriales des 164 futurs conseillers
territoriaux (tableau transmis par le gouvernement à l’Assemblée nationale)
élusF% FConseillers territoriaux Aude26417,1Conseillers territoriaux Gard3826,5Conseillers territoriaux Hérault5524,1Conseillers
territoriaux Lozère1518,0Conseillers territoriaux P.O.30516,1Conseillers territoriaux Languedoc Roussillon164159,3
5
Annexe 1
Tableau n° 1 : proportion de femmes dans les chambres basses/uniques des pays de l’Union européenne
Rang
Pays
Année
d’obtention du
droit de vote
Date
d’élection
Siège
totaux
% de
femmes
1er
2e
3e
4e
5e
6e
7e
8e
9e
Suède
Finlande
Pays Bas
Danemark
Belgique
Espagne
Allemagne
Autriche
Portugal
1921
1906
1919
1915
1948
1931
1918
1918
1976
2006
2007
2006
2007
2007
2008
2005
2006
2005
349
200
150
179
150
350
613
183
230
46, 7
41, 5
40,00
38,00
37,3
35,7
32,1
31,7
28,3
1921
1919
1944
1945
1918
1920
1918
1928
1920
1944
1960
1920
2004
2004
2005
2008
2006
2007
2007
2005
2008
2007
2006
2006
141
60
240
630
100
101
460
646
150
577
58
200
23,4
23,3
21,7
21,3
21,0
20,8
20,4
19,4
18,7
18,5
16,1
15,00
1952
1918
1945
1946
1945
1947
2007
2007
2004
2004
2006
2008
300
166
90
332
386
69
14,7
12,7
12,2
9,3
9, 3
8,7
(moyenne : 23, 7%)
10e
11e
12e
13e
14e
15e
16e
17e
18e
19e
20e
21e
22e
23e
24e
25e
26e
27e
Lituanie
Luxembourg
Bulgarie
Italie
Lettonie
Estonie
Pologne
Royaume-Uni
Slovaquie
France
Chypre
République
tchèque
Grèce
Irlande
Slovénie
Roumanie
Hongrie
Malte
Source : Fondation Robert Schuman, août 20089
9
Fondation Robert Schuman : http://robert-schuman.org
6
Annexe 2
Le montant des retenues sur la dotation des partis politiques au titre de la parité s’établit
ainsi :
Parti ou groupement Retenue sur la Montant de la Montant de Dotation
Part de la
politique
ayant première
première
la deuxième totale
sanction
présenté
des fraction au titre fraction
fraction
financière
candidats dans au de la parité
effectivement
moins
50
perçu
circonscriptions
UMP
4 138 533,57 13 120 031,95 20 219 613 33 339 644,95 12,41 %
PS
518 245,62
10 273 457,33 12 938 798 23 212 255,33 2,23 %
Source : Assemblée Nationale
7
Annexe 3
La révision constitutionnelle du 8 juillet 1999
8 juillet 1999 : Les articles 3 et 4 de la Constitution de 1958 sont modifiés. Il est ajouté à l’art. 3 que la loi
« favorise l’égal accès des hommes et des femmes aux mandats électoraux et aux fonctions électives », et
précisé dans l’art. 4 que « les partis et groupements politiques contribuent à la mise en œuvre de ce
principe ».
La législation relative à la parité
6 juin 2000 : La première loi dite sur « la parité » est promulguée. Elle contraint les partis politiques à
présenter un nombre égal d’hommes et de femmes lors des scrutins de liste et prévoit une retenue sur la
dotation financière des partis qui ne respecteront pas le principe de parité lors de la désignation des candidats
pour les élections législatives.
10 juillet 2000 : Les départements élisant 3 sénateurs et plus votent désormais par scrutin de liste (soit 2/3 des
sénateurs). Le scrutin de liste ne concernait jusque là que les départements élisant cinq sénateurs et plus.
11 avril 2003 : Les modes de scrutin des élections régionales et européennes sont réformés. L’alternance
stricte entre hommes et femmes est instaurée pour les listes des élections régionales et confirmée pour les
élections européennes. La loi introduit des sections départementales sur les listes régionales, et crée des
eurorégions pour les européennes.
30 juillet 2003 : Réforme du mode de scrutin des sénatoriales qui réserve l’application de la proportionnelle
aux départements élisant 4 sénateurs et plus. Le scrutin uninominal, ne comportant aucune obligation paritaire
aux yeux de la loi, concerne désormais la moitié des sièges sénatoriaux.
31 janvier 2007 : La loi impose une alternance stricte femmes-hommes dans la composition des listes
électorales municipales (de 3500 habitants et plus) et introduit une obligation de parité dans les exécutifs
régionaux et municipaux (de 3500 habitants et plus). Elle augmente la pénalité financière encourue par les
partis qui ne respectent pas la parité des investitures lors des élections législatives (75% de l'écart à la
moyenne) et contraint les candidat(e)s aux élections cantonales à se présenter au côté d'un(e) suppléant(e) de
l'autre sexe.
Sources : Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes, Service du Premier Ministre 10
10
http://www.observatoire-parite.gouv.fr/travaux/guide_modes_scrutin.htm
8