MODULE SUR LA LECTIO DIVINA (2011) Lundi 14 mars

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MODULE SUR LA LECTIO DIVINA (2011) Lundi 14 mars
MODULE SUR LA LECTIO DIVINA (2011)
Père Dominique GARNIER
Lundi 14 mars
Introduction a la lectio divina
Rappel historique
La relation à la Bible comme à la Parole vivante de Dieu donnée à l’homme s’enracine dans la
tradition juive la plus ancienne, dont témoigne la rédaction même de l’Ancien Testament : La Parole
de Dieu est donnée à l’intérieur de l’histoire du peuple d’Israël. Transmise par les prophètes et mise
par écrit pour franchir les temps elle permet au peuple de relire son histoire à la lumière de la
révélation.
L’interprétation la plus traditionnelle des Ecritures consiste à percevoir comment la Parole donnée
s’actualise aujourd’hui dans la vie du croyant. Avec les Evangiles, le rapport aux Ecritures
s’approfondit. De l’actualisation de la Parole, le chrétien peut passer à l’accomplissement de cette
Parole dans la personne du Christ. Jésus ressuscité, ayant accompli notre salut par son mystère
pascal, constitue désormais la clef de compréhension de l’ensemble des Ecritures.
La tradition chrétienne déploiera inlassablement l’accueil de cette Parole en promouvant la lecture
priante des Ecritures :
Dans la Lettre à Grégoire, Origène (IIIème siècle) recommande : « Consacre-toi à la lectio des divines
Ecritures ; applique-toi à cela avec persévérance. Engage-toi dans la lectio avec l'intention de croire et
de plaire à Dieu. Si durant la lectio tu te trouves devant une porte close, frappe, et le gardien
t'ouvrira, lui dont Jésus a dit : ‘Le gardien la lui ouvrira’. En t'appliquant ainsi à la lectio divina,
cherche avec loyauté et une confiance inébranlable en Dieu le sens des Ecritures divines, qui est
largement contenu dans celles-ci. Tu ne dois cependant pas te contenter de frapper et de chercher :
pour comprendre les choses de Dieu, tu as absolument besoin de l'oratio. Précisément pour nous
exhorter à celle-ci, le Sauveur nous a non seulement dit : “Cherchez et vous trouverez” et “Frappez et
on vous ouvrira”, mais il a ajouté : “Demandez et vous recevrez” » (Ep. Gr. 4).
Guigues le Chartreux (XIIème siècle) « Un jour, pendant le travail manuel, je commençai à penser à
l'exercice spirituel de l'homme, et tout à coup s'offrirent à la réflexion de mon esprit quatre degrés
spirituels : lecture, méditation, prière, contemplation. C'est l'échelle des moines, qui les élève de la
terre au ciel. Certes, elle a peu d'échelons ; elle est immense pourtant et d'une incroyable hauteur. Sa
base repose sur la terre, son sommet pénètre les nuées et scrute les secrets des cieux [Gn 28, 12)/…La
lecture est l'étude attentive des Ecritures, faite par un esprit appliqué. La méditation est une
opération de l'intelligence, procédant à l'investigation studieuse d'une vérité cachée, à l'aide de la
propre raison. La prière est une religieuse application du cœur à Dieu pour éloigner des maux ou
obtenir des biens. La contemplation est une certaine élévation en Dieu de l'âme attirée au-dessus
d'elle-même et savourant les joies de la douceur éternelle. »
Sous l’impulsion décisive du document du Concile Vatican II « Dei verbum » Jean Paul II et Benoit XVI
ont encouragés cette voie spirituelle : « la pratique de la lectio divina, si elle est promue de façon
efficace, apportera à l’église un nouveau printemps spirituel » (Benoit XVI septembre 2005)
Les quatre sens de l’écriture dans la tradition chrétienne
Origène (185-254), formé à l'école théologique d'Alexandrie, a été le premier à formuler la doctrine
des quatre sens de l'Écriture dans la tradition chrétienne. Ces sens de l'Écriture servaient à
interpréter l'Écriture lors de la prière, comme l'indiquait Origène en 238 dans une lettre en grec à son
disciple Grégoire le thaumaturge qui se préparait à partir en mission d’évangélisation. Il l’exhorte à se
consacrer à l’étude des Écritures par la Lectio divina :
« Consacre-toi à la lecture des Écritures divines. Applique-toi à cela avec persévérance… En te
consacrant ainsi à la lectio divina cherche avec droiture et une confiance inébranlable en Dieu le sens
des Écritures divines, qui y est renfermé en abondance. »
L’Ecriture a 4 sens différents :
Le sens historique ou littéral, le sens allégorique ou christologique, le sens moral ou
anthropologique et le sens eschatologique.
Par exemple, la ville de Jérusalem, représente une réalité historique, c’est la ville des juifs. Cette ville
sur laquelle Jésus pleure et qui persécute les prophètes. (Sens littéral)
Elle devient figure de l’Eglise, la cité du Christ, Prince de la paix, dans laquelle nous entrons par le
baptême (sens allégorique).
Puis elle peut être encore la figure de l’âme chrétienne, cette Jérusalem que nous voulons être pour
accueillir Jésus ou pour être lieu de paix pour les autres (sens moral)
Et enfin elle peut être la Jérusalem céleste à laquelle nous sommes destinés, à la fin des temps (sens
eschatologique).
Il est bien évident, qu’il n’est pas nécessaire de réfléchir sur les quatre sens que peut prendre
l’Ecriture, mais ces différentes acceptions s’enrichissent les unes les autres. En cela, il faut être
attentif à ce que nous suggère l’Esprit ;
« Les quatre figures se trouveront réunies, si bien que la même Jérusalem pourra revêtir quatre
acceptions différentes : au sens historique, elle sera la cité des Hébreux ; au sens allégorique, l’Église
du Christ ; au sens anagogique, la cité céleste, 'qui est notre mère à tous' ; au sens topologique, l’âme
humaine ». (Jean Cassien Vème siècle)
L’idée que l’Ecriture possède différents sens est aussi ancienne que Jésus lui-même : « Rappelez-vous
les paroles que je vous ai dites quand j’étais encore avec vous : il fallait que s’accomplisse tout ce qui
a été écrit de moi dans la loi de Moïse, les prophètes et les Psaumes » (Luc 24,44).
Le sens littéral : « Il est non seulement légitime, mais indispensable de chercher à définir le sens
précis des textes tels qu’ils ont été produits par leurs auteurs, sens qu’on appelle « littéral » (St
Thomas d’Aquin) .Chaque texte de l’Ecriture a un sens que son auteur voulait transmettre. Cela ne
veut pas dire que chaque texte doit être lu « au pied de la lettre ».Les auteurs de la Bible utilisent
tout sorte de styles littéraires pour faire passer leurs messages : poésies, histoires, paraboles,
hymnes, mythes… Mais de quelque manière qu’ils se sont exprimés, ils avaient toujours un message
à nous faire passer. C’est cette signification qui est appelé « sens littéral ».
Le sens allégorique : « Le Nouveau Testament est caché dans l’Ancien et l’Ancien est révélé
pleinement seulement dans le Nouveau » (St Augustin). Dieu ne nous a pas seulement parlé avec des
signes appelés « mots » :il nous a parlé avec des signes divers, allant des hommes à des miracles, des
événements historiques, des vêtements, des objets et tout le reste de ce qu’on peut trouver dans
l’Ancien Testament. La Manne dans le désert était réelle et remplissait l’estomac. Mais ce n’est pas
ce que signifie la Manne ! Si vous voulez découvrir ce que Dieu voulait dire, Jésus nous dit : regardezLe : il est le Pain de Vie (Jean 6).
Le sens moral : Aussi important que soit une compréhension correcte de la personne de Jésus, cela
n’est pas suffisant. Après avoir vu Jésus dans l’Ecriture, nous avons maintenant à marcher selon ses
chemins. Ce n’est pas suffisant de connaître le Christ : il nous faut devenir comme lui. C’est pour
cette raison que l’église a toujours regardé dans l’Ecriture comment devenir les disciples de Jésus et
pas simplement comment était Jésus ; c’est-à-dire qu’elle a toujours trouvé en sens moral dans
l’Ecriture, un sens qui nous montre ce à quoi une vie chrétienne devrait ressembler.
Le sens eschatologique ou anagogique : Ce nom compliqué réfère simplement à ce sens de l’écriture
qui concerne notre destinée en Christ, et les images qui préfigurent les choses telles que le Ciel,
l’Enfer, le Purgatoire. Ainsi par exemple Saint Jean dans l’Apocalypse voit la cité de Jérusalem
comme une image de notre destinée au Ciel lorsqu’il nous dit qu’il voit une « nouvelle
Jérusalem »habillée comme une épouse parée ; De même Saint Paul voit le Mont Sion comme une
image de notre destinée au Ciel, lorsqu’il parle de la « montagne de Sion ». Il voit les images de la
royauté telles que les couronnes, comme des signes de notre destinée au Ciel.
Les quatre étapes de la lectio divina
En s’inspirant de l’image biblique de « l’échelle sainte » (cf. Gn, 28,12 et Jean 1,51) Guigues le
Chartreux a recueilli l’héritage patristique et monastique sur la lectio divina et a synthétisé cette
pédagogie divine en proposant quatre échelons qui permettent, à partir de l’accueil de la Parole,
d’aboutir à la contemplation et de nourrir l’action : la lectio, la méditatio, l’oratio et la contemplatio.
« La Lectio divina, est capable d'ouvrir au fidèle le trésor de la Parole de Dieu, et de provoquer ainsi la
rencontre avec le Christ, Parole divine vivante. [296] Je voudrais rappeler brièvement ici ses étapes
fondamentales: elle s'ouvre par la lecture (lectio) du texte qui provoque une question portant sur la
connaissance authentique de son contenu: que dit en soi le texte biblique? Sans cette étape, le texte
risquerait de devenir seulement un prétexte pour ne jamais sortir de nos pensées. S'en suit la
méditation (meditatio) qui pose la question suivante: que nous dit le texte biblique? Ici, chacun
personnellement, mais aussi en tant que réalité communautaire, doit se laisser toucher et remettre en
question, car il ne s'agit pas de considérer des paroles prononcées dans le passé mais dans le présent.
L'on arrive ainsi à la prière (oratio) qui suppose cette autre question: que disons-nous au Seigneur en
réponse à sa Parole? La prière comme requête, intercession, action de grâce et louange, est la
première manière par laquelle la Parole nous transforme. Enfin, la Lectio divina se termine par la
contemplation (contemplatio) au cours de laquelle nous adoptons, comme don de Dieu, le même
regard que lui pour juger la réalité, et nous nous demandons: quelle conversion de l'esprit, du cœur et
de la vie le Seigneur nous demande-t-il ? Saint Paul, dans la Lettre aux Romains affirme: « Ne prenez
pas pour modèle le monde présent, mais transformez-vous en renouvelant votre façon de penser pour
savoir reconnaître quelle est la volonté de Dieu: ce qui est bon, ce qui est capable de lui plaire, ce qui
est parfait » (12, 2). La contemplation, en effet, tend à créer en nous une vision sapientielle de la
réalité, conforme à Dieu, et à former en nous «la pensée du Christ» (1 Co 2, 16). La Parole de Dieu se
présente ici comme un critère de discernement: «elle est vivante, (...) énergique et plus coupante
qu'une épée à deux tranchants; elle pénètre au plus profond de l'âme, jusqu'aux jointures et jusqu'aux
moelles; elle juge des intentions et des pensées du cœur» (He 4, 12). Il est bon, ensuite, de rappeler
que la Lectio divina ne s'achève pas dans sa dynamique tant qu'elle ne débouche pas dans l'action
(actio), qui porte l'existence croyante à se faire don pour les autres dans la charité.
Ces étapes se trouvent synthétisées et résumées de manière sublime dans la figure de la Mère de
Dieu, modèle pour tous les fidèles de l'accueil docile de la Parole divine. Elle «conservait avec soin
toutes ces choses, en les méditant dans son cœur» (Lc 2, 19; cf. 2, 51), elle savait trouver le lien
profond qui unit les événements, les faits et les réalités, apparemment disjoints, dans le grand dessein
de Dieu. (Benoit XVI Exhortation apostolique DEI VERBUM 30 septembre 2010).
Lecture priante de l’évangile des TENTATIONS de Jésus au désert (MT4, 1-11)
« Le premier dimanche de l'itinéraire quadragésimal éclaire notre condition terrestre. Le combat
victorieux de Jésus sur les tentations qui inaugure le temps de sa mission, est un appel à prendre
conscience de notre fragilité pour accueillir la Grâce qui nous libère du péché et nous fortifie d'une
façon nouvelle dans le Christ, chemin, vérité et vie (cf. Ordo Initiationis Christianae Adultorum, n. 25). C'est une
invitation pressante à nous rappeler, à l'exemple du Christ et en union avec lui, que la foi chrétienne
implique une lutte contre les «Puissances de ce monde de ténèbres» (Ep 6,12) où le démon est à
l'œuvre et ne cesse, même de nos jours, de tenter tout homme qui veut s'approcher du Seigneur: le
Christ sort vainqueur de cette lutte, également pour ouvrir notre cœur à l'espérance et nous conduire
à la victoire sur les séductions du mal. » (Lettre de carême Benoit XVI 2011)
Lundi 21 mars
Lecture priante de l’évangile de la TRANSFIGURATION (Mt 17, 1-9)
« L'évangile de la Transfiguration du Seigneur nous fait contempler la gloire du Christ qui anticipe la
résurrection et annonce la divinisation de l'homme. La communauté chrétienne découvre qu'à la suite
des apôtres Pierre, Jacques et Jean, elle est conduite «dans un lieu à part, sur une haute montagne»
(Mt 17,1) afin d'accueillir d'une façon nouvelle, dans le Christ, en tant que fils dans le Fils, le don de la
Grâce de Dieu: «Celui-ci est mon Fils bien-aimé, qui a toute ma faveur, écoutez-le» (v.5). Ces paroles
nous invitent à quitter la rumeur du quotidien pour nous plonger dans la présence de Dieu: Il veut
nous transmettre chaque jour une Parole qui nous pénètre au plus profond de l'esprit, là où elle
discerne le bien et le mal (cf. He 4,12) et affermit notre volonté de suivre le Seigneur ». (Lettre de
carême Benoit XVI 2011)
Lundi 28 mars
Lecture priante de l’évangile de la SAMARITAINE (Jn 4, 5-42)
«Donne-moi à boire» (Jn 4,7). Cette demande de Jésus à la Samaritaine, qui nous est rapportée dans
la liturgie du troisième dimanche, exprime la passion de Dieu pour tout homme et veut susciter en
notre cœur le désir du don de «l'eau jaillissant en vie éternelle» (v.14): C'est le don de l'Esprit Saint
qui fait des chrétiens de «vrais adorateurs», capables de prier le Père «en esprit et en vérité» (v.23).
Seule cette eau peut assouvir notre soif de bien, de vérité et de beauté! Seule cette eau, qui nous est
donnée par le Fils, peut irriguer les déserts de l'âme inquiète et insatisfaite « tant qu'elle ne repose
en Dieu », selon la célèbre expression de saint Augustin. (Lettre de carême Benoit XVI 2011)
Lundi 4 avril
Lecture priante de l’évangile de l’AVEUGLE NE (Jn 9,1-41)
Le dimanche de l'aveugle-né nous présente le Christ comme la lumière du monde. L'Evangile
interpelle chacun de nous: «Crois-tu au Fils de l'homme?» «Oui, je crois Seigneur!» (Jn 9, 35-38),
répond joyeusement l'aveugle-né qui parle au nom de tout croyant. Le miracle de cette guérison est
le signe que le Christ, en rendant la vue, veut ouvrir également notre regard intérieur afin que notre
foi soit de plus en plus profonde et que nous puissions reconnaître en lui notre unique Sauveur. Le
Christ illumine toutes les ténèbres de la vie et donne à l'homme de vivre en «enfant de lumière».
(Lettre de carême Benoit XVI 2011)
Lundi 11 avril
Lecture priante de l’évangile de la résurrection de LAZARE (Jn11, 1-42)
Lorsque l’évangile du cinquième dimanche proclame la résurrection de Lazare, nous nous trouvons
face au mystère ultime de notre existence: «Je suis la résurrection et la vie... le crois-tu? » (Jn 11, 2526). A la suite de Marthe, le temps est venu pour la communauté chrétienne de placer, à nouveau et
en conscience, toute son espérance en Jésus de Nazareth: «Oui Seigneur, je crois que tu es le Christ,
le Fils de Dieu, qui vient dans le monde» (v.27). La communion avec le Christ, en cette vie, nous
prépare à franchir l’obstacle de la mort pour vivre éternellement en Lui. La foi en la résurrection des
morts et l’espérance en la vie éternelle ouvrent notre intelligence au sens ultime de notre existence:
Dieu a créé l’homme pour la résurrection et la vie; cette vérité confère une dimension authentique et
définitive à l’histoire humaine, à l’existence personnelle, à la vie sociale, à la culture, à la politique, à
l’économie. Privé de la lumière de la foi, l’univers entier périt, prisonnier d’un sépulcre sans avenir ni
espérance. (Lettre de carême Benoit XVI 2011)