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Bâtiment actualité
LE JOURNAL DES ARTISANS ET DES ENTREPRENEURS
5 FÉVRIER 2013 — N° 2
FÉDÉRATION FRANÇAISE DU BÂTIMENT
DOSSIER
colloque
CRIME-CONTREFAÇON
& BÂTIMENT 20
jeudi
®
décembre 2012
Didier Ridoret - Président de la FFB
Il était grand temps d’agir, et cela pour au moins deux raisons.
La première, c’est que, eu égard aux risques potentiels pour nos salariés et nos clients, la
profession ne pouvait s’offrir le luxe d’attendre que des sinistres graves et répétés se produisent
pour reconnaître la réalité du phénomène et l’affronter avec détermination.
La seconde est liée au développement récurrent des offres anormalement basses émanant
d’entreprises qui, en s’exonérant de leurs obligations légales, faussent gravement la concurrence.
Or si, profitant de l’arrivée sur le marché européen des matériaux et équipements contrefaisants
à bas prix, ces mêmes entreprises peuvent réduire aussi leurs coûts au niveau des fournitures,
alors c’est l’outil de production lui-même qui verrait son existence menacée de mort !
Pour la FFB, ce n’est pas acceptable et je me réjouis que l’ensemble de la filière – industriels,
fabricants, négociants, prescripteurs, organismes de contrôle, de qualification, de prévention et
de formation, assureurs – soit présent aujourd’hui à nos côtés !
Pierre Delval - Criminologue, directeur général de la Fondation Waito,
coordinateur de l’Observatoire FFB contre les trafics illicites de matériaux
et équipements non conformes et/ou dangereux (Octime)
Les flux illicites de matériaux et équipements de la construction obéissent eux aussi aux
lois cardinales de l’offre et de la demande, aux principes de concurrence, de rentabilité,
de course à l’innovation, de gains de parts de marché et de réduction des coûts de production.
Le tout dans le seul but de dégager des bénéfices rapides, au total mépris du respect élémentaire
des normes de sécurité et de la protection sanitaire. […] La notion de Crime-contrefaçon ® permet
d’élargir le champ du simple droit de la propriété intellectuelle au champ pénal : mise en danger
de la vie d’autrui, violation délibérée d’une obligation de prudence ou de sécurité, tromperie
délibérée, tromperie aggravée, etc.
Cet élargissement juridique donne ainsi les vrais moyens, à la fois préventifs, dissuasifs et répressifs,
pour lutter efficacement contre les atteintes au commerce loyal et prémunir les entrepreneurs
en matière de responsabilité civile et pénale.

« Comment croire
qu’une copie mise
sur le marché à
moitié prix puisse
présenter les
mêmes exigences
de qualité, de
respect des normes
et de sécurité
que l’original ?
Un produit
contrefait est
donc forcément
non conforme
et potentiellement
dangereux. »
2
colloque
CRIME-CONTREFAÇON
®
  ° 2 – 5  2013
& BÂTIMENT
1° TABLE RONDE
2° TABLE RONDE
Mobiliser tous les acteurs
Mondialiser la
François Sarton
Fédération des industries
électriques, électroniques et de
communication (FIEEC)/IGNES
Pierre Delval
Octime
François Asselin
« Nous autres, industriels, n’avons
pas peur de communiquer sur la
contrefaçon. Pourquoi chercher à
cacher ce que tout le monde sait ?
L’union fait la force : face à cette
problématique, nous ne sommes
plus concurrents ! Et les résultats
sont là : pour ne parler que de
Legrand, 400 000 disjoncteurs,
2 000 000 d’interrupteurs et de
prises ont été saisis et détruits
depuis 2006. Sur les trois dernières
années, nous avons fait fermer plus
de 1 000 pages Internet proposant à
la vente des produits contrefaits. »
Président de la commission
marchés de la FFB
« Ce matin, nous avons réuni les
représentants de la filière qui
s’étaient déclarés ouverts à la définition d’une stratégie de riposte
collective, au travers de ce que
l’on pourrait appeler un “front du
refus” de la contrefaçon. Sachant
que c’est une philosophie, pour les
gens du bâtiment, de ne pas tout
attendre du pouvoir réglementaire
ou des services de l’État, mais de
nous retrousser les manches, nous
nous sommes mis d’accord sur
huit pistes d’action. »
(voir page 4)
Bertrand Lotte
Directeur des règlements
du Groupe SMABTP
« En matière de sinistralité, l’impact avéré de produits contrefaits
non conformes est extrêmement
rare, les experts étant aujourd’hui
peu sensibilisés à ce phénomène.
L’élaboration à leur intention
d’une fiche d’aide à la détection
de la contrefaçon serait donc très
souhaitable. Parallèlement, il
conviendrait d’inciter les entreprises à fidéliser leurs fournisseurs, mais aussi d’améliorer sans
relâche la traçabilité des produits
de bâtiment. » Anne von Zukowski
Policy officer - DG Enterprise
& Industry - Commission
européenne
« L’Union européenne s’est focalisée depuis cinq ans sur la protection de la propriété intellectuelle,
apportant gratuitement aux fabricants informations et conseils.
[…] Jusqu’ici, les matériaux et
équipements du BTP ne faisaient
pas l’objet d’une surveillance particulière. La DG Market est donc
très preneuse d’informations qui
permettraient de mettre en place
une base de données statistiques
concernant votre secteur. »
Jean-Claude Karpelès
Vice-président de la commission
économique & financière
à la CCI de Paris
« La qualité est un concept global qui
doit mettre en valeur l’ensemble de
la chaîne, du producteur constructeur au distributeur. Pour sortir de la
spirale d’appauvrissement collectif
dans laquelle nous entraîne la loi
du prix le plus bas, la seule solution
est une alliance objective basée
sur la notion de qualité globale,
définie conjointement entre tous
les acteurs du marché. Elle inclut
les assureurs, dont le rôle sera
essentiel concernant, d’une part, le
contrôle réel des engagements pris
et, d’autre part, la responsabilité
vis-à-vis des tiers. »
Christophe Zimmermann
Responsable de la lutte contre
les contrefaçons de l’Organisation
mondiale des douanes (OMD)
« Votre profession doit savoir
qu’aucun produit, même le plus
sophistiqué, ne résiste aux contrefacteurs : on va jusqu’à trouver sur
le marché de faux chars d’assaut
ou de faux avions de chasse fabriqués dans de fausses usines et
vendus avec de fausses factures.
[…] Si, pour des raisons politiques
ou financières, les contrefacteurs
veulent faire tomber un pan de
notre économie, ils le feront sans
états d’âme ! »
colloque
CRIME-CONTREFAÇON
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3
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3° TABLE RONDE
a riposte
Frapper les réseaux criminels
Colonel Bruno Manin
Chef de l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement
et à la santé publique (OCLAESP)
« Notre travail repose en amont sur une analyse croisée : c’est à partir
des menaces identifiées par les professions que nous sommes en capacité de réaliser pour elles une analyse des risques. À cet égard, le chef
d’entreprise du BTP ne doit pas sous-estimer les menaces auxquelles
l’expose l’utilisation d’un produit ou d’un équipement non conforme :
en cas d’accident, il lui faudra prouver qu’il a bien tout mis en œuvre
pour limiter l’utilisation de tels produits. » Voir Bâtiment actualité
n° 20 du 20 novembre 2012, p. 6-7, Matériaux et équipements non conformes
et/ou dangereux : risques et précautions à prendre.
Marco Musumeci
Programme Coordinator du
United Nations Interregional
Crime and Research Institute
(UNICRI)
Jean-Luc Strohmann
Responsable de la cellule cyberdouane à la Direction nationale
du renseignement et des enquêtes douanières
« L’absence d’une législation vraiment dissuasive explique que 80 %
du champ du programme que
je pilote porte sur les liens entre
crime organisé et contrefaçon.
[…] La démarche de la FFB, avec la
mise en place de son observatoire,
va clairement dans le bon sens :
celui d’une véritable stratégie de
riposte associant le secteur privé
et le secteur public. »
« L’explosion du e-commerce depuis 2005 (+ 42 %) a entraîné l’apparition de nouveaux fraudeurs, montrant que la structure de vente de la
contrefaçon s’adapte aux évolutions du marché. […] Aujourd’hui, le
bâtiment est dans l’œil du cyclone : nous avons bien reçu le message
de la FFB et sommes prêts à travailler avec elle. »
Me Nathalie Rufin
Cabinet Bird & Bird
« Des textes répressifs existent, mais ils sont trop rarement mis en
œuvre. Quand ils le sont, cela se solde par des non-lieux, des peines
faibles et toujours avec sursis ou des amendes dérisoires. Un vrai travail
de pédagogie auprès des magistrats s’impose. […] Pour les entreprises
du bâtiment, la prudence renforcée est devenue aujourd’hui une
véritable obligation. »
Pierre Delval
Octime
« On oublie que 70 % des contrefaçons fabriquées en République
populaire de Chine sont consommées par les Chinois. Récemment,
les autorités ont décidé de s’attaquer en priorité aux contrefaçons
entraînant des risques en matière
de sécurité et de santé publique
pour la population en ciblant trois
secteurs : l’agro-alimentaire, les
médicaments et les matériaux de
construction. »
CONCLUSIONS DU COLLOQUE
François Asselin, Vice-président de la FFB
Huit points forts méritent à mes yeux d’être soulignés :
–
–
–
–
–
Colloque organisé
sous le parrainage
d’Arnaud Montebourg,
ministre du
Redressement productif
–
–
–
l’assurance peut faire mieux et elle va s’y employer ;
l’exemple de l’industrie électrique montre qu’en faisant preuve de lucidité et en jouant collectif,
on peut agir avec succès ;
le réseau des CCI est prêt à relayer notre combat, sachons l’utiliser ;
la mondialisation de la riposte est d’ores et déjà une réalité, et elle commence à porter ses fruits ;
l’implication des réseaux criminels n’est pas un fantasme, et le bâtiment constitue une cible
de choix, par l’ampleur de ses marchés et la diversité de ses produits ;
Internet est bien un canal privilégié pour la diffusion de produits non conformes dangereux,
mais il existe des moyens de s’en protéger ;
les atteintes à la santé et à la sécurité font l’objet d’une vigilance particulière des services de
l’État, et c’est une excellente nouvelle pour nos salariés et pour nos clients ;
enfin, la voie pénale doit être davantage et mieux utilisée !
Les jalons d’une action cohérente ont été posés, tandis que les moyens pour endiguer les menaces
sur la profession ont été identifiés. Comment douter que, tous ensemble, nous allons obtenir
des résultats ?
« Nous constatons
de plus en plus de cas
de falsification de
documents techniques.
Un bon moyen de
les combattre serait
de rendre accessibles
en ligne tous les éléments
de contrôle amont. »
Anne Voeltzel-Leveque
Centre scientifique et
technique du bâtiment
(CSTB)
« Les distributeurs
français sont globalement
conscients de leurs
responsabilités de
“metteurs sur le marché”.
Les problèmes viennent
essentiellement de la
vente par correspondance
(VPC) et de la vente
sur Internet. »
Philippe Gruat
Fédération du négoce de
bois et des matériaux de
construction (FNBM)
« Nous déplorons
la naïveté de la politique
européenne qui, au motif
de la libre circulation
des produits, a laissé,
dans le domaine de
la construction, l’Europe
devenir une passoire
sans contrôle, renvoyant
à la subsidiarité
des États membres.
L’industrie a besoin
de fair competition/
“concurrence loyale”
basée sur la réciprocité
et le contrôle aux
frontières de l’Europe. »
Patrick Ponthier
Association des industries
de produits de construction
(AIMCC)
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colloque
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& BÂTIMENT
Tous les acteurs de la filière réunis à la FFB pour organiser la riposte !
En prélude au colloque « Crime-contrefaçon ® & bâtiment », un atelier a réuni, le matin, l’ensemble
des acteurs de la filière : AIMCC, AQC, CSTB, FNBM, FIEC, FIEEC, Qualibat / Qualifelec, OGBTP, OPPBTP,
SMABTP / FFSA / Socabat, Constructys, Unibal, Untec et UNSFA.
Animés par François Asselin, président de la commission marchés de la FFB, les échanges ont
permis d’identifier un ensemble cohérent de pistes d’action :
–
élaborer un cadre de bonnes pratiques entre fournisseurs (industriels, fabricants, négociants)
et acheteurs (entrepreneurs et artisans) ;
–
inviter les organismes de prévention, de contrôle technique, de qualification/certification mais
aussi de formation à relayer le message auprès des entreprises pour qu’elles soient attentives
à la conformité technique et d’origine des fournitures ;
–
définir un ensemble d’exigences de la filière vis-à-vis des organisateurs de salons professionnels
et de leurs exposants pour les inviter à une plus grande vigilance ;
–
élaborer une liste de matériaux et d’équipements ayant fait l’objet de contrefaçons dangereuses
de façon avérée afin de mieux orienter les investigations des services de l’État (DGCC-RF,
douanes, gendarmerie et police nationales) ;
–
ouvrir l’observatoire mis en place par la FFB à de nouveaux partenaires afin d’installer celui-ci
dans la durée ;
–
donner plus de visibilité au marquage CE et, surtout, améliorer son efficience ;
–
capitaliser, à l’occasion d’échanges réguliers au sein de la filière, les bonnes pratiques, les initiatives et les démarches positives afin de les mutualiser dans le cadre d’un forum d’échanges
et de partage sur Internet ;
–
créer une chaire de recherche dédiée aux matériaux et équipements non conformes dangereux,
au sein d’un centre technique de la profession.
ET MAINTENANT ?
C’est à l’Observatoire contre les trafics illicites de matériaux et d’équipements du bâtiment
(Octime) qu’il reviendra de concrétiser, début 2013, la stratégie de riposte ainsi définie par la
filière et de fixer un calendrier d’action.
Ce n’est qu’un début, le combat continue !
CONTREFAÇON
non merci !
© Harald Gottschalk - T. Michel/Fotolia • Imprimé sur papier certifié PEFC avec des encres végétales
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